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22/06/2016 | BELGIQUE | N°P.15.0001.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 juin 2016, P.15.0001.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.15.0001.F

M. N., M., R., prevenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Victor Hissel, avocat au barreau de Liege,

contre

1. SOCIETE DE TRANSPORT EN COMMUN DE LIEGE-VERVIERS, dont le siege estetabli à Liege (Grivegnee), rue du Bassin, 119,

2. S. J.,

3. R. S.,

4. U. C.,

parties civiles,

defendeurs en cassation.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 27 novembre 2014 par lacour d'appel de Liege, chambre co

rrectionnelle.

Le demandeur invoque cinq moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.

Le conseiller...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.15.0001.F

M. N., M., R., prevenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Victor Hissel, avocat au barreau de Liege,

contre

1. SOCIETE DE TRANSPORT EN COMMUN DE LIEGE-VERVIERS, dont le siege estetabli à Liege (Grivegnee), rue du Bassin, 119,

2. S. J.,

3. R. S.,

4. U. C.,

parties civiles,

defendeurs en cassation.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 27 novembre 2014 par lacour d'appel de Liege, chambre correctionnelle.

Le demandeur invoque cinq moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.

Le conseiller Pierre Cornelis a fait rapport.

L'avocat general Damien Vandermeersch a conclu.

II. la decision de la cour

A. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action publique :

Sur le premier moyen :

Pris de la violation de l'article 442bis, alinea 2, du Code penal et duprincipe general du droit relatif au respect des droits de la defense, lemoyen soutient que, contrairement à ce qu'affirme l'arret, lesdeclarations des defendeurs à la police reprochant au demandeur des faitsde harcelement ne constituaient pas des plaintes au sens de la dispositionprecitee, des lors qu'elles ne contenaient aucune demande explicite depoursuites penales.

Dans la mesure ou il n'indique pas de quelle maniere l'arret violerait lesdroits de la defense, le moyen est irrecevable à defaut de precision.

Dans sa version applicable à la cause, l'article 442bis, alinea 2,precite, dispose que le delit de harcelement ne pourra etre poursuivi quesur la plainte de la personne qui se pretend harcelee.

Sans etre soumise à aucune condition de forme, la plainte de la personnequi se pretend harcelee consiste en la denonciation par celle-ci àl'autorite, en faisant savoir qu'elle souhaite que l'auteur soitpenalement poursuivi.

En tant qu'il revient à soutenir que la personne qui s'adresse àl'autorite en declarant porter plainte du chef de harcelement devrait enoutre demander explicitement l'exercice de poursuites penales, le moyenmanque en droit.

Le juge constate souverainement l'existence de la plainte, le controle dela Cour se limitant à verifier s'il ne deduit pas des faits qu'il aconstates des consequences qui leur sont etrangeres ou qu'ils ne peuventjustifier.

En ce qui concerne les faits vises sous la prevention A.1, l'arret enonceque, le 18 septembre 2007, le defendeur J.S. a declare deposer plaintepour le harcelement dont il etait victime de la part du demandeur et qu'ila rec,u du verbalisant une attestation indiquant que cette plainte,exprimant son souci de voir reparer le dommage qu'il estimait avoir subi,serait transmise au procureur du Roi.

En ce qui concerne les faits vises sous la prevention A.2, l'arretconstate que le defendeur S. R. a depose trois plaintes successives à lapolice et qu'il a rec,u, lors des deux premieres, une attestationsemblable à celle remise à J.S., indiquant que cette plainte, exprimantson souci de voir reparer le dommage qu'il estimait avoir subi, seraittransmise au procureur du Roi. Selon les juges d'appel, dans une troisiemedeclaration, il a exprime le souhait que le demandeur soit mis en demeured'arreter ses agissements pour eviter qu'il ne se constitue partie civilecontre lui.

En ce qui concerne les faits vises sous la prevention A.3, l'arretconstate que, le 29 octobre 2008, le defendeur C. U. a declare deposerplainte contre le demandeur etant donne « que ce n'est pas la premierefois qu'[il] agit de la sorte avec les chauffeurs du TEC, dont moi-meme.»

Par ces considerations, les juges d'appel ont pu legalement decider queles declarations des defendeurs constituaient des plaintes au sens del'article 442bis du Code penal.

A cet egard, le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

Le demandeur soutient d'abord que, pour l'ensemble des faits qui lui sontreproches, les juges d'appel n'ont pas verifie l'element moral duharcelement, à savoir le caractere intentionnel du comportement et laconscience du caractere profondement perturbateur de celui-ci.

Le delit de harcelement consiste pour son auteur à avoirintentionnellement adopte un comportement susceptible de porter gravementatteinte à la tranquillite de la personne visee. Pour cela, il faut quele derangement occasionne à celui qui s'en plaint puisse passerobjectivement pour profondement perturbateur parce que denue de toutejustification raisonnable.

Par adoption des motifs du premier juge et par motifs propres, l'arretconsidere que le demandeur a provoque d'innombrables incidents, notammenten prenant à partie les trois plaignants en les narguant, en lesinsultant et en leur adressant des signes grossiers, mais aussi, suivantles temoins, en adoptant un comportement agressif à leur egard. La courd'appel a par ailleurs releve que le demandeur savait ou devait savoirqu'il affectait, par son comportement, la tranquillite des victimespuisqu'il avait ete invite à cesser de les importuner et d'eviter lesautobus qu'elles conduisaient, que des controleurs avaient tented'intervenir et qu'il avait ete convoque par la direction de la societedefenderesse, autant de demarches qui devaient lui permettre de prendre lamesure de l'atteinte causee aux victimes.

Par ces considerations, l'arret justifie legalement sa decision relativeà l'element moral du delit de harcelement.

Le moyen soutient ensuite que le demandeur ne pouvait etre declarecoupable de la prevention A.3, celle-ci ne visant qu'un seul fait alorsque le harcelement suppose des agissements incessants ou repetitifs.

Comme telle, la circonstance que les faits retenus par le juge serapportent à une date determinee n'exclut pas leur caractere incessant ourepetitif.

La prevention reprise au libelle de la prevention A.3 concerne des faitscommis à diverses reprises et, notamment, le 29 octobre 2008.

L'arret considere que, meme si elle ne vise qu'un fait survenu le 29octobre 2008, la citation se refere à d'autres faits qui permettent decaracteriser celui-ci comme etant du harcelement. Il releve que ledefendeur a signale dans sa plainte que le fait n'etait pas isole enindiquant qu'à plusieurs reprises, il avait eu des differends avec ledemandeur sans faire aucun rapport ou plainte.

Par ces considerations, les juges d'appel n'ont pas viole l'article442bis, alinea 2, du Code penal.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le troisieme moyen :

Le moyen soutient qu'en condamnant le demandeur du chef de coups oublessures volontaires à sa mere, alors qu'il soutenait avoir agiinvolontairement, les juges d'appel ont viole leur obligation de repondreà ses conclusions en omettant de l'inviter à se defendre du chef de laprevention autrement qualifiee.

En exposant les motifs pour lesquels il declare la prevention etablie dansles termes de la citation, l'arret repond aux conclusions qui contestaientle caractere volontaire des faits. Ecartant ainsi la qualificationproposee par le demandeur, la cour d'appel ne devait pas l'inviter à sedefendre sur cette qualification.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le quatrieme moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 21ter du titre preliminairedu Code de procedure penale, 6 de la Convention de sauvegarde des droitsde l'homme et des libertes fondamentales, 14.3 du Pacte internationalrelatif aux droits civils et politiques, et 149 de la Constitution.

Quant à la premiere branche :

Le moyen reproche à l'arret de rejeter la defense du demandeur relativeau depassement du delai raisonnable, au motif que l'instruction de lacause avait ete retardee en raison du changement de conseil, à plusieursreprises, à la veille des audiences, de maniere à empecher lederoulement normal de la procedure. Il soutient que les juges d'appeln'ont pas tenu compte d'elements objectifs non imputables au demandeur etqu'ils lui font grief de circonstances relevant de son droit de defense etdes recours qu'il a legitimement exerces dans le cours de la procedure.

Le juge du fond apprecie en fait si le delai raisonnable est ou nondepasse au moment ou il statue.

Dans la mesure ou, sous le couvert de griefs de defaut de motivation et deviolation du droit à un proces equitable, il critique cette appreciationsouveraine ou exige, pour son examen, une verification d'elements de fait,pour laquelle la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.

Un prevenu peut utiliser tous les moyens legaux pour exercer ses droits dedefense. Le choix de la defense et l'exercice de recours ne priventcependant pas le juge du pouvoir de tenir compte de l'augmentation dudelai decoulant de decisions de la personne poursuivie dans l'appreciationdu delai raisonnable de l'ensemble de la procedure. Sur la base descirconstances concretes qu'il constate, le juge peut decider quel'attitude du prevenu a retarde de maniere anormale la procedure, de tellesorte que celui-ci n'est pas fonde à invoquer le depassement du delairaisonnable.

Dans la mesure ou il soutient le contraire, le moyen manque en droit.

Quant à la seconde branche :

Le moyen soutient que la peine infligee au demandeur est disproportionneeet viole le droit à un proces equitable compte tenu notamment del'absence d'antecedents judiciaires dans son chef, de sa personnalite, descontestations qu'il a soulevees et de la faible gravite des preventions.

Il n'existe pas de principe de proportionnalite de la peine distinct decelui de legalite.

Le juge determine souverainement, dans les limites de la loi et enindiquant succinctement mais avec precision les raisons de son choix, lapeine qu'il estime etre en rapport avec la gravite des infractionsdeclarees etablies et la personnalite du prevenu.

Eu egard à la gravite des faits et à la necessite de ne pas lesbanaliser dans l'esprit du demandeur, l'arret ecarte la mesure desuspension du prononce et la peine de travail qu'il a sollicitees. Iljustifie la sanction, d'une part, par la longueur de la periodeinfractionnelle, l'atteinte à l'integrite psychologique d'autrui et letrouble cause à l'ordre public et, d'autre part, par l'absenced'antecedents judiciaires. Relevant l'accord du demandeur, il confirme lesconditions probatoires ordonnees par le premier juge.

Par ces considerations, les juges d'appel ont legalement justifie leurdecision.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Le controle d'office

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

B. En tant que le pourvoi est dirige contre les decisions rendues sur lesactions civiles exercees

1. par J. S., S. R. et C. U. :

Le demandeur ne fait valoir aucun moyen specifique.

2. par la societe de transport en commun de Liege-Verviers :

Sur le cinquieme moyen :

L'action civile peut etre exercee devant la juridiction repressive partoute personne qui peut se pretendre personnellement lesee parl'infraction, objet de l'action publique, c'est-à-dire par quiconquejustifie avoir pu etre victime de cette infraction dans sa personne, dansses biens ou dans son honneur.

La circonstance que la loi subordonne la poursuite du chef de harcelementà la plainte de la personne qui se pretend harcelee, n'empeche pas lejuge de constater que cette infraction a cause un dommage à une autrepersonne.

Soutenant le contraire, le moyen manque en droit.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux frais.

Lesdits frais taxes à la somme de nonante-quatre euros onze centimes dus.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Benoit Dejemeppe, conseiller faisant fonction de president,Pierre Cornelis, Franc,oise Roggen, Eric de Formanoir et Tamara Konsek,conseillers, et prononce en audience publique du vingt-deux juin deuxmille seize par Benoit Dejemeppe, conseiller faisant fonction depresident, en presence de Damien Vandermeersch, avocat general, avecl'assistance de Fabienne Gobert, greffier.

+-------------------------------------------+
| F. Gobert | T. Konsek | E. de Formanoir |
|-----------+-------------+-----------------|
| F. Roggen | P. Cornelis | B. Dejemeppe |
+-------------------------------------------+

22 JUIN 2016 P.15.0001.F/2



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 22/06/2016
Date de l'import : 08/07/2016

Numérotation
Numéro d'arrêt : P.15.0001.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-06-22;p.15.0001.f ?
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