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25/01/2017 | BELGIQUE | N°P.16.1021.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 janvier 2017, P.16.1021.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.16.1021.F

I. VAN D. F.

prevenu,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, etayant pour conseil Maitre Magda Vandebotermet, avocat au barreau deBruxelles,

II. V. F., ne à Waes le 30 mars 1955,

prevenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Christophe Van Melckebeke, avocat au barreau deBruxelles, dont la cabinet est situe à Ixelles, rue Paul-Emile Janson,37, ou il est fait election de domicile,

les pourvois co

ntre

LA REGION WALLONNE, au nom de laquelle agit la societe anonyme Sogepa,societe de gestion et de participation,
...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.16.1021.F

I. VAN D. F.

prevenu,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, etayant pour conseil Maitre Magda Vandebotermet, avocat au barreau deBruxelles,

II. V. F., ne à Waes le 30 mars 1955,

prevenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Christophe Van Melckebeke, avocat au barreau deBruxelles, dont la cabinet est situe à Ixelles, rue Paul-Emile Janson,37, ou il est fait election de domicile,

les pourvois contre

LA REGION WALLONNE, au nom de laquelle agit la societe anonyme Sogepa,societe de gestion et de participation,

partie civile,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est situe à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il est faitelection de domicile.

I. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 27 septembre 2016 parla cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.

Le premier demandeur invoque trois moyens et le second en fait valoirdeux, chacun dans un memoire annexe au present arret, en copie certifieeconforme.

Le conseiller Franc,oise Roggen a fait rapport.

L'avocat general Damien Vandermeersch a conclu.

II. la decision de la cour

A. Sur le pourvoi de F. Van D. :

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Pris de la violation de l'article 496 du Code penal, le moyen fait griefà l'arret de dire les faits d'escroquerie etablis sur le fondement demanoeuvres frauduleuses posterieures à la remise des fonds.

Le demandeur soutient qu'en retenant au titre de manoeuvres frauduleusesdes transferts de fonds intervenus des le mois de juin 1995 entre lasociete EM Filatures et les autres societes du `Groupe Verbeke', lesremboursements commences quelques jours apres l'avance des fonds, lesysteme d'affacturage de la production de la societe EM Filatures mis enplace des le mois de juillet 1995 ainsi que la prise d'effet des procedesdenonces par la Region wallonne apres la remise des fonds, les jugesd'appel n'ont pas legalement justifie leur decision.

En regle, les manoeuvres frauduleuses doivent etre determinantes de laremise ou de la delivrance de la chose et donc etre anterieures àcelles-ci. Toutefois, des elements posterieurs à la remise ou à ladelivrance de la chose peuvent etre pris en compte s'ils revelent lecaractere frauduleux des agissements intervenus avant cette remise oudelivrance. Par ailleurs, ce n'est pas la decision d'un apport de fonds oud'un pret qui consomme les faits d'escroquerie mais la remise ou ladelivrance de ceux-ci.

L'arret enonce d'abord que le ministre-president du gouvernement wallon aadresse une reponse favorable au second demandeur le 6 decembre 1994,motivee notamment (...) par l'objectif de sauver 270 emplois puisque leplan social de la societe anonyme EM Filatures prevoyait la reembauche detous les travailleurs de la societe anonyme Euromotte, en faillite, etque, par arrete du 23 mars 1995, le gouvernement wallon a decide sonintervention dans la premiere societe.

Il releve ensuite que parmi les conditions auxquelles la Region wallonneavait subordonne son intervention figuraient notamment, d'une part, lasouscription et la liberation integrale en numeraire d'une somme de31.000.000 BEF et l'octroi d'un pret de 45.000.000 BEF par lesactionnaires prives, conjointement à la prise de participation en capitalde la somme de 30.000.000 BEF et au pret de 45.000.000 BEF de la Regionwallonne et, d'autre part, la prohibition de tout transfert de fonds entrela societe anonyme EM Filatures et une autre societe du `Groupe Verbeke'.L'arret precise à cet egard que ces conditions s'inscrivaient dansl'objectif de garantir le maintien des activites de la societe Euromotteen faillite, explicitement repris dans la convention d'actionnaires signeele 24 novembre 1995.

L'arret considere encore que les agissements des demandeurs ont totalementviole ces conditions, citant des transferts de fonds intervenus des lemois de juin 1995, des remboursements commences quelques jours apresl'avance des fonds, le systeme d'affacturage de la production de lasociete EM Filatures mis en place des le mois de juillet 1995 ainsi que laprise d'effet des procedes denonces par la defenderesse apres la remisedes fonds.

Par ces considerations, l'arret justifie legalement sa decision que cesagissements constituaient des manoeuvres frauduleuses au sens de l'article496 du Code penal.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

Le moyen est pris de la meconnaissance du principe general du droitrelatif à la presomption d'innocence consacre à l'article 6.2 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales et de la violation des regles relatives à la charge de lapreuve en matiere penale.

Le moyen fait grief à l'arret de decider que la faute du demandeur,resultant des faits constitutifs d'infraction à l'article 496 du Codepenal, est etablie en ayant egard à la double circonstance que

- ni le second demandeur ni lui-meme ne donnent aucune explicationsusceptible de justifier valablement les transferts de fonds intervenusdes le mois de juin 1995 entre la societe EM Filatures et les autressocietes du `Groupe Verbeke' ;

- aucune justification valable n'est apportee par eux à propos del'accroissement anormal de l'encours fournisseurs de la societe EMFilatures dans les livres de la societe de droit franc,ais Euromotteservices.

Des lors que le pourvoi est dirige contre la decision rendue sur l'actioncivile, le principe general du droit relatif à la presomption d'innocenceet l'article 6.2 de la Convention ne sont pas applicables.

Le droit du prevenu de nier les faits mis à sa charge, le cas echeant engardant le silence, est etranger à la sincerite de cette denegation quele juge du fond apprecie en fait.

Par ailleurs, appreciant souverainement la valeur probante des elements depreuve qui ont ete regulierement produits devant lui et soumis à lacontradiction des parties, le juge qui decide que les elements de faitinvoques par le prevenu pour sa defense, sont depourvus de credibilite, nerenverse pas la charge de la preuve.

Par adoption des motifs du jugement entrepris, l'arret releve notammentles manoeuvres suivantes comme s'inscrivant dans un mecanisme generalfrauduleux :

- les promesses d'investissement faites par le second demandeur dans lecadre des negociations avec la Region wallonne,

- la reactivation de la societe Euromotte services, ulterieurementinstallee comme intermediaire incontournable ;

- l'endettement de cette derniere aupres d'autres societes du `GroupeVerbeke' et son apport de fac,ade via le systeme de cession de lacommercialisation et d'affacturage de la production de la societe EMFilatures rapidement devoye ;

- les remboursements au `Groupe Verbeke' qui ont commence quelques joursseulement apres l'avance des fonds.

A l'egard du demandeur, l'arret releve egalement

- qu'il representait la societe Euromotte services, en qualite depresident directeur general lors de l'augmentation de capital de lasociete EM Filatures le 9 juin 1995 et avec l'intervention de la Regionwallonne le 24 novembre 1995 ;

- qu'en cette meme qualite, il etait signataire de la convention de pretde 45 millions à la societe EM Filatures du 16 octobre 1995, de laconvention d'actionnaires conclue avec la Region wallonne le 24 novembre1995 ;

- qu'il est le signataire en cette meme qualite, malgre les engagementspris, d'importants ordres de paiement au profit de differentes societes du`Groupe Verbeke' ;

- qu'il etait en meme temps administrateur, par l'intermediaire d'unesociete de droit franc,ais Vedeco, de la societe EM Filatures pourlaquelle il a signe plusieurs rapports de conseil d'administration.

Apres avoir ainsi enonce les differents elements de preuve retenus àcharge, les juges d'appel n'ont pas, comme le moyen le soutient, constateque le demandeur n'apportait pas la preuve de ce que les faits qui luisont reproches n'etaient pas etablis. Ils se sont limites à constaterqu'à l'egard des deux elements vises au moyen, les prevenus n'apportaientaucune explication ou justification valable.

Par les considerations critiquees, l'arret ne renverse des lors pas lacharge de la preuve.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, le moyenreproche aux juges d'appel d'allouer à la defenderesse une indemnite enreparation d'un dommage qui n'a pas de caractere personnel des lorsqu'elle postulait la reparation d'un prejudice dont elle n'a souffertqu'en sa qualite d'actionnaire d'une societe.

En tant qu'il critique l'appreciation en fait des juges d'appel ou exigepour son examen une verification d'elements de fait, pour laquelle la Courest sans pouvoir, le moyen est irrecevable.

L'arret considere que, contrairement à ce que les demandeurs soutiennent,le prejudice reclame par la defenderesse ne se confond pas avec l'atteintepar ailleurs portee au patrimoine de la societe EM Filatures dont elle estdevenue actionnaire, mais a directement trait à l'investissement de30.000.000 BEF qu'elle n'aurait pas apporte sans les manoeuvresfrauduleuses denoncees et au pret de 45.000.000 BEF qu'elle n'aurait pasconsenti à la societe EM Filatures en l'absence de tels agissements.

Les juges d'appel ont ainsi entendu indemniser le dommage personnel subipar la defenderesse à la suite des investissements et du pret consentispar elle en raison des faits reproches aux demandeurs, et non en saqualite d'actionnaire de la societe faillie.

Dans la mesure ou il repose sur une lecture inexacte de l'arret, le moyenmanque en fait.

Quant à la seconde branche :

Pris de la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyen faitvaloir qu'il est contradictoire de considerer, d'une part, que c'est à lasuite de la faillite de la societe EM Filatures que l'investissement de ladefenderesse a ete perdu et, d'autre part, que son prejudice ne se confondpas avec l'atteinte portee au patrimoine de cette societe dont elle estdevenue actionnaire.

Le fait de constater que c'est à la suite de la faillite de la societe EMFilatures que la defenderesse a perdu son investissement et le montant dupret consenti à cette societe, n'exclut pas que le prejudice subi puissetrouver son origine dans une autre cause, à savoir les agissementsculpeux des demandeurs.

Aucune contradiction ne saurait des lors se deduire des deuxconsiderations precitees.

Le moyen manque en fait.

Sur le troisieme moyen :

Quant à la seconde branche :

Le moyen est pris de la violation de la foi due aux conclusions desynthese d'appel du demandeur.

Aux pages 68 et 69 des conclusions precitees, le demandeur a conteste lemontant de l'indemnite de procedure sollicitee par la defenderesse etpostule sur le fondement d'un des criteres vises à l'article 1022, alinea3, du Code judiciaire, sa reduction au montant minimal.

En allouant à la defenderesse le montant de base de ladite indemniteapres avoir enonce que l'indemnite de procedure de 16.500 euros reclameepar la defenderesse n'est pas discutee, les juges d'appel ont donne desconclusions de synthese du demandeur une interpretation inconciliable avecleurs termes.

Le moyen est fonde.

B. Sur le pourvoi de F. V. :

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Pour les motifs enonces en reponse à la premiere branche du premiermoyen, similaire, invoque par F. Van D., le moyen ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

Le moyen est similaire à la seconde branche du premier moyen invoque parF. Van D..

Pour imputer au demandeur la faute resultant de l'infractiond'escroquerie, l'arret releve notamment les elements suivants :

- le demandeur est presente comme etant à la tete du `Groupe Verbeke' ;

- il est le principal interlocuteur de la Region wallonne en tantqu'auteur de l'offre de reprise des actifs de la societe Euromotteservices en faillite et signataire de pratiquement toutes lescorrespondances adressees à la Region wallonne (en particulier lecourrier du 24 novembre 1995 marquant son accord sur les conditions emisespar la Region wallonne) ;

- il est administrateur delegue de la societe EM Filatures pour laquelleil a notamment signe la convention de concession de la commercialisationexclusive de sa production à la societe Euromotte services le 25 avril1996 ;

- il est en meme temps administrateur de la societe Euromotte servicespour laquelle il beneficiait du pouvoir d'executer les creances defactoring ;

- il est le signataire de nombreux ordres de paiement emis par la societeEuromotte services au profit de differentes societes du `Groupe Verbeke'et de demandes de paiement adressees à cette societe par d'autressocietes du groupe ;

- il est egalement president du conseil d'administration d'une societeSartel pour laquelle il a signe le 18 decembre 1995, une convention dedelegation de creance lui permettant de liberer sa dette à l'egard de lasociete EM Filatures entre les mains de la societe Euromotte services dontla societe Sartel etait elle-meme creanciere.

Par ces considerations et pour les motifs mentionnes en reponse à laseconde branche du premier moyen invoque par F. Van D., l'arret justifielegalement sa decision.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen :

Pour les motifs indiques en reponse aux deux branches du deuxieme moyen,similaire, invoque à l'appui du pourvoi du premier demandeur, le moyenmanque en fait.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arret attaque en tant qu'il condamne F. Van D. à payer uneindemnite de procedure d'appel de 16.500 euros à la Region wallonne ;

Rejette les pourvois pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne F. Van D. aux quatre cinquiemes des frais de son pourvoi etreserve le cinquieme restant pour qu'il soit statue sur celui-ci par lajuridiction de renvoi ;

Condamne F V. aux frais de son pourvoi ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel de Liege.

Lesdits frais taxes en totalite à la somme de mille quatre cent nonanteet un euros septante-sept centimes dont I) sur le pourvoi de F. Van D. :trois cent neuf euros soixante-deux centimes dus et six centcinquante-huit euros nonante-six centimes payes par ce demandeur et II)sur le pourvoi de F. V. : quarante et un euros dus et quatre centquatre-vingt-deux euros dix-neuf centimes payes par ce demandeur.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Benoit Dejemeppe, conseiller faisant fonction de president,Franc,oise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frederic Lugentz,conseillers, et prononce en audience publique du vingt-cinq janvier deuxmille dix-sept par Benoit Dejemeppe, conseiller faisant fonction depresident, en presence de Damien Vandermeersch, avocat general, avecl'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.

+---------------------------------------------+
| T. Fenaux | F. Lugentz | T. Konsek |
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| E. de Formanoir | F. Roggen | B. Dejemeppe |
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25 JANVIER 2017 P.16.1021.F/9



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 25/01/2017
Date de l'import : 10/02/2017

Numérotation
Numéro d'arrêt : P.16.1021.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-01-25;p.16.1021.f ?
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