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22/04/2016 | BELGIQUE | N°F.15.0046.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 avril 2016, F.15.0046.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.15.0046.F

Swiss Hotels Leasing Company, societe anonyme dont le siege social estetabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 90,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il est faitelection de domicile,

contre

Etat belge, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Mai

tre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athe...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.15.0046.F

Swiss Hotels Leasing Company, societe anonyme dont le siege social estetabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 90,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il est faitelection de domicile,

contre

Etat belge, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 14 octobre 2014par la cour d'appel de Bruxelles.

Le president de section Martine Regout a fait rapport.

Le premier avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente cinq moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Apres avoir dit que « la preuve obtenue illegalement ne peut conduire àl'annulation de la taxe sur la valeur ajoutee que s'il est etabli que lesfaits generateurs de la taxe ne reposent pas sur des moyens de preuvelegaux, autres que ceux obtenus illegalement », l'arret considere que« la question litigieuse de la deduction de la taxe sur la valeur ajouteeen infraction aux dispositions legales ou reglementaires est venue à laconnaissance [du defendeur] à la suite de la demande de regularisationspontanee de la [demanderesse], datee du 6 juin 2006, et desinvestigations menees par l'administration à la suite de cette demande deregularisation » ; que « le droit dont la societe CGI Immobilier etaittitulaire sur l'option d'achat avant la cession de celle-ci doit etrequalifie d'option sur l'option d'achat sur la base des operations decritespar le courrier que la societe Meridien Bruxelles Hotel adresse à lasociete CGI Immobilier » ; que « la concession d'une option sur l'optiond'achat au 1er janvier 2000 est valablement etablie par l'administrationfiscale » ; que « c'est des lors à bon droit que [le defendeur] a operela revision à due concurrence des taxes relatives à la construction dubatiment donne en leasing deduites par [la demanderesse], au motif que lecontrat de location-financement n'est plus soumis à la taxe sur la valeurajoutee depuis le 1er janvier 2000 » ; et qu'« aucun de ces elements nese fonde sur des documents couverts par le secret professionnel del'avocat, tels que le releve des devoirs accomplis par le cabinetd'avocats A. et les informations obtenues à la suite de la consultationdes avis juridiques d'avocats communiques lors du controle ».

L'arret considere que, « des lors que la [demanderesse] a, à bon droit,refuse de donner suite aux demandes de renseignements l'invitant àcommuniquer à l'administration de la taxe sur la valeur ajoutee les avisjuridiques de ses avocats, elle n'a pas subi de dommage en rapport avecces demandes [et qu']en consequence, la demande de condamnation [dudefendeur] à des dommages et interets du chef de ces demandes derenseignements est non fondee ».

Il releve d'autre part les elements repris dans le proces-verbal del'administration, etrangers aux demandes de renseignements, quietablissent l'existence de l'intention frauduleuse de la demanderessed'eluder la taxe et en deduit que c'est à bon droit qu'une amende fiscaleegale au double de la taxe litigieuse lui a ete appliquee.

Par ces considerations, l'arret repond, en les contredisant, auxconclusions de la demanderesse qui faisait valoir que les demandes derenseignements du defendeur avaient cree un climat suspicieux autour del'operation, avaient porte atteinte à la respectabilite de lademanderesse, avaient engendre un travail supplementaire pour mener àbien le controle et avaient incite le defendeur à operer laregularisation litigieuse, pour reclamer en consequence la condamnation dudefendeur à lui payer une indemnite de 2.500 euros par acte considerecomme illegal, à savoir trois demandes de renseignements et unenotification d'indices de fraude.

Le moyen manque en fait.

Sur le deuxieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Quant au premier rameau :

Aux termes de l'article 1349 du Code civil, les presomptions sont desconsequences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un faitinconnu.

Le juge du fond constate souverainement l'existence des faits sur lesquelsil se fonde et les consequences qu'il en deduit à titre de presomptionsde l'homme sont abandonnees à ses lumieres et à sa prudence. Il n'estpas requis que les presomptions qui sont deduites des faits constatesdecoulent necessairement de ces faits ; il suffit qu'elles puissent endecouler.

Apres avoir constate que « le projet de convention d'option sur optiond'achat (du 19 novembre 1990) n'est pas signe et [que] l'identite dubeneficiaire de cette option n'est pas indiquee », l'arret enonce que« toutefois, le prix prevu par ce projet de convention pour la cession del'option d'achat est de 1.000.000 francs belges, ce qui correspond au prixpaye par la societe CGI Immobilier à la societe Meridien Bruxelles Hotelpour la cession de l'option d'achat à la fin de l'annee 2004, soit24.789,00 euros ».

L'arret a pu deduire de la concordance entre le prix prevu dans le projetde convention de 1990 et le prix effectivement paye en 2004, sans violerla notion legale de presomption, qu'« il peut etre presume, sur la basede ce fait connu, que la convention d'option sur l'option d'achatintervenue entre la societe CGI Immobilier et la societe MeridienBruxelles Hotel contient les memes conditions que celles prevues dans leprojet de contrat d'option sur option du 18 novembre 1990 ».

Le moyen, en ce rameau, ne peut etre accueilli.

Quant au second rameau :

En decidant que, « des lors que suivant [le] projet [de convention du 18novembre 1990], l'option peut etre exercee au plus tot le 1er janvier2000, c'est à bon droit que cette date a ete retenue comme etant celle dela convention d'option sur l'option d'achat consentie à la societe CGIImmobilier », l'arret ne tire pas des consequences d'un fait connu à unfait inconnu et ne fonde donc pas sa decision sur une presomption del'homme.

Le moyen, en ce rameau, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

Il n'est pas contradictoire, pour justifier la decision de l'arret que ladate du 1er janvier 2000 est valablement retenue par l'administrationfiscale comme point de depart de la concession de l'option sur l'optiond'achat, de considerer, d'une part, que « suivant [le] projet [deconvention du 18 novembre 1990], l'option peut etre exercee au plus tot le1er janvier 2000 » et, d'autre part, que « cette date est corroboree parle redressement spontane de la taxe sur la valeur ajoutee deduite sur lesredevances de leasing par la societe Meridien Bruxelles Hotel », « laregularisation spontanee de la taxe sur la valeur ajoutee deduite sur lesredevances de leasing à partir du 1er janvier 1999 [permettant] depresumer qu'elle resulte de la decouverte de la perte de la possibilite,pour la societe Meridien Bruxelles Hotel, d'acquerir les droits reels dudonneur sur l'immeuble donne en location-financement à partir de cettedate ».

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le troisieme moyen :

En vertu de l'article 44, S: 3, 2DEG, b, du Code de la taxe sur la valeurajoutee, dans sa version applicable au litige, sont exemptees de la taxe,la location et la cession de bail de biens immeubles par nature àl'exception des locations-financements d'immeubles consenties par uneentreprise pratiquant la location-financement d'immeubles ou la locationqualifiee de leasing immobilier, lorsque cette entreprise construit, faitconstruire ou acquiert, avec application de la taxe, le batiment surlequel porte le contrat et que le preneur prend ce bien en location pourl'utiliser dans l'exercice d'une activite d'assujetti.

Conformement à l'article 1er, 3DEG, de l'arrete royal nDEG 30 du 29decembre 1992 relatif à l'application de la taxe sur la valeur ajoutee àla location-financement d'immeubles, dans la meme version, est un contratvise à l'article 44, S: 3, 2DEG, b, du Code, la location-financementd'immeubles qui satisfait notamment à la condition suivante : àl'expiration de ce contrat et moyennant un montant dont les criteres dedetermination sont fixes dans celui-ci, le preneur doit avoir la faculted'acquerir les droits reels du donneur afferents aux biens faisant l'objetdu contrat.

Le preneur, qui, par l'effet d'une option sur l'option d'achat, confere àun tiers le droit d'exercer l'option d'achat relative aux biens faisantl'objet d'un contrat de location-financement immobilier, perd la faculted'acquerir à son gre les droits reels du donneur afferents à ces biensà l'expiration de ce contrat de sorte qu'il ne satisfait plus à lacondition imposee par l'article 1er, 3DEG, de l'arrete royal nDEG 30precite.

Le moyen, qui soutient le contraire, manque en droit.

Sur le quatrieme moyen :

Dans ses conclusions de synthese, la demanderesse faisait valoir que ledelai de revision de la taxe sur la valeur ajoutee avait commence àcourir le 1er janvier 1994, et non le 1er janvier 1995 comme le defendeurle soutenait, à seule fin de demontrer que la cession de l'optiond'achat, qui etait intervenue fin 2004, l'avait ete apres l'expiration dudelai decennal de revision.

Des lors que la cour d'appel decidait que la societe CGI Immobilier etaittitulaire, des le 1er janvier 2000, d'un droit d'option sur l'optiond'achat qui avait pour consequence que le contrat de location-financementn'etait plus soumis à la taxe sur la valeur ajoutee depuis cette date,elle n'etait pas tenue de repondre au passage precite des conclusions quesa decision privait de pertinence.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le cinquieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Aux termes de l'article 70, S: 1er, alinea 1er, du Code de la taxe sur lavaleur ajoutee, pour toute infraction à l'obligation d'acquitter la taxe,il est encouru une amende egale à deux fois la taxe eludee ou payeetardivement.

Par son arret numero 157/2008 du 6 novembre 2008, la Courconstitutionnelle a dit pour droit que cette disposition viole lesarticles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, en ce qu'il ne permet pas au juge d'assortir d'un sursisl'amende prevue par elle. Elle souligne que, lorsque la loi du 29 juin1964 concernant la suspension, le sursis et la probation n'est pasapplicable, il appartient au legislateur de determiner en la matiere lesconditions auxquelles un sursis peut etre ordonne et de fixer lesconditions et la procedure de son retrait.

Par son arret numero 13/2013 du 20 juin 2013, la Cour constitutionnelle adit pour droit que l'article 70, S: 2, alinea 1er, du Code de la taxe surla valeur ajoutee viole les memes dispositions en ce qu'il ne permet pasau juge d'assortir d'un sursis l'amende prevue par cette disposition. Elleprecise toutefois que ce constat d'inconstitutionnalite partielle n'a paspour consequence que cette disposition ne pourrait plus, dans l'attented'une intervention legislative, etre appliquee par les juridictionslorsque celles-ci constatent que les infractions sont etablies, que lemontant de l'amende n'est pas disproportionne à la gravite del'infraction et qu'il n'y aurait pas lieu d'accorder un sursis meme sicette mesure avait ete prevue par la loi.

A supposer que le juge soit tenu, pour le meme motif, de constater, danssa decision qui fait application de l'article 70, S: 1er, alinea 1er,qu'il n'y aurait pas eu lieu d'accorder le sursis meme si cette mesureavait ete prevue par la loi, c'est à la condition qu'il ait ete saisid'une demande de sursis.

Il ne ressort pas des pieces de la procedure que la demanderesse aitdemande le benefice du sursis.

L'arret, qui rejette l'appel de la demanderesse et confirme sacondamnation à une amende egale au double de la taxe litigieuse, sansconstater qu'il n'y aurait pas eu lieu d'accorder le sursis meme si cettemesure avait ete prevue par la loi, ne viole pas les dispositions legalesvisees au moyen.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

L'application par l'arret de l'article 70, S: 1er, alinea 1er, du Code dela taxe sur la valeur ajoutee, vainement critiquee par la premiere branchedu moyen, constitue un fondement distinct et suffisant de la condamnationde la demanderesse à une amende egale au double de la taxe litigieuse.

Le moyen, qui, en cette branche, critique l'application de l'article 70,S: 1erbis, est des lors irrecevable à defaut d'interet.

Et il n'y a pas lieu de poser à la Cour constitutionnelle la questionprejudicielle formulee par la demanderesse.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de deux cent sept euros cinquante-quatrecentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Martine Regout, les conseillers DidierBatsele, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononceen audience publique du vingt-deux avril deux mille seize par le presidentde section Martine Regout, en presence du premier avocat general AndreHenkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| M. Lemal | D. Batsele | M. Regout |
+-----------------------------------------------+

Requete

Requete : version electronique non disponible.

22 AVRIL 2016 F.15.0046.F/9

Requete/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.15.0046.F
Date de la décision : 22/04/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-04-22;f.15.0046.f ?
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