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12/01/2017 | BELGIQUE | N°C.12.0380.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 janvier 2017, C.12.0380.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.12.0380.F

J. W.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile,

contre

V. R.,

defenderesse en cassation.

representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cas

sation est dirige contre l'arret rendu le 29 septembre2011 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le president de section...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.12.0380.F

J. W.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile,

contre

V. R.,

defenderesse en cassation.

representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 29 septembre2011 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general delegue Philippe de Koster a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 23 à 28 du Code judiciaire ;

- articles 299 (tel qu'il etait applicable à l'epoque des faits, avant samodification par la loi du 27 avril 2007), 1319, 1320, 1322, 1349, 1352,1353 et 1452, specialement alinea 1er, du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret « dit les appels recevables et fondes dans la mesure ci-apres ; dit pour droit que [la defenderesse] est coproprietaire indivise del'appartement duplex denomme ... dans l'immeuble à appartementsmultiples denomme `...', situe ..., à ..., sur le terrain cadastre oul'ayant ete section B, nDEG 377/R, pour une superficie de trente aressoixante-trois centiares, et qu'en consequence : 1. à defaut d'accordentre les parties et des lors qu'il n'est pas conteste que le bien n'estpas commodement partageable, celui-ci doit etre realise en vente publique; 2. [la defenderesse] est en droit de recevoir - à dater du 28 fevrier2001 (introduction de la demande en divorce) - la moitie des loyers (ouindemnites d'occupation, s'il echet) de l'immeuble ... apres deductiondes charges y afferentes ; renvoie les parties devant les notairesliquidateurs afin qu'ils poursuivent leurs operations en tenant compte dece qui precede ; compte tenu de la qualite des parties, compense lesdepens des deux instances que, partant, il est sans objet de liquider ; dit pour droit qu'en application de l'article 1068 du Code judiciaire,toutes contestations eventuelles ulterieures en relation avec lesoperations de comptes, liquidation et partage sont de la competence de lacour [d'appel] ».

L'arret se fonde sur les motifs suivants :

« Les parties se sont mariees le 5 decembre 1997 à Bruxelles ;

Elles ont fait preceder leur union de conventions matrimoniales, adoptantun regime de separation de biens avec participation aux acquets etadjonction d'une societe, selon contrat rec,u le 1er decembre 1997 par lenotaire J.-F. T., non modifie ulterieurement ;

De l'union des parties est nee une enfant, N., le 23 avril 1999, [ladefenderesse] ayant retenu un enfant d'une union precedente ;

Par acte du 28 fevrier 2001, [le demandeur] a introduit une demande endivorce pour cause determinee devant le tribunal de premiere instance deBruxelles. [La defenderesse] a forme une demande reconventionnelle ;

Par jugement du 25 septembre 2002, le tribunal de premiere instance a faitdroit à la demande originaire [du demandeur], autorisant le divorce desparties sur pied de l'article 231 (ancien) du Code civil, et, recevant lademande reconventionnelle, a autorise [la defenderesse] à rapporter lapreuve par temoins de cinq faits. Le tribunal a par ailleurs designe lesnotaires D. et V. B. pour proceder aux operations de comptes, liquidationet partage de la communaute de biens et designe le notaire D. R. pourremplacer la partie defaillante ou recalcitrante ;

Par arret du 23 decembre 2004, la cour [d'appel] a, en substance, confirmele jugement precite, sauf en ce qu'il a reformule l'un des faits pourlesquels l'enquete etait autorisee ;

A l'intervention des notaires liquidateurs, les operations de liquidationdu regime matrimonial ont ete ouvertes le 5 decembre 2005 ;

Un proces-verbal intermediaire de dires et difficultes a ete dresse parles notaires liquidateurs le 17 juin 2007 et depose au greffe du tribunalde premiere instance ;

A la suite de ce depot, le tribunal a prononce le jugement entrepris ;

Actuellement, devant la cour [d'appel],

- [le demandeur] poursuit la reformation du jugement et sollicite ensubstance, notamment, qu'il soit dit pour droit que la clause d'apportcontenue dans le contrat de mariage des parties d'un appartement duplex enla `...', situee ..., à ... (ci-apres appele `l'immeuble ...') doit etrefrappee vis-à-vis de [la defenderesse] de la decheance prevue àl'article 299 du Code civil et que, des lors, [celle-ci] perd tous lesavantages resultant de cette clause d'apport, que ce soit quant à lapropriete meme de l'appartement ou quant aux revenus qu'il a produits etce, au 28 fevrier 2001, date de la citation en divorce ; il developpeegalement une demande subsidiaire et sollicite qu'il lui soit donne actede la demande qu'il a formulee devant le premier juge tendant auremboursement de 68.342,45 euros verses à titre de provision alimentaire; enfin, il conclut à l'irrecevabilite et au non-fondement des demandesformees par [la defenderesse] ;

- [la defenderesse] conclut au non-fondement de l'appel et, formant unappel incident, poursuit la reformation du jugement entrepris en ce qu'ill'a condamnee à produire des documents et sollicite notamment lalicitation judiciaire de l'immeuble ... ;

Discussion

1. Quant à l'immeuble ...

1.1. Observations liminaires

[Le demandeur], se fondant sur l'arret precite du 23 decembre 2004 qui aconfirme le jugement du 25 septembre 2002 qui faisait droit à sa demandeoriginaire en divorce fondee sur l'article 231 (ancien) du Code civil,invoque l'article 299 (ancien) du Code civil pour pretendre que sonex-epouse a perdu les avantages qui lui ont ete consentis en execution deleur contrat de mariage : il en deduit que la decheance organisee parl'article 299 du Code civil frappant les avantages qu'il a consentis prive[la defenderesse] de tout droit reel sur l'immeuble litigieux ;

Il doit etre precise ici que, contrairement à ce que tente de fairecroire [le demandeur], il n'y pas lieu de confondre la sanction ducomportement de [la defenderesse] pendant la duree du mariage - sanctionconsacree par le divorce prononce à ses torts - et les consequenceseventuelles de ce divorce en ce qui concerne la liquidation du regimematrimonial des parties ;

A cet egard, il est constant que les parties ont adopte des conventionsmatrimoniales derogatoires au droit commun, ayant institue entre elles leregime de la separation de biens avec participation aux acquets etadjonction d'une societe en vertu du contrat de mariage rec,u le 1erdecembre 1997 par le notaire T. ;

Aux termes de ce contrat, les parties ont adopte `le regime de laseparation de biens avec participation aux acquets' (article 1er) mais, enoutre, son article 8 stipule, sous le titre `Societe', que à) les futursepoux constituent, accessoirement au regime de separation de biens adopteci-dessus, une societe dans laquelle ils declarent faire entrer uniquementl'immeuble d'habitation designe ci-apres. La societe ne pourra s'etendreà d'autres biens, si ce n'est ceux qui seront subroges à tout ou partiedes biens qui la forment ; b) le futur epoux declare etre proprietaire dubien immeuble suivant : [l'immeuble ..., plus amplement decrit dansl'acte] ; c) le futur epoux declare faire entrer ledit immeuble dans lasociete d'acquets constituee comme dit sub a), sous les conditionssuivantes, que la future epouse declare accepter : 1. l'immeuble entreradans la societe par le seul fait de la celebration du mariage, sous lesgaranties ordinaires de droit ; 2. l'apport est effectue sans qu'il y aitlieu à etablissement de comptes entre les patrimoines personnels et lepatrimoine social à titre gratuit ; d) à la dissolution de la societeainsi constituee, pour quelque raison que ce soit, le patrimoine de cettesociete sera partage selon les regles du droit commun' ;

En application de cette stipulation, l'immeuble ..., qui, avant lemariage, etait un propre [du demandeur], est entre dans la societeadjointe par les parties à leur regime matrimonial de separation de biensavec participation aux acquets ;

Des lors que l'article 8 precite stipule qu'en cas de dissolution de lasociete, son patrimoine sera `partage selon les regles du droit commun',[le demandeur] soutient qu'au nombre de ces regles du droit commun, ilconvient d'appliquer l'article 299 du Code civil et que l'apport del'immeuble litigieux à la societe adjointe au regime matrimonialconstitue un àvantage' pour [la defenderesse] que celle-ci a perdu à lasuite du divorce prononce à ses torts ;

Si, certes, l'application de l'article 299 du Code civil peut etreenvisagee en raison de la dissolution de la societe adjointe au regimematrimonial comme consequence du divorce, il y a lieu, prealablement,d'examiner le statut de l'immeuble ... pour apprecier s'il constitue unàvantage' susceptible d'etre sanctionne aux termes de ce meme article ;

1.2. Examen du statut juridique de l'immeuble au regard des dispositionsdu contrat de mariage des parties

Il est constant que les futurs epoux peuvent adjoindre à leur regimematrimonial - soit en l'espece un regime de separation de biens avecparticipation aux acquets - une indivision conventionnelle qui, à l'egarddes tiers creanciers, sera consideree comme une indivision et, dans lerapport interne entre les epoux, sera qualifiee de patrimoine commun ;

Conformement à l'indivision ordinaire de droit commun, toutes lesdispositions relatives au patrimoine commun d'un regime de communaute sontapplicables à cette indivision à titre suppletif dans les rapportsinternes entre les epoux, pour autant toutefois qu'elles ne portent pasatteinte aux droits des tiers. De cette maniere, les regles du regimelegal sont applicables et une presomption de communaute peut exister entreles epoux ; [...]

1.3. Quant à l'application de l'article 299 du Code civil à la societeadjointe au regime matrimonial des parties

Aux termes de l'article 299 du Code civil, la sanction qu'il enonce portesur les àvantages' que les epoux se sont faits par contrat de mariage ;

Il est admis tant par la doctrine que par la jurisprudence que ladecheance qui frappe l'epoux coupable en matiere de divorce s'applique àtoutes les liberalites : les donations de quelque type qu'elles soient,les institutions contractuelles et les legs (à condition, pour cesdernieres liberalites, que le testament ait ete redige ou rec,u avant latranscription du dispositif de la decision autorisant le divorce) ;

En revanche, est plus delicate la question si la sanction touche egalementles àvantages matrimoniaux', c'est-à-dire les profits qu'un des epouxpeut tirer de son regime matrimonial ;

Or, comme les avantages matrimoniaux trouvent leur origine dans laconvention matrimoniale, contrat à titre onereux par excellence, lelegislateur les a fort logiquement traites comme des profits realises àtitre onereux, exclusifs de toutes liberalites ;

Cette presomption d'absence d'intention liberale est irrefragable ;

Des lors que l'immeuble ... apporte dans la societe adjointe au regime deseparation de biens des parties l'a ete en execution de leur contrat demariage, il decoule des constatations et considerations qui precedent quela decheance organisee par l'article 299 du Code civil ne peut etreappliquee ;

Le fait que cet apport ait ete effectue `à titre gratuit', comme lementionne le contrat de mariage, voire comme `donation', ainsi que lementionne en conclusions [la defenderesse] ou qu'il ressort de lamotivation de l'arret du 23 decembre 2004 prononce par la cour [d'appel]dans le cadre de la procedure en divorce des parties, n'enerve en rien laconclusion qui precede, puisque, ainsi qu'il est dit ci-dessus, l'absenced'intention liberale est presumee de maniere irrefragable et que, partant,la preuve d'une eventuelle intention liberale n'est pas recevable ;

En toute hypothese, il doit etre precise ici que l'apport de l'immeuble... à la societe adjointe au regime matrimonial des parties ne peut etreconsidere comme un avantage soumis aux regles des donations des lorsnotamment qu'il peut s'agir d'une indemnite due pour le travail menager oul'abandon d'une carriere personnelle ;

C'est ce que reflete par ailleurs, nonobstant les critiques que [ledemandeur] formule à cet egard, le notaire T. (qui a rec,u le contrat demariage et, partant, eclaire les futurs epoux sur son contenu) dans salettre du 26 novembre 2001 ;

La conclusion qui precede, selon laquelle la decheance organisee parl'article 299 du Code civil ne peut etre appliquee, est, par ailleurs,confirmee par la Cour de cassation dans son arret du 23 novembre 2001, quiprecise `qu'il y a lieu d'entendre par « avantages », au sens del'article 299 du Code civil, d'une part, toutes les donations entre epoux,d'autre part, les avantages constituant simultanement des droits desurvie, à savoir les dispositions faites par preciput et les dispositionsde partage inegal de la societe conjugale ; que, des lors, l'article 299n'est pas applicable aux avantages decoulant de la communaute au moment dupartage et que, par consequent, il n'est pas davantage applicable auxavantages resultant de l'apport d'un bien propre en communaute' ;

L'enseignement de la Cour de cassation n'est pas enerve par le fait que lecas qui lui etait alors soumis concernait un regime matrimonial anterieurà la loi du 14 juillet 1976. En effet, non seulement la Cour de cassations'est exprimee dans des termes generaux, mais encore la loi du 14 juillet1976 n'a-t-elle apporte de modifications qu'en ce qui concerne l'avantageresultant d'une clause de preciput ou de partage inegal, ce qui n'est pasle cas en l'espece ;

Par ailleurs, la conclusion qui precede n'est pas enervee par le fait quele cas qui etait alors soumis à la Cour de cassation concernait l'apportà la communaute par l'epoux d'un immeuble lui appartenant en propre ainsique de l'emprunt hypothecaire `lie' à ce bien. En effet, à nouveau, nonseulement la Cour de cassation s'est exprimee en termes generaux, maisencore aucune disposition ne permet d'affirmer que l'immeuble greve d'unehypotheque lors de la passation du contrat de mariage beneficierait d'unstatut different de celui qui est libre de toutes charges generalementquelconques ».

L'arret en conclut, en substance, que l'apport de l'immeuble litigieux nepeut etre soumis aux regles des donations, la preuve d'une eventuelleintention liberale n'etant pas admissible.

Griefs

Premiere branche

1. En vertu des articles 23, 24, 25, 26, 27 et 28 du Code judiciaire,l'autorite de la chose jugee a lieu à l'egard de ce qui a fait l'objetd'une decision lorsque la chose demandee est la meme, que la demande estfondee sur la meme cause, que la demande est entre les memes parties,formee par elles et contre elles en la meme qualite.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, cependant, « de ce qu'iln'y a pas identite entre l'objet et la cause d'une action definitivementjugee et ceux d'une autre action ulterieurement exercee entre les memesparties, il ne se deduit pas necessairement que pareille identite n'existeà l'egard d'aucune pretention ou contestation elevee par une partie dansl'une ou l'autre instance ni, partant, que le juge puisse accueillir unepretention dont le fondement est inconciliable avec la choseanterieurement jugee ».

En definitive, la Cour considere qu'il convient d'examiner si « lapretention nouvelle peut etre admise sans detruire le benefice de ladecision anterieure ».

Pour effectuer ce test de compatibilite, il convient d'operer unedistinction entre deux effets distincts mais complementaires de l'autoritede la chose jugee : l'effet negatif et l'effet positif.

L'effet negatif de l'autorite de la chose jugee fait obstacle à lareiteration de la demande et constitue le moyen technique d'assurer lareconnaissance de cette autorite. Cet effet empeche le juge de remettre encause ce qui a ete juge precedemment et s'etend aux motifs qui sont lesoutien necessaire de la decision.

L'effet positif impose au juge de tenir pour vrai ce qui a ete juge defac,on definitive. Des lors que les declarations des droits etobligations, condamnations et interdictions de la premiere decision sontconsiderees comme correspondant à la verite, en vertu de l'adage resiudicata pro veritate habetur, l'autorite de la chose jugee se pose comme« la base processuelle [de] laquelle des consequences pourront etrededuites », une des parties pouvant se fonder sur ce qui a ete decidedans une premiere decision « pour en tirer des consequences nouvellesdans un nouveau proces ou en prosecution de cause ».

Cet effet positif de l'autorite de la chose jugee et la presomption legalequi en decoule perdurent entre les parties dans toutes les procedures quiviendraient à les opposer ulterieurement, quels qu'en soient les objetset les causes et leurs eventuelles disparites.

Par consequent, pour delimiter la portee probatoire de l'autorite de lachose jugee, il ne s'agit pas tant de rechercher s'il y a identite totaleet rigoureuse d'objet et de cause que de determiner empiriquement si, danschaque cas, compte tenu de la « contestation » nouee dans le respect ducontradictoire, le dictum judiciaire invoque ou remis en cause dans lenouveau proces repondait bien dans le proces anterieur à la meme «question litigieuse », au meme « point litigieux », que celle ou celuiqui, à nouveau, se pose.

Le point litigieux doit etre entendu comme « toute question relative àl'existence, à la valeur, aux effets d'un rapport juridique, d'unesituation juridique, d'un acte ou d'un fait juridique qui se pose dans unproces parce que le rapport, la situation, l'acte, le fait est incertainou conteste ».

2. Il ressort des motifs de l'arret attaque, tenus ici pour integralementreproduits, que le point litigieux portait sur la qualification de l'acteengendrant le transfert de propriete de l'immeuble sis à ..., ..., dupatrimoine propre [du demandeur] au patrimoine commun des ex-epoux.

L'arret du 23 decembre 2004, prononce entre les parties dans le cadre dela procedure de divorce, enonce que « [le demandeur] prouve avoir faitdonation à son epouse, lors de la conclusion du mariage, de la moitie deson appartement sis à ..., ... ».

Ce motif est le soutien necessaire de la decision de l'arret du 23decembre 2004 selon laquelle « c'est à bon droit et pour de justesmotifs, auxquels la cour [d'appel] se rallie, que le premier juge aconsidere que le refus de cohabitation de [la defenderesse], joint aumaintien d'exigences financieres importantes et systematiquementrenouvelees, etait constitutif d'injures graves justifiant laprononciation du divorce à ses torts sur la base de l'article 231 du Codecivil ».

L'autorite de la chose jugee y est des lors attachee.

L'arret attaque admet que la meme contestation s'elevait à nouveau entreles parties devant les juges du fond en la presente cause, puisqu'ilconstate, au sujet de l'immeuble litigieux, que « le fait que cet apportait ete effectue `à titre gratuit', comme le mentionne le contrat demariage, voire comme `donation', ainsi que le mentionne en conclusions [la defenderesse] ou qu'il ressort de la motivation de l'arret du 23 decembre 2004 prononce par la cour [d'appel] dans le cadre de la procedureen divorce des parties, n'enerve en rien la conclusion qui precede ».

Nonobstant l'autorite de la chose jugee attachee au motif decisoireprecite de l'arret du 23 decembre 2004, l'arret attaque enonce que «l'absence d'intention liberale est presumee de maniere irrefragable etque, partant, la preuve d'une eventuelle intention liberale n'est pasrecevable ». Ce motif decisoire n'est pas surabondant, contrairement àce que pourrait faire penser le libelle du motif subsequent selon lequel,« en toute hypothese, il doit etre precise ici que l'apport del'immeuble ... à la societe adjointe au regime matrimonial des partiesne peut etre considere comme un avantage soumis aux regles des donationsdes lors notamment (note : et sans qu'il appartienne d'en rapporter lapreuve ainsi qu'il ressort de ce qui precede) qu'il peut s'agir d'uneindemnite due pour le travail menager ou l'abandon d'une carrierepersonnelle ».

C'est donc bien sur la pretendue presomption irrefragable d'absenced'intention liberale que l'arret attaque fonde sa decision relative à laqualification de l'apport de l'immeuble litigieux.

Or, ce fondement est inconciliable avec la chose anterieurement jugee surle meme point litigieux par l'arret du 23 decembre 2004, d'ou il ressort,au contraire, que [le demandeur] a prouve « avoir fait donation à sonepouse, lors de la conclusion du contrat de mariage, de la moitie de sonappartement sis à ..., ... ».

3. En consequence, l'arret attaque, qui accueille une pretention dont lefondement est inconciliable avec la chose anterieurement jugee, meconnaitl'autorite de la chose jugee attachee à l'arret du 23 decembre 2004(violation des articles 23 à 28 du Code judiciaire).

Deuxieme branche (subsidiaire)

1. Aux termes de l'article 1352 du Code civil, « la presomption legaledispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe. Nulle preuven'est admise contre la presomption de la loi lorsque, sur le fondement decette presomption, elle annule certains actes ou denie l'action enjustice, à moins qu'elle n'ait reserve la preuve contraire, et sauf cequi sera dit sur le serment et l'aveu judiciaires ».

Une presomption legale est consideree comme irrefragable lorsque, sur sonfondement, la loi annule certains actes ou denie un acte en justice ; dansles autres cas, une presomption doit, dans le silence du legislateur, etreconsideree comme iuris tantum.

Selon l'article 1452, alinea 1er, du Code civil, « les epoux peuventconvenir que tout ou partie des biens presents et futurs, meubles ouimmeubles, vises à l'article 1399 (c'est-à-dire des biens propres)feront partie du patrimoine commun ».

Aux termes de l'article 299 du Code civil, tel qu'il etait en vigueur àl'epoque des faits, « pour quelque cause que le divorce ait lieu, hors lecas du consentement mutuel, l'epoux contre lequel le divorce aura eteadmis perdra tous les avantages que l'autre epoux lui a faits, soit parleur contrat de mariage, soit depuis le mariage contracte ».

Selon l'arret de la Cour de cassation du 23 novembre 2001, « lesavantages au sens de l'article 299 du Code civil englobent, d'une part,les donations entre epoux, d'autre part, les avantages qui sont en memetemps des droits de survie, notamment les clauses de preciput et lesclauses de partage inegal de la communaute matrimoniale. L'article 299n'est pas applicable aux avantages qui naissent, lors du partage, de lacomposition du patrimoine commun ».

Ni le texte de l'article 1452 du Code civil, ni celui de l'article 299 dece code, ni la lecture qu'en donne la jurisprudence de la Cour nepermettent d'exclure la preuve du caractere gratuit d'un apport fait aupatrimoine commun par l'un des epoux avec intention liberale.

2. L'arret attaque, par les motifs precites, tenus ici pour integralementreproduits, considere que, dans le cas de l'apport d'un bien propre aupatrimoine commun par contrat de mariage, « l'absence d'intentionliberale est presumee de maniere irrefragable et que, partant, la preuved'une eventuelle intention liberale n'est pas recevable ».

3. En consequence, l'arret attaque, qui confere un caractere irrefragableà une presomption d'absence d'intention liberale attachee à l'apportd'un bien propre au patrimoine commun au sens de l'article 1452,specialement alinea 1er, du Code civil pour rejeter l'application del'article 299 de ce code, n'est pas legalement justifie (violation desarticles 299, 1352 et 1452, specialement alinea 1er, du Code civil).

Troisieme branche

1. Viole la foi due à un acte, le juge qui en donne une interpretationincompatible avec les termes de celui-ci ou, autrement exprime, ajoute àl'acte une mention qu'il ne comporte pas ou en retranche une mention qu'ilcomporte.

2. L'arret attaque constate que « l'apport de l'immeuble ... à lasociete adjointe au regime matrimonial des parties ne peut etre considerecomme un avantage soumis aux regles des donations des lors notamment [...]qu'il peut s'agir d'une indemnite due pour le travail menager ou l'abandond'une carriere personnelle. C'est ce que reflete par ailleurs, nonobstantles critiques que [le demandeur] formule à cet egard, le notaire T. (quia rec,u le contrat de mariage et, partant, eclaire les futurs epoux surson contenu) dans sa lettre du 26 novembre 2001 ».

Or, la lettre du notaire T. du 26 novembre 2001 se borne à enoncer, quantà l'apport d'un bien propre dans une societe adjointe, qu'« il constitueun mecanisme de protection de l'epoux non apporteur (sans cout fiscal,puisque cet apport, fait dans le contrat de mariage, n'est pas soumis àla perception d'un droit d'enregistrement proportionne lorsque celui-ci abandonne, en se mariant, une occupation professionnelle lucrative) ».

Ce document ne contient que la mention de l'existence d'un « mecanisme deprotection » sans autre caracteristique et ne comporte aucune mentiond'ou il ressortirait qu'un tel apport constituerait « une indemnite »ou « un avantage ne pouvant etre soumis aux regles des donations ».

3. En consequence, en declarant que la lettre precitee reflete lacirconstance que l'apport de l'immeuble litigieux à la societe adjointeau regime matrimonial des parties ne peut etre considere comme un avantagesoumis aux regles des donations ou que cet apport constituerait une« indemnite », l'arret attaque viole la foi due à cet acte (violationdes articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Quatrieme branche

1. Si l'existence des faits sur lesquels le juge se fonde estsouverainement constatee par lui et si les consequences qu'il en deduit,à ce titre, sont abandonnees par la loi aux lumieres et à la prudence dece juge, la Cour controle neanmoins si celui-ci n'a pas meconnu la notionlegale de presomption de l'homme.

Le juge viole la notion de presomption lorsqu'il deduit des faitsconstates par lui des consequences qui ne seraient susceptibles, sur leurfondement, d'aucune justification.

2. En deduisant de la lettre du notaire T. du 26 novembre 2001 quel'apport de l'immeuble litigieux au patrimoine commun des parties seraitdepourvu d'intention liberale ou constituerait une indemnite, l'arretattaque deduit d'un fait constate par lui une consequence qui n'estsusceptible, sur ce fondement, d'aucune justification.

3. En consequence, en procedant à cette deduction, l'arret attaquemeconnait la notion legale de presomption de l'homme (violation desarticles 1349 et 1353 du Code civil).

Second moyen

Dispositions legales violees

Articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque decide que « l'appartement duplex denomme ... dansl'immeuble à appartements multiples denomme `...', situe ... à ..., surun terrain cadastre ou l'ayant ete section B, nDEG 377/R, pour unesuperficie de trente ares soixante-trois centiares [...], doit etrerealise en vente publique [...] à defaut d'accord entre les parties etdes lors qu'il n'est pas conteste que le bien n'est pas commodementpartageable ».

L'arret attaque se base sur les motifs selon lesquels « [la defenderesse]est coproprietaire indivise de l'immeuble ... ;

Il en decoule que, à defaut d'accord entre les parties et des lors qu'iln'est pas conteste que l'immeuble ... n'est pas commodement partageable,celui-ci doit etre realise en vente publique ;

[...] Quant à la mise en vente publique de l'immeuble qui est ordonnee etqui, partant, doit intervenir `sauf accord entre les parties', certes, enprincipe, la licitation d'un bien ne peut etre decidee qu'à l'issue desoperations de liquidation, dans l'esprit de privilegier le partage ennature si possible, et, des lors, en general, c'est à la lumiere del'etat liquidatif que la decision de liciter l'immeuble pourra etrearretee. Toutefois, aucune disposition legale ne permet d'affirmer qu'ils'agit d'un principe absolu. [...] Des tensions [...] existent encoreactuellement entre les parties, ainsi qu'il ressort des documents soumisà la cour [d'appel] ».

L'arret attaque en conclut qu'« il parait judicieux, si [les parties] neparviennent pas à trouver immediatement un consensus, de proceder à lavente publique du bien ».

Griefs

1. Viole la foi due à un acte, le juge qui en donne une interpretationincompatible avec les termes de celui-ci ou, autrement exprime, ajoute àl'acte une mention qu'il ne comporte pas ou en retranche une mention qu'ilcomporte.

2. L'arret attaque declare « qu'il n'est pas conteste que l'immeuble ...n'est pas commodement partageable ».

Or, dans ses conclusions additionnelles et de synthese, [le demandeur]faisait valoir que « c'est le resultat des comptes entre les parties quipermettra [...] d'apprecier le caractere commodement partageable ou nondes biens et, in fine, de decider s'il y a lieu de proceder à la ventedes biens dont il est avere qu'ils ne sont pas commodement partageablesen nature ».

Ces conclusions contiennent donc la mention d'une contestation ducaractere partageable de l'immeuble ... notamment.

3. En consequence, l'arret attaque, qui retranche une mention desconclusions additionnelles et de synthese [du demandeur], viole la foi quileur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la deuxieme branche :

Aux termes de l'article 299 du Code civil, dans sa redaction applicable aulitige, pour quelque cause que le divorce ait lieu, hors le cas duconsentement mutuel, l'epoux contre lequel aura ete admis le divorceperdra tous les avantages que l'autre epoux lui avait faits, soit par leurcontrat de mariage, soit depuis le mariage contracte.

Cette disposition entend par avantages, d'une part, les liberalites entreepoux, d'autre part, les avantages matrimoniaux qui constituentsimultanement des droits de survie.

Elle n'est, des lors, pas applicable aux avantages qui resultent de lacomposition de la communaute au moment du partage et, partant, del'apport, lors de la conclusion du contrat à titre onereux queconstituent les conventions matrimoniales, d'un bien propre à lacommunaute.

L'arret attaque constate que les parties « ont fait preceder leur unionde conventions matrimoniales » instituant « entre elles le regime de laseparation de biens avec participation aux acquets et adjonction d'unesociete », qui n'a pas ete « modifie ulterieurement » ; que ledemandeur a, par le contrat de mariage, apporte à cette societel'immeuble litigieux qui lui etait propre, et que ce contrat stipule enson article 8 « qu'en cas de dissolution de la societe, son patrimoinesera `partage selon les regles du droit commun' ».

En considerant que, « comme les àvantages matrimoniaux', c'est-à-direles profits qu'un des epoux peut tirer de son regime matrimonial, trouventleur origine dans la convention matrimoniale, contrat à titre onereux parexcellence, le legislateur les a fort logiquement traites comme desprofits realises à titre onereux, exclusifs de toute liberalite »,l'arret, qui se fonde sur le champ d'application de l'article 299 du Codecivil deduit de la definition qu'il donne des avantages matrimoniaux,justifie legalement sa decision de ne pas appliquer à l'immeublelitigieux la decheance prevue à cet article.

Les autres considerations de l'arret que critique le moyen, en cettebranche, sont, des lors, surabondantes.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la premiere branche :

L'autorite de la chose jugee s'attache à ce que le juge a decide sur unpoint litigieux et à ce qui, en raison de la contestation portee devantlui et soumise à la contradiction des parties, constitue, fut-ceimplicitement, le fondement necessaire de sa decision.

Pour confirmer le jugement prononc,ant le divorce des parties aux torts dela defenderesse sur la base de l'article 231 ancien du Code civil, l'arretdu 23 decembre 2004 a considere que « le refus de [celle-ci] deconcretiser le projet de vie initial des parties en rejoignant son epouxà Sofia, rendant ainsi une cohabitation normale impossible, est d'autantplus injurieux qu'il s'est accompagne d'exigences financieres importantesregulierement renouvelees auxquelles [le demandeur] a, dans un premiertemps, accede dans un esprit de conciliation », qu'il « prouve avoirfait donation à son epouse, lors de la conclusion du mariage, de lamoitie de [l'appartement litigieux], [...] [la defenderesse considerant]qu'il s'agissait de `garanties financieres parfaitement legitimes' dans lamesure ou elle avait accepte de renoncer à sa carriereprofessionnelle », et « avoir conclu un contrat de mariage de separationde biens avec clause de participation aux acquets qui octroyait à chaqueepoux, lors de la dissolution du regime matrimonial, une creancerepresentant, en valeur, la participation à l'accroissement constate dansle patrimoine de l'autre epoux, cette clause [etant] manifestementdestinee à sauvegarder les interets de la seule [defenderesse] dans lamesure ou il avait ete convenu qu'elle renoncerait à son activiteprofessionnelle et que [le demandeur] serait donc le seul à percevoir desrevenus professionnels ».

Il suit des termes meme de cette decision que, si elle a eu egard auxexigences financieres de la defenderesse pour apprecier ses torts dans lecadre de la demande en divorce dirigee contre elle, la cour d'appel n'apas alors examine si le bien litigieux constituait un avantage au sens del'article 299 precite du Code civil.

En considerant, apres avoir decide que tel n'est pas le cas, que « lefait que [l']apport de ce bien ait ete effectue comme `donation' [...],ainsi qu'il ressortirait de la motivation de l'arret du 23 decembre 2004,n'enerve en rien la conclusion qui precede », l'arret attaque nemeconnait des lors pas l'autorite de la chose jugee qui s'attache à ceprecedent arret.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant aux troisieme et quatrieme branches reunies :

Des lors que les motifs de l'arret reproduits en reponse à la deuxiemebranche du moyen suffisent à fonder sa decision de ne pas faireapplication de l'article 299 du Code civil, le moyen, qui, en cesbranches, critique une consideration surabondante de cette decision, estdenue d'interet, partant, irrecevable.

Sur le second moyen :

Si, dans les conclusions auxquelles le moyen se refere, le demandeurfaisait valoir, pour s'opposer à la licitation de l'appartementlitigieux, que les comptes qui devaient etre etablis entre les partiespermettraient seuls de decider si ce bien ne pourrait pas lui etreattribue en nature, en sorte que son caractere partageable ne devait etreapprecie qu'une fois les comptes acheves, il n'a pas soutenu quel'immeuble etait en lui-meme commodement partageable.

L'arret attaque, qui, sans etre critique, expose les raisons pourlesquelles il estime que la licitation ne peut etre reportee à l'issuedes operations de liquidation, ne donne pas desdites conclusions uneinterpretation inconciliable avec leurs termes et ne viole pas, des lors,la foi due à l'acte qui les contient en considerant qu'« il n'est pasconteste que l'immeuble [...] n'est pas commodement partageable ».

Le moyen manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de six cent vingt-deux euros huit centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de deux cent vingt-sept eurosquatre-vingt-six centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, les presidents de section Albert Fettweis et Martine Regout et leconseiller Michel Lemal, et prononce en audience publique du douze janvierdeux mille dix-sept par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general delegue Philippe de Koster, avec l'assistancedu greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Regout |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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* 12 JANVIER 2017 C.12.0380.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0380.F
Date de la décision : 12/01/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-01-12;c.12.0380.f ?
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