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29/05/2017 | BELGIQUE | N°C.15.0312.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 mai 2017, C.15.0312.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0312.F

REGION DE BRUXELLES-CAPITALE, representee par son gouvernement, en lapersonne du ministre-president, dont le cabinet est etabli à Bruxelles,rue Ducale, 7-9,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

1. IMMO FOND'ROY, societe anonyme dont le siege social est etabli àWaterloo, dreve du Moulin, 46 A,

2. MIN, societe civile

ayant adopte la forme de la societe anonyme, dontle siege social est etabli à Wezembeek-Oppem, Berg...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0312.F

REGION DE BRUXELLES-CAPITALE, representee par son gouvernement, en lapersonne du ministre-president, dont le cabinet est etabli à Bruxelles,rue Ducale, 7-9,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

1. IMMO FOND'ROY, societe anonyme dont le siege social est etabli àWaterloo, dreve du Moulin, 46 A,

2. MIN, societe civile ayant adopte la forme de la societe anonyme, dontle siege social est etabli à Wezembeek-Oppem, Bergenblokstraat, 48,

3. M. S.,

4. W. S.,

5. F. S.,

6. E. S.,

7. N. G.,

8. P. G.,

9. P. G.,

10. DU VALLON, societe anonyme dont le siege social est etabli à Uccle,Vallon d'Ohain, 7,

11. D. B.,

12. A. R.,

13. D. R.,

14. les heritiers de feu E. W.,

15. M. W,

16. D. W.,

17. D. S., avocat au barreau de Bruxelles, agissant en qualite decurateur à la succession vacante de R. L.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 mars 2015par la cour d'appel de Liege, statuant comme juridiction de renvoi ensuitede l'arret de la Cour du 16 mai 2013.

Par ordonnance du 19 avril 2017, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant aux deux branches reunies :

Suivant l'article 16 de la Constitution, nul ne peut etre prive de sapropriete que pour cause d'utilite publique, dans les cas et de la maniereetablis par la loi, et moyennant une juste et prealable indemnite.

En vertu des articles 214 et 231 du Code bruxellois de l'amenagement duterritoire, dans leur version applicable au litige, le proprietaire d'unbien classe relevant du patrimoine immobilier a l'obligation de lemaintenir en bon etat et de respecter les conditions particulieres deconservation qui auraient ete prescrites.

Aux termes de l'article 240, S: 1er, alinea 1er, de ce code, dans cetteversion, lorsque des travaux de conservation, au sens de l'article 206,2DEG, d'un tel bien sont necessaires, la Region et la commune concerneespeuvent intervenir dans les frais de ces travaux, suivant des conditionsà fixer par le gouvernement.

L'article 240, S: 3, du meme code, dans la meme version, dispose que,lorsque le bien relevant du patrimoine immobilier appartient à unepersonne physique ou morale de droit prive, celle-ci peut, au lieud'executer les travaux qui sont indispensables au maintien de l'integritedu bien, exiger que la Region procede à l'expropriation de son bien etque, sauf convention contraire intervenue entre les parties interessees,l'expropriation porte sur le bien relevant du patrimoine immobilier toutentier, meme s'il n'est inscrit sur la liste de sauvegarde ou classe quepour partie, à la condition que la partie inscrite sur la liste desauvegarde ou classee constitue l'element essentiel du patrimoineimmobilier, et sur le terrain qui en est l'accessoire indispensable.

L'arret attaque enonce qu'il ne peut etre « serieusement soutenu que leclassement du site du [...] ne necessite pas des travaux qui sontindispensables au maintien de l'integrite du site, voire sarestauration », que « l'annexe de l'arrete de classement provisoire dusite du 18 juillet 2002 precise expressement que l'integrite du site auregard de son interet esthetique et scientifique ne pourra etre maintenueque si des travaux d'entretien, de gestion et de restauration sont mis enoeuvre » et que les defendeurs « n'ont pas l'intention de proceder auxtravaux indispensables au maintien de l'integrite du site [...], de telstravaux n'etant pas susceptibles de valoriser leurs biens et, aucontraire, pouvant entrainer pour eux une charge importante sanscontrepartie ».

L'arret attaque a pu deduire de ces enonciations, d'ou il resulte que, auxyeux de la cour d'appel, la decision de classement du site est seule àl'origine de celle des defendeurs d'en exiger l'expropriation, que« c'est le classement du site et ses consequences qui sont la cause del'expropriation » et justifie, des lors, legalement sa decision que lajuste indemnite revenant aux defendeurs doit etre evaluee « en excluantla moins-value » qui resulte des arretes de classement des 18 juillet2002 et 27 mai 2004 « se trouvant à l'origine de l'expropriation ».

En fixant ainsi cette juste indemnite du dommage qu'ils subissent enraison de la privation de leur propriete, l'arret attaque n'accorde pasaux defendeurs la reparation des restrictions à leur droit de proprietequ'impliquaient ces arretes de classement.

Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de deux mille trente-neuf euros vingt-huitcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte et ArianeJacquemin, et prononce en audience publique du vingt-neuf mai deux milledix-sept par le president de section Christian Storck, en presence del'avocat general Philippe de Koster, avec l'assistance du greffierLutgarde Body.

+--------------------------------------------+
| L. Body | A. Jacquemin | M.-Cl. Ernotte |
|------------+--------------+----------------|
| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

Requete

POURVOI EN CASSATION

POUR : La Region de Bruxelles-Capitale, representee par son Gouvernement,en la personne de son Ministre-President, ayant son cabinet à 1000Bruxelles, rue Ducale, 7-9,

Demanderesse en cassation, assistee et representee par Me HuguetteGeinger, avocat à la Cour de Cassation soussignee, dont le cabinet estsis à 1000 Bruxelles, rue des Quatre-Bras, 6, chez qui il est faitelection de domicile,

CONTRE : 1. La societe anonyme Immo Fond'Roy, dont le siege social estetabli à 1410 Waterloo, dreve du Moulin, 46A, inscrite à la BCE sous lenumero 0403.356.781,

2. La societe civile sous forme d'une societe anonyme Min, dont le siegesocial est etabli à 1970 Wezembeek-Oppem, Bergenblokstraat, 48, inscriteà la BCE sous le numero 0442.190.039,

3. Monsieur M. S.,

4. Madame W. S.,

5. Madame F. S.,

6. Madame E. S.,

7. Madame N. G.,

8. Monsieur P. G.,

9. Monsieur P. G.,

10. La societe anonyme Du Vallon, dont le siege social est etabli à 1180Uccle, Vallon d'Ohain, 7, inscrite à la BCE sous le numero 0444.589.503,

11. Madame D. B.,

12. Madame A. R.,

13. Madame D. R.,

14. Monsieur E. W.,

15. Madame M. W.,

16. Madame D. W.,

17. Maitre D. S., avocat, en sa qualite de curateur de la successionvacante de monsieur R. L.,

Defendeurs en cassation,

* * *

A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers, constituant la Cour de Cassation,

Messieurs,

Mesdames,

La demanderesse en cassation a l'honneur de deferer à la censure de VotreCour l'arret, rendu le 24 mars 2015 par la douzieme chambre civile de laCour d'appel de Liege (2013/RG/1232).

FAITS ET RETROACTES

Par un arrete du 18 juillet 2002, entre en vigueur le jour de sapublication au Moniteur belge, à savoir le 18 octobre 2002, legouvernement de la Region de Bruxelles-Capitale a ouvert une procedure declassement des diverses parcelles de terrains au lieu-dit du [...] àUccle sur la base de l'ordonnance du 4 mars 1993 relative à laconservation du patrimoine immobilier.

L'annexe à cet arrete revele que la procedure de classement a ete ouverteen raison de l'interet esthetique (paysager), scientifique (biologique etecologique- flore, vegetation et faune) et historique du site.

Un recours en annulation contre cet arrete fut rejete par le Conseild'Etat par l'arret nDEG 161.717 du 8 aout 2006.

Le 27 mai 2004 le gouvernement de la Region de Bruxelles-Capitale a adoptel'arrete de classement definitif.

Le 23 avril 2003 les proprietaires firent citer la Region deBruxelles-Capitale à comparaitre devant le Tribunal de premiere instancede Bruxelles aux fins d'entendre dire pour droit qu'elle est reputeeacquereuse des biens leur appartenant, vises par l'arrete du 18 juillet2002, soit sur base de l'article 240, S: 3, du CoBAT, anciennementl'article 32, S: 3, de l'Ordon-nance de la Region de Bruxelles-Capitale du4 mars 1993, soit subsidiairement sur la base des articles 10, 11 et 16 dela Constitution ainsi que de l'article 1er du Premier Protocoleadditionnel à la Convention europeenne de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales.

Par jugement du 29 septembre 2006 le Tribunal de premiere instance deBruxelles designa, avant de faire droit et tous droits saufs des parties,trois experts, apres avoir d'abord ecarte l'application de l'article 240,S: 3, du CoBAT, mais fait application de l'ancien article 7 de la loi du 7aout 1931 sur la conservation des monuments et sites et reconnu le droitau paiement d'une indemnite en faveur des proprietaires, aux fins dedeterminer le montant de cette indemnite.

La Region de Bruxelles-Capitale interjeta appel de cette decision.

La Cour d'appel de Bruxelles rendit un premier arret le 23 septembre 2010et, avant dire droit plus avant, ordonna la reouverture des debats afin depermettre aux parties de debattre des questions soulevees aux points 8 et9 de l'arret.

Par l'arret du 28 janvier 2011 la Cour d'appel de Bruxelles dit l'appelprincipal, forme par la Region de Bruxelles-Capitale contre monsieur C. L.irrecevable, l'appel incident forme par monsieur C. L. contre la Region deBruxelles-Capitale irrecevable, dit les appels principal et incidentfondes, mit à neant le jugement dont appel, sauf en tant qu'il liquideles depens, statuant à nouveau faisant application de l'article 240, S:3, du CoBAT, sursoit à statuer sur la demande de messieurs Gerard,coproprietaires indivis de certaines parcelles, constata la transmissionde propriete à la Region de Bruxelles-Capitale des autres parcelles, ditpour droit que l'arret tient lieu d'acte authentique de transfert depropriete et qu'il peut etre transcrit comme tel au bureau de laconservation des hypotheques, avant dire droit quant au prix, designatrois experts et reserva le surplus, y compris les depens.

La Region de Bruxelles-Capitale a introduit un pourvoi en cassation àl'encontre de cette decision.

Par arret du 16 mai 2013 Votre Cour a casse l'arret attaque et renvoye lacause devant la Cour d'appel de Liege.

Par l'arret du 24 mars 2015 la Cour d'appel de Liege :

- a rec,u les appels,

- dit pour droit que l'arret est declaratif d'expropriation conformementà l'article 20 de la loi du 17 avril 1835 sur l'expropriation pour caused'utilite publique des parcelles en question et pout etre transcrit entant que tel ou le cas echeant le present arret tiendra lieu d'acteauthentique translatif de propriete de ces memes biens et pourra etretranscrit en tant que tel,

- fixe la valeur venale de ces terrains à la somme de 19,54 euros lemetre carre à la date du 28 janvier 2011, somme qui doit etre majoree del'indexation depuis le 28 janvier 2011 jusqu'à complet paiement,

- fixe l'indemnite de remploi à 16 % de l'indemnite principale (valeurvenale des terrains) et les interets d'attente à trois mois au tauxlegal,

- condamne la Region de Bruxelles-Capitale au paiement des frais deconseil technique et d'expertise,

- condamne la Region de Bruxelles-Capitale au paiement d'une somme d'uneuro provisionnel à titre d'indemnite pour l'impot sur la plus-value etdroits d'enregistrement,

- condamne la Region de Bruxelles-Capitale au paiement des interetscapitalises sur les sommes echues à la date du 4 mars 2013, 2 mai 2014 et30 avril 2014,

- pour le surplus rouvre les debats et invite les parties à analyser surbase des montants des indemnites retenues ce qui revient à chacune desparties intimees et de conclure quant à la suite de la procedure(necessite de la consignation à la caisse des depots et consignation etdistribution des indemnites).

La demanderesse estime pouvoir presenter le moyen developpe ci-aprescontre l'arret precite.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions violees

-article 16 de la Constitution coordonnee du 17 fevrier 1994,

-articles 206, 1DEG et 2DEG, 214, 217, S: 1er, 222 à 232 et 240, tels qued'application avant leur modification par l'ordonnance du 14 mai 2009, duCode bruxellois de l'amenagement du territoire (CoBAT), tel qu'arrete le 9avril 2004 par le Gouvernement de la Region de Bruxelles-Capitale etratifie par l'ordonnance du 13 mai 2004 de la Region deBruxelles-Capitale,

-articles 2, 11, 13, 18 à 27, S: 1er, et 32 de l'ordonnance du 4 mars1993 relative à la conservation du patrimoine immobilier,

- articles 18 à 26 de l'ordonnance du 4 mars 1993 relative à laconservation du patrimoine immobilier telle qu'en vigueur avant samodification par l'ordon-nance du 19 fevrier 2004.

Decision attaquee

Par l'arret entrepris du 24 mars 2015 la Cour d'appel de Liege, apresavoir dit pour droit que l'arret est declaratif d'expropriation,conformement à l'article 20 de la loi du 17 avril 1835 surl'expropriation pour cause d'utilite publique, des parcelles en questionet pourra etre transcrit en tant que tel ou que, le cas echeant, lepresent arret tiendra lieu d'acte authentique translatif de propriete deces memes biens et pourra etre transcrit en tant que tel, fixe la valeurvenale de ces terrains à la somme de 19,54 euros le metre carre à ladate du 28 janvier 2011, somme qui doit etre majoree de l'indexationdepuis le 28 janvier 2011 jusqu'à complet paiement, fixe l'indemnite deremploi à 16 % de l'indemnite principale (valeur venale des terrains) etles interets d'attente à trois mois au taux legal, condamne la Region deBruxelles-Capitale au paiement des frais de conseil technique etd'expertise, au paiement d'une somme d'un euro provisionnel à titred'indemnite pour l'impot sur la plus-value et droits d'enregistrement, etau paiement des interets capitalises sur les sommes echues à la date du 4mars 2013, 2 mai 2014 et 30 avril 2014, et pour le surplus rouvre lesdebats et invite les parties à analyser sur base des montants desindemnites retenues ce qui revient à chacune des parties intimees et deconclure quant à la suite de la procedure (necessite de la consignationà la caisse des depots et consignation et distribution des indemnites).Cette decision repose notamment sur les considerations suivantes :

« 5. Selon l'article 16 de la Constitution, l'indemnite d'expropriationdoit etre juste, c'est à dire qu'elle doit etre complete. Cela signifieque l'exproprie a droit à la representation pecuniaire de tous les droitset avantages qu'on lui enleve et de tous les torts et prejudices que luicause l'expropriation (B. Paques, L'expropriation pour cause d'utilitepublique, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 132, nDEG 130).

La justesse de l'indemnite suppose que celle-ci repare l'integralite duprejudice de l'exproprie qui presente un lien causal avec l'expropriationet dont la charge probatoire incombe à la partie expropriee.

En d'autres termes, elle doit permettre de placer le proprietaire dans unesituation equivalente à celle qui aurait ete la sienne sansl'expropriation. La valeur du bien exproprie doit etre estimee au jour dutransfert de la propriete, en integrant l'incidence de la fluctuationmonetaire et de l'evolution du marche immobilier au jour ou il est statue,mais en excluant la moins-value resultant de l'arrete se trouvant àl'origine de l'expropriation, soit en l'espece les arretes des 18 juillet2002 et 27 mai 2004.

La Cour ne peut à cet egard retenir la these de la Region deBruxelles-Capitale, selon laquelle le fait que le classement etl'expropriation soient deux decisions distinctes et que le classementn'ait pas automatiquement pour consequence l'expropriation du bien classepermettent la prise en compte des arretes operant le classement pour lafixation de l'indemnite d'expropriation.

En effet, en application de l'article 240 du CoBAT, c'est parce que leclassement impose d'executer des travaux indispensables au maintien del'integrite du bien, que le proprietaire du bien peut faire choix del'expropriation. Ce choix peut aussi etre fait par l'autorite publique. Ilne peut etre soutenu qu'il n'y aurait pas de lien de causalite entre lesarretes operant le classement du bien et l'expropriation resultant destravaux imposes par ce classement. C'est le classement du bien et sesconsequences qui sont la cause de l'expropriation. »

Grief

Premiere branche

1. Aux termes de l'article 16 de la Constitution nul ne peut etre prive desa propriete que pour cause d'utilite publique, dans les cas et de lamaniere etablis par la loi, et moyennant une juste et prealable indemnite.

Pour etre juste au sens de ladite disposition l'indemnite d'expro-priationdoit etre equivalente à la somme à debourser pour se procurer unimmeuble de la meme valeur que celui dont l'exproprie est depossede ; ellene peut lui etre superieure.

L'indemnite devra des lors etre evaluee en fonction de la valeur venale del'immeuble exproprie, à savoir, comme l'expose la cour d'appel en l'arretentrepris, la valeur marchande du bien, la valeur de vente qui seraitobtenue si le bien etait expose en vente dans des conditions normales depublicite, ensuite d'un concours suffisant d'amateurs, au jour del'expropriation.

Cette valeur venale se determine en fonction de la nature et de ladestination du bien, de sa situation, des routes d'acces, de la proximited'une agglomeration et, le cas echeant, de son classement.

S'il est admis qu'en sus de cette valeur venale, l'exproprie a droit àune indemnisation de tous les dommages qui sont une consequence del'expropriation, tels les dommages accessoires soufferts en raison de laperte du bien, ces dommages doivent presenter un lien de causalite avecl'ex-propriation.

Seul le dommage qui, sans l'expropriation, ne se serait pas produit,autrement dit dont l'expropriation est la cause, est indemnisable.

2. Si l'expropriation, dont question à l'article 240, S: 3, du Codebruxellois de l'amenagement du territoire (CoBAT), tel qu'arrete le 9avril 2004 par le Gouvernement de la Region de Bruxelles-Capitale etratifie par l'ordonnance du 13 mai 2004 de la Region deBruxelles-Capitale, anciennement l'article 32 de l'ordonnance du 4 mars1993 relative à la conservation du patrimoine immobilier, presuppose unclassement du bien à exproprier, ladite expropriation n'est pointnecessaire à la realisation dudit classement, mais trouve sa cause dansla libre decision du proprietaire du bien, lequel prefere exiger de laRegion de Bruxelles-Capitale de proceder à l'expropriation de son bien aulieu d'executer lui-meme ou de faire executer les travaux necessaires àla conservation du bien classe.

Il ressort, en effet, de l'article 214 du CoBAT, anciennement l'article 11de l'ordonnance du 4 mars 1993, rendu applicable par l'article 231 duCoBAT, anciennement l'article 26 de l'ordonnance du 4 mars 1993, auxeffets du classement, que le proprietaire d'un bien relevant du patrimoineimmobilier inscrit sur la liste de sauvegarde a l'obligation de lemaintenir en bon etat et de respecter les conditions particulieres deconservation qui auraient ete prescrites.

L'article 240, S: 1er, tel que d'application avant sa modification par lesordonnances du 14 mai 2009, 21 decembre 2012 et 15 mars 2013, du CoBAT,anciennement l'article 32 de l'ordonnance du 4 mars 1993 relative à laconservation du patrimoine immobilier, dispose notamment que « lorsquedes travaux de conservation, au sens de l'article 206, 2DEG, d'un bienclasse relevant du patrimoine immobilier sont necessaires, la Region et lacommune concernees peuvent intervenir dans les frais de ces travaux,suivant des conditions à fixer par le Gouvernement. »

Par « travaux de conservation » l'article 206, 2DEG, du CoBAT,anciennement l'article 2 de l'ordonnance du 4 mars 1993, entend« l'ensemble des mesures visant à l'identification, l'etude, lasauvegarde, la protection, le classement, l'entretien, la gestion, larestauration, la consolidation, la reaffectation et la mise en valeur dupatrimoine immobilier, dans le but de l'integrer dans le cadre de la viecontemporaine et de le maintenir dans un environnement approprie ».

L'article 240, S: 2, du CoBAT, anciennement l'article 32 de l'ordonnancedu 4 mars 1993 relative à la conservation du patrimoine immobilier,dispose que dans le cas ou le proprietaire refuse de faire executer lestravaux necessaires vises au S: 1er, la Region ou la commune peut sesubstituer à lui. La commune recueille les subventions accordees par laRegion. A defaut d'accord avec le proprietaire, la Region ou la communepeuvent recuperer les frais engages. Si le proprietaire demeure en defautde payer les frais, le recouvrement de ceux-ci est poursuivi par lereceveur de l'administration de la Region de Bruxelles-Capitale.

Toutefois, l'article 240, S: 3, tel que d'application avant samodification par les ordonnances du 14 mai 2009, du CoBAT, anciennementl'article 32 de l'ordonnance precitee du 4 mars 1993, dispose que :

« Lorsque le bien relevant du patrimoine immobilier appartient à unepersonne physique ou morale de droit prive, celle-ci peut, au lieud'executer les travaux qui sont indispensables au maintien de l'integritedu bien, exiger que la Region procede à l'expropriation de son bien.

Sauf convention contraire intervenue entre les parties interessees,l'expro-priation porte sur le bien relevant du patrimoine immobilier toutentier, meme s'il n'est inscrit sur la liste de sauvegarde ou classe quepour partie, à la condition que la partie inscrite sur la liste desauvegarde ou classee constitue un element essentiel du patrimoineimmobilier et sur le terrain qui en est l'accessoire indispensable. »

Il s'ensuit qu'il appartient en principe à tout proprietaire d'un bienclasse d'executer les travaux qui sont necessaires à la conservation dubien classe, lesdits travaux etant, le cas echeant, subventionnes par laRegion et la commune concernees, qui peuvent se substituer au proprietaires'il refuse de les faire executer. Ledit proprietaire peut toutefoispreferer exiger de la Region que celle-ci procede à l'expropriation dubien classe au lieu de faire executer lui-meme les travaux indispensablesà la conservation du bien, echappant ainsi de par sa propre volonte auxcontraintes qu'entraine le classement de son bien sans toutefois l'endeposseder.

Ce choix appartient exclusivement au proprietaire. Il est libre de faireou non usage de la faculte prevue à l'article 240, S: 3 ; du CoBAT.

L'exercice de ce choix n'est par ailleurs pas limite dans le temps. Leproprietaire peut opter pour l'expropriation du bien des qu'il estconfronte à la charge des travaux, mais il pourra tout aussi bien ne lefaire que dans dix ans, lorsque la charge des travaux de conservation luiest devenue trop lourde.

Il s'ensuit egalement que l'expropriation n'a nullement pour objet decompenser une quelconque moins-value, que pourrait entrainer leclassement, mais a uniquement pour objet de permettre au proprietaire dese defaire d'un bien, dont les charges de conservation lui apparaissenttrop lourdes ou qu'il ne souhaite pas prendre à sa charge.

3. L'expropriation trouvant sa cause dans le libre choix du proprietaire,il s'ensuit qu'à defaut de dispositions derogatoires l'indemnite due enraison de l'expropriation sur demande, sera determinee en fonction de lavaleur du bien au jour de l'expropriation, en tenant compte des arretesoperant le classement dudit bien, fait accompli au jour del'expropriation, sauf à octroyer à l'exproprie une indemnite superieureau dommage reellement subi en raison de l'expropriation sur demande.

Il ressort effectivement des articles 222 à 230 du CoBAT, tels qued'application avant leur modification par l'ordonnance du 14 mai 2009,anciennement les articles 18 à 25 de l'ordonnance du 4 mars 1993, que leclassement est le resultat d'une procedure specifique, ouverte par leGouvernement, le cas echeant à la demande du proprietaire lui-meme, quiaboutit à un arrete de classement, qui, à l'egard des tiers, estobligatoire des le jour de sa publication, par mention, au Moniteur belge,et à l'egard notamment du proprietaire des sa notification si celle-ciprecede la publication au Moniteur belge.

Partant, le classement s'impose à tous des que l'arrete de classement aete publie et/ou notifie, sans qu'à cette fin une expropriation ne soitnecessaire.

Le Gouvernement classe notamment les biens relevant du patrimoineimmobilier en arretant, le cas echeant, la delimitation d'une zone deprotection (article 222, S: 1er, du CoBAT, anciennement l'article 18),selon la procedure decrite à l'article 222, S:S: 2 à 6 du CoBAT,anciennement l'article 18. Il communique ensuite l'arrete ouvrant laprocedure de classement au fonctionnaire delegue (article 223, S: 1er, duCoBAT, anciennement l'article 19) et prend l'arrete de classement du bienrelevant du patrimoine immobilier au plus tard dans les deux ans àcompter de la publication au Moniteur belge ou de la notification auproprietaire, si elle est anterieure, de l'arrete ouvrant la procedure declassement (article 226 du CoBAT, anciennement l'article 22). L'initiativede ce classement peut meme emaner du proprietaire (article 227 du CoBAT,anciennement l'article 21bis). L'arrete de classement reproduit lesmentions obligatoires visees à l'article 211 du CoBAT. Il etablit, le casecheant, autour de tout bien classe une zone de protection dont il fixeles limites. Est annexe à l'arrete, un plan delimitant le monument,l'ensemble, le site ou le site archeologique ainsi que son eventuelle zonede protection (article 228 du CoBAT, anciennement l'article 23). LeGouvernement communique l'arrete de classement au fonctionnaire delegue etle notifie, dans le delai qu'il determine, par lettre recommandee à laposte à la Commission royale des monuments et des sites, à la commune,au proprietaire, à l'association sans but lucratif visee à l'article222, S: 2, 2DEG, à toute autre personne que le Gouvernement juge opportund'informer (article 229 du CoBAT, anciennement l'article 24). L'arrete declassement est adresse simultanement au Moniteur belge et au Bureau de laConservation des hypotheques. Il est obligatoire des le jour de sapublication, par mention, au Moniteur belge. A l'egard des autorites etpersonnes visees à l'article 229, S: 1er, l'arrete est obligatoire des sanotification si celle-ci precede la publication au Moniteur belge (article230 du CoBAT, anciennement l'article 25).

4. Aux termes de l'article 217, S: 1er, du CobAT, anciennement l'article13 de l'ordonnance du 4 mars 1993, rendu applicable par l'article 231 duCoBAT, anciennement l'article 26 de l'ordonnance precitee, les effets del'inscription sur la liste de sauvegarde suivent les biens relevant dupatrimoine immobilier, en quelques mains qu'ils passent.

Article 232 du CoBAT, tel que d'application avant sa modification parl'ordonnance du 14 mars 2009, anciennement l'article 27, S: 1er, del'ordonnance precitee du 4 mars 1993, dispose qu'il est interdit :

1DEG de demolir en tout ou en partie un bien relevant du patrimoineimmobilier classe;

2DEG d'utiliser un tel bien ou d'en modifier l'usage de maniere tellequ'il perde son interet selon les criteres definis à l'article 206, 1DEG;

3DEG d'executer des travaux dans un tel bien en meconnaissance desconditions particulieres de conservation;

4DEG de deplacer en tout ou en partie un bien relevant du patrimoineimmobilier classe, à moins que la sauvegarde materielle du bien l'exigeimperativement et à condition que les garanties necessaires pour sondemontage, son transfert et son remontage dans un lieu approprie soientprises.

Ces effets s'imposent à tout proprietaire d'un bien classe ainsi qu'auxtiers, et, partant, influenceront dorenavant la valeur venale dudit bien.

Il s'ensuit qu'en cas de vente volontaire dudit bien le proprietaire n'enobtiendra que la somme que le marche est pret à debourser pour le bienclasse.

C'est des lors cette valeur qu'il faudra retenir pour determiner la justeindemnite due en raison d'une expropriation, provoquee par le proprietairedudit bien, ce sous peine d'accorder au proprietaire, à charge de lacollectivite, une indemnite excedant le dommage reellement subi par leproprietaire.

5. Partant, en considerant que « (l)a valeur du bien exproprie doit etreestimee au jour du transfert de la propriete, (...) en excluant lamoins-value resultant de l'arrete se trouvant à l'origine del'expropriation, soit en l'espece les arretes des 18 juillet 2002 et 27mai 2004 », et partant, en considerant que la valeur du bien doit etredeterminee sans avoir egard aux consequences des arretes de classement,notamment au motif qu' « il ne peut etre soutenu qu'il n'y aurait pas delien de causalite entre les arretes operant le classement du bien etl'expropriation resultant des travaux imposes par ce classement. C'est leclassement du bien et ses consequences qui sont la cause del'expropriation », alors qu'il ne ressort aucunement des constatations del'arret entrepris que, sans ladite expropriation, ledit bien n'aurait passubi la moins-value invoquee en raison des effets qu'a tout arrete declassement des sa publication et/ou notification et plus particulierementdes effets qu'ont eus les arretes de classement du site des 18 juillet2002 et 27 mai 2004 des avant le jour de l'expropriation, la cour d'appeln'a pas pu decider legalement, sans meconnaitre la notion de justeindemnite, d'accorder aux defendeurs une indemnite correspondant à lavaleur du bien, abstraction faite de ces arretes de classement (violationdes articles 16 de la Constitution coordonnee du 17 fevrier 1994, 214,217, S: 1er, 222 à 232, tels que d'application avant leur modificationpar l'ordonnance du 14 mai 2009, 240, tel que d'application avant samodification par l'ordonnance du 14 mai 2009, du Code bruxellois del'amenagement du territoire (CoBAT), tel qu'arrete le 9 avril 2004 par leGouvernement de la Region de Bruxelles-Capitale et ratifie parl'ordonnance du 13 mai 2004 de la Region de Bruxelles-Capitale, 11, 13, 18à 27, S: 1er, et 32 de l'ordonnance du 4 mars 1993 relative à laconservation du patrimoine immobilier et 18 à 26 de ladite ordonnance,telle qu'en vigueur avant sa modification par l'ordonnance du 19 fevrier2004.

L'arret entrepris n'est pas davantage legalement motive en ce qu'ilconsidere que le classement du bien et ses consequences sont la cause del'expropriation, de sorte qu'il faut faire abstraction des arretes declassement, faisant ainsi fi, tant du choix de se faire exproprier, quiest librement exerce par les defendeurs, que de la raison d'etre de cechoix, à savoir le refus des proprietaires d'executer eux-memes lestravaux necessaires à la conservation du bien classe (violation desarticles 206, 2DEG, 214 et 240, tels que d'application avant leurmodification par l'ordonnance du 14 mai 2009, du Code bruxellois del'amenagement du territoire (CoBAT), tel qu'arrete le 9 avril 2004 par leGouvernement de la Region de Bruxelles-Capitale et ratifie parl'ordonnance du 13 mai 2004 de la Region de Bruxelles-Capitale, 2, 11 et32 de l'ordonnance du 4 mars 1993 relative à la conservation dupatrimoine immobilier) et plus en general des effets du classement,s'imposant à tous et à toutes, independamment de toute expropriation, àpartir de la publication et/ou notification de l'arrete de classement(violation des article 214, 217, S: 1er, 222 à 232, tels qued'application avant leur modification par l'ordonnance du 14 mai 2009,240, tel que d'application avant sa modification par l'ordonnance du 14mai 2009, du Code bruxellois de l'amenagement du territoire (CoBAT), telqu'arrete le 9 avril 2004 par le Gouvernement de la Region deBruxelles-Capitale et ratifie par l'ordonnance du 13 mai 2004 de la Regionde Bruxelles-Capitale, 11, 13, 18 à 27, S: 1er, et 32 de l'ordonnance du4 mars 1993 relative à la conservation du patrimoine immobilier et 18 à26 de ladite ordonnance, telle qu'en vigueur avant sa modification parl'ordonnance du 19 fevrier 2004) et, partant, determinant la valeur venaledu bien, composante de la juste indemnite (violation de l'article 16 de laConstitution coordonnee du 17 fevrier 1994).

Deuxieme branche

Aux termes de l'article 16 de la Constitution nul ne peut etre prive de sapropriete que pour cause d'utilite publique, dans les cas et de la maniereetablis par la loi, et moyennant une juste et prealable indemnite.

Cet article s'applique en cas d'expropriation pour cause d'utilitepublique, laquelle suppose un transfert de propriete force, ayant poureffet une perte de propriete et, partant, une depossession effective d'unbien.

Si une mesure de classement d'un bien peut constituer une restriction àl'usage du droit de propriete de son proprietaire, elle n'emporte pas unedepossession effective de ce bien.

En effet, comme expose dans la premiere branche, il ressort des articles222 à 230 du CoBAT, tel que d'application avant leur modification parl'ordonnance du 14 mai 2009, anciennement les articles 18 à 25 del'ordon-nance du 4 mars 1993, que le classement est le resultat d'uneprocedure specifique, ouverte par le Gouvernement, le cas echeant à lademande du proprietaire lui-meme, qui aboutit à un arrete de classement,qui, à l'egard des tiers, est obligatoire des le jour de sa publication,par mention, au Moniteur belge, et à l'egard notamment du proprietairedes sa notification si celle-ci precede la publication au Moniteur belge.

L'article 231 du CoBAT, anciennement l'article 27, S: 1er, de l'ordonnancedu 4 mars 1993, dispose que les articles 214, 217 et 218 du CoBAT,anciennement les articles 11, 13 et 14, s'appliquent aux effets duclassement.

Aux termes de l'article 214 du CoBAT, anciennement l'article 11 del'ordonnance du 4 mars 1993, le proprietaire d'un bien relevant dupatrimoine immobilier inscrit sur la liste de sauvegarde a l'obligation dele maintenir en bon etat et de respecter les conditions particulieres deconservation qui auraient ete prescrites.

L'article 217, S: 1er, du CobAT, anciennement l'article 13 del'or-donnance du 4 mars 1993, dispose que les effets de l'inscription surla liste de sauvegarde suivent les biens relevant du patrimoineimmobilier, en quelques mains qu'ils passent.

Aux termes de l'article 232 du CoBAT, tel que d'application avant samodification par l'ordonnance du 14 mars 2009, anciennement l'article 27,S: 1er, de l'ordonnance precitee du 4 mars 1993, il est interdit :

1DEG de demolir en tout ou en partie un bien relevant du patrimoineimmobilier classe;

2DEG d'utiliser un tel bien ou d'en modifier l'usage de maniere tellequ'il perde son interet selon les criteres definis à l'article 206, 1DEG;

3DEG d'executer des travaux dans un tel bien en meconnaissance desconditions particulieres de conservation;

4DEG de deplacer en tout ou en partie un bien relevant du patrimoineimmobilier classe, à moins que la sauvegarde materielle du bien l'exigeimperativement et à condition que les garanties necessaires pour sondemontage, son transfert et son remontage dans un lieu approprie soientprises.

Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que si le classement impliquecertaines restrictions, il ne depossede point le proprietaire de son bien.

Il s'ensuit que le proprietaire d'un bien classe ne peut point seprevaloir de l'article 16 de la Constitution afin de se faire indemniseren raison des charges qu'entraine le classement de son bien.

Il ne le pourra pas davantage en se prevalant de l'article 240, S: 3, duCoBAT, dont l'unique objet est de permettre au proprietaire, qui nesouhaite pas executer les travaux necessaires à la conservation du bienclasse, dont question aux articles 206, 2DEG, 214 et 240, S: 1er, duCoBAT, anciennement les articles 2, 11 et 32 de l'ordonnance du 4 mars1993, de se faire exproprier par la Region de Bruxelles-Capitale. Cettedisposition n'a pas pour objet de compenser la moins-value que pourraitavoir subi le bien en raison de son classement.

Or, en considerant que « (l)a valeur du bien exproprie doit etre estimeeau jour du transfert de la propriete, (...) en excluant la moins-valueresultant de l'arrete se trouvant à l'origine de l'expropriation, soit enl'espece les arretes des 18 juillet 2002 et 27 mai 2004 », decision quiimplique qu'il sera finalement accorde aux proprietaires du bien classeune indemnite superieure à sa valeur venale ou valeur marchande au jourde l'expropriation, celle-ci etant determinee en fonction de parametres,tels que la nature et la destination du bien, sa situation, les routesd'acces, la proximite d'une agglomeration et ou encore son classement, etau dommage en relation causale avec l'expropriation, la cour d'appelaccorde, par une voie detournee, en gommant les effets du classement, auxproprietaires du bien classe, en l'espece un site au sens de l'article206, 1DEG, du CoBAT, anciennement l'article 2 de l'ordonnance du 4 mars1993, une indemnite en raison de la restriction à l'usage de son droit depropriete qui decoule du classement.

Partant, la cour d'appel n'a pas pu decider legalement ne pas devoir tenircompte, pour determiner l'indemnite d'expropriation, des effets desarretes de classement des 18 juillet 2002 et 27 mai 2004, accordant ainsiaux defendeurs, par une voie detournee et en meconnaissance des effets duclassement, une indemnisation en raison des restrictions à l'usage deleur droit de propriete qu'impliquaient lesdits arretes de classement(violation des articles 16 de la Constitution coordonnee du 17 fevrier1994, 206, 1DEG et 2DEG, 214, 217, S: 1er, 222 à 232, 240, S:S: 1er et 3,tels que d'application avant leur modification par l'ordonnance du 14 mai2009, du Code bruxellois de l'amenagement du territoire (CoBAT), telqu'arrete le 9 avril 2004 par le Gouvernement de la Region deBruxelles-Capitale et ratifie par l'ordonnance du 13 mai 2004 de la Regionde Bruxelles-Capitale, 2, 11, 13, 18 à 25, 27, S: 1er, et 32 del'or-donnance du 4 mars 1993 relative à la conservation du patrimoineimmobilier et 18 à 26 de ladite l'ordonnance, telle qu'en vigueur avantsa modification par l'ordonnance du 19 fevrier 2004).

DEVELOPPEMENTS

1. Aux termes de l'article 16 de la Constitution nul ne peut etre prive desa propriete que pour cause d'utilite publique, dans les cas et de lamaniere etablis par la loi, et moyennant une juste et prealable indemnite.

Selon la jurisprudence de Votre Cour en matiere d'expropriation la justeindemnite, à laquelle un proprietaire dont l'immeuble a ete expropriepour cause d'utilite publique a droit en vertu de l'article 16 de laConstitution, doit etre equivalente à la valeur dudit bien au jour fixantl'indemnite provisionnelle, qui est due par l'expropriant (Cass. 2 juin1967, Pas. 1967, I, 1169 ; Cass. 17 mai 1976, Pas. 1976, I, 991 ; Cass. 3mars 1983, Pas. 1983, I, 731 ; Cass. 15 janvier 1988, Pas. 1988, I, 571 ;L. Belva, A. Coenraets et G. Belva, L'ex-propriation pour cause d'utilitepublique, dans Les Novelles, Droit administratif, VII, Bruxelles, Larcier,1980, nDEG 419).

Elle doit etre equivalente à la somme à debourser pour se procurer unimmeuble de la meme valeur que celui dont l'exproprie est depossede (Cass.20 septembre 1979, Pas. 1980, I, 69, conclusion du Procureur GeneralDumon ; Cass. 24 avril 1980, Pas. 1980, I, 1052 ; Cass. 30 decembre 1988,Pas. 1989, I, 473 ; Cass. 29 octobre 2009, Pas. 2009, nDEG 626).

Elle ne peut toutefois pas etre superieure (Cass. 30 decembre 1988, Pas.1989, I, 473 ; Cass. 9 decembre 2005, Pas. 2005, nDEG 656 ; Cass. 21septembre 2006, Pas. 2006, nDEG 429 ; O. Wery, L'expropriation pour caused'utilite publique : chronique de jurisprudence (2000-2014) (secondepartie), JT 2014, 813, nDEG 32).

Elle ne peut par ailleurs comprendre que les dommages subis parl'exproprie et qui presentent un lien de causalite avec l'expropriation(cf. Cass. 5 mai 2006, JT 2006, 339 ; Cass. 31 janvier 2008, Pas. 2008,257 ; Cass. 29 octobre 2009, Pas. 2009, nDEG 626 ; Cass. 22 mars 2012,C.2010.155.N.).

Il est egalement admis que le creancier d'indemnite ne peut ni profiter dela plus-value, ni souffrir de la moins-value qui resulte del'expro-priation elle-meme ou de l'execution des travaux pour lesquelsl'expropriation est accordee (Cass. 17 janvier 1964, Pas. 1964, I, 522 ;Cass. 24 novembre 1972, Pas. 1973, I, 296 ; Cass. 3 mars 1983, Pas. 1983,I, 731 Cass. 9 decembre 1983, Pas. 1984, I, 403 ; Cass. 12 janvier 1984,Pas. 1984, I, 499 ; Cass. 5 septembre 1985, Pas. 1986, I, 6 ; Cass. 6octobre 1988, Pas. 1989, I, 130, Cass. 8 juin 1989, Pas. 1989, I, 1080 ;Cass. 7 juin 1990, Pas. 1990, I, 1135 ; Cass. 22 mars 2012,C.2010.155.N. ; Cass. 29 mars 2013, C.2010.638.N. ; Cass. 31 mai 2013,C.2011.749.N. ; Cass. 7 novembre 2013, C.2012.53.N. ; L. Belva, A.Coenraets et G. Belva, o.c., nDEG 553 ; E. Causin, Les indemnitesd'expropriation, Kluwer edition juridique, 1997, 107, nDEG 50).

Toutefois, rien ne s'oppose à ce que le juge tienne compte de lamoins-value qui decoule d'une prescription urbanistique ou autre lorsquel'expropriation ne se fait pas pour realiser ladite prescription.

En matiere de classement l'expropriation n'est nullement necessaire pourla realisation du classement qui est un fait avere à partir de lapublication et la notification des arretes de classement des 18 juillet2002 et 27 mai 2004, lesquels n'ont pas depossede les defendeurs de leurbien (cf. Cass. 13 juin 2013, C.2012.91.F.).

Toutefois, l'article 240, S: 3, du CoBAT octroie aux proprietaires qui ontdeclare ne pas vouloir executer les travaux necessaires à la conservationdu site, le droit d'exiger de la Region de proceder à l'expropriation.

En cette hypothese l'expropriation ne se fait pas afin de realiser leclassement, mais trouve sa cause dans une decision du proprietaire qui nesouhaite pas executer les travaux necessaires à la conservation de sonbien. Le droit, instaure par l'article 240, S: 3, du CoBAT, dontl'exercice n'est pas limite dans le temps, n'a nullement pour objet decompenser la moins-value du bien, pouvant resulter du classement du bien.

Il s'ensuit que l'indemnite, à laquelle le proprietaire qui provoquel'expropriation, aura droit à charge de la collectivite, sera determineeen fonction de la valeur venale du bien classe, sans qu'abstraction nepuisse etre faite des effets du classement, lequel est opposable à tousdes la publication de l'arrete de classement, sous peine d'accorder auproprietaire une indemnite qui excede le dommage en relation causale avecl'expropriation.

Partant, la cour d'appel ne motive pas legalement sa decision en cequ'elle decide qu'il y a lieu de ne pas tenir compte des arretes declassement pour determiner la valeur du bien exproprie.

2. Par ailleurs, l'expropriation suppose un transfert de propriete force,ayant pour effet une perte de propriete et, partant, une depossessioneffective d'un bien (Cass. 4 decembre 2008, Pas. 2008, nDEG 696 ; Cass. 13juin 2013, Pas. 2013, nDEG 368).

Un classement n'entraine pas un transfert de propriete, mais tout au plusune restriction de l'usage du droit de propriete (Cass. 13 juin 2013, Pas.2013, nDEG 368 ; cf. Cass. 11 fevrier 2005, Pas. 2005, nDEG 88), laquellene donne pas droit à une indemnite au sens de l'article 16 de laConstitution.

Le Conseil d'Etat a ainsi decide à plusieurs reprises que l'impositiond'une servitude d'utilite publique ne prive pas le proprietaire de sapropriete. Les dispositions relatives à l'expropriation ne sont pasapplicables (C.E. nDEG 21.269 du 16 juin 1981 ; C.E. nDEG 21.936 du 26janvier 1982 ; C.E. nDEG 22.801 du 4 janvier 1983 ; C.E. nDEG 23.926 du 31janvier 1984 ; C.E. nDEG 100.286 du 25 octobre 2001 ; voir aussi lesconclusions additionnelles et de synthese apres cassation, pages 36 à39).

Or, en considerant que « (l)a valeur du bien exproprie doit etre estimeeau jour du transfert de la propriete, (...) en excluant la moins-valueresultant de l'arrete se trouvant à l'origine de l'expropriation, soit enl'espece les arretes des 18 juillet 2002 et 27 mai 2004 », la courd'appel accorde, par une voie detournee, en gommant les effets duclassement, aux proprietaires du bien classe egalement une indemnite enraison de la restriction à l'usage de son droit de propriete qui decouledu classement.

PAR CES CONSIDERATIONS

Conclut pour la demanderesse l'avocat à la Cour de Cassation soussignee,qu'il Vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arret entrepris, renvoyerla cause et les parties à une autre cour d'appel ; depens comme de droit.

Bruxelles, le 24 juillet 2015.

29 MAI 2017 C.15.0312.F/2

Requete/23


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0312.F
Date de la décision : 29/05/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-05-29;c.15.0312.f ?
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