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31/05/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0545.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 31 mai 2017, P.17.0545.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

* N° P.17.0545.F

S.M.,

condamné, détenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseils Maîtres Violaine Devyver, avocat au barreau de Liège,et Cédric Vergauwen et Cécile Meert, avocats au barreau de Bruxelles.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 2 mai 2017 par letribunal de l'application des peines de Liège.

La demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, encopie certifiée conforme.

L'avocat général Miche

l Nolet de Brauwere a déposé des conclusions reçuesau greffe le 29 mai 2017.

A l'audience du 31 mai 2017, le conseiller Eric d...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

* N° P.17.0545.F

S.M.,

condamné, détenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseils Maîtres Violaine Devyver, avocat au barreau de Liège,et Cédric Vergauwen et Cécile Meert, avocats au barreau de Bruxelles.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 2 mai 2017 par letribunal de l'application des peines de Liège.

La demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, encopie certifiée conforme.

L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions reçuesau greffe le 29 mai 2017.

A l'audience du 31 mai 2017, le conseiller Eric de Formanoir a faitrapport et l'avocat général précité a conclu.

II. les faits

Le jugement constate que le demandeur subit plusieurs peines privatives deliberté, dont une peine d'emprisonnement de deux ans prononcée par letribunal correctionnel de Bruxelles le 3 octobre 2016, du chef de coups oublessures volontaires avec incapacité de travail, commis en état derécidive légale.

Cette condamnation a été prononcée sur opposition à un jugement rendu pardéfaut le 23 décembre 2014, qui avait condamné le demandeur du chef dumême fait, mais qualifié de tentative de meurtre, à une peined'emprisonnement de dix ans.

Le jugement considère, pour le calcul de la date d'admissibilité à lalibération conditionnelle, que l'état de récidive constaté par le jugementdu 3 octobre 2016 doit être pris en compte, et que, comme le mentionne lafiche d'écrou, le demandeur est admissible à la libération conditionnellele 25 octobre 2018, et à la surveillance électronique le 28 avril 2018.

En conséquence, le jugement déclare irrecevable la demande de surveillanceélectronique introduite le 21 février 2017.

III. la décision de la cour

Sur le moyen :

1. Le moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 142 de laConstitution, 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Courconstitutionnelle, 8, 9, 25, 54, 55 et 56 du Code pénal telsqu'applicables en l'espèce, 2 de la loi du 4 octobre 1867 sur lescirconstances atténuantes et 23, § 1^er, 1°, et 25, § 2, b, de la loi du17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnéesà une peine privative de liberté.

2. Le demandeur soutient qu'en retenant l'état de récidive constaté par lejugement du 3 octobre 2016, le jugement viole le principe d'égalité et denon-discrimination.

Invoquant l'arrêt n° 185/2014 de la Cour constitutionnelle du 18 décembre2014 et l'arrêt de la Cour du 10 octobre 2016 (RG P.16.0837.F), le moyenallègue, en sa première branche, qu'il résulte de ces arrêts que,dorénavant, les personnes qui ont été condamnées par le tribunalcorrectionnel en état de récidive légale du chef d'un crimecorrectionnalisé sont admissibles à la libération conditionnelle aprèsavoir subi un tiers de leur peine, en ce compris, selon le moyen, lespersonnes qui comme le demandeur ont été condamnées du chef d'un crimecorrectionnalisé qui a été requalifié en délit.

Le demandeur précise qu'étant condamné à une peine d'emprisonnement dedeux ans du chef du délit de coups ou blessures volontaires avecincapacité de travail, commis en état de récidive, il n'est admissible àla libération conditionnelle qu'après avoir subi les deux tiers de cettepeine, alors que si le tribunal correctionnel l'avait condamné à une peinede deux ans d'emprisonnement du chef de la qualification retenue par lejugement par défaut du 23 décembre 2014, c'est-à-dire celle du crimecorrectionnalisé de tentative de meurtre, il aurait selon lui étéadmissible à la libération conditionnelle plus tôt, après avoir subi untiers de cette peine.

Le moyen soutient également, en sa seconde branche, que le demandeur esttraité moins favorablement qu'une personne qui est condamnée par letribunal correctionnel à une peine d'emprisonnement de plus de cinq ans duchef d'un crime correctionnalisé commis en état de récidive : alors que,selon le moyen, en raison de la discrimination constatée par l'arrêt n°185/2014 de la Cour constitutionnelle du 18 décembre 2014, cette personneest désormais admissible à la libération conditionnelle après avoir subiun tiers de sa peine, le demandeur, qui a été condamné en état de récidiveà une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure du chef d'un faitqualifié de délit mais initialement qualifié de crime correctionnalisé,n'est admissible à cette modalité qu'après avoir subi deux tiers de cettepeine.

Faisant valoir que cette différence de traitement n'est pas objectivementet raisonnablement justifiée, le demandeur invite la Cour, à titresubsidiaire, à poser une question préjudicielle à la Courconstitutionnelle.

* 3. En vertu de l'article 25, § 2, a et b, de la loi du 17 mai 2006, lalibération conditionnelle est octroyée à tout condamné à une ouplusieurs peines privatives de liberté dont la partie à exécuters'élève à plus de trois ans, pour autant que le condamné ait, soitsubi un tiers de ces peines, soit, si le jugement ou l'arrêt decondamnation a constaté que le condamné se trouvait en état derécidive, subi les deux tiers de ces peines, sans que la durée despeines déjà subies excède quatorze ans, et pour autant qu'il répondeaux conditions visées aux articles 47, § 1^er, et 48 de la loi.

Il résulte de cette disposition que, condamné à plusieurs peinesd'emprisonnement, dont une peine d'emprisonnement de deux ans du chef d'undélit commis en état de récidive, le demandeur est admissible à lalibération conditionnelle, en vertu de l'article 25, § 2, b, précité,après avoir subi les deux tiers de cette peine.

4. Par l'arrêt n°185/2014 du 18 décembre 2014, précité, répondant à unequestion préjudicielle, la Cour constitutionnelle a dit pour droit :

« - L'article 56, alinéa 2, du Code pénal, lu en combinaison avecl'article 25 du même Code, avec l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867sur les circonstances atténuantes et avec l'article 25, § 2, b), de la loidu 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnescondamnées à une peine privative de liberté, viole les articles 10 et 11de la Constitution, mais uniquement en ce qu'il a pour conséquenced'exclure plus longtemps une personne qui, pour une tentatived'assassinat, a été condamnée par le tribunal correctionnel du chef d'uncrime correctionnalisé commis moins de cinq ans après qu'elle a subi ouprescrit une peine d'emprisonnement d'au moins un an, de la possibilitéd'une libération conditionnelle, que la personne qui est condamnée à unepeine criminelle par la cour d'assises du chef du même crime commis dansla même circonstance.

- Les effets de cette disposition législative sont maintenus jusqu'àl'entrée en vigueur d'une loi qui met fin à cette discrimination et auplus tard jusqu'au 31 juillet 2015 ».

Aucune modification législative n'est intervenue au jour du présent arrêt.

* La question dont la Cour constitutionnelle était saisie portait sur lasituation d'une personne condamnée du chef d'un crime correctionnaliséde tentative d'assassinat. Ce crime, s'il n'est pas correctionnalisé,est punissable de la peine de réclusion de vingt à trente ans.

Il résulte de l'arrêt précité qu'une personne qui est condamnée par letribunal correctionnel à une peine d'emprisonnement du chef d'un crimecorrectionnalisé, punissable avant sa correctionnalisation de la peine deréclusion de vingt à trente ans, commis moins de cinq ans après qu'elle asubi ou prescrit une peine d'emprisonnement d'au moins un an, estadmissible à la libération conditionnelle après avoir subi un tiers de sapeine.

5. Il résulte de ce qui précède que les deux catégories de personnessuivantes sont soumises à un régime différent d'admissibilité à lalibération conditionnelle :

- les personnes condamnées par le tribunal correctionnel ou la courd'appel à une peine d'emprisonnement du chef d'un crime correctionnalisécommis en état de récidive légale, punissable, avant sacorrectionnalisation, de la réclusion de vingt à trente ans, sontadmissibles à cette modalité, en application de l'arrêt précité de la Courconstitutionnelle, après avoir subi un tiers de leur peine, et

- les personnes qui, comme le demandeur, sont condamnées par le tribunalcorrectionnel ou la cour d'appel à une peine d'emprisonnement du chef d'unautre délit ou crime correctionnalisé commis en état de récidive légale,ne sont admissibles à la libération conditionnelle qu'après avoir subideux tiers de leur peine.

Cette différence de traitement est susceptible d'être contraire auxarticles 10 et 11 de la Constitution.

Il y a lieu, dès lors, d'interroger la Cour constitutionnelle à titrepréjudiciel sur la question énoncée au dispositif de l'arrêt.

En raison des particularités de la cause, il y aurait lieu d'abréger lesdélais fixés aux articles 85, 87 et 89 de la loi spéciale du 6 janvier1989 sur la Cour constitutionnelle.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

* Sursoit à statuer sur le pourvoi jusqu'à ce que la Courconstitutionnelle ait répondu à la question préjudicielle suivante :

« L'article 25, § 2, b, de la loi du 17 mai 2006 relative au statutjuridique externe des personnes condamnées et aux droits reconnus à lavictime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine, lu encombinaison avec les articles 25, 56, alinéas 2 et 3, et 80 du Code pénalet 2 de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes,viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant qu'il a poureffet qu'une personne qui est condamnée par une juridictioncorrectionnelle à une peine d'emprisonnement du chef d'un crimecorrectionnalisé punissable, avant sa correctionnalisation, de la peine deréclusion de vingt à trente ans et commis en état de récidive légale peutprétendre à une libération conditionnelle après avoir subi un tiers de sapeine, alors qu'une personne qui est condamnée par une juridictioncorrectionnelle, en état de récidive légale, à une peine d'emprisonnementdu chef d'un autre crime correctionnalisé ou d'un délit ne peut prétendreà une libération conditionnelle qu'après avoir subi les deux tiers de sapeine ? ».

Réserve les frais.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président,Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz,conseillers, et prononcé en audience publique du trente et un mai deuxmille dix-sept par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction deprésident, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avecl'assistance de Fabienne Gobert, greffier.

+------------------------------------------------------------------------+
| F. Gobert | F. Lugentz | T. Konsek |
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| E. de Formanoir | F. Roggen | B. Dejemeppe |
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31 mai 2017 P.17.0545.F/7


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0545.F
Date de la décision : 31/05/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-05-31;p.17.0545.f ?
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