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14/11/2016 | BELGIQUE | N°S.08.0121.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 novembre 2016, S.08.0121.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG S.08.0121.F

* R. B.,

* demandeur en cassation,

* represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine,11, ou il est fait election de domicile,

* contre

MAQUET BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli à Ternat,Assesteenweg, 117,

defenderesse en cassation,

* representee par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Drie Koningenstraat, 3,ou

il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige cont...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG S.08.0121.F

* R. B.,

* demandeur en cassation,

* represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine,11, ou il est fait election de domicile,

* contre

MAQUET BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli à Ternat,Assesteenweg, 117,

defenderesse en cassation,

* representee par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Drie Koningenstraat, 3,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 mars2008 par la cour du travail de Liege.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general Jean Marie Genicot a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente neuf moyens dont les premier, sixieme, septiemeet huitieme sont libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 1315 du Code civil ;

- article 870 du Code judiciaire ;

- article 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret deboute le demandeur de son action en paiement d'une indemnitecompensatoire de preavis par tous ses motifs consideres ici commeintegralement reproduits et plus particulierement aux motifs que,« bien que les obligations d'information et de consultation au sujetdu transfert d'entreprise aient ete parfaitement remplies, le[demandeur] a adopte sans justification objective et pertinente, demaniere recurrente et nonobstant les avertissements et injonctions decesser ces comportements, une attitude agressive et discourtoiseenvers la direction et a multiplie les actes d'insubordination et dedenonciations calomnieuses ; [que] les attitudes fautives [dudemandeur] qui se sont deroulees dans les trois jours qui ont precedele licenciement ont legitimement entraine une perte de confianceimmediate et irremediable qui a justifie son licenciement pour motifgrave le 6 octobre 2005 ; [que] le licenciement est donc valable en laforme et justifie sur le fond ».

Griefs

En vertu de l'article 35, specialement alinea 3, de la loi du 3juillet 1978, le conge pour motif grave ne peut plus etre donnelorsque le fait qui l'aurait justifie est connu de la partie qui donneconge depuis trois jours ouvrables au moins. Le motif grave est, ausens de l'alinea 2, toute faute grave qui rend immediatement etdefinitivement impossible toute collaboration professionnelle entrel'employeur et le travailleur. En vertu de l'alinea 4, peut seul etreinvoque pour justifier le conge sans preavis ou avant l'expiration duterme, le motif grave notifie dans les trois jours ouvrables quisuivent le conge. Il appartient à l'employeur, conformement auxarticles 35, alinea 8, de la loi du 3 juillet 1978, 1315 du Code civilet 870 du Code judiciaire, de prouver la date à laquelle il a connules faits, leur materialite et leur caractere constitutif de faute.

Il est impossible de determiner quels sont les elements factuels dontl'arret decide qu'ils sont mentionnes dans la lettre de conge, sontsurvenus dans les trois jours precedant le licenciement et sontetablis. L'arret se borne en effet à retenir, sans precision, que ledemandeur a adopte dans les trois jours une attitude agressive etdiscourtoise envers la direction, a commis des actes d'insubordinationet de denonciations calomnieuses.

L'arret n'est, partant, pas regulierement motive et ne permet pas àla Cour d'exercer son controle sur la legalite de la decision(violation de l'article 149 de la Constitution et, par voie deconsequence, des articles 35 de la loi du 3 juillet 1978, 1315 du Codecivil et 870 du Code judiciaire).

Sixieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 1134 et 1315 du Code civil ;

- article 870 du Code judiciaire ;

- articles 20, 3DEG, et 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail ;

- article 7 de la convention collective nDEG 32bis conclue au sein duConseil national du travail le 7 juin 1985 concernant le maintien desdroits des travailleurs en cas de changement d'employeur du fait d'untransfert conventionnel d'entreprise et reglant les droits destravailleurs repris en cas de reprise de l'actif apres faillite,rendue obligatoire par l'arrete royal du 25 juillet 1985 ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret deboute le demandeur de sa demande tendant à voir condamnerla defenderesse au paiement des primes de frequence (soit 1.200 eurospour les annees 2003 et 2004 et 513,33 euros pour l'annee 2005) et,disant justifie le licenciement du demandeur pour motif grave, ledeboute de sa demande tendant au paiement d'une indemnitecompensatoire de preavis equivalant à vingt-deux mois deremuneration, par tous ses motifs consideres ici comme integralementreproduits et plus particulierement aux motifs que « les primes defrequence ont ete remplacees par une indemnisation plus avantageusedont [le demandeur] a beneficie ; [qu'il] ne peut tout à la foispretendre au maintien de 1'ancien systeme tout en beneficiant dunouveau qui lui est au moins aussi favorable » et, sur les motifsgraves de licenciement, qu' « il est etabli que le demandeur aadopte sans justification objective et pertinente, de maniererecurrente et nonobstant les avertissements et injonctions de cesserces comportements, une attitude agressive et discourtoise envers ladirection et a multiplie les actes d'insubordination et dedenonciations calomnieuses ».

Griefs

Premiere branche

En vertu de l'article 7 de la convention collective de travail nDEG32bis visee au moyen, les droits et obligations qui resultent pour lecedant des contrats de travail existant à la date du transfert sont,du fait de ce transfert, transferes au cessionnaire. Celui-ci est deslors, en vertu des articles 1134 du Code civil et 20, 3DEG, de la loidu 3 juillet 1978, tenu de payer la remuneration convenue entre letravailleur et le cedant en toutes ses composantes. Il est des lorsinterdit au cessionnaire de modifier unilateralement la nature d'unecomposante de la remuneration et ses conditions d'octroi pour accorderun avantage d'une autre nature et dont les conditions d'octroi ne sontpas les meme, fut-il plus avantageux.

Dans ses conclusions d'appel, la defenderesse admettait qu'il etaitinevitable que des amenagements quelque peu differents aient eteapportes aux conditions salariales des travailleurs transferes. Ellefaisait grief au demandeur de « pinailler sur un certain nombred'indemnites isolees sans prendre en compte le total de laremuneration et des avantages. Ainsi, il n'existe pas chez [ladefenderesse) l'habitude d'accorder des primes de frequence autravailleur qui effectue un service de garde. Elle paie une indemnitede garde par semaine de garde prestee. Au lieu d'accorder une prime defrequence, c'est-à-dire une prime `visant à recompenser ladisponibilite pour le service de garde, calculee sur la base du nombrede gardes et payees en fin d'annee', [la defenderesse] accorde à sestravailleurs une prime journaliere equivalente à 120 euros parsemaine de garde [...]. Cette indemnite correspond en effet plusprecisement à la realite du remboursement des frais de la prime defrequence ».

La defenderesse admettait ainsi avoir remplace unilateralement uneprime de frequence visant à recompenser la disponibilite pour leservice de garde par une autre prime correspondant plus precisement àla realite du remboursement de frais.

L'arret, qui se borne à retenir, pour debouter le demandeur de sonaction portant sur les primes de frequence, que celles-ci « ont eteremplacees par une indemnisation plus avantageuse », sans precisersa nature et en quoi consistait l'avantage ni constater l'accord dudemandeur, viole les articles 7 de la convention collective de travailnDEG 32bis, 1134 du Code civil et 20, 3DEG, de la loi du 3 juillet1978.

En outre, s'il doit etre interprete en ce sens que l'attitudeagressive et discourtoise envers la direction, l'insubordination etles actes de denonciations calomnieuses qu'il retient à titre defautes graves dans le chef du demandeur consistent en ce que celui-cia, de maniere injustifiee, revendique le maintien de la prime defrequence dans ses conditions de remuneration et denonce lenon-respect par la defenderesse de la convention collective de travailnDEG 32bis, 1'arret decharge illegalement la defenderesse de la preuveque ce comportement a ete adopte « sans justification objective et pertinente » et etait, partant, fautif au sens de 1'article 35 de laloi du 3 juillet 1978. En deboutant sur cette base le demandeur de sonaction en paiement de 1'indemnite compensatoire de preavis, l'arretviole les articles 1315 du Code civil, 870 du Code judiciaire et 35 dela loi du 3 juillet 1978.

Seconde branche

En toute hypothese, le cessionnaire qui pretend avoir remplace uneindemnite par une autre a la charge de l'etablir, conformement auxarticles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire.

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur soutenait, quant aux« primes de sortie et de frequence », que :

« Le manuel du personnel Siemens prevoit l'octroi de primes de sortieet de frequence ;

Les primes de sortie visent à recompenser la personne qui, lors d'unappel, en service de garde, fournit une solution à un client. Lesprimes de frequence, visant à recompenser la disponibilite pour leservice de garde, [sont] calculees sur la base du nombre de gardes etpayees en fin d'annee (extrait du manuel Siemens fixant le montant dela prime et fiche de paie de mai 2003, integrant une somme de 200euros pour cinq semaines de garde) ;

Aucune sortie n'a ete effectuee depuis le transfert d'entreprise. Parcontre, le [demandeur] a effectue six gardes en 2003, dix gardes en2004 et 7,66 gardes en 2005 (garde du 3 au 6 octobre 2005, soit unesemaine non complete) (7 semaines = 420 euros et 8 semaines = 560euros) ;

Ces gardes ne sont pas contestees par [la defenderesse] ;

[La defenderesse], pour echapper au paiement de cette prime, apress'etre contentee d'indiquer qu'elle n'a pas pour habitude d'accorderdes primes de garde, et que le [demandeur] devrait se contenter del'indemnite journaliere, invoque qu'elle accorde à ses travailleursune prime visant à recompenser la disponibilite pour le service degarde calculee sur la base du nombre de gardes et payee en find'annee, soit dix euros par jour ;

Le premier juge, se ralliant aux allegations de [la defenderesse], aconsidere que cette indemnisation de 2.200 euros par an depassait laprime sollicitee par le [demandeur], de sorte qu'il ne pouvait à lafois solliciter le benefice des anciennes conditions de travail et lebenefice des nouvelles, lui etant au moins aussi favorables ;

En realite, [la defenderesse], volontairement ou non (elle semble toutignorer des conditions de remuneration), indique erronement que cemontant de dix euros par jour correspondrait à la prime de garde(tous les jours prestes seraient ainsi des jours de garde, ce qui esttotalement illogique) ;

Il n'en est rien ; le montant de dix euros que [la defenderesse]accorde est en realite, et plus logiquement, l'indemnite de repas ; lapreuve en est que le contrat de travail soumis à la signature du[demandeur] precisait que cette indemnite etait de 9,92 euros (unesomme de 120 euros par semaine de garde etait par ailleurs prevue dansce contrat, somme distincte de l'indemnite de repas) ;

L'indemnite de repas a ete arrondie dans le systeme de retribution dela [defenderesse] à dix euros ; si besoin est de le preciser, le[demandeur] beneficiait dejà au sein de Siemens d'une indemnisationpour le repas de midi (7,10 euros par jour à l'epoque, et 47,50 eurospour le Grand-Duche de Luxembourg) ;

Les primes de garde dependent du nombre de garde prestees par lestechniciens et sont independantes du systeme global de retribution ;

Ni ces gardes ni leur methode de calcul, appliquant la methode fixeepar le manuel du personnel Siemens, n'etant contestees, la prime degarde doit etre accordee au [demandeur], [la defenderesse] ne pouvantse soustraire à cette condition de remuneration dont beneficiait le[demandeur] au sein de Siemens, entreprise cedante ».

Le demandeur soutenait ainsi que 1'avantage que la defenderessepretendait lui avoir accorde en remplacement de la prime de frequencene remplac,ait aucun avantage accorde par Siemens, des lors qu'ilconsistait en 1'octroi d'une prime de repas dont il beneficiait dejàdans 1'entreprise cedante.

En se bornant à retenir, pour debouter le demandeur de son action enpaiement d'une prime de frequence, que la defenderesse a remplace lesprimes de frequence par une indemnisation plus avantageuse, l'arret ladecharge illegalement de la preuve qui lui incombe (violation del'article 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire) et, à defautde rencontrer la defense circonstanciee du demandeur, n'est pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).

En outre, s'il doit etre interprete en ce sens que l'attitudeagressive et discourtoise envers la direction, l'insubordination etles actes de denonciations calomnieuses qu'il retient à titre defautes graves dans le chef du demandeur consistent en ce que celui-cia, de maniere injustifiee, revendique le maintien de la prime defrequence dans ses conditions de remuneration et denonce lenon-respect par la defenderesse de la convention collective de travailnDEG 32bis, 1'arret decharge illegalement la defenderesse de la preuveque ce comportement a ete adopte « sans justification objective et pertinente » et etait, partant, fautif au sens de l'article 35 de laloi du 3 juillet 1978. En deboutant sur cette base le demandeur de sonaction en paiement de 1'indemnite compensatoire de preavis, l'arretviole les articles 1315 du Code civil, 870 du Code judiciaire et 35 dela loi du 3 juillet 1978.

Septieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 1134 et 1315 du Code civil ;

- article 870 du Code judiciaire ;

- articles 20, 3DEG, et 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail ;

- article 7 de la convention collective nDEG 32bis conclue au sein duConseil national du travail le 7 juin 1985 concernant le maintien desdroits des travailleurs en cas de changement d'employeur du fait d'untransfert conventionnel d'entreprise et reglant les droits destravailleurs repris en cas de reprise de l'actif apres faillite,rendue obligatoire par l'arrete royal du 25 juillet 1985 ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret deboute le demandeur de sa demande tendant à voir condamnerla defenderesse au paiement d'une somme de 2.024,70 euros à titre d'augmentation annuelle de la remuneration et, disant justifie lelicenciement du demandeur pour motif grave, le deboute de sa demandetendant au paiement d'une indemnite compensatoire de preavisequivalente à vingt-deux mois de remuneration, par tous ses motifsconsideres ici comme integralement reproduits et plus particulierementaux motifs qu'« il en est de meme pour 1'augmentation annuelle de remuneration remplacee par la prime unique plus avantageuse [...] ;[que le demandeur] ne peut tout à la fois pretendre au maintien de1'ancien systeme tout en beneficiant du nouveau qui lui est au moinsaussi favorable » et, sur les motifs graves de licenciement, qu'il« est etabli que [le demandeur] a adopte sans justification objectiveet pertinente, de maniere recurrente et nonobstant les avertissementset injonctions de cesser ces comportements, outre une attitudeagressive et discourtoise envers la direction, des actesd'insubordination et de denonciations calomnieuses ».

Griefs

Premiere branche

En vertu de l'article 7 de la convention collective de travail nDEG32bis visee au moyen, les droits et obligations qui resultent pour lecedant des contrats de travail existant à la date du transfert sont,du fait de ce transfert, transferes au cessionnaire. Celui-ci est deslors, en vertu des articles 1134 du Code civil et 20, 3DEG, de la loidu 3 juillet 1978, tenu de payer la remuneration convenue entre letravailleur et le cedant en toutes ses composantes. Il est des lorsinterdit au cessionnaire de modifier unilateralement la nature d'unecomposante de la remuneration et ses conditions d'octroi pour laremplacer par une autre composante de la remuneration, celle-cisemblat-elle plus avantageuse.

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur soutenait en substancequ'il beneficiait depuis vingt ans chez Siemens d'un systeme deremuneration variable destine à recompenser le salarie qui atteintles objectifs que 1'entreprise juge importants, objectifs fixes sur labase d'un entretien annuel entre 1'employeur et le travailleur, lamethode de calcul de cette augmentation annuelle etant determinee dansle manuel du personnel de Siemens, et qu'il incombait en consequenceà la defenderesse de respecter ce systeme, ce qu'elle n'avait pasfait, n'ayant plus procede à la determination d'objectifs et ayantsupprime 1'entretien annuel.

La defenderesse ne contestait pas ne pas avoir adopte le systemevariable d'augmentation annuelle en vigueur chez Siemens, faisantgrief au demandeur de perdre « de vue 1'ensemble du `package' deremuneration en vigueur chez [elle] » et de refuser « de reconnaitrequ'en janvier 2004, une prime unique de mille euros lui futaccordee ».

Lorsque existe dans l'entreprise cedante un systeme de remunerationvariable destine à recompenser le travailleur qui a atteint lesobjectifs juges importants par l'entreprise, objectifs fixes sur labase d'un entretien annuel, en lui accordant une prime dont lesmodalites de calcul sont determinees, le cessionnaire ne peut leremplacer par une prime unique accordee pour une annee et qui n'estpas fixee selon les memes modalites.

L'arret, qui se borne à retenir, pour debouter le demandeur de sonaction portant sur les augmentations de remuneration annuelle, quecelles-ci ont ete remplacees par une « prime plus avantageuse »,viole les articles 7 de la convention collective de travail nDEG32bis, 1134 du Code civil et 20, 3DEG, de la loi du 3 juillet 1978.

En outre, s'il doit etre interprete en ce sens que l'attitudeagressive et discourtoise envers la direction, l'insubordination etles actes de denonciations calomnieuses qu'il retient à titre defautes graves dans le chef du demandeur consistent en ce que celui-cia, de maniere injustifiee, revendique le maintien de l'augmentationannuelle dans ses conditions de remuneration et denonce le non-respectpar la defenderesse de la convention collective de travail nDEG 32bis,l'arret decharge illegalement la defenderesse de la preuve que cecomportement a ete adopte « sans justification objective etpertinente » et etait, partant, fautif au sens de l'article 35 de laloi du 3 juillet 1978. En deboutant sur cette base le demandeur de sonaction en paiement de l'indemnite compensatoire de preavis, 1'arretviole les articles 1315 du Code civil, 870 du Code judiciaire et 35 dela loi du 3 juillet 1978.

Seconde branche

En toute hypothese, dans ses conclusions d'appel, le demandeurcontestait que le systeme de remuneration chez la defenderesse futplus avantageux et compensat la suppression de la remunerationvariable annuelle.

Il soutenait ainsi que :

« Depuis vingt ans, le [demandeur] a beneficie de cette augmentationannuelle chez Siemens ; il a toujours eu droit à un pourcentaged'augmentation entre l'objectif de remuneration et le salaire actuel ;

A titre exemplatif, ce systeme a permis au [demandeur] de bienprogresser dans l'echelle des salaires ; ainsi, en 1985, annee de sonengagement, il percevait 1.240 euros à titre de remuneration ; uneaugmentation classique conforme à un index de deux p.c. permettraitd'obtenir en 2005 une remuneration de 1.800 euros ; or, en 2005, lesalaire du [demandeur] etait de 3.525 euros, soit une augmentation de2.285 euros en vingt ans ; l'augmentation moyenne sur une periode devingt ans a des lors ete de 114,25 euros par an (somme tenant comptede l'indexation habituelle) ;

Il s'agit ici d'un avantage acquis valorisant le travail du[demandeur] ;

[La defenderesse] est pour le moins malvenue de contester de la sortel'augmentation reclamee par le [demandeur] ; d'une part, elle ne lui ameme jamais donne la possibilite de fixer un nouvel objectif deremuneration, ayant supprime purement et simplement l'entretiend'evaluation annuel, d'autre part et encore, ce qui est significatif,elle ne conteste meme pas le fait que le travail du [demandeur] luidonnait droit à l'augmentation annuelle ;

[La defenderesse] se contente d'alleguer, suivie par le premier juge,que le [demandeur] se serait vu accorder en 2004 une prime unique demille euros, systeme tout aussi favorable que l'ancien ;

Il ne peut etre question de raisonner de la sorte, ces postes n'etantpas comparables, et le [demandeur] etant prejudicie par le systemeimpose par la [defenderesse] ;

De plus, le [demandeur] percevait de meme une prime au sein deSiemens, d'un montant de 76.000 francs (1.883,99 euros), en sus del'augmentation annuelle ; il pouvait encore beneficier de lapossibilite d'acquerir des actions Siemens à moitie prix, soit surdix-huit actions achetees un gain de sept cents euros ;

Il a encore rec,u des bons d'achat Siemens durant dix-huit anspermettant 1'achat d'electromenager ;

Il est certain que le systeme de remuneration au sein de Siemens etaitbeaucoup plus interessant que celui qui est applique par la[defenderesse], contrairement à ce que cette derniere invoque ;

On constate que le systeme d'augmentation annuelle etait un systemeacquis permettant l'augmentation depuis vingt ans, systeme nettementplus interessant qu'une prime versee une seule annee, equivalente à436,75 euros net ».

En vertu des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire, ilappartient au cessionnaire qui ne respecte pas les composantes de laremuneration acquise chez le cedant et leurs modalites de calculd'etablir que le systeme de calcul de la remuneration qu'il a adopteest plus avantageux.

En se bornant à retenir, pour debouter le demandeur de son action enpaiement de la somme de 2.024,70 euros à titre d'augmentationannuelle, qu'elle a ete « remplacee par la prime unique plusavantageuse », l'arret decharge illegalement la demanderesse de lapreuve qui lui incombe (violation des articles 1315 du Code civil et870 du Code judiciaire) et, à defaut de rencontrer la defensecirconstanciee du demandeur, n'est pas regulierement motive (violationde 1'article 149 de la Constitution).

En outre, s'il doit etre interprete en ce sens que 1'attitudeagressive et discourtoise envers la direction, 1'insubordination etles actes de denonciations calomnieuses qu'il retient à titre defautes graves dans le chef du demandeur consistent en ce que celui-cia, de maniere injustifiee, revendique le maintien de 1'augmentationannuelle dans ses conditions de remuneration et denonce le non-respectpar la defenderesse de la convention collective de travail nDEG 32bis,1'arret decharge illegalement la defenderesse de la preuve que cecomportement a ete adopte « sans justification objective etpertinente » et etait, partant, fautif au sens de l'article 35 de laloi du 3 juillet 1978. En deboutant sur cette base le demandeur de sonaction en paiement de 1'indemnite compensatoire de preavis, 1'arretviole les articles 1315 du Code civil, 870 du Code judiciaire et 35 dela loi du 3 juillet 1978.

Huitieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 1134 et 1315 du Code civil ;

- article 870 du Code judiciaire ;

- articles 20, 3DEG, et 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail ;

- article 7 de la convention collective nDEG 32bis conclue au sein duConseil national du travail le 7 juin 1985 concernant le maintien desdroits des travailleurs en cas de changement d'employeur du fait d'untransfert conventionnel d'entreprise et reglant les droits destravailleurs repris en cas de reprise de l'actif apres faillite,rendue obligatoire par l'arrete royal du 25 juillet 1985 ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret deboute le demandeur de sa demande tendant à voir condamnerla defenderesse au paiement d'une somme de 4.341,04 euros à titred'arrieres de remuneration sur la base du contrat d'assurance degroupe et, disant justifie le licenciement du demandeur pour motifgrave, le deboute de sa demande tendant au paiement d'une indemnitecompensatoire de preavis equivalente à vingt-deux mois deremuneration, par tous ses motifs consideres ici comme integralementreproduits et plus particulierement aux motifs qu'« il en est de memepour le regime de l'assurance de groupe ; [que le demandeur] ne peuttout à la fois pretendre au maintien de 1'ancien systeme tout enbeneficiant du nouveau qui lui est au moins aussi favorable » et, surles motifs graves de licenciement, qu'il « est etabli que [ledemandeur] a adopte sans justification objective et pertinente, demaniere recurrente et nonobstant les avertissements et injonctions decesser ces comportements, outre une attitude agressive et discourtoiseenvers la direction, des actes d'insubordination et de denonciationscalomnieuses ».

Griefs

En vertu de l'article 7 de la convention collective de travail nDEG32bis visee au moyen, les droits et obligations qui resultent pour lecedant des contrats de travail existant à la date du transfert sont,du fait de ce transfert, transferes au cessionnaire. Celui-ci est deslors, en vertu des articles 1134 du Code civil et 20, 3DEG, de la loidu 3 juillet 1978, tenu de payer la remuneration convenue avec lecedant.

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur a soutenu que les primespatronales à l'assurance de groupe constituaient un element de laremuneration du travailleur dont la charge etait transferee aucessionnaire conformement à 1'article 7 de la convention collectivede travail nDEG 32bis ; que la comparaison entre les deux systemesdevait se faire sur la base des primes patronales qui sont considereescomme de la remuneration ; que la defenderesse payait à titre deprime la somme de 60,47 euros tandis que la somme mensuelle payee parlui etait de 25,76 euros ; que, par contre, au sein de la societeSiemens, pour la derniere annee, la somme mensuelle payee par lasociete etait de 228,41 euros et la somme mensuelle payee par lui de14,40 euros, et qu'en outre, les primes patronales de Siemens etaientexponentielles et atteignaient en fin de contrat environ mille euros.

L'arret, qui se borne à retenir que le nouveau regime d'assurance degroupe est au moins aussi favorable au demandeur que l'ancien, nerencontre pas cette defense circonstanciee. Il n'est, partant, pasregulierement motive et decharge illegalement la defenderesse de lapreuve que le nouveau regime d'assurance de groupe etait au moinsaussi favorable que l'ancien (violation des articles 1315 du Codecivil et 870 du Code judiciaire).

En outre, s'il doit etre interprete en ce sens que l'attitudeagressive et discourtoise envers la direction, l'insubordination etles actes de denonciations calomnieuses qu'il retient à titre defautes graves dans le chef du demandeur consistent à ce que celui-cia, de maniere injustifiee, revendique le maintien, dans ses conditionsde remuneration, de l'avantage de l'assurance de groupe tel qu'ilexistait avant le transfert et denonce le non-respect par ladefenderesse de la convention collective de travail nDEG 32bis,1'arret decharge illegalement la defenderesse de la preuve que cecomportement a ete adopte « sans justification objective etpertinente » et etait, partant, fautif au sens de l'article 35 de laloi du 3 juillet 1978. En deboutant sur cette base le demandeur de sonaction en paiement de 1'indemnite compensatoire de preavis, 1'arretviole les articles 1315 du Code civil, 870 du Code judiciaire et 35 dela loi du 3 juillet 1978.

III. La decision de la Cour

VII. Sur le premier moyen :

Pour debouter le demandeur de sa demande en paiement d'une indemnitecompensatoire de preavis, l'arret considere que, « bien que lesobligations d'information et de consultation au sujet du transfertd'entreprise aient ete parfaitement remplies, [le demandeur] a adoptesans justification objective et pertinente, de maniere recurrente etnonobstant les avertissements et injonctions de cesser cescomportements, une attitude agressive et discourtoise envers ladirection et a multiplie les actes d'insubordination et dedenonciations calomnieuses », que « les attitudes fautives [dudemandeur] qui se sont deroulees dans les trois jours qui ont precedele licenciement ont legitimement entraine une perte de confianceimmediate et irremediable et ont justifie son licenciement pour motifgrave le 6 octobre 2005 » et que « [ce] licenciement est doncvalable en la forme et justifie sur le fond ».

Ces motifs, qui ne precisent pas, parmi les elements de fait enoncesdans la lettre de conge et contestes par le demandeur, ceux que lacour du travail a tenus pour etablis et survenus dans les trois joursayant precede le licenciement, ne permettent pas à la Cour d'exercerson controle sur la legalite de la decision de l'arret appliquantl'article 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail.

L'arret, qui n'est, des lors, pas regulierement motive, violel'article 149 de la Constitution.

Le moyen est fonde.

Sur les sixieme et septieme moyens reunis :

Sur la fin de non-recevoir opposee au septieme moyen par ladefenderesse et deduite du defaut d'interet :

Du motif de l'arret que le demandeur « n'a pas invoque l'existenceeventuelle d'un acte equipollent à rupture », il ne se deduit pasqu'il constaterait l'accord de celui-ci sur la modification decertains elements de sa remuneration.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Quant à la premiere branche de chacun des moyens :

En vertu de l'article 7 de la convention collective de travail nDEG32bis conclue au sein du Conseil national du travail concernant lemaintien des droits des travailleurs en cas de changement d'employeurdu fait d'un transfert conventionnel d'entreprise et reglant lesdroits des travailleurs repris en cas de reprise de l'actif apres lafaillite, rendue obligatoire par l'arrete royal du 25 juillet 1985,les droits et obligations qui resultent pour le cedant des contratsde travail existant à la date du transfert de l'entreprise au sensde l'article 1er, 1DEG, de cette convention sont, du fait dutransfert, transferes au cessionnaire.

Il suit de cette disposition que le cessionnaire ne peut modifier lesconditions de remuneration en vigueur au sein de l'entreprise cedeesans l'accord du travailleur.

L'arret, qui, pour debouter le demandeur de ses demandes en paiementde primes de frequence et d'augmentation annuelle de la remuneration,considere que « les primes de frequence ont ete remplacees par uneindemnisation plus avantageuse dont [le demandeur] a beneficie »,qu'« il en est de meme pour l'augmentation annuelle de remunerationremplacee par [une] prime unique plus avantageuse », et que « [ledemandeur] ne peut tout à la fois pretendre au maintien de l'anciensysteme tout en beneficiant du nouveau qui lui est au moins aussifavorable », sans constater l'accord du demandeur sur cesmodifications, viole l'article 7 de la convention collective detravail nDEG 32bis precitee.

Les moyens, en ces branches, sont fondes.

Sur le huitieme moyen :

S'il fait grief à l'arret de ne pas repondre aux conclusions dudemandeur soutenant que les primes patronales d'assurance de groupeconstituaient un element de la remuneration et en deduisant lesconsequences, le moyen, qui enonce plusieurs griefs, n'indique pas,s'agissant de celui-là, la loi que violerait l'arret.

Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.

Pour le surplus, aux termes de l'article 4 de la conventioncollective de travail nDEG 32bis du 7 juin 1985, cette convention neregle pas le transfert des droits des travailleurs aux prestationsprevues par les regimes de retraite, de survie et d'invalidite, àtitre de regimes complementaires de prevoyance sociale.

Il suit de cette disposition que le cessionnaire n'est pas tenu depoursuivre les systemes d'assurance de groupe existant au sein del'entreprise cedee.

Dans la mesure ou il est recevable, le moyen, qui repose tout entiersur le soutenement contraire, manque en droit.

La cassation de la decision deboutant le demandeur de sa demande enpaiement d'une indemnite compensatoire de preavis s'etend à cellequi le condamne envers la defenderesse à des dommages-interets, quiest fondee sur le meme motif illegal.

Et il n'y a lieu d'examiner ni les autres moyens ni le surplus dessixieme, septieme et huitieme moyens, qui ne sauraient entrainer unecassation plus etendue.

Par ces motifs,

* La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il deboute le demandeur de sesdemandes en paiement d'une indemnite compensatoire de preavis, deprimes de frequence et d'augmentation annuelle de la remuneration,qu'il le condamne à des dommages-interets envers la defenderesse etqu'il statue sur les depens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Christian Storck, lesconseillers Didier Batsele, Mireille Delange, Michel Lemal et SabineGeubel, et prononce en audience publique du quatorze novembre deuxmille seize par le president de section Christian Storck, en presencede l'avocat general Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffierLutgarde Body.

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| L. Body | S. Geubel | M. Lemal |
|------------+------------+-------------|
| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
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14 NOVEMBRE 2016 S.08.0121.F/19


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.08.0121.F
Date de la décision : 14/11/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 02/12/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-11-14;s.08.0121.f ?
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