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08/01/2016 | BELGIQUE | N°C.14.0319.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 janvier 2016, C.14.0319.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0319.F

J. S.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

O. C.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassat

ion est dirige contre les arrets rendus les 16 mai2013 et 9 janvier 2014 par la cour d'appel de Liege.

Le president ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0319.F

J. S.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

O. C.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 16 mai2013 et 9 janvier 2014 par la cour d'appel de Liege.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- principe general du droit relatif à l'autorite de la chose jugee enmatiere repressive ;

- article 187 du Code d'instruction criminelle.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque du 16 mai 2013 decide que :

« Si [...], aux termes de l'arret du 29 mars 2010, la 18e chambre de lacour d'appel a precise que [la defenderesse] n'etait pas proprietaire dessommes litigieuses, constatant par ailleurs l'impossibilite d'en ordonnerla confiscation dans le cadre de la procedure d'opposition, il y a lieude relever que, ce faisant, elle n'a pas tranche la question del'attribution eventuelle à [la defenderesse] des sommes dont question àdefaut d'avoir pu en prononcer prealablement la confiscation. Elle n'a pasdavantage ordonne la restitution des sommes [au demandeur].

Bien qu'elle ne puisse invoquer une qualite de proprietaire, [la defenderesse] est toutefois fondee à s'y opposer et à porter devant lejuge civil la question de l'attribution à son profit de ces sommes, autitre de mesure reparatrice de caractere civil qui a pour objet deretablir l'etat des choses anterieur à l'infraction declaree etablie, aumotif que ces sommes constituent des biens substitues aux chosesappartenant à la partie civile ou qu'elles constituent l'equivalent detelles choses, alors que [le demandeur] ne peut justifier pouvoir ypretendre legitimement.

La 18e chambre de la cour d'appel releve à cet egard, dans son premierarret du 5 octobre 2009, qu'elle a dejà tranche la question de l'originedes fonds litigieux - motifs auxquels elle se refere dans l'arretsubsequent du 29 mars 2010 - des lors qu'elle precise que `les titresdetournes ne constituent pas l'objet de l'infraction d'abus de confiancecommise par [S. S.] [...]. Une partie du produit de la vente des titreslitigieux par [S. S.] a ete saisie jusqu'à concurrence de 114.853,57euros et bloquee sur le compte 083-4028563-59 ouvert au nom [dudemandeur]. Cette somme constitue un avantage patrimonial que [S. S.] atire directement de l'infraction ou des valeurs qui y ont ete substitueesau sens de l'article 42, 3DEG, du Code penal. Elle se trouve dans le patrimoine du fils majeur [de S. S.]. La confiscation speciale de la sommene peut etre ordonnee à defaut de requisition du ministere public tanten premiere instance qu'en appel'.

Ces dispositions n'ont pas ete mises à neant du fait de la recevabilitede l'opposition formee par S. S. le 29 octobre 2009, laquelle à pourseul objet les dispositifs de la decision rendue par defaut qui sontdefavorables à l'opposant, lequel est definitivement acquitte despreventions A1, B2, E5 et F6 (...). La mesure de confiscation solliciteepar la partie civile est une peine accessoire qui a ete ecartee par lacour d'appel dans l'arret entrepris. Elle echappe à la saisine de la cour [d'appel], l'opposition ne pouvant profiter qu'à la partiedefaillante qui l'a formee' (arret du 29 mars 2010, pp. 5 et 8).

A cet egard, le premier juge a adequatement releve que `meme s'il n'y a finalement pas eu de confiscation, il convient de considerer que la courd'appel a certainement et necessairement juge de cela et qu'il y a doncautorite de chose jugee du penal sur le civil'.

Cette autorite de chose jugee n'est toutefois pas absolue à l'egard [du

demandeur].

(...)

C'est des lors par de pertinents motifs, que la cour d'appel s'approprie,que le premier juge a constate que `[le demandeur] n'ayant pas ete partieau proces penal - il n'a ete poursuivi du chef d'aucune prevention et n'apas ete appele à la cause - cette autorite de chose jugee n'est querelative à son egard et ne lui est opposable que jusqu'à preuve ducontraire, soit à charge pour lui de rapporter la preuve que le jugecivil ne peut se rallier à ce qui a ete decide par le juge penal' (...).

En l'espece, [le demandeur] s'evertue en vain à tenter de rapporter lapreuve contraire de l'origine pretendument licite des fonds transferes etbloques sur le compte nDEG 083-4028563-59 ouvert à son nom par Dexia ».

Griefs

Par arret du 5 octobre 2009, la cour d'appel de Liege, statuant surl'action publique par defaut à l'egard de S. S., avait decide que :

« Une partie du produit de la vente des titres litigieux par [S. S.] aete saisie jusqu'à concurrence de 114.953,57 euros et bloquee sur lecompte 083-4028563-59 ouvert [au nom du demandeur].

Cette somme constitue un avantage patrimonial que [S. S.] a tiredirectement de l'infraction ou des valeurs qui y ont ete substituees ausens de l'article 42, 3DEG, du Code penal. Elle se trouve dans lepatrimoine du fils majeur [de S. S.].

La confiscation speciale de la somme ne peut etre ordonnee à defaut de requisition ecrite du ministere public tant en premiere instance qu'enappel (article 43bis du Code penal) ».

Par l'arret du 29 mars 2010, la cour d'appel avait rec,u l'opposition deS. S. et decide que « la mesure de confiscation sollicitee par [ladefenderesse] est une peine accessoire qui a ete ecartee par la courd'appel dans l'arret entrepris. Elle echappe à la saisine de la cour [d'appel], l'opposition ne pouvant profiter qu'à la partie defaillantequi l'a formee ».

Premiere branche

L'application du principe de l'autorite de la chose jugee au penalnecessite l'existence d'une decision definitive du juge penal surl'action publique. Le juge civil est uniquement lie par ce qui a etecertainement et necessairement decide sur l'action publique par lajuridiction repressive. Le juge civil est lie par le dispositif penalainsi que par les motifs qui en forment le fondement necessaire. Enl'espece, la seule decision definitive prise sur l'action publique par lacour d'appel quant au sort des sommes saisies dans son arret rendu pardefaut le 5 octobre 2009 est que « la confiscation speciale de la sommene peut etre ordonnee à defaut de requisition ecrite du ministere publictant en premiere instance qu'en appel ». La decision que « [la] somme[bloquee sur le compte 083-4028563-59 ouvert au nom du demandeur]constitue un avantage patrimonial que le prevenu a tire directement del'infraction ou des valeurs qui y ont ete substituees au sens de l'article42, 3DEG, du Code penal. Elle se trouve dans le patrimoine du fils majeur[de S. S.] » n'est pas une decision definitive du juge penal surl'action publique. Ce motif ne constitue pas meme le soutien necessairedu dispositif aux termes duquel « la confiscation speciale de la somme nepeut etre ordonnee ».

En decidant que cette consideration de l'arret rendu par defaut surl'action publique le 5 octobre 2009 est revetue d'une autorite de chosejugee relative emportant l'obligation pour le demandeur d'en apporter lapreuve contraire, l'arret attaque du 16 mai 2013 meconnait le principegeneral du droit relatif à l'autorite de la chose jugee en matiererepressive.

Seconde branche

L'arret attaque du 16 mai 2013 decide que les considerations par lesquelles la cour d'appel, statuant au penal et par defaut, a decide que« cette somme constitue un avantage patrimonial que le prevenu a tiredirectement de l'infraction ou des valeurs qui y ont ete substituees ausens de l'article 42, 3DEG, du Code penal » « n'ont pas ete mises àneant du fait de la recevabilite de l'opposition formee par S. S. le 29octobre 2009, laquelle à pour seul objet les dispositifs de la decisionrendue par defaut qui sont defavorables à l'opposant, lequel est definitivement acquitte des preventions A1, B2, E5 et F6 (...). La mesurede confiscation sollicitee par la partie civile est une peine accessoirequi a ete ecartee par la cour d'appel dans l'arret entrepris. Elle echappeà la saisine de la cour [d'appel], l'opposition ne pouvant profiterqu'à la partie defaillante qui l'a formee' ».

Par l'arret attaque du 16 mai 2013, la cour d'appel a donc decide que ledemandeur doit apporter la preuve contraire de l'affirmation qui figuredans l'arret penal rendu par defaut au motif que l'arret rendu ensuitesur opposition n'a pas remis cette affirmation en cause des lors que lacour d'appel n'etait pas saisie de la question par l'opposition de S. S.

En vertu de l'article 187 du Code d'instruction criminelle, lorsqu'elleest rec,ue, l'opposition du prevenu à la decision de condamnation pardefaut rend celle-ci non avenue et oblige le juge à statuer à nouveau,dans les limites du recours, sur ce qui fait l'objet de la premiere decision. L'opposition d'une partie defaillante ne vise pas lesdispositifs favorables à l'opposant. Il n'y a chose jugee que pour lesdispositifs qui ne font pas l'objet de l'opposition. Sous cette reserve, l'opposition soumet la cause à la meme juridiction et invite celle-ci àstatuer à nouveau sur l'action publique ou sur l'action civile tellequ'elle etait soumise au juge dans la procedure par defaut.

L'opposition non limitee du prevenu est dirigee contre tous les aspects dela decision rendue par defaut qui lui font grief. L'opposition formee parS. S. contre l'arret rendu par defaut le 5 octobre 2009 etait des lorsdirigee contre la consideration aux termes de laquelle « cette sommeconstitue un avantage patrimonial que [S. S.] a tire directement del'infraction ou des valeurs qui y ont ete substituees au sens de l'article42, 3DEG, du Code penal ». Il s'en deduit qu'en recevant l'opposition deS. S. par l'arret du 29 mars 2010, la cour d'appel statuant sur l'actionpublique a mis à neant l'arret rendu par defaut le 5 octobre 2009 en ce qu'il enonc,ait cette consideration qui faisait grief à l'opposant.

L'arret attaque du 16 mai 2013 viole, des lors, l'article 187 du Code d'instruction criminelle en decidant que « ces dispositions n'ont pas etemises à neant du fait de la recevabilite de l'opposition formee par S.S. le 29 octobre 2009 » et que « le premier juge a adequatementreleve que `meme s'il n'y a finalement pas eu de confiscation, il convientde considerer que la cour d'appel a certainement et necessairement jugede cela et qu'il y a donc autorite de chose jugee au penal sur lecivil' ».

La cour d'appel statuant par defaut sur l'action publique n'a en effet pujuger « necessairement » de cela des lors que cette consideration nevient à l'appui d'aucun dispositif (la cour d'appel decidant que laconfiscation ne peut etre prononcee à defaut de requisition du ministere public).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

Aux termes de l'article 42, 3DEG, du Code penal, la confiscation speciales'applique aux avantages patrimoniaux tires directement de l'infraction,aux biens et valeurs qui leur ont ete substitues et aux revenus de cesavantages investis.

L'article 43bis, alinea 1er, du meme code dispose que la confiscationspeciale s'appliquant aux choses visees à l'article 42, 3DEG, pourratoujours etre prononcee par le juge, mais uniquement dans la mesure ouelle est requise par ecrit par le procureur du Roi.

Il s'ensuit que la decision de ne pas prononcer la confiscation specialeà defaut de requisition ecrite du procureur du Roi n'est justifiee que siles choses auxquelles elle pourrait s'appliquer sont de celles que visel'article 42, 3DEG, precite, de sorte que la consideration que tel est lecas constitue le soutien necessaire de cette decision.

L'arret attaque du 16 mai 2013 constate que, par arret du 5 octobre 2009,la cour d'appel de Liege, chambre correctionnelle, a decide que la sommelitigieuse « constitue un avantage patrimonial que le prevenu a tiredirectement de l'infraction ou des valeurs qui y ont ete substituees ausens de l'article 42, 3DEG, du Code penal ; [qu'] elle se retrouve dans lepatrimoine du [demandeur], fils majeur du prevenu, [et que] laconfiscation speciale [...] ne peut [en] etre ordonnee à defaut derequisition du ministere public tant en premiere instance qu'en appel ».

En reconnaissant au motif de cet arret sur l'origine de la sommelitigieuse une autorite relative de la chose jugee à l'egard dudemandeur, l'arret attaque du 16 mai 2013 fait une exacte application duprincipe general du droit vise au moyen, en cette branche.

Quant à la seconde branche :

L'arret attaque du 16 mai 2013 constate que, par arret du 29 mars 2010, lacour d'appel, chambre correctionnelle, a rec,u l'opposition dirigee par lepere du demandeur contre l'arret de cette chambre du 5 octobre 2009 mais adecide n'etre pas saisie d'un recours contre les dispositions de cet arretrefusant de prononcer la confiscation speciale de la somme litigieuse deslors que l'opposition du prevenu « a pour seul objet les dispositifs dela decision rendue par defaut qui sont defavorables à l'opposant ».

Contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, l'arretattaque ne decide pas que les dispositions de l'arret du 5 octobre 2009relatives à l'origine de la somme litigieuse n'ont pas ete mises à neantpar l'opposition declaree recevable du pere du demandeur dirigee contrecet arret pour des motifs deduits de l'article 187 du Code d'instructioncriminelle mais en raison de l'etendue que l'arret du 29 mars 2010reconnait à la saisine de la cour d'appel en raison des limites de cerecours.

Pour le surplus, le moyen, en cette branche, est deduit de l'affirmation,vainement soutenue à la premiere branche du moyen, que les considerationsde l'arret du 5 octobre 2009 relatives à l'origine de la somme litigieusene sont pas le soutien necessaire de sa decision de refuser d'en prononcerla confiscation.

Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut etre accueilli.

Et aucun moyen distinct n'est dirige contre l'arret attaque du 9 janvier2014.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de huit cent cinq euros huit centimes enversla partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillers MireilleDelange et Michel Lemal, et prononce en audience publique du huit janvierdeux mille seize par le president de section Christian Storck, en presencede l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance du greffierPatricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

8 JANVIER 2016 C.14.0319.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.14.0319.F
Date de la décision : 08/01/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-01-08;c.14.0319.f ?
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