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16/02/2017 | BELGIQUE | N°C.15.0251.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 février 2017, C.15.0251.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0251.F

J.-L. L.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

J. D.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en c

assation est dirige contre l'arret rendu le 30 juin 2014par la cour d'appel de Liege.

Le president de section Martin...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0251.F

J.-L. L.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

J. D.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 30 juin 2014par la cour d'appel de Liege.

Le president de section Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente trois moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

L'article 301, S: 3, du Code civil, avant sa modification par la loi du 27avril 2007 reformant le divorce, dispose que si, par suite decirconstances independantes de la volonte du beneficiaire de la pension,celle-ci n'est plus suffisante et ce dans une mesure importante poursauvegarder la situation prevue au paragraphe 1er, le tribunal peutaugmenter la pension, que si, par suite d'une modification sensible de lasituation du beneficiaire, le montant de la pension ne se justifie plus,le tribunal peut reduire ou supprimer la pension et que ceci vautegalement en cas de modification sensible de la situation du debiteur dela pension par suite de circonstances independantes de sa volonte.

Les resultats de la liquidation-partage du regime matrimonial des ex-epouxpeuvent, dans certaines circonstances, constituer l'element nouveaujustifiant la revision du montant de la pension apres divorce en fonctionde l'enrichissement ou de l'appauvrissement des ex-epoux.

Le moyen, qui, en cette branche, repose tout entier sur le soutenementcontraire, manque en droit.

Quant à la deuxieme branche :

L'arret attaque considere que « la procedure en divorce de [ladefenderesse] a ete introduite le 25 novembre 2004 de sorte que l'ancienarticle 301 du Code civil est applicable ».

Le moyen, qui, en cette branche, suppose que l'arret fait application del'article 301, S: 7, alinea 2, du Code civil, tel que modifie par les loisdes 27 avril 2007 et 2 juin 2010, manque en fait.

Quant à la troisieme branche :

L'arret considere que « le compte Belfius reserve à la gestion desloyers demontre que [le demandeur] se paie 500 euros par mois pour lagestion des loyers, en sus des 800 euros qu'il s'attribue comme provisionsur ceux-ci. Cette remuneration de 500 euros par mois doit etrecomptabilisee dans ses revenus dans la mesure ou elle ne correspond pas àdes frais justifies, puisqu'un syndic s'occupe des appartements etstudios ».

Contrairement à ce que le moyen, en cette branche, suppose, en tenantcompte de la remuneration de 500 euros pour gestion des loyers, l'arretn'ajoute pas aux revenus du demandeur à prendre en consideration pour lecalcul de la pension apres divorce des revenus immobiliers des biensindivis entre les epoux destines à etre ulterieurement partages.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le deuxieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Il n'est pas contradictoire de considerer, d'une part, à propos desencaissements averes qui ont ete releves par l'expert H. dans son rapport,qu'« il y a lieu de tenir compte dans le calcul des revenus et charges,non seulement des revenus nets apres impots mais egalement desencaissements qui ne sont pas justifies par une depense correspondante »,d'autre part, à propos de revenus vraisemblables des parties qui ne sontpas etablis, qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des revenus du« patrimoine mobilier complementaire ».

Quant à la seconde branche :

En enonc,ant que « la seule difference dans [la] declaration fiscale [de2013 du demandeur] est l'absence de prise en compte des benefices etprofits de son activite anterieure, sans doute consideres comme amortis auniveau fiscal, mais [que] la preuve de la disparition de ce beneficeanterieur engrange n'est nullement etablie », l'arret considere que leseul fait que, dans ladite declaration fiscale, ne figurent plus lesbenefices et profits de ses activites anterieures n'implique pas queceux-ci aient disparu, de sorte que l'appauvrissement allegue du demandeurn'est pas etabli.

Le moyen, en chacune de ses branches, manque en fait.

Sur le troisieme moyen :

Quant à la premiere branche :

L'arret considere qu'« en l'absence de clarte sur les economies [dudemandeur], force est de constater que leur existence doit s'etablir parextrapolation au regard des conclusions tirees par Mr H. dans son rapport,[qu']en considerant les chiffres retenus par l'expert H., le revenumensuel moyen net [du demandeur] entre 2006 et 2010 s'est eleve à [...]10.467,28 euros par mois [et qu']on peut en deduire que, tout enmaintenant son train de vie, [le demandeur] a pu engranger une moyenne de6.000 euros par mois d'economies sur cinq ans, soit un capital de 360.000euros qui peut rapporter annuellement du 3 p.c., soit un revenu mensuelcomplementaire de 900 euros par mois ».

L'arret, qui, sans qu'il lui soit fait grief de violer la foi due aurapport de l'expert H., deduit ces elements des conclusions dudit rapportqui ont ete soumises à la contradiction des parties, ne se fonde pas surun fait qui lui etait connu de science personnelle et ne viole aucune desdispositions et principes generaux vises au moyen.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

En enonc,ant qu'« en resume, les revenus [du demandeur] au moment dudivorce s'etablissent comme suit, suivant l'avertissement-extrait de role2012 », l'arret effectue la synthese des developpements precedentsrelatifs aux revenus du demandeur ainsi que des informations contenuesdans cet avertissement-extrait de role, sans considerer que tous lesrevenus enumeres ensuite sont mentionnes dans ce document.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur une lecture inexacte del'arret, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de mille quarante et un euros quinze centimesenvers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Martine Regout, les conseillers DidierBatsele, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononceen audience publique du seize fevrier deux mille dix-sept par le presidentde section Martine Regout, en presence de l'avocat general ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| M. Lemal | D. Batsele | M. Regout |
+-----------------------------------------------+

Requete

Requete en cassation

POUR : Monsieur J.-L. L.,

Demandeur en cassation,

Assiste et represente par Me Simone Nudelholc, avocat à la Cour decassation soussignee, dont le cabinet est etabli boulevard de l'Empereur,3 à 1000 Bruxelles, chez qui il est elu domicile,

CONTRE : Madame J. D.,

Defenderesse en cassation.

*

* *

A Messieurs les Premier President et Presidents, à Mesdames et Messieursles Conseillers composant la Cour de cassation.

Messieurs, Mesdames,

Le demandeur a l'honneur de soumettre à votre censure l'arret renducontradictoirement entre les parties, le 30 juin 2014, par la premierechambre de la cour d'appel de Liege (2012/RG/1116).

Les faits de la cause, tels qu'ils ressortent des constatations de l'arretattaque et des pieces de la procedure auxquelles la Cour peut avoiregard, sont les suivants.

Par citation du 25 novembre 2004, la defenderesse a introduit contre ledemandeur, devant le tribunal de premiere instance de Namur, une demandeen divorce et en reglement des mesures provisoires.

Par jugement du 24 mars 2006, le tribunal a condamne le demandeur aupaiement, pendant l'instance en divorce, d'une provision alimentaire de2.500 EUR par mois.

Une demande ulterieure du demandeur, tendant à la suppression de laprovision alimentaire, a ete rejetee par jugement du 29 juin 2010.

En degre d'appel, la cour d'appel de Liege a condamne le demandeur aupaiement d'une somme de 800 EUR par mois à titre de provision sur lesloyers indivis et au paiement d'un secours alimentaire mensuel de 1.500EUR. Ce meme arret a designe un expert, le reviseur d'entreprise H., auxfins de determiner les revenus du demandeur.

Par citation du 5 mars 2009, le demandeur a cite la defenderesse endivorce, pour cause de desunion irremediable, sur base de l'article 229,S: 3, du Code civil, tel que modifie par la loi du 27 avril 2007.

Les deux demandes en divorce formees par les epoux ont ete jointes pourcause de connexite.

Par jugement du 7 mars 2012, le tribunal a prononce le divorce aux tortsdu demandeur, sur la base de l'article 229 ancien.

Le jugement du 7 mars 2012 a egalement condamne le demandeur au paiementd'une pension apres divorce d'un montant mensuel de 2.500 EUR.

Ce jugement est aujourd'hui coule en force de chose jugee pour ce quiconcerne le prononce du divorce. Le demandeur a releve appel de ladecision fixant le montant de la pension apres divorce.

Par un premier arret du 7 novembre 2012, la cour d'appel de Liege a decideque le premier juge avait statue ultra petita et a des lors annule sadecision. Evoquant la cause, la cour d'appel a ordonne une reouverture desdebats. Par l'arret attaque, la cour d'appel a fixe à titre definitif lemontant de la pension apres divorce.

A l'appui de son pourvoi, le demandeur invoque les trois moyens decassation suivants. Premier moyen de cassation

Dispositions legales dont la violation est invoquee

- Article 301, specialement S: 1er et S: 3, du Code civil, tel qu'il etaiten vigueur avant sa modification par la loi du 27 avril 2007 ;

- Article 42, specialement S: 2 et S: 3, de la loi du 27 avril 2007modifiant le divorce.

Pour autant que de besoin :

- Article 301, S: 7, specialement alinea 2, du Code civil.

Decision et motifs critiques

L'arret attaque « dit l'appel partiellement fonde. Condamne (ledemandeur) à payer à (la defenderesse) 2.000 EUR par mois à titre depension alimentaire definitive apres divorce depuis le 7 mars 2012, cemontant etant indexe annuellement et pour la premiere fois le 7 mars 2013selon la formule suivante :

2.000 EUR x indice du mois de fevrier 2013

Indice du mois de fevrier 2012

Sous deduction de toutes sommes dejà versees à valoir. »

Cette decision se fonde sur les motifs suivants :

« I. Les parties s'expliquent longuement sur les antecedents desprocedures en separation de corps, en divorce et en refere, sur lesdifferentes procedures de saisies-conservatoires effectuees (par ladefenderesse) et sur les tentatives de liquidation du regime matrimonial,lesquelles se heurtent au refus des parties d'en finir amiablement et sonten cours depuis l'annee 2000.

Ces considerations amenent la cour à exclure du calcul de la pensionalimentaire toutes les speculations sur la liquidation du regimematrimonial laquelle peut, vu le comportement des anciens epoux, durerencore plusieurs mois, si non plusieurs annees. (Le demandeur) rejettetoutes les propositions faites par (la defenderesse) et cette dernierefait obstacle à la liquidation-vente de certains biens indivis. Certainsimmeubles en Suisse et en Belgique dependant de la societe d'acquets onten effet ete vendus mais le produit de la vente est bloque entre les mainsdes notaires dans l'attente des comptes de sortie d'indivision.

Il ne peut donc etre tenu compte du produit futur de laliquidation-partage pour le calcul de la pension alimentaire, aucun projetde decomptes entre parties n'etant produit à ce jour et aucune certituden'existant quant à la volonte des parties de sortir de leur indivision(arret attaque, p. 3 et 4)...

II. Le compte (aupres de la Banque ...) reserve à la gestion des loyersdemontre que (le demandeur) se paie 500 EUR par mois pour la gestion desloyers, en sus des 800 EUR qu'il s'attribue comme provision sur ceux-ci...Cette remuneration de 500 EUR par mois doit etre comptabilisee dans sesrevenus dans la mesure ou elle ne correspond pas à des frais justifies,puisqu'un syndic s'occupe des appartements et studios. L'exercice2012-2013 revele d'ailleurs un boni selon ses propres calculs. On releveraque l'expert H. note que depuis juin 2010, le demandeur a transfere unmontant global de 9.550 EUR du compte loyer vers son compte (à la BanqueF.) (rapport, p. 20) » (arret, p. 10, dernier alinea).

Griefs

Premiere branche

1. La loi du 27 avril 2007 reformant le divorce qui abroge notamment lescauses de divorce prevues par les articles 229, 231 et 323 (anciens)du Code civil et qui modifie le regime des pensions alimentaires del'article 301 (ancien) du Code civil, dispose à l'article 42, S: 2,alinea 1er, que les anciens articles 229, 231 et 232 restentapplicables aux procedures de divorce ou de separation de corpsintroduites avant l'entree en vigueur de la presente loipour lesquelles un jugement definitif n'a pas ete prononce et àl'article 42, S: 2, alinea 2, que le droit à la pension alimentaireapres divorce reste determine par les dispositions des anciensarticles 301, 306, 307 et 307bis du meme Code, sans prejudice des S:S:3 et 5.

Ces dispositions transitoires traduisent l'intention du legislateur dederoger, s'agissant des procedures pendantes, à l'application immediatede cette loi, de sorte que tant les causes de divorce des articles 229,231 et 232 (anciens) du Code civil que l'ancien regime des pensionsalimentaires restent applicables aux procedures en divorce introduitesavant l'entree en vigueur de cette loi le 1er septembre 2007 et pourlesquelles un jugement definitif n'a pas ete prononce.

En l'espece, il ressort des pieces de la procedure auxquelles la Cour peutavoir egard que le divorce a ete prononce aux torts du demandeur, sur labase de l'article 229 ancien du Code civil, par un jugement du tribunal depremiere instance de Namur du 7 mars 2012, faisant droit à une demandeprincipale en divorce introduite par la defenderesse le 25 novembre 2004.C'est des lors legalement que l'arret attaque decide que l'ancien article301 du Code civil (c'est-à-dire l'article 301 dans sa version anterieureà la reforme du 27 avril 2007) est applicable (arret, p. 5). Cettequestion ne faisait au demeurant pas l'objet de contestation entre lesparties.

2. Dans son texte immediatement anterieur à l'entree en vigueur de laloi precitee du 27 avril 2007, l'article 301, S: 3, du Code civildisposait :

« Si, par suite de circonstances independantes de la volonte dubeneficiaire de la pension, celle-ci n'est plus suffisante et ce dans unemesure importante pour sauvegarder la situation prevue au S: 1er, letribunal peut augmenter la pension.

Si, par suite d'une modification sensible de la situation du beneficiaire,le montant de la pension ne se justifie plus, le tribunal peut reduire ousupprimer la pension.

Ceci vaut egalement en cas de modification sensible de la situation dudebiteur de la pension par suite de circonstances independantes de savolonte. »

Les circonstances justifiant l'augmentation, la reduction ou lasuppression de la pension, en vertu de cette disposition, doivent etre descirconstances imprevisibles au jour du jugement ou de l'arret fixant lemontant de la pension.

Tel n'est pas le cas de la liquidation du regime matrimonial ou desindivisions entre les ex-epoux faisant l'objet d'une procedure en cours aujour ou le juge rend sa decision.

En l'espece, il ressort des motifs precites de l'arret attaque que lesjuges d'appel savaient que la liquidation du regime matrimonial desparties etait en cours. Il en resulte que, le jour ou cette liquidationsera cloturee, le demandeur ne sera pas admis à invoquer, le cas echeant,que la defenderesse a recueilli, suite à cette cloture, des biens oucapitaux productifs de revenus, justifiant la reduction ou la suppressionde la pension. Il s'agira en effet d'une circonstance qui n'etait pasimprevisible au jour du prononce de l'arret attaque.

Il en resulte, a contrario, que les juges d'appel devaient tenir compte,lors de la fixation du montant de la pension apres divorce, des biens etcapitaux que la defenderesse etait susceptible de recueillir lors de lacloture de la liquidation du regime matrimonial. Des lors que l'issue decette procedure restait inconnue, les juges d'appel ne pouvaient allouerà la defenderesse qu'un montant provisionnel et devaient surseoir àstatuer sur le montant definitif de la pension apres divorce.

En fixant le montant de la pension sans tenir compte « du produit futurde la liquidation-partage », l'arret attaque prononce, à charge dudemandeur, une condamnation qui risque d'exceder les besoins futurs de ladefenderesse, sans que le demandeur soit jamais en mesure d'invoquerl'augmentation sensible des ressources de la defenderesse ou de lareduction sensible de ses propres revenus, à la suite de la cloture de laliquidation, pour obtenir la reduction ou la suppression de cette pension.

Il s'ensuit que l'arret attaque n'a pu legalement fixer à titre definitifle montant de la pension apres divorce et n'a pu legalement decider de nepas tenir compte du produit futur de la liquidation-partage pour le calculde cette pension (violation de l'article 301, specialement S: 1er et S: 3,du Code civil, tel qu'il etait en vigueur avant sa modification par la loidu 27 avril 2007).

Deuxieme branche

Tel qu'il a ete modifie successivement par les lois des 27 avril 2007 et 2juin 2010, l'article 301, S: 7, alinea 2, du Code civil dispose :

« De meme, si à la suite de la dissolution du mariage, laliquidation-partage du patrimoine commun ou de l'indivision ayant existeentre les epoux entraine une modification de leur situation financiere quijustifie une adaptation de la pension alimentaire ayant fait l'objet d'unjugement ou d'une convention intervenue avant l'etablissement des comptesde la liquidation, le tribunal peut adapter la pension, sauf en cas dedivorce par consentement mutuel »

Cette disposition est inapplicable aux pensions apres divorce qui ont etefixees en application de l'article 301, dans son texte anterieur àl'entree en vigueur de la loi precitee du 27 avril 2007.

Lorsque le divorce a ete prononce, en application de l'article 229 ancien,sur une demande introduite avant l'entree en vigueur de la loi du 27 avril2007, la pension apres divorce ne pourra etre augmentee, diminuee ousupprimee qu'en raison de circonstances imprevisibles au jour du jugementou de l'arret qui en a fixe le montant. La liquidation-partage n'est pasune circonstance imprevisible justifiant l'augmentation, la reduction oula suppression de la pension, sur la base de l'article 307, S: 3, du Codecivil, tel qu'il etait en vigueur avant la reforme du 27 avril 2007.

Des lors, si l'arret attaque doit se comprendre comme ayant considere quele demandeur pourrait, le cas echeant, se prevaloir de l'article 301, S:7, alinea 2, du Code civil, tel que modifie par les lois des 27 avril 2007et 2 juin 2010, pour demander la reduction ou la suppression de la pensionapres divorce, en raison de l'augmentation sensible des ressources de ladefenderesse ou de la diminution sensible de ses propres revenus à lasuite de la cloture de la liquidation-partage du regime matrimonial, lesjuges d'appel ont alors viole les dispositions transitoires de la loi du27 avril 2007 (violation de l'article 42,specialement S: 2 et S: 3 de laloi du 27 avril 2007 modifiant le divorce et, pour autant que de besoin,violation de l'article 301, S: 7, specialement alinea 2, du Code civil).

Troisieme branche

Il ressort des motifs precites que l'arret attaque :

- considere « qu'il ne peut ... etre tenu compte du produit futur de laliquidation-partage pour le calcul de la pension alimentaire, aucun projetde decomptes entre parties n'etant produit à ce jour et aucune certituden'existant quant à la volonte des parties de sortir de leur indivision »(motif I reproduit dans l'enonce du moyen),

et,

- ajoute aux revenus du demandeur, pour fixer le montant de la pension,les revenus immobiliers des biens indivis entre les epoux, destines àetre ulterieurement partages dans le cadre de la liquidation (motif IIreproduit dans l'enonce du moyen).

En consequence, pour fixer le montant des ressources du demandeur, l'arretattaque tient compte de revenus qui ne lui sont pas acquis à titredefinitif, puisqu'ils sont susceptibles d'etre alloues à la defenderesse,à la suite de la cloture des operations de liquidation-partage du regimematrimonial.

Ce faisant, l'arret attaque viole l'article 301, specialement S: 1er et S:3, du Code civil, tel qu'il etait en vigueur avant sa modification par laloi du 27 avril 2007.

Developpements

Seule la premiere branche du moyen appelle des developpements.

Lors des travaux preparatoires de la loi du 27 avril 2007, il a eteclairement affirme :

- que sur la base de l'article 301, S: 3, ancien, seules des modificationsde circonstance imprevisibles au jour du prononce du jugement ou del'arret ayant fixe le montant de la pension apres divorce etaientsusceptibles d'entrainer l'augmentation, la reduction ou la suppression decette pension ;

- que la modification de la situation financiere des parties à la suitede la cloture d'une liquidation-partage en cours au jour de la fixation dela pension n'etait pas une circonstance imprevisible :

« Autre nouveaute : le tribunal pourra adapter la pension si suite à ladissolution du mariage, la liquidation-partage du patrimoine commun ouindivis ayant existe entre les epoux entraine une modification de leursituation financiere qui justifie son adaptation. Il s'agit de remedier àune autre consequence de la jurisprudence quant à la notion d'elementnouveau. Les rentes alimentaires peuvent etre revues en cas de changementde circonstances, mais à condition qu'un element nouveau surgisse. Teln'est pas le cas lorsque cet element etait previsible, meme dans unecertaine mesure. Ainsi, si une pension alimentaire est fixee peu apres ledivorce, tandis que la procedure de liquidation-partage est en cours (etl'experience montre que celle-ci peut prendre des annees), lesmodifications de la situation financiere des parties ne pourront pas, enregle, entrainer de changement de la pension » (Doc. Parl., Chambre, 51,2341/001, p. 21).

Il en resulte clairement que le texte actuel de l'article 301, S: 7,alinea 2, a ete introduit pour pallier cette lacune du droit ancien.

L'article 301, S: 7, alinea 2, nouveau est inapplicable aux pensions apresdivorce fixees en vertu de l'article 301, dans son texte anterieur à lareforme du 27 avril 2007.

Deuxieme moyen de cassation

Disposition legales dont la violation est invoquee

Article 149 de la Constitution.

Decision et motifs critiques

L'arret attaque « dit l'appel partiellement fonde. Condamne (ledemandeur) à payer à (la defenderesse) 2.000 EUR par mois à titre depension alimentaire definitive apres divorce depuis le 7 mars 2012, cemontant etant indexe annuellement et pour la premiere fois le 7 mars 2013selon la formule suivante :

2.000 EUR x indice du mois de fevrier 2013

Indice du mois de fevrier 2012

Sous deduction de toutes sommes dejà versees à valoir. »

Cette decision se fonde sur les motifs suivants :

I. « L'expert remarque que (le demandeur) n'a pas fourni beaucoupd'efforts pour assurer le caractere contradictoire de l'expertise (p. 49de son rapport). La cour estime des lors qu'il y a lieu de tenir comptedans le calcul des revenus et charges, non seulement des revenus netsapres impots mais egalement des encaissements qui ne sont pas justifiespar une depense correspondante » (arret attaque, p. 9).

II. « Si l'on a egard au fait que chacune des parties a herite lors dudeces de ses parents, et que l'appelant est notaire depuis 1966, il sembleevident que les parties detiennent un patrimoine propre mobiliercomplementaire. Dans la mesure ou aucune des parties ne produit l'etatexact de ses avoirs bancaires, en titres ou actions, que l'analyse descomptes serait fastidieuse et n'apporterait aucune certitude quant àl'importance des avoirs lesquels peuvent avoir ete dissimules, force estde s'en tenir au seul etat des revenus et charges des parties pour laperiode se deroulant de l'introduction de la procedure en divorce à sonprononce » (arret, p. 11 in fine).

III. « (Le demandeur) argumente, en vain, que ses revenus ont baisse en2013. La seule difference dans sa declaration fiscale est l'absence deprise en compte des benefices et profits de son activite anterieure, sansdoute consideres comme amortis au niveau fiscal, mais la preuve de ladisparition de ce benefice anterieur engrange n'est nullement etablie »(arret, p. 12).

Griefs

Premiere branche

Par le motif reproduit supra, I, l'arret attaque considere qu'il doit etretenu compte, pour la fixation des ressources du demandeur, « desencaissements qui ne sont pas justifies par une depense correspondante »,pour le motif que ces encaissements correspondent à des revenus d'actifsnon declares.

Par le motif reproduit supra, II, l'arret attaque considere qu'il n'y apas lieu de tenir compte des revenus « du patrimoine mobiliercomplementaire », c'est-à-dire des revenus du patrimoine mobilier nondeclare des epoux, dans la mesure ou aucun de ceux-ci ne produit l'etatexact de ses avoirs bancaires.

Il est contradictoire de considerer, d'une part, qu'il sera tenu compte,dans le calcul des revenus et charges du demandeur, des encaissements quicorrespondent à des revenus non declares (motif precite I) et, d'autrepart, qu'il ne sera tenu compte, pour aucun des epoux, des revenus nondeclares de son patrimoine mobilier « complementaire » (motif precite,II).

La contradiction dont les motifs de l'arret sont ainsi entaches equivautà l'absence de motifs.

En fondant sa decision sur de tels motifs contradictoires, l'arret attaqueviole l'article 149 de la Constitution.

Seconde branche

Le motif reproduit supra, III, est incomprehensible.

En effet, si un investissement professionnel est susceptible de s'amortir,on ne comprend pas comment les « benefices et profits d'une activiteanterieure » pourraient etre « consideres comme amortis au niveaufiscal ».

Des lors, apres avoir constate que le demandeur « argumente... que sesrevenus ont baisse en 2013 », l'arret attaque ne motive pas regulierementle rejet de ce moyen du demandeur par le considerant precite que « lesbenefices et profits de son activite anterieure » sont « sans douteconsideres comme amortis au niveau fiscal ». Ce considerant obscur nepeut en effet etre considere comme un motif repondant aux voeux del'article 149 de la Constitution.

Il s'ensuit que la decision attaquee n'est pas regulierement motivee(violation de l'article 149 de la Constitution).

Troisieme moyen de cassation

Dispositions legales dont la violation est invoquee

- Articles 1315, 1319, 1320, 1322, 1349 et 1353 du Code civil,

- Article 870 du Code judiciaire,

- Principe general du droit du respect des droits de la defense etprincipe general du droit dit principe dispositif.

Decision et motifs critiques

L'arret attaque « dit l'appel partiellement fonde. Condamne (ledemandeur) à payer à (la defenderesse) 2.000 EUR par mois à titre depension alimentaire definitive apres divorce depuis le 7 mars 2012, cemontant etant indexe annuellement et pour la premiere fois le 7 mars 2013selon la formule suivante :

2.000 EUR x indice du mois de fevrier 2013

Indice du mois de fevrier 2012

Sous deduction de toutes sommes dejà versees à valoir. »

Cette decision se fonde notamment sur les motifs suivants :

«(I) En considerant les chiffres retenus par l'expert H., le revenumensuel moyen net (du demandeur) entre 2006 et 2010 s'est eleve à6.777,09 EUR + 3.690,19 EUR (mouvements de compte non expliques en faveur(du demandeur), y compris le capital de deux assurances-vie), soit10.467,28 EUR par mois. On peut en deduire que tout en maintenant sontrain de vie, (le demandeur) a pu engranger une moyenne de 6000 EUR parmois d'economies sur 5 ans, soit un capital de 360.000 euros qui peutrapporter annuellement du 3 %, soit un revenu mensuel complementaire de900 euros par mois (arret, p. 11, quatrieme alinea)...

(II) En resume, les revenus (du demandeur) au moment du divorces'etablissent comme suit, suivant l'avertissement-extrait de role 2012 :

... Revenu sur capital : 900 EUR par mois (arret, p. 12, premieralinea) ».

Premiere branche

S'il peut se fonder sur des faits generaux notoires ou sur des reglesd'experience commune, le juge ne peut, en vertu du principe general dudroit dit principe dispositif, des articles 1349 et 1353 du code civildefinissant la preuve par presomption, et des regles relatives à lacharge de la preuve, fonder sa decision sur des elements de faitparticulier dont il a acquis la connaissance en dehors des debats et quin'ont pas ete soumis à la contradiction des parties. En se fondant sur detels faits, non soumis à la contradiction des parties, le juge meconnaiten outre le principe general du droit du respect des droits de la defense.

Aucune des parties n'a conclu sur la question du taux d'interet que seraitsusceptible de rapporter le montant des economies, fixees par l'arret à360.000 euros, « engrangees » par le demandeur entre 2006 et 2010. Lefait qu'un capital de 360.000 euros serait susceptible de « rapporterannuellement du 3 % » n'est pas un fait general notoire ni une regled'experience commune.

Des lors, en fondant sa decision sur le motif (I) reproduit dans l'enoncedu present moyen, l'arret s'est fonde sur des faits que les jugesconnaissaient de science personnelle et a ainsi meconnu les reglesrelatives à la charge de la preuve (violation des articles 1315 du Codecivil et 870 du Code judiciaire), et la notion legale de presomption del'homme, qui est une consequence que le magistrat tire d'un fait connu,c'est-à-dire d'un fait dont le juge a eu regulierement connaissance etqui a ete soumis à la contradiction des parties (violation des articles1349 et 1353 du Code civil) ; qu'en se fondant sur des faits qui n'ont pasete soumis au juge par les parties elles-memes, l'arret a viole leprincipe general du droit dit principe dispositif et en ne permettant pasau demandeur de conclure sur la question du taux d'interet, l'arret aenfin meconnu le principe general du droit du respect des droits de ladefense.

Seconde branche

Devant la cour d'appel, le demandeur a produit son avertissement-extraitde role pour l'exercice d'imposition 2012 - revenus 2011 (piece II-6 del'inventaire du dossier de pieces de demandeur).

Cet avertissement-extrait de role ne mentionne pas que le demandeur auraitdeclare des revenus de capitaux et biens mobiliers à concurrence de 900euros ou aurait ete taxe sur de tels revenus.

Des lors, en se fondant sur le motif (II) reproduit dans le present moyen,l'arret prete à l'avertissement-extrait de role exercice d'imposition2012 - revenus 2011 produit par le demandeur une enonciation que cettepiece ne contient pas, en violation de la foi due à l'ecrit (violationdes articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.)

Par ces moyens et ces considerations

L'avocat à la Cour de cassation soussignee, pour le demandeur, conclutqu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arret entrepris ;renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel ; ordonnerque mention de votre arret soit faite en marge de la decision annulee ;depens comme de droit.

Pieces jointes en copies certifiees conforme, par l'avocat à la Cour decassation soussignee, aux pieces produites par le demandeur devant la courd'appel, dans la procedure qui a abouti à l'arret attaque :

1. Inventaire du dossier depose par le demandeur devant la cour d'appel ;

2. Avertissement-extrait de role exercice 2012 - revenus 2011.

Bruxelles, le 10 juin 2015

Simone Nudelholc

16 FEVRIER 2017 C.15.0251.F/6

Requete/17


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0251.F
Date de la décision : 16/02/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-02-16;c.15.0251.f ?
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