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22/12/2016 | BELGIQUE | N°C.10.0210.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 décembre 2016, C.10.0210.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0210.F

GENERALI BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, avenue Louise, 149,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick et assistee par Maitre SimoneNudelholc, avocats à la Cour de cassation, dont le cabinet est etabli àBruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou il est fait election dedomicile,

contre

1. G. P.,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 1

49, ou il estfait election de domicile,

2. B. C. B.,

3. M. V.,

defendeurs en cassation.

I. La pr...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.10.0210.F

GENERALI BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, avenue Louise, 149,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick et assistee par Maitre SimoneNudelholc, avocats à la Cour de cassation, dont le cabinet est etabli àBruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou il est fait election dedomicile,

contre

1. G. P.,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

2. B. C. B.,

3. M. V.,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 5 novembre 2009par la cour d'appel de Bruxelles.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general delegue Philippe de Koster a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 62 et 158, 2DEG, des lois coordonnees sur les societescommerciales ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate, en substance, qu'un incendie s'est produitaccidentellement le 11 mars 1997 au rez-de-chaussee d'un immeuble loue àla societe cooperative à responsabilite limitee Video Club G., dont lepremier defendeur etait le gerant ; que la demanderesse, assureur contrele risque d'incendie de la copropriete de l'immeuble, a indemnise celle-ciet agissait en tant que subrogee aux droits de la copropriete, notammentcontre le premier defendeur, en remboursement des indemnites qu'elleavait payees ; que la societe a ete declaree en faillite en cours deprocedure,

et saisi de conclusions par lesquelles la demanderesse soutenait que, sila responsabilite de la societe en cas d'incendie n'etait pas couverte parune assurance, il en resulterait que le premier defendeur, en sa qualitede gerant, avait commis une faute aquilienne de nature à engager saresponsabilite à l'egard des tiers, et en particulier de la demanderesse,pour n'avoir pas conclu en temps utile une assurance couvrant laresponsabilite de la societe en cas d'incendie,

l'arret declare non fondee l'action de la demanderesse contre le premierdefendeur.

L'arret fonde cette decision sur les motifs suivants :

« C'est à tort que [la demanderesse] estime que [le premier defendeur],en sa qualite de gerant de [la societe], a commis une faute [de gestion]qui engage sa responsabilite sur la base de l'article 1382 du Code civilen ne souscrivant pas une assurance contre le risque d'incendie del'immeuble ou en faisant une fausse declaration de souscription. Asupposer que la non-souscription d'une assurance contre le risqued'incendie constitue une faute de gestion, il reste que, sur la base de latheorie de l'organe, le manquement à l'obligation generale de prudencequi aurait ete commis par [le premier defendeur] correspondrait à unefaute de [la societe] excluant toute responsabilite directe de celui-ci».

Griefs

L'article 62 des lois coordonnees sur les societes commerciales, envigueur à l'epoque du sinistre, applicable aux societes cooperatives envertu de l'article 158, 2DEG, dispose, en ses deux premiers alineas :

« Les administrateurs [de la societe anonyme] sont responsables,conformement au droit commun, de l'execution du mandat qu'ils ont rec,u etdes fautes commises dans leur gestion.

Ils sont solidairement responsables, soit envers la societe, soit enversles tiers, de tous dommages et interets resultant d'infractions auxdispositions du present titre ou des statuts sociaux ».

Le premier alinea regit la responsabilite contractuelle desadministrateurs pour faute de gestion à l'egard de la societe. Le secondregit la responsabilite à l'egard des tiers en cas d'infraction auxdispositions de la loi sur les societes ou des statuts sociaux maisn'exclut pas la responsabilite des administrateurs à l'egard des tierspour d'autres fautes.

Une faute de gestion du gerant engage sa responsabilite à l'egard d'untiers si elle constitue un manquement à l'obligation generale de prudenceou de diligence qui s'impose à chacun. Le fait que la responsabilite dela societe elle-meme soit engagee du fait de la faute de gestion de sonorgane n'exclut pas la responsabilite personnelle du gerant.

L'arret n'a des lors pu legalement decider qu'en vertu de la theorie del'organe, le manquement à l'obligation generale de prudence qui auraitete commis par le premier defendeur ne peut engager sa responsabilitepersonnelle à l'egard de la copropriete aux droits de laquelle lademanderesse etait subrogee.

Second moyen

Dispositions legales violees

Articles 1382, 1383 et 1384, specialement alineas 1er et 3, du Code civil

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que, le 11 mars 1997, un incendie accidentel s'estproduit au rez-de-chaussee d'un immeuble loue à la societe cooperative àresponsabilite limitee Video Club G., dont le premier defendeur etait legerant ; que les deuxieme et troisieme defendeurs ont branche une bonbonnede gaz au chauffage d'appoint de la boutique exploitee par ladite societedans ce rez-de-chaussee ; que des flammes ont surgi de celui-ci ; que lademanderesse, assureur contre le risque d'incendie de la copropriete del'immeuble, apres avoir indemnise celle-ci, agissait en tant que subrogeeaux droits de la copropriete, notamment contre les defendeurs, enremboursement des indemnites qu'elle avait payees ; qu'elle fondait sonaction principalement sur l'article 1384, alinea 1er, du Code civil,

l'arret, par confirmation du jugement entrepris, declare cette action nonfondee.

L'arret fonde cette decision sur les motifs suivants :

« Quant à l'application de l'article 1384 du Code civil

Il est etabli que l'incendie a ete provoque par les flammes qui se sontdegagees du chauffage d'appoint au moment ou celui-ci a ete allume alorsqu'une bonbonne de gaz venait d'y etre raccordee. L'element defectueux (lechauffage d'appoint, la bonbonne de gaz ou l'ensemble forme par les deux)n'a cependant pas pu etre determine avec precision. Il en est de meme del'origine (vice, erreur de manipulation) de l'incendie ;

La cour [d'appel] considere par consequent que [la demanderesse] nerapporte pas la preuve du vice de la chose qui a provoque les dommagesqu'elle a indemnises ;

Il est des lors sans interet de determiner qui etait le gardien de lachose au moment ou le dommage s'est produit ».

Griefs

La demanderesse soutenait que « c'est manifestement à tort que letribunal a considere que la responsabilite du gardien n'etait pas etablieau motif que l'incendie trouvait sa cause dans un vice intrinseque del'appareil ou dans une mauvaise manipulation par un tiers rendant la chosevicieuse (vice extrinseque) ; que, dans les deux cas, la responsabilite dugardien est engagee à l'egard de la victime ». Elle faisait valoir, àtitre subsidiaire, que « la responsabilite [du premier defendeur] estegalement engagee sur la base de la responsabilite du commettant/preposeà l'egard de la [demanderesse] (article 1384 du Code civil) ».

Le premier defendeur soutenait de son cote qu'« il se peut que lesinistre soit du à une mauvaise manipulation, comme l'a d'ailleursinvoque [la demanderesse] elle-meme ; que ceci explique qu'elle ad'ailleurs assigne » les deuxieme et troisieme defendeurs.

Pour considerer qu'aucun des defendeurs n'etait responsable en tant quegardien d'une chose affectee d'un vice, l'arret se fonde sur le motif quel'incendie a pu resulter d'une « erreur de manipulation ». Or, ilressort des constatations de l'arret que cette erreur de manipulation nepouvait avoir ete commise que par le deuxieme ou le troisieme defendeur.

Lorsqu'il est ainsi etabli qu'un dommage ne peut avoir que deux causespossibles, à savoir, soit le vice de la chose dont une personne a lagarde, soit une erreur de manipulation commise par cette personne ou parun tiers dont cette personne doit repondre, cette personne doit etredeclaree responsable du dommage par application combinee de l'article1384, alinea 1er, du Code civil et des articles 1382, 1383 et 1384, alinea3, de ce code.

A defaut d'avoir recherche si les deuxieme et troisieme defendeurs, ou lepremier defendeur, etaient gardiens de la bonbonne et du systeme dechauffage et si le premier defendeur etait le commettant des deuxieme ettroisieme defendeurs, l'arret ne justifie des lors pas legalement sadecision.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Si la faute commise par l'organe d'une societe à l'egard du cocontractantde cette derniere ou d'un tiers engage la responsabilite directe de cettepersonne morale, cette responsabilite n'exclut pas, en regle, laresponsabilite personnelle de l'organe dont la faute constitue unmanquement à l'obligation generale de prudence mais coexiste aveccelle-ci.

L'arret, qui considere que, « à supposer que la non-souscription d'uneassurance contre le risque d'incendie constitue une faute de gestion, ilreste que, sur la base de la theorie de l'organe, le manquement àl'obligation generale de prudence qui aurait ete commis par [le premierdefendeur] correspondrait à une faute de la societe [dont il etait legerant], excluant toute responsabilite directe de celui-ci », ne justifiepas legalement sa decision d'exonerer ce defendeur de toute responsabiliteenvers la demanderesse.

Le moyen est fonde.

Sur le second moyen :

Des lors que, par les motifs que le moyen reproduit et critique, l'arretconsidere, d'une part, que la demanderesse « ne rapporte pas la preuve duvice de la chose qui a provoque les dommages qu'elle a indemnises »,d'autre part, que « l'origine (vice, erreur de manipulation) del'incendie [...] n'a pas pu etre determine[e] avec precision », ce quiexclut qu'il constate une faute des deuxieme et troisieme defendeurs, iln'etait, pour justifier legalement sa decision, tenu de rechercher ni sil'un des defendeurs etait le gardien de la bonbonne de gaz et du systemede chauffage ayant provoque l'incendie ni si le premier d'entre eux etaitle commettant des deux autres.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il decide que le premier defendeur n'apas commis de faute engageant sa responsabilite envers la demanderesse etqu'il statue sur les depens entre ces parties ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne la demanderesse à la moitie des depens ; en reserve l'autremoitie pour qu'il soit statue sur celle-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Les depens taxes à la somme de six cent cinq euros huit centimes enversla partie demanderesse et à la somme de cent quarante-cinq eurosseptante-deux centimes envers la premiere partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lespresidents de section Albert Fettweis et Martine Regout, les conseillersMichel Lemal et Sabine Geubel, et prononce en audience publique duvingt-deux decembre deux mille seize par le president de section ChristianStorck, en presence de l'avocat general delegue Philippe de Koster, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+---------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
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| M. Regout | A. Fettweis | Chr. Storck |
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22 DECEMBRE 2016 C.10.0210.F/1



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 22/12/2016
Date de l'import : 20/01/2017

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.10.0210.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-12-22;c.10.0210.f ?
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