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01/06/2017 | BELGIQUE | N°C.15.0300.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 juin 2017, C.15.0300.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0300.F

1. A.-F. J.,

2. K. S.,

3. C. P.,

4. ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE TOURNAI, dont les bureaux sont etablisà Tournai, place du Palais du Justice,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. COMPAGNIE IMMOBILIERE DE BELGIQUE, societe anonyme dont le siegesocial est etabli à Bruxelles, rue de la Regence

, 58,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,don...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0300.F

1. A.-F. J.,

2. K. S.,

3. C. P.,

4. ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE TOURNAI, dont les bureaux sont etablisà Tournai, place du Palais du Justice,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. COMPAGNIE IMMOBILIERE DE BELGIQUE, societe anonyme dont le siegesocial est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 58,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

2. REGIE DES BATIMENTS, dont le siege est etabli à Saint-Gilles, avenuede la Toison d'Or, 87/2,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile,

3. ETAT BELGE, represente par le ministre de la Justice, dont le cabinetest etabli à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

4. NEDIM, societe anonyme dont le siege social est etabli à Koekelberg,avenue de Jette, 32/3,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

5. CHATEAU-REMPARTS, societe civile immobiliere de droit franc,ais, dontle siege est etabli à Lille (France), Pont des Flandres, 135,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 26 janvier 2015par la cour d'appel de Mons.

Le 10 mai 2017, le premier avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport et le premieravocat general Andre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, les demandeurs presentent trois moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Aux termes de l'article 812, alinea 2, du Code judiciaire, l'interventiontendant à obtenir une condamnation ne peut s'exercer pour la premierefois en degre d'appel.

En vertu de cette disposition, une partie peut intervenir pour la premierefois en degre d'appel si elle se borne à appuyer la these d'une autrepartie et si son intervention ne tend pas à obtenir une condamnation.

Pour appuyer la these d'une autre partie, la partie intervenante peutpresenter des moyens differents pour autant qu'elle n'excede pas leslimites du litige.

Il ressort des pieces de la procedure que :

- par son arret du 17 novembre 2014, la cour d'appel a ordonne lareouverture des debats en invitant les parties à s'expliquer « surl'incidence de la decision du ministre competent du 9 octobre 2014 tantsur la portee du nouveau permis du 2 juin 2014 que sur la situationanterieure susceptible d'etre à l'origine d'une violation manifestesanctionnee par la loi du 12 janvier 1993 » ;

- dans sa note d'observations apres reouverture des debats, la premieredefenderesse a soutenu que la decision du ministre du 9 octobre 2014 est« fondee sur une appreciation manifestement deraisonnable » et que lacour d'appel « devait ecarter l'appreciation faite par le ministre selonlaquelle le dossier de demande etait incomplet quant à l'aspect`mobilite' » ;

- la quatrieme defenderesse, intervenue volontairement à la cause endegre d'appel, a, dans sa note d'observations apres reouverture desdebats, fait valoir que la decision du ministre du 9 octobre 2014 estillegale parce qu'elle viole les articles 271 du CWATUPE et 1 à 3 de laloi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifset qu'en vertu de l'article 159 de la Constitution, cette decision devaitetre ecartee des debats.

L'intervention de la quatrieme defenderesse, qui ne tendait pas à obtenirune condamnation, mais qui visait uniquement à entendre declarer nonfondee la demande des demandeurs contre la premiere defenderesse, sebornait ainsi à appuyer la these de la premiere defenderesse sur la based'un moyen different sans exceder les limites du litige.

En considerant que « la [quatrieme defenderesse] et la [premieredefenderesse] mettent en cause la motivation de [la decision du ministredu 9 octobre 2014], l'une soulignant qu'elle comporte une illegalite etl'autre qu'elle est manifestement deraisonnable », qu'« en realite lecaractere manifestement deraisonnable concerne egalement la legalite del'acte car à defaut il n'y aurait pas de motivation adequate au sens dela loi du 29 juillet 1991 » et en decidant ensuite, en application del'article 159 de la Constitution, d'ecarter ladite decisionministerielle « du cadre du litige [soumis à la cour d'appel] »,l'arret attaque ne viole pas l'article 812 du Code judiciaire.

L'incidence de la decision ministerielle du 9 octobre 2014 ayant etesoumise par l'arret du 17 novembre 2014 à un debat contradictoire,l'arret attaque, en ecartant cette decision, ne meconnait pas le principegeneral du droit relatif au respect des droits de la defense.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche :

Aux termes de l'article 159 de la Constitution, les cours et tribunauxn'appliqueront les arretes et reglements generaux, provinciaux et locaux,qu'autant qu'ils seront conformes aux lois.

Sur la base de cette disposition, tout organe juridictionnel a le pouvoiret le devoir de verifier si les decisions de l'administration dontl'application est en cause sont conformes à la loi.

Le juge saisi sur la base de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droitd'action en matiere de protection de l'environnement a des lors lacompetence, sur la base de l'article 159 de la Constitution, de verifierla legalite interne et externe d'un acte administratif egalement au regardd'une loi etrangere à la protection de l'environnement.

Dans la mesure ou il repose sur le soutenement contraire, le moyen, encette branche, manque en droit.

Pour le surplus, la non-application d'une decision de l'autorite en vertude l'article 159 de la Constitution n'a pas pour effet de faire naitre desdroits et obligations pour les interesses.

Des lors, apres avoir ecarte la decision ministerielle du 9 octobre 2014en raison de son illegalite, la cour d'appel pouvait apprecier le litigesur la base du permis du 2 juin 2014 anterieurement octroye.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

L'arret attaque ne se borne pas à considerer que le recours administratifforme contre le permis unique accorde le 2 juin 2014 a donne lieu à ladecision du ministre du 9 octobre 2014 qui l'a annule mais il decide aussique cette decision ministerielle est illegale et doit des lors etreecartee dans le cadre de l'examen du litige soumis à la cour d'appel.

Le moyen, qui repose, en cette branche, sur une lecture incomplete del'arret attaque, manque en fait.

Quant à la quatrieme branche :

L'arret ne considere pas que le permis du 2 juin 2014 a fait l'objet d'unautre recours que celui forme par les demanderesses devant le ministrecompetent.

Le moyen, qui, en cette branche, suppose le contraire, manque en fait.

Sur le deuxieme moyen :

Quant aux deux branches reunies :

L'arret attaque considere que « meme si le permis unique du 22 novembre2007 avait fait l'objet d'une violation manifeste d'une normeenvironnementale [...] ou meme s'il avait ete illicite [...], le permis du2 juin 2014 tel qu'il existe actuellement est prima facie legal ets'impose, à ce stade, aux parties, nonobstant le recours administratifdont il fait l'objet puisque ce recours n'est pas suspensif ».

Le moyen, qui repose tout entier sur la supposition que l'arret attaqueaurait estime que le permis du 22 novembre 2007 n'etait pas illicite,manque en fait.

Sur le troisieme moyen :

Quant à la violation manifeste d'une disposition relative àl'environnement, l'arret enonce que :

- « il est reproche [à la premiere defenderesse] d'avoir nie le problemede la mobilite et d'avoir ainsi evite la realisation d'une etuded'incidence » ;

- « la question de la mobilite et de la difference de situation entre unimmeuble à usage de bureaux et un palais de justice est au coeur du debatdepuis le debut du litige » ;

- « la lecture du permis du 2 juin 2014 demontre que ce probleme a eteenvisage et les fonctionnaires delegue et technique ont repondu de manierecirconstanciee aux critiques de la ville de Tournai » ;

- « force est de constater qu'à ce jour, par courrier du 9 juillet 2014,la [premiere defenderesse] a notifie à la ville de Tournai un programmed'engagement, dans [lequel] elle prend l'engagement de prendre enlocation, pour la duree du bail signe avec la [deuxieme defenderesse], unparking appartenant à la SNCB [et de] revoir tous les six mois ce nombred'emplacements de parking pour l'adapter au mieux à la demande » ;

- « il est observe que l'autorite competente a estime, compte tenu detous ces elements, qu'une etude d'incidence n'etait pas requise. Uneenquete publique a toutefois ete realisee et il est repondu aux objectionsdans l'avis favorable, emis le 26 mai 2014 par les fonctionnaires delegueet technique » ;

- « ceux-ci, en application de l'article D 68, S: 1er, du Code del'environnement, ont examine le caractere complet et recevable du dossierde demande et examine si le projet etait de nature à avoir des incidencesnotables sur l'environnement, et ils concluent par la negative » ;

- « cette analyse ne parait pas devoir, prima facie, etre remise en causesur la base des informations dont la cour [d'appel] dispose » ;

- « rien n'indique avec certitude que les autorites chargees d'accorderle permis litigieux n'auraient pas ete suffisamment informees et quel'etude Transitec aurait ete lacunaire » ;

- « il n'est pas demontre, à ce stade, que le projet litigieuxengendrera un charroi plus important » ;

- « s'il parait evident que des places de parking supplementaires serontnecessaires, notamment pour les avocats, il apparait que la [premieredefenderesse] a, à present, fait le necessaire pour solutionner cettequestion et que les autres solutions au probleme de mobilite, commel'organisation du trafic et le recours à des modes de transport douxdependent d'un engagement commun à la fois de la ville de Tournai et desusagers en vue de reduire l'empreinte ecologique de cette activitehumaine ».

L'arret attaque considere ainsi que l'absence d'evaluation des incidencesne constitue pas en soi une violation manifeste des regles de protectionde l'environnement, des lors que dans l'avis favorable emis le 26 mai 2014les fonctionnaires delegue et technique ont conclu que le projet n'etaitpas de nature à avoir des incidences notables sur l'environnement et quecette analyse ne paraissait pas devoir, à premiere vue, etre remise encause.

Ainsi l'arret repond, en les contredisant, aux conclusions des demandeursvisees au moyen et justifie legalement sa decision de declarer non fondeela demande en cessation des demandeurs formee sur la base de l'article 1erde la loi du 12 janvier 1993 concernant le droit d'action en matiere deprotection de l'environnement.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes à la somme de mille huit cent vingt-six eurosnonante-sept centimes envers les parties demanderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers MichelLemal, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, etprononce en audience publique du premier juin deux mille dix-sept par lepresident de section Albert Fettweis, en presence du premier avocatgeneral Andre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | A. Jacquemin | S. Geubel |
|-----------------+--------------+-------------|
| M.-Cl. Ernotte | M. Lemal | A. Fettweis |
+----------------------------------------------+

Requete

1er feuillet

REQUETE EN CASSATION

_______________________

Pour : 1DEG. A. J.,

2DEG. K. S.,

3DEG. C. P.,

4DEG. l'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE TOURNAI, inscrit à la BCE sous lenDEG 858.347.456, dont les bureaux sont etablis à 7500 Tournai, place duPalais de Justice,

demandeurs,

assistes et representes par Me Jacqueline Oosterbosch, avocate à la Courde

cassation, dont le cabinet est etabli à 4020 Liege, rue de Chaudfontaine,11, ou il est

fait election de domicile,

Contre : 1DEG. la S.A. COMPAGNIE IMMOBILIERE DE BELGIQUE, en abrege, "SA

IMMOBEL", inscrite à la BCE sous le nDEG 405.966.675, dont le siegesocial est etabli à 1000 Bruxelles, rue de la Regence, 58,

2DEG. la REGIE DES BATIMENTS, inscrite à la BCE sous le nDEG

0208.312.646, dont le siege social est etabli à 1060 Bruxelles(St-Gilles),

avenue de la Toison d'Or, 87/2,

2eme feuillet

3DEG. l'ETAT BELGE, represente par M. le Ministre de la Justice, dont lesbureaux

sont etablis à 1000 Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,

4DEG. la S.A. NEDIM, inscrite à la BCE sous le nDEG 0467.274.635, dont lesiege social est etabli à 1081 Koekelberg, avenue de Jette, 32/3,

5DEG. la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE CHATEAU-REMPART, societe de droitfranc,ais, ayant son siege social à 59777 Lille (France), Pont deFlandres, 135, enregistree aupres du registre de commerce et des societesde Lille sous le nDEG 529.108.318,

defendeurs.

A Messieurs les Premier President et Presidents, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation,

Messieurs, Mesdames,

Les demandeurs ont l'honneur de deferer à votre censure l'arret prononcecontradictoirement entre les parties le 26 janvier 2015 par la deuxiemechambre de la cour d'appel de Mons (nDEGDEG de role : 2013/RG/969,2013/RG/970, 2013/RG/972, 2014/RG/5 et 2014/RG/6).

Les faits et antecedents de la cause, tels qu'ils resultent des piecesauxquelles votre Cour peut avoir egard, peuvent etre ainsi brievementresumes.

Le 22 novembre 2007, la Ville de Tournai a delivre à la societe Immobel,proprietaire à l'epoque, un permis unique portant sur la renovation d'un« immeuble de bureau » situe « à l'angle de la rue du chateau, nDEG 49et de la rue du Rempart, nDEG 7-21 à 7500 Tournai », destine « tant auregroupement de l'ensemble du Ministere des Finances (partie cote rue duRempart) et une partie du Ministere de la Justice (partie cote rue duChateau)».

3eme feuillet

Le bien a ete loue par la societe Immobel à la Regie des Batiments parcontrat du 6 decembre 2010 pour la partie du complexe immobilier situecote rue du Chateau. Le contrat prevoit qu'une partie des lieux loues sontdestines à etre occupes par le SPF Justice, à usage de bureaux, sallesd'audience et locaux d'archive.

L'immeuble a ete vendu par la societe Immobel à la societe NeDim et à lasociete civile immobiliere Chateau-Rempart le 23 decembre 2010.

Les demanderesses ont conteste cette modification de l'affectation dubatiment, soit l'affectation non plus à des bureaux mais à desequipements de services publics, soutenant qu'elle constituait uneinfraction à des dispositions legales ou reglementaires relatives à laprotection de l'environnement. Les consequences sur la mobilite resultantde l'augmentation du charroi que genere l'activite d'un Palais de Justice,ainsi que l'insuffisance de facilites de parking, constituent notammentles nuisances reprochees suite à ce changement d'affectation.

Se substituant à la Ville de Tournai, en application de l'articleL.1242-2 du Code wallon de la democratie locale et de la decentralisation,elles ont introduit des actions en cessation environnementale sur la basede l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'actionen matiere de protection de l'environnement.

Statuant sur une premiere citation sur la base de la disposition precitee,le President du tribunal de Tournai a considere, par une ordonnance du 29mars 2012, qu'à defaut d'occupation actuelle (au moment ou il a statue)du batiment litigieux, lesdites violations ne constituaient pas, enl'etat, une atteinte manifeste au droit de l'environnement.

Les demanderesses ont interjete appel de cette decision (2014/RG/6).

Le 10 juin 2013, elles introduisent une nouvelle action "comme en refere"sur la base de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 precitee.

L'Ordre des avocats du barreau de Tournai fait intervention volontaire àla cause.

4eme feuillet

Par ordonnance du 25 septembre 2013, le President du tribunal de premiereinstance de Tournai dit irrecevable l'intervention volontaire de l'Ordredes avocats du barreau de Tournai. Statuant sur l'action originaire, il ladit fondee en ce que l'affectation de l'immeuble litigieux violemanifestement les dispositions legales ou reglementaires relatives àl'environnement, et particulierement l'article 84, S: 1er, 7DEG, duCWATUPE et la reglementation relative au systeme d'evaluation desincidences de projet sur l'environnement ainsi qu'à la participation dupublic en matiere d'environnement. Il ordonne à la Regie des Batiments,à la s.a. Immobel et à l'Etat belge de cesser tout acte materielconstituant un commencement d'execution ou l'execution effective del'affectation du batiment litigieux au tribunal civil, à la juridictionpresidentielle, à la juridiction des saisies et au bureau d'assistancejudiciaire ainsi qu'à leurs services auxiliaires, à peine decondamnation à une astreinte de 2.500 EUR par jour de contravention.

La s.a. Immobel, la Regie des Batiments et l'Etat belge interjettent appelde cette decision. L'Ordre des avocats du barreau de Tournai fait de memecontre le dispositif ayant dit son intervention volontaire irrecevable.

La s.a. NeDim et la societe civile immobiliere Chateau-Rempart fontintervention volontaire à la cause devant la cour d'appel et appellent laRegion wallonne en declaration d'arret commun.

Le 7 janvier 2014, la s.a. Immobel introduit une demande de permis uniqueaupres des fonctionnaires delegue et technique de la Region wallonne pourl'immeuble en cause « en vue de transformation d'un immeuble existant -affectation partielle à usage d'equipements communautaires, extensiond'un Palais de Justice, comportant la regularisation d'un changementd'affectation partielle et modification de fac,ade ».

Les fonctionnaires technique et delegue delivrent un permis unique le 2juin 2014. Le 24 juin suivant, les demandeurs forment contre cettedecision le recours administratif prevu à l'article 127, S: 6, du CWATUPEdevant le Ministre competent. Par arrete du 9 octobre 2014, le Ministreannule le permis unique delivre le 2 juin 2014.

Invoquant cet element nouveau qui est de nature à influer sur la solutiondu litige, les demandeurs deposent devant la cour d'appel une requete enreouverture des debats.

Par un premier arret du 19 novembre 2014, la cour d'appel de Mons :

6eme feuillet

- joint les causes;

- rec,oit les appels (à l'exception de l'appel de l'Ordre des avocats dubarreau de Tournai en tant qu'il etait dirige contre les trois premieresdemanderesses) et les interventions volontaires de la s.a. NeDim et de lasociete civile immobiliere Chateau-Rempart;

- dit irrecevable la demande en declaration d'arret commun dirigee contrela Region wallonne;

- dit recevable l'intervention volontaire de l'Ordre des avocats dubarreau de Tournai, reformant en cela la decision du premier juge;

- dit recevable l'action formee par les demandeurs;

- dit recevable la requete en reouverture des debats;

- dit qu'il y a lieu "d'inviter les parties à s'expliquer uniquement surl'incidence de la decision du Ministre competent du 9 octobre 2014 tantsur la portee du nouveau permis du 2 juin 2014 que sur la situationanterieure susceptible d'etre à l'origine d'une violation manifestesanctionnee par la loi du 12 janvier 1993, sans aucunement revenir surtout ce qui a dejà ete debattu en l'absence de cette decisionministerielle, afin de verifier si les conditions de la mise en oeuvre dela loi sont toujours d'application";

- dit qu'il n'y a pas lieu de fixer une nouvelle audience;

- dit que les actuels demandeurs "disposeront d'un delai de quinze joursà dater du present arret pour deposer une note d'observations, dans leslimites de la reouverture des debats; (...) que les parties (actuellesdefenderesses) disposeront ensemble ensuite d'un delai de quinze jourspour deposer leurs notes d'observations et (...) qu'à la date du 22decembre 2014 la cause sera prise en delibere pour qu'il soit prononce le26 janvier 2015".

Par l'arret attaque du 26 janvier 2015, la cour d'appel "met à neant ladecision entreprise du 25 septembre 2013, confirme les autres decisions"et condamne ensemble les trois premieres demanderesses aux depens destrois premiers defendeurs, soit l'indemnite de procedure liquidee à 2.640EUR par instance et les condamne en outre, avec le quatrieme demandeur,aux frais d'appel de chacune de ces parties.

A l'encontre de cette decision, les demandeurs ont l'honneur de fairevaloir les moyens de cassation suivants.

8eme feuillet

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions violees

- les articles 587, 5DEG, et 812 du Code judiciaire,

- l'article 127 du Code Wallon de l'Amenagement du Territoire, del'Urbanisme, du Patrimoine et de l'Energie

(ci-apres CWATUPE),

- l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'actionen matiere de protection de

l'environnement,

- l'article 159 de la Constitution,

- le principe general du droit de la separation des pouvoirs, consacrenotamment aux articles 36, 37 et 40 de la

Constitution coordonnee,

- le principe general du droit imposant le respect des droits de ladefense.

Decision critiquee

Pour debouter les trois premieres demanderesses de leur action formee envertu de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droitd'action en matiere de protection de l'environnement, l'arret attaque"ecarte (...) dans le cadre du litige qui lui est soumis" l'arreteministeriel du 9 octobre 2014, en application de l'article 159 de laConstitution, et decide que "le permis du 2 juin 2014 tel qu'il existeactuellement est prima facie legal et s'impose, à ce stade, aux parties,nonobstant le recours administratif dont il fait l'objet puisque cerecours n'est pas suspensif", aux motifs :

"Faits et antecedents de procedure.

La cour s'en refere aux antecedents de faits et de procedure relates dansson arret du 17 novembre 2014 qui ordonne la reouverture des debats sur labase de l'article 748 du Code judiciaire pour inviter les parties às'expliquer sur l'incidence de la decision du Ministre competent du 9octobre 2014, tant sur la portee du nouveau permis du 2 juin 2014 que surla situation anterieure susceptible d'etre à l'origine d'une violationmanifeste sanctionnee par la loi du 12 janvier 1993, sans aucunementrevenir sur tout ce qui a dejà ete debattu en l'absence de cette decisionministerielle, afin de verifier si les conditions de mise en oeuvre sonttoujours d'application.

Par cette decision, l'appel de l'Ordre des avocats du barreau de Tournaicontre (les demanderesses) a ete declare irrecevable; de meme que l'appelen intervention forcee et declaration d'arret commun de la S.A. Nedim etde la S.CI Rempart du Chateau contre la Region wallonne, actions pourlesquelles les depens ont ete d'ores et dejà liquides.

Il suffira de rappeler que des le 22 novembre 2007, la Ville de Tournaiavait delivre à la S.A. lmmobel, en ses qualites deproprietaire-exploitant, un permis unique ayant pour objet la renovationd'«un immeuble de bureaux (en realite un complexe immobilier, dont lafonction existante de fait est celle d'un

9eme feuillet

immeuble de bureaux) situe à l'angle de la Rue du Chateau, nDEG 49 et dela Rue du Rempart nDEG 7-21 à 7500 Tournai» et destine «tant auregroupement de l'ensemble du Ministere des Finances (partie cote rue duRempart) qu'à une partie du Ministere de la Justice (partie cote rue duChateau).

Par contrat du 6 decembre 2010, c'est-à-dire quelques jours apres lareponse susdite du ministere à la chambre la S.A. lmmobel a donne à bailà la Regie des batiments, la partie du complexe immobilier susdit, coterue du Chateau.

En date du 23 decembre 2010, l'immeuble litigieux a ete vendu par la S.A.lmmobel à la SA Nedim et à la societe civile immobiliere Chateau-Rempart(2/3 par la S.A. Nedim et 1/3 par la societe civile immobiliereChateau-Rempart).

Les parties demanderesses originaires soutiennent que cette modificationde l'affectation du batiment litigieux est constitutive d'infraction àdes dispositions legales ou reglementaires relatives à la protection del'environnement; elles incriminent, en particulier, les consequences surla «mobilite» resultant de l'augmentation notable du «charroi» quegenere l'activite d'un palais de justice, et de l'absence oul'insuffisance de facilites de stationnement, et ce dans un quartier dejànotoirement sature.

Par ordonnance rendue le 29 mars 2012, apres avoir declare recevables lademande introductive d'instance et les interventions volontaires, etconstate la violation de dispositions legales ou reglementaires relativesà la protection de l'environnement, le president du tribunal avaitconsidere qu'à defaut d'occupation actuelle du batiment litigieux, lesviolations susdites ne constituaient pas, en l'etat, «une atteintemanifeste au droit de l'environnement» et partant, deboute lesdemanderesses et la partie intervenante.

Depuis le 10 juin 2013, l'utilisation existante de fait du batimentlitigieux consiste en son affectation à l'extension du Palais de justice.

Par courrier du 12 septembre 2012, l'Inspecteur general V. R. de la D.G.O.de l'Amenagement du Territoire, du Logement, du Patrimoine, et del'Energie assure à la S.A. Immobel qu'un permis d'urbanisme n'etait pasrequis en vue du changement d'affectation de bureaux en Palais de justice.Le fonctionnaire delegue a confirme cette prise de position dans uncourrier ulterieur date du 28 septembre 2012.

En date du 7 janvier 2014, la SA Immobel, a introduit une demande depermis unique aupres des fonctionnaires delegue et technique de la RegionWallonne pour le bien litigieux «en vue de transformation d'un immeubleexistant - affectation partielle à usage d'equipement communautaire,extension d'un palais de justice, comportant la regularisation d'unchangement d'affectation partiel et une modification de fac,ades.

La demande a ete declaree complete et recevable par les fonctionnairesdelegue et technique en date du 4 mars 2014.

Le fonctionnaire delegue rend en date du 26 mai 2014, un avis favorablemotive qui repond aux objections soulevees.

Il expose notamment, que la demande doit etre traitee comme relevant del'article 127 du CWATUPE, ce qui n'etait pas le cas du permis octroye en2007 qui a ete traite «selon la procedure classique» car il etait alorsquestion de transformer un ensemble de bureaux; que les quelquesmodifications apportees au niveau du batiment et visant à le rendre plusfonctionnel pour un palais de justice ne sont pas de nature à porteratteinte ou à modifier sensiblement sa destination ou sa fonctionprincipale, en telle sorte que l'article 271 du CWATUPE n'est pasd'application et qu'il ne se justifiait pas d'introduire une demande depermis d'urbanisme visant cette disposition; qu'il appert du dossier queles nuisances les plus significatives portent sur la mobilite mais que lerespect strict des conditions generales, sectorielles et integrales envigueur et les conditions particulieres enumerees est de nature à reduiredans une mesure suffisante les inconvenients pouvant resulter del'exploitation du batiment et que l'on ne peut soutenir que l'affectationdu batiment en palais de justice risque d'entrainer des nuisancessignificatives et averees qui creeront des nuisances en matiereenvironnementale; qu'en consideration de l'article 26 du CWATUPE, leprojet ne met pas en peril la destination principale de la zone d'habitatet est suffisamment compatible avec le voisinage.

Le permis unique est delivre le 2 juin 2014.

(Les demanderesses) et l'Ordre des avocats du Barreau de Tournai exercentun recours administratif devant le Ministre competent du Gouvernementwallon en date du 27 juin 2014.

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En date du 9 octobre 2014, le Ministre competent rend une decision parlaquelle il refuse le permis sollicite par la demande du 7 janvier 2014 etqui avait ete accorde le 2 juin 2014 par les fonctionnaires delegue ettechnique competents.

La cour a, par son arret de reouverture des debats precite, considere quecette decision du Ministre constituait un fait nouveau susceptible d'avoirune incidence sur son arret au fond.

Discussion.

1. Au fond

L'article 1er, al. 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droitd'acces à la justice en matiere de protection de l'environnement dispose:«Sans prejudice des competences d'autres juridictions en vertu d'autresdispositions legales, le president du tribunal de premiere instance, à larequete du procureur du Roi, d'une autorite administrative ou d'unepersonne morale telle que definie à l'article 2, constate l'existenced'un acte, meme penalement reprime, constituant une violation manifeste ouune menace grave de violation d'une ou de plusieurs dispositions des lois,decrets, ordonnances, reglements ou arretes relatifs à la protection del'environnement. Il peut ordonner la cessation d'actes qui ont forme uncommencement d'execution ou imposer des mesures visant à prevenirl'execution de ces actes ou à empecher des dommages à l'environnement.Avant tout debat au fond, une tentative de conciliation aura lieu. Lepresident peut accorder au contrevenant un delai pour se conformer auxmesures ordonnees».

Les conditions de recevabilite ayant ete examinees, il y a lieu de sepencher sur les questions de fondement de l'action en cessation en matiered'environnement, lesquelles sont la constatation d'une violation manifeste[...] d'une ou plusieurs dispositions des lois, decrets, ordonnances [...]relatifs à la protection de l'environnement.

Selon le sens des mots, l'illegalite doit etre averee, indiscutable. Maisil resulte de certaines declarations lors des travaux preparatoires de laloi que le legislateur aurait entendu, en utilisant cette expression,exiger que l'illegalite invoquee ait cause une atteinte significative ouimportante à l'environnement (Doc., Sen, sess 1990-1991, nDEG 1232/2, pp37 à 39; Doc; Ch, sess 1991-1992, nDEG 556/6, pp 14 et 15).

Dans son arret du 2 mars 2006, la Cour de cassation tranche la question enprecisant que pour decider qu'il y a ou non violation manifeste, le jugedoit, non seulement verifier que l'illegalite invoquee est etablie avecune certitude suffisante, mais aussi prendre en consideration lesconsequences de cette illegalite pour l'environnement; il s'en suit quel'importance de l'atteinte au milieu est une condition de l'interventiondu juge ( M.E.R., 2006, p.127, concl av. gen G. DUBRULLE).

Le premier juge, qui n'avait evidemment pas connaissance du permisulterieur, s'approprie dans sa decision du 25 septembre 2013 cettejurisprudence : «pour constater l'existence d'une violation manifeste ausens de cette disposition, le juge doit examiner si la violation estetablie de fac,on suffisamment certaine et tenir compte des consequencesde cette violation sur l'environnement» (Cass, 18 decembre 2009, Pas., p.3064, concl av.gen.Henkes).

Il y a lieu d'evaluer la nature de la mission du juge appele à statuer«comme en refere».

Il a ete juge que «Le juge saisi sur base de la loi du 12 janvier 1993concernant un droit d'action en matiere de protection de l'environnement,a la competence, sur base de l'art. 159 Const. coord. 17 fevrier 1994, deverifier la legalite interne et externe de la decision publique àlaquelle se refere celui contre qui l'action est intentee. Lorsque le jugedes actions est tenu d'apprecier la legalite d'un acte public qui faitl'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat, il n'ecarteracet acte public et ne conclura à l'existence d'une infraction ou d'unrisque grave d'infraction que si, apres deroulement de la procedure decontrole marginal, il s'avere que l'illegalite est manifeste» (Bruxelles8 mars 1995, Amen- env, 1996/3, p 161 et suivantes et comm F. TULKENS).

F. TULKENS, commentant cet arret, concernant l'appreciation, en cessation,de la validite d'un acte administratif, affirme que «La cour d'appel nefait cependant usage de son nouveau pouvoir que de maniere prudente, enindiquant qu'il faut à tout le moins qu'apres verification du controlemarginal qu'elle doit operer, l'illegalite qui lui est denoncee apparaissecomme manifeste. Se developpe ainsi, entre les contentieux en refere et aufond, celui de l'action en cessation, qui tranche au fond, mais sur labase des apparences evidentes (en ce sens, Civ (cess) Namur, 22 decembre1995, J.T. 1996, pp 327-328 qui indique, doctrine à l'appui «qu'ilconvient de donner à l'epithete «manifeste» qualifiant la violationdont il s'agit, une

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acceptation courante, en maniere telle qu'il doit s'agir de violationscertaines et evidentes, telles qu'elles sont susceptibles d'etreappreciees dans le cadre d'une procedure acceleree»). Cette conditionpour esperer triompher en cessation rend sans doute encore utile l'usagedu refere, puisque celui-ci n'exige qu'une apparence suffisante de droitspour acceder à la demande (Cass, 29 septembre 1983, Pas., p 1984, I, p84)».

Cette position est logique car le juge des violations environnementalesdoit statuer dans le cadre d'une procedure acceleree et ne doit ainsiconnaitre que des violations qu'il considere comme certaines et evidentes.

C'est ainsi qu'il a encore ete juge «Lorsque le juge de la cessation esttenu d'apprecier la legalite d'un acte de l'autorite susceptible d'unrecours, il ne peut ecarter cet acte de l'autorite et conclure àl'existence d'une violation ou d'une menace grave de violation que si, auterme de la procedure de controle marginal il est etabli que l'illegaliteest manifeste» (CA liege, arret nDEG F-20140508-14 (2013/RG/1400) du 8mai 2014, www.juridat.be; STUYCK, J., «De vordering tot staking :samenloopspregels en uitvoering van het bevel tot staking»,Handelspratijken, anno 1996, J. STUYCK (ed) Anvers, Kluwer Editionsjuridiques Belgique 1996, p 227).

Sur la base de ces principes, il y a lieu d'examiner la legalite del'arrete ministeriel du 9 octobre 2014 puis, le cas echeant, du permis du2 juin 2014 et de statuer sur le fondement des appels et donc de l'actionen cessation.

A. Contenu de la decision du ministre du 9 octobre 2014

- Le recours introduit a ete declare recevable compte tenu de la qualitede riveraines (des demanderesses) et de ce que «la presence d'un Palaisde justice entraine immanquablement une augmentation de la frequentationdu quartier ou celui-ci est implante» (arrete p 10/25)

- La demande de permis d'urbanisme entre dans le champ d'application del'article 127 S: 1er, 7DEG du CWATUPE «s'agissant de l'amenagement d'unimmeuble de bureaux à destination des SPF Finances et Justice et del'extension du palais de justice» (arrete p 11/25)

- L'objet de la demande de permis d'urbanisme est specifie comme suit :regularisation d'un changement d'affectation partiel et modification defac,ades.

- En l'etat actuel, le Ministre estime ne pas etre en mesure de seprononcer en pleine connaissance de cause à defaut d'informations pluscompletes quant à :

-la question de la nuisance en terme de mobilite et de parcage: l'etude demobilite realisee ne contient aucune information quant au trafic generepar le palais de justice lui-meme et manque de donnees chiffrees.

-la question de la performance energetique du batiment: le dossier necontient aucune information.

- En consequence, le permis accorde le 2 juin 2014 est annule.

B. Position des parties

a. (Les demanderesses) soutiennent que l'arrete ministeriel renforce lesgriefs qu'elles avaient formules initialement :

- Violation des articles 1er, 11DEG et 12DEG, 10, S: 1er, 77 et 81 dudecret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement, des articles 84,154 et 271 du CWATUPE ainsi que du permis unique delivre le 22 novembre2007.

Elles maintiennent que le projet mis en oeuvre necessitait un permisprealable et qu'en l'absence d'un tel permis, il y a violation de normesenvironnementales telles que dispose l'article 1er de la loi du 12 janvier1993.

- Violation de l'article 26 du CWATUPE.

La compatibilite du projet litigieux n'a pas ete examinee par rapport àla destination principale de la zone d'habitat dans laquelle ils'implante.

- Violation de la directive 85/337 concernant l'evaluation des incidencesde certains projets publics et prives sur l'environnement, de l'article 90du decret du 11 mars 1999 et des articles D.29, D.49 à D.51 et D.62 àD.78 du Livre 1er du Code de l'environnement.

L'incidence sur l'environnement de l'activite litigieuse n'a jamais eteexaminee, seules ont ete prises en compte les incidences generees par unetransformation de l'activite existante de bureaux; or si l'aspect mobilitedu projet est deficient, comme l'affirme l'arrete ministeriel,l'evaluation des incidences n'est pas conforme aux dispositions preciteeset cela invalide par consequent l'enquete publique elle-meme.

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- Atteinte manifeste à l'environnement.

Les (demandeurs) soutiennent que le projet envisage a des repercussionsconsiderables sur la mobilite qui n'ont jamais ete examinees; cetteabsence d'examen constitue une atteinte manifeste à l'environnement.

b. La S.A. lmmobel observe qu'en ce qui concerne l'aspect environnementaldu projet, le Ministre a considere que:

- les nuisances les plus significatives portent sur le risque d'incendie,le risque minier et la pollution atmospherique

- en ce qui concerne les autres thematiques de l'environnement, le projetengendrerait des nuisances qualifiees de «nulles ou mineures»

- la notice d'evaluation des incidences, les plans et autres documentsconstitutifs du dossier synthetisent à suffisance les principauxparametres ecologiques du projet sur l'environnement.

Elle expose que si le permis du 2 juin 2014 est retire, le Ministre n'apas pour autant decide que le projet ne pourrait jamais etre realise ouserait incompatible avec la destination de la zone concernee et avec levoisinage. Il a seulement decide qu'en l'etat actuel du dossier il nepouvait statuer en pleine connaissance de cause et il invoque l'absence dedonnees chiffrees.

Elle soutient que cette appreciation est manifestement deraisonnable et nelie pas la cour.

En effet, en l'absence de fonctionnement effectif du palais de Justice, ilest impossible de disposer de donnees chiffrees sauf une approximation quine serait pas pertinente. Par contre le dossier contenait bien l'etudeTransitec qui estime que le projet est pertinent et realiste car il repondparfaitement aux objectifs regionaux (SDER) de densification des activitesproches des poles de transports collectifs forts et au coeur des zonesurbaines denses.

Elle estime que la decision du ministre n'a pas d'incidence surl'appreciation par la cour de la reunion des conditions d'application del'article 1er de la loi du 12 janvier 1993.

Elle soutient qu'il n'y a en l'espece aucune violation d'une ou plusieursnormes legales ou reglementaires relatives à la protection del'environnement et quand bien meme, les consequences d'une telle violationne seraient pas «manifestes».

Il n'est en effet nullement demontre que le projet litigieux serait denature à generer un charroi notablement plus important que celui quegenere une activite de bureaux occupes par du personnel administratif, nique le projet ne prevoirait pas un nombre suffisant de parkings.

c. L'Etat belge ajoute deux observations complementaires selon lesquelles:

-Le Ministre n'a pris aucune decision sur le fond et sur les differentesproblematiques soumises à la cour. L'insuffisance d'information est seloncette partie, contestable et contestee et contiendrait une erreurd'appreciation; la cour n'est pas liee par cette appreciation, en toutetat de cause. Il conteste l'existence d'une violation «manifeste» d'unenorme de protection de l'environnement.

-La charge de la preuve que l'ensemble des conditions requises pourl'application de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 sont reuniesincombe (aux demandeurs); en l'espece, aucun element ne permet de soutenirque la mobilite autour des lieux litigieux serait problematique.

d. La S.A. Nedim soutient l'illegalite de la decision du ministre du 9octobre 2014 et son ecartement des debats en application de l'article 159de la Constitution.

Elle se fonde sur le principe de l'article 271 du CWATUPE selon lequel unpermis d'urbanisme n'est requis que «si la fonction principale tellequ'elle resulte de leur conception et de leur amenagement» est affectee.Or le ministre ne peut se declarer competent à defaut d'etablir que lechangement d'utilisation est soumis à permis d'urbanisme.

L'arrete viole donc l'article 271 du CWATUPE ainsi que les principesgeneraux du droit administratif de minutie, de motivation materielle desarticles 1 à 3 de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelledes actes administratifs.

Elle soutient que l'action originaire sur la base de la loi du 12 janvier1993 n'est pas fondee en l'absence de violation d'une regle de protectionet d'atteinte manifeste à l'environnement.

Elle fait egalement appel à la notion de balance des interets.

C. Decision de la cour

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1. Legalite de la decision du 9 octobre 2014.

La decision du Ministre visant à retirer le permis du 2 juin 2014 àdefaut d'un manque d'informations, il s'impose de proceder, dans leslimites precisees ci-avant, au controle marginal de sa legalite, enapplication de l'article 159 de la constitution.

La cour ne peut apprecier les moyens qui lui sont soumis que dans leslimites du controle prevu par la Constitution, lequel ne peut en aucun casse ramener à un controle de l'opportunite des mesures prises, à peine devioler le principe de separation de pouvoirs.

L'arrete ministeriel declare que, parmi les requerants, Madame P.,riveraine, car elle habite dans un rayon de 600 metres des lieuxlitigieux, a un interet à agir, dans la mesure ou elle verra sonenvironnement modifie et son cadre de vie affecte.

On peut synthetiser cette decision en deux parties. D'une part, en ce quiconcerne le volet environnemental, elle considere que moyennant le respectdes conditions legales et reglementaires applicables aux etablissementsclasses, des conditions sectorielles et integrales concernees par leprojet ainsi que les conditions particulieres contenues dans l'arretequerelle telles que completees ou modifiees par la presente decision, lepermis unique sollicite peut etre octroye et est de nature à rendrel'etablissement compatible avec l'homme et son environnement.

D'autre part, du point de vue urbanistique, l'arrete ministeriel constateque la demande porte sur la modification des fac,ades d'un immeuble debureaux existant et son affectation partielle à usage d'equipementcommunautaire en vue de l'extension du palais de justice; que la demandeporte en partie sur la regularisation d'amenagements dejà effectues. Elleconstate que la demande doit etre refusee dans l'etat actuel du dossieraux motifs : qu'aucune information n'est fournie quant au trafic generepar le palais de justice lui-meme; de l'absence de donnees chiffrees, enmaniere telle que l'autorite n'est pas en mesure de statuer sur l'aspectmobilite du projet; du fait qu'aucune information n'est fournie en matierede performance energetique des batiments.

La S.A. Nedim et la S.A. lmmobel mettent en cause la motivation de cettedecision, l'une soulignant qu'elle comporte une illegalite et l'autrequ'elle est manifestement deraisonnable. En realite le caracteremanifestement deraisonnable concerne egalement la legalite de l'acte carà defaut, il n'y aurait pas de motivation adequate au sens de la loi du29 juillet 1991 (Cass 9 mars 2005 Pas., p562).

La S.A. Nedim reproche au ministre de n'avoir pas examine les motifs de ladecision du 2 juin 2014 relatifs à l'article 271 du CWATUPE selon lequelun permis d'urbanisme n'est requis que si la fonction principale tellequ'elle resulte de la conception et de l'amenagement de l'immeuble estaffectee; or, les fonctionnaires technique et delegue avaient considereque tel n'etait pas le cas, pour fonder leur decision.

L'arrete ministeriel considere à juste titre que la demande entre dans lechamp d'application de l'article 127 S: 1er, 7DEG du CWATUPE concernantles constructions et equipements de service public ou communautaire. Cepoint est admis dans la decision du 2 juin 2014, de la competence desfonctionnaires technique et delegue : dans ce cas, les fonctionnairesdelegue et technique sont conjointement competents pour connaitre desdemandes de permis unique relatives à des actes et travaux vises àl'article 127 S: 1er, alinea 7DEG du CWATUPE, à savoir lorsqu'il concerneles constructions et equipements de service public et communautaire(article 81, S:2 alinea 3).

L'arrete ministeriel considere egalement que le projet s'inscrit dans uncadre juridique particulier à savoir les ordonnances rendues par lePresident du tribunal de premiere instance de Tournai des 29 mars 2012 et25 septembre 2013 selon lesquelles le prescrit de l'article 271 du CWATUPEa ete viole par la (...) (S.A. lmmobel) lors de l'amenagement del'extension du palais de justice, ainsi que la reglementation relative àl'evaluation des incidences sur l'environnement; que suivant l'ordonnancedu 25 septembre 2013, le demenagement du tribunal civil au sein del'immeuble en cause est interdit et que la S.A. lmmobel a interjete appelde cette decision.

Le permis unique delivre le 2 juin 2014 precise (p.19/37) que la partie dela demande concernant la regularisation d'un changement d'affectationpartiel à savoir une affectation de bureau vers une affectationcomplementaire d'equipement de service public n'est pas soumise à permiscar ces modifications ne portent en aucune maniere ni sur l'enveloppe dubatiment, ni sur ses parties structurelles. Ce ne sont que desmodifications de cloisonnement dans le volume construit du batiment telque approuve par le permis unique delivre en date du 22 novembre 2007.

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Il motive comme suit, sur la base de l'article 271 du CWATUPE :«Considerant que, comme il ressort de l'analyse de la Direction Generalequi a ete adressee au conseil de la S.A. Immobel, en septembre 2012 : «lafonction principale de l'immeuble telle qu'elle resulte de sa conceptionet de son amenagement ne parait pas affectee par les adaptationsprojetees. Il me semble en effet que la conception du batiment n'auraitpas ete differente si l'on avait su d'emblee que le batiment serviraitd'extension du palais de justice de Tournai meme si de menus amenagementssont rendus necessaires dans cette perspective ...» Considerant en effet,qu'il soit public plutot que prive, le batiment reste voue à accueillirune activite de service [...] considerant des lors que les conditions del'article 271 du CWATUPE n'etaient pas remplies à suffisance que pourjustifier l'introduction d'une demande de permis d'urbanisme visant cettedisposition; Considerant par ailleurs que l'article 26 du CWATUPE precise[...]; que le projet ne met pas en peril la destination principale de lazone d'habitat et est suffisamment compatible avec le voisinage (il s'agitici d'une regularisation de transformations mineures apportees à unimmeuble existant autorise); considerant que le batiment qui a etetransforme suite à la decision de novembre 2007 accueillait dejà,anterieurement à l'octroi du permis, des bureaux; considerant qu'en cela,le projet qui a ete valide n'a finalement fait que conforter une situationpreexistante; considerant que par ailleurs, tant un immeuble de bureaux(service) qu'un palais de justice (equipement communautaire) a sa place enzone d'habitat; considerant qu'en l'espece, l'un ou l'autre ne remetnullement en cause la destination de la zone vu que l'habitat restepredominant et qu'il a «ete question ici de conforter une fonctionpreexistante anterieurement (service) ; la fonction de service (prive oupublic) est ici du reste compatible avec le voisinage, qui ne saurait etreanormalement (et en tel tissu urbain) perturbe par cette fonction [...]».

La motivation se poursuit encore jusqu'à la page 23 de la decision du 2juin 2014 et est tenue ici pour reproduite.

Force est de constater que la question de la necessite de demander unnouveau permis pour l'utilisation des batiments litigieux en palais dejustice est au coeur du litige et de la decision administrative critiqueepar (les demanderesses). Avant de se prononcer sur le caractere completdes informations recueillies à l'appui de la delivrance du permis,l'autorite administrative doit prealablement se prononcer sur la necessitede delivrer un permis pour le changement d'affectation sollicite, enapplication de l'article 271 du CWATUPE.

La loi du 29 juillet 1991 sur la motivation des actes administratifsdispose que les actes administratifs des autorites administratives viseesà l'article 1er doivent faire l'objet d'une motivation formelle. Lamotivation exigee consiste en l'indication, dans l'acte, desconsiderations de droit et de fait servant de fondement à la decision.Elle doit etre adequate (articles 2 et 3 de la loi).

Or, en l'espece, l'arrete ministeriel du 9 octobre 2014 se prononce sansexaminer la question-cruciale - de la necessite de demander un nouveaupermis en sus du permis unique du 22 novembre 2007 et sans examiner lamotivation, pourtant fort detaillee, de l'acte attaque sur ce point.

Il a ete juge que «une motivation formelle adequate d'un acteadministratif requiert un rapport de proportionnalite entre l'importanceet la motivation de la decision et cette motivation doit etre plusdetaillee lorsque l'autorite dispose d'un plus large pouvoird'appreciation» (Cass 15 fevrier 1999, bull nDEG 88 avec note).

Comme il est ecrit à juste titre : «Le droit de l'urbanisme et del'environnement constitue un domaine privilegie pour alimenter lesinterrogations et le contentieux relatifs à l'obligation de motivation.[...] A cet egard on rappellera que la Convention d'Aarhus dispose que leprocessus de participation doit, in fine, aboutir au constat quel'administration a «dument pris en consideration» (article 6 S: 8) lesopinions exprimees lors du processus de participation. La relation àl'autorite est donc forcement multilaterale, vu la dimension collective etindividuelle des choix à operer en matiere d'urbanisme etd'environnement» [...] Motiver revient donc à indiquer dans un actepourquoi et comment apres un examen complet et soigneux de tous leselements à prendre en consideration, l'on a pris une decision d'especequi soit compatible avec les principes generaux, qui reponde adequatementaux elements recueillis aupres des uns et des autres et qui exprime, demaniere pertinente, exacte, non contradictoire et admissible, des motifsattestant le bon usage par l'administration de son pouvoir discretionnaired'appreciation» (P. JADOUL et S. VAN DROOGHENBROECK, ss dir, Lamotivation formelle des actes administratifs, La Charte, 2005).

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Par ailleurs, la motivation ainsi exigee peut etre exprimee succinctement,à condition qu'elle soit suffisante et claire. (BATSELE, MORTIER,SCARCEZ, Manuel de droit administratif, Bruylant 2010, p.503).

Dans un arret recent, le Conseil d'Etat considere que la motivationformelle d'un acte administratif doit non seulement permettre audestinataire de l'acte de comprendre les raisons qui ont amene l'autoriteà adopter celui-ci, mais doit aussi permettre au Conseil d'Etat decontroler l'exactitude, l'admissibilite et la pertinence des motifsexprimes. (C.E. (6ech) nDEG 222.286, 29 janvier 2013, A.P.T. 2013, liv 2,259, note).

Selon la Cour de cassation, «il y a lieu d'entendre par le terme«adequate», le fait que la motivation fonde suffisamment la decision»(Cass, 3 fevrier 2000, Pas., p 291)

Or en l'espece, l'arrete ministeriel du 9 octobre 2014 n'aborde pas laquestion de la necessite ou pas d'un permis en application de l'article271 du CWATUPE et sur le changement d'affectation que subiraient - oupas-les locaux tels qu'amenages.

Cependant, cette question est essentielle pour justifier l'analyse desconsequences sur la mobilite qui sont à la base de l'annulation du permisdu 2 juin 2014, en maniere telle que cette motivation n'est forcement passuffisante, puisqu'inexistante, et ne rencontre donc pas les criteres demotivation adequate tels que precises et nuances ci-avant.

Des lors qu'il annule le permis, sans se prononcer sur la necessite memede demander un permis en ce qui concerne le changement d'affectation desbatiments litigieux et sans verifier si le prescrit de l'article 271 duCWATUPE est ou non rencontre, le ministre competent viole les dispositionsrelatives à la motivation formelle des actes administratifs.

En application de l'article 159 de la Constitution, la cour ecarte donccette decision administrative du cadre du litige qui lui est soumis.

2) Legalite de la decision des fonctionnaires technique et delegue du 2juin 2014 en application de l'article 159 de la Constitution

a) Irrecevabilite de la demande de permis de regularisation en applicationde l'article 159 bis du CWATUPE

L'article 159 bis du CWATUPE, au titre VI, Des infractions et sanctions,dispose que « Pour les actes et travaux executes ou maintenus, selon lecas, sans permis ou sans declaration urbanistique prealable visee àl'article 84, S:2, alinea 2, 4DEG ou sans declaration prealable visee àl'article 129, S:3 et qui font l'objet d'un proces-verbal de constat viseà l'article 156, alinea 1er, la demande de permis ou la declarationadressee apres la notification visee à l'article 156, alinea 1er estirrecevable à defaut : 1DEG soit du jugement coule en force de chosejugee vise à l'article 155 S: 2; 2DEG soit du versement du montant de latransaction».

Selon (les demanderesses), il pourrait se deduire de cette disposition quel'ordonnance presidentielle du 25 septembre 2013 constitue un acte quiferait obstacle à la recevabilite de la demande d'un nouveau permis.

La matiere concerne les permis de regularisation et la question de savoirsi un permis de regularisation peut etre accorde si une infractionurbanistique a ete constatee.

La cour constate tout d'abord que l'article 156 du CWATUPE definit lespersonnes habilitees à dresser le proces-verbal de constat del'infraction dont question et que le president du tribunal de premiereinstance agissant comme en refere n'est pas repris dans cette liste.

Le principe, mis en place par l'article 155, S: 6, alinea 5 et l'article159 bis est celui de l'impossibilite de regulariser une infractionconstatee sans sanction prealable et suppression de toute ingerence de laprocedure administrative dans le deroulement du proces penal. (M. DELNOY,sous dir., Actualites de l'amenagement du territoire et del'environnement, Plans et permis; p.563).

Cette disposition concerne le contexte penal et ne vise pas les proceduresciviles, comme c'est le cas en l'espece.

Par ailleurs, le permis du 2 juin 2014 n'est pas, selon l'avis desfonctionnaires delegue et technique, un permis de regularisation,puisqu'ils maintiennent que l'article 271 du CWATUPE n'etait pasapplicable au changement de destination effectue par la S.A. lmmobel.

Ce moyen n'est donc pas fonde.

20eme feuillet

b) En ce qui concerne les autres moyens

Il est invoque que l'objet de la demande serait viole et que celle-cipresenterait un caractere lacunaire, qu'il y aurait contradiction entreles motifs et le dispositif de l'acte en maniere telle que l'auteur del'acte est incompetent, selon les divers niveaux de permis envisages etenfin un manque d'impartialite dans le chef des fonctionnaires delegue ettechnique et une erreur manifeste d'appreciation.

Les fonctionnaires delegue et technique ont toujours estime que lesmodifications apportees au projet autorise par le permis d'urbanisme du 22novembre 2007 ne necessitaient pas l'introduction d'une nouvelle demandede permis.

Le premier juge a constate que les travaux d'amenagement en Palais dejustice et le demenagement constituaient une violation dudit permis et ena ordonne la cessation, à peine d'astreinte. Il est souligne que lepermis unique du 22 novembre 2007 n'a fait l'objet d'aucun recours.

Il autorisait la renovation d' «un immeuble de bureaux (en realite uncomplexe immobilier, dont la fonction existante de fait est celle d'unimmeuble de bureaux) situe à l'angle de la Rue du Chateau, nDEG 49 et dela Rue du Rempart nDEG 7-21 à 7500 Tournai)» et destine «tant auregroupement de l'ensemble du Ministere des Finances (partie cote rue duRempart) qu'à une partie du Ministere de la Justice (partie cote rue duChateau).

Par la suite, le projet a evolue puisqu'il fut question d'installer dansces locaux une partie du Palais de justice (notamment la sectionjeunesse). La question qui fut soulevee par la Ville de Tournai lors de ladelivrance de ce permis etait celle de la mobilite et plusparticulierement des places de parking disponibles.

Le fonctionnaire delegue mentionne : «vu le nombre insuffisantd'emplacements de parking, il sera encourage au sein du personnel en placele recours aux modes de deplacement dits «modes doux» (transports entrain, bus), ainsi que le developpement de synergies avec des parkingsprives existants (...) et/ou des parkings publics à creer (...), unprogramme d'engagement devra etre notifie à l'administration communaleavant toute occupation des locaux».

Suite à la decision entreprise, la S.A. lmmobel, exploitant a introduit,le 7 janvier 2014 une demande de permis unique pour «la transformationd'un immeuble existant - affectation partielle à usage d'equipementcommunautaire, extension d'un palais de justice, dans un etablissementsitue rue du Chateau, rue du Rempart nDEG 49-7 à 7500 Tournai.

La demande de permis d'urbanisme est soumise aux conditions de l'article84 du CWATUPE.

Le decret du 11 mars 1999, relatif au permis d'environnement instaurel'obligation de demander un tel permis pour l'exploitation de certainsetablissements (classe 1 et 2), selon l'article 10 du decret.

En l'espece et conformement à l'article 10 S: 1er, 2DEG, «sont egalementsoumis à permis (...) la transformation ou l'extension d'un etablissementde classe 1 ou de classe 2 (...) lorsqu'elle est de nature à aggraverdirectement ou indirectement des dangers, nuisances ou inconvenients àl'egard de l'homme ou de l'environnement.»

C'est bien le cas en l'espece puisque la question de la mobilite concerneun risque de nuisance de telle nature.

Contrairement à ce que soutiennent (les demanderesses), le faitd'appliquer cette disposition decretale n'implique pas à a priori qu'unetelle nuisance est realisee, et implique seulement de le verifier.

L'article 81 du decret du 11 mars 1999 permet, dans le cas d'un projetmixte, de demander un permis unique.

Or en l'espece, la demande vise d'une part la transformation pouraffectation partielle à usage d'equipement communautaire (extensionPalais de justice) et à la fois une modification aux fac,ades. Les deuxpermis etant requis, il apparait adequat d'avoir forme une demande depermis unique sur la base de la legislation precitee.

Dans ce cas, les fonctionnaires delegue et technique sont conjointementcompetents pour connaitre des demandes de permis unique relatives à desactes et travaux vises à l'article 127 S: 1er, alinea 7DEG du CWATUPE, àsavoir lorsqu'il concerne les constructions et equipements de servicepublic et communautaire (article 81, S:2 alinea 3).

21eme feuillet

La competence des auteurs de l'acte parait donc, prima facie, etablie,conformement à la legislation pertinente.

Il est reproche au demandeur d'avoir nie le probleme de la mobilite etd'avoir ainsi evite la realisation d'une etude d'incidence.

La question de la mobilite et de la difference de situation entre unimmeuble à usage de bureaux et un Palais de justice est au coeur du debatdepuis le debut du litige.

La lecture du permis du 2 juin 2014 demontre que ce probleme a eteenvisage et que les fonctionnaires delegue et technique ont repondu demaniere circonstanciee aux critiques de la Ville de Tournai, qui maintientque cette question demeure pertinente et que la S.A. lmmobel n'a faitaucune demarche en vue d'un programme d'engagement (preconise des lepermis du 22 novembre 2007) en vue de liberer davantage de places deparking.

Le premier juge avait egalement stigmatise cette attitude.

Force est de constater qu'à ce jour, par courrier du 9 juillet 2014, laS.A. lmmobel a notifie à la Ville de Tournai un programme d'engagement,dans lesquels elle prend l'engagement de prendre en location, pour laduree du bail signe avec la Regie des batiments, un parking appartenant àla SNCB; revoir tous les six mois ce nombre d'emplacements de parking pourl'adapter mieux à la demande.

Il est observe que l'autorite competente a estime, compte tenu de tous ceselements, qu'une etude d'incidence n'etait pas requise. Une enquetepublique a toutefois ete realisee et il est repondu aux objections dansl'avis favorable, emis le 26 mai 2014 par les fonctionnaires delegue ettechnique.

Ceux-ci, en application de l'article D 68, S: 1er du Code del'environnement, ont examine le caractere complet et recevable du dossierde demande et examine si le projet etait de nature à avoir des incidencesnotables sur l'environnement, et ils concluent par la negative (voir p 17à 21/37 du permis du 2 juin 2014).

Cette analyse ne parait pas devoir, prima fade, etre remise en cause surla base des informations dont la cour dispose.

Rien n'indique avec certitude que les autorites chargees d'accorder lepermis litigieux n'auraient pas ete suffisamment informees et que l'etudeTRANSITEC aurait ete lacunaire.

Il n'est pas demontre, à ce stade, que le projet litigieux engendrera uncharroi plus important.

S'il parait evident que des places de parking supplementaires serontnecessaires, notamment pour les avocats, il apparait que la S.A. lmmobela, à present, fait le necessaire pour solutionner cette question et queles autres solutions au probleme de mobilite, comme l'organisation dutrafic et le recours à des modes de transport doux dependent d'unengagement commun à la fois de la Ville de Tournai et des usagers en vuede reduire l'empreinte ecologique de cette activite humaine.

La S.A. lmmobel declare avoir fait à plusieurs reprise desrecommandations à la Regie des batiments (locataire du batiment concerne)et à l'Etat belge S.P.F. Justice, concernant l'usage de modes detransport doux; ces engagements ne sont pas de son ressort et il apparaitque la S.A. Immobel a, à cet egard, rempli les conditions imparties parle permis unique du 22 novembre 2007, «d'encourager» cette demarche.

Dans son avis, recueilli dans le cadre de la demande introduite le 7janvier 2014, le fonctionnaire delegue indique que les conditions del'article 271 du CWATUPE n'etaient pas remplies à suffisance que pourjustifier l'introduction d'une demande de permis d'urbanisme visant cettedisposition et que meme s'il avait immediatement ete question d'un Palaisde justice en 2007, le projet aurait de toute fac,on ete valideimmediatement et ce dans le parfait respect de l'article 26 du CWATUPE»(p 20/37 et 21/37 du permis d'urbanisme du 2 juin 2014).

Les fonctionnaires delegue et technique precisent que bien qu'il fassereference aussi à des equipements de service public et communautaire,l'article 271 du CWATUPE ne trouve pas à s'appliquer ici et que c'est surla base de l'article 127, S: 1er, 7DEG qu'ils fondent leur competence.

Cette discussion est d'ailleurs devenue depassee des lors qu'un permis estdelivre et ne parait pas, suite à l'examen prima facie de la cour,presenter d'illegalite qui justifierait l'application de l'article 159 dela Constitution.

23eme feuillet

(Les demanderesses) font valoir que par un courrier du 12 septembre 2012,le fonctionnaire delegue avait garanti à la S.A.lmmobel qu'un permisd'urbanisme n'etait pas requis en vue du changement d'affectation debureaux en Palais de justice. Cette prise de position est contraire à cequ'a decide le President du tribunal de premiere instance de Tournai. Or,nonobstant cette decision, le fonctionnaire delegue a maintenu sonappreciation.

La motivation developpee à l'appui de cette consideration, qui a eterappelee ci-avant (pages 18 à 23 du permis du 2 juin 2014) est adequateet longuement detaillee; elle repond donc aux exigences de la loi du 29juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs.

Il n'est pas etabli à ce stade et compte tenu de ce qui precede, quel'administration aurait commis une erreur manifeste d'appreciation.

L'impartialite des fonctionnaires delegue et technique est egalement miseen cause au motif que par courrier du 12 septembre 2012, le fonctionnairedelegue avait garanti à la S.A. Immobel qu'un permis d'urbanisme n'etaitpas requis en vue de changement d'affectation des bureaux en Palais dejustice. Il lui est reproche d'avoir maintenu cette position nonobstantl'ordonnance presidentielle du 25 septembre 2013. Il s'ensuit que lefonctionnaire delegue aurait ete partial dans l'instruction du dossier,aurait commis une erreur manifeste d'appreciation en ne tenant pas comptede la specificite d'un Palais de justice et l'absence d'utilite del'enquete publique puisque le fonctionnaire delegue n'aurait eu d'autreoption que de confirmer l'avis donne prealablement à la S.A. lmmobel.

Le courrier dont question n'emane pas du fonctionnaire delegue mais del'inspecteur general de la D.G.O ATLPE. Le fonctionnaire delegue aneanmoins confirme cet avis dans un courrier ulterieur date du 28septembre 2012.

Cet avis n'a pas valeur normative et est une opinion personnelle susciteepar l'interrogation de la S.A. lmmobel suite à l'ordonnance du 29 mars2012 et pour tenter de resoudre le probleme d'insecurite juridique auquelelle se sentait confrontee.

Pour autant, et meme si ce courrier est cite en partie dans la decisionqui accorde le permis d'urbanisme (p.20/37), la motivation detailleedispose des elements de fait et d'appreciation objectifs et d'une analysepertinente de la legislation. Meme si une autre position pouvait le casecheant etre defendue sur la base des memes elements, il n'est pasdemontre que les fonctionnaires delegues et technique auraient fait preuvede partialite dans l'examen de la demande introduite le 7 janvier 2014.

N'etant pas parties à la cause, ils n'etaient pas tenus par les effets del'ordonnance subsequente du 25 septembre 2013. Le fait est que l'autoritejudiciaire et l'autorite administrative ne partagent pas le meme avisquant à la necessite d'un permis, mais cela n'induit pas necessairementun manque d'impartialite dans le chef du fonctionnaire delegue, celui-cicelle-ci n'etant d'ailleurs pas autrement demontre.

La cour ne voit pas en quoi tout effet utile aurait ete denie à l'enquetepublique qui s'est deroulee du 21 mars 2014 au 7 avril 2014 et à laquelled'ailleurs les requerantes ont pris part. Celle-ci a ete reproduite etexaminee dans le permis litigieux et il a ete repondu aux inquietudes descitoyens, notamment quant aux questions de securite.

Par ailleurs, il n'est pas contestable que les amenagements techniquesrequis pour la transformation du batiment à usage partiel de Palais dejustice sont mineurs et la cour se refere à cet egard aux developpementsrepris en pp 32 et 33 de la note technique d'observations depose par laS.A. lmmobel devant l'autorite administrative en charge du recoursactuellement pendant.

Quant à la qualite d'exploitant du demandeur de permis, il est rappeleque la S.A. lmmobel a vendu l'immeuble litigieux à la S.A. Nedim et à lasociete civile immobiliere Chateau-Rempart en date du 23 decembre 2010;(les demanderesses) soutiennent que n'etant plus proprietaire niexploitant, la demande formulee par la S.A. lmmobel est irrecevable.

Le principe classique de la jurisprudence, en vertu de ce qui precedeetait donc que la qualite de proprietaire (ou titulaire d'un droit reel)n'est pas necessaire pour introduire une demande de permis d'urbanisme oude lotir/urbanisation sur un bien : «un permis, en tant qu'autorisationadministrative est toujours accorde en fonction d'un projet immobilier etnon en fonction d'une personne» (J. VAN YPERSELE et B. LOUVEAUX, le droitde l'urbanisme en Belgique et dans ses trois regions, Bruxelles, Larcier2006, p 326).

24eme feuillet

Le Conseil d'Etat a toutefois pose un temperament à ce principe, dans unejurisprudence qui n'est pas majoritaire, notamment par un arret du 16 juin1981, qui indique qu'une demande de permis n'a de sens que si elle emaned'un demandeur qui a la possibilite de mettre eventuellement en oeuvre lepermis delivre ( CE nDEG 21.270, 16 juin1981, Opstaele; cite par M. VANMOLLE, L'acquisition du terrain par le promoteur-lotisseur, options,conditions suspensives ou renonciation à succession, Revue pratique del'immobilier, 2/213, Larcier, p.130).

Cette jurisprudence, «isolee et ancienne » a ete recemment confirmeedans les termes suivants:

«Considerant qu'un permis peut etre delivre sous reserve des droits destiers; que, toutefois, à defaut de titre evident, la demande de permisdoit contenir une justification de la possibilite pour le demandeur demettre en oeuvre le permis qu'il sollicite; Considerant qu'en l'espece,dans sa demande de permis, la demanderesse ne justifie en rien de sapossibilite de mettre en oeuvre le permis envisage; que des negociationsen cours avec le proprietaire de la parcelle concernee par le permis nesont pas suffisantes» (ibid); CE nDEG 212.228, 24 mars 2011, Amen.2012/1p 19 et comm B. GORS).

Le sens de cette jurisprudence est toutefois nettement nuancee par B. GORSqui ecrit, en commentant cet arret que «un simple interet de voir serealiser une construction suffit pour etre recevable à la demande d'unpermis d'urbanisme. [...] La solution est logique, des lors que, comme lerappelle regulierement le Conseil d'Etat, aucune disposition legale oureglementaire n'impose que la demande de permis d'urbanisme soitintroduite par le proprietaire du bien ou le titulaire d'un droit de batirsur ce bien; De meme que, ni les dispositions du CWATUPE ou du CoBat ou deleurs arretes d'execution, «ni aucune regle de droit n'interdisent àl'autorite de delivrer un permis d'urbanisme à une personne qui, aumoment ou elle introduit la demande, n'est pas titulaire d'un droit luipermettant de mettre ce projet en oeuvre.» (ibid, p 20).

B. GORS en deduit que «l'absence de qualite requise pour introduire unedemande de permis d'urbanisme trouve, d'abord, sa justification dans lecaractere reel - et non personnel de ce permis.» (ibid et P. NIHOUL et D.LAGASSE, «les permis de batir ou d'urbanisme», in O JAMAR (dir),L'urbanisme dans les actes», Bruxelles, Bruylant, 1998, p 383 et s.).

Il suit de ces elements que le debat reste ouvert et que la jurisprudencedu Conseil d'Etat demeure divisee sur la question.

L'arret du Conseil d'Etat de 1981 «met en evidence le fait que l'autoritedelivrante ne peut ignorer la contestation eventuelle portant sur laqualite du demandeur.» ( B. GORS, ibid p.23).

«Lorsqu'elle sait pertinemment ou doit savoir que la qualite indiquee parle demandeur ne correspond pas à la realite, l'autorite competente nepeut delivrer le permis demande. En effet il n'appartient pas àl'autorite competente de delivrer un permis d'urbanisme dont elle sait -ou devrait savoir-, au moment ou elle statue, qu'il ne pourra pas etre misen oeuvre, parce que le droit dont se prevaut le demandeur, et donc saqualite, pretent - serieusement- à discussion» (ibid).

En l'espece, bien que le bien litigieux ait ete vendu par la S.A. lmmobel,titulaire du permis du 22 novembre 2007, le 23 decembre 2010 aux societesS.A. Nedim et S.C.I Rempart du Chateau, c'est toujours elle qui a continueà assumer les procedures judiciaires et administratives.

Elle est demeuree l'interlocuteur de la Ville de Tournai, notamment pourla question du programme d'engagement relatif à la mobilite et c'estd'ailleurs elle qui, à partir de juillet 2014 a rendu compte à la Villedes demarches qu'elle avait effectuees avec la SNCB, notamment pourgarantir des places de stationnement en suffisance.

Si la question de la necessite d'etre proprietaire et à tout le moinstitulaire d'un droit reel sur le bien pour lequel un permis d'urbanismeest demande est posee, force est de constater que cette qualite n'estexigee par aucune disposition legale et que la position du Conseil d'Etatn'est pas fixee.

Le critere determinant est celui de la capacite du demandeur de mettre enoeuvre et permis et à ce stade, aucun des elements du dossier ne demontreou ne permet de penser que la S.A. lmmobel n'a pas la capacite à cetegard.

Cette capacite est suffisamment etablie pour que, du point de vue del'appreciation prima facie qui est la sienne, la cour considere que lefait que le demandeur du permis ne soit plus proprietaire du bien neconstitue pas une illegalite de ce permis.

Ces differents moyens ne sont donc pas fondes prima facie, en manieretelle que meme si le permis unique du 22 novembre 2007 avait fait l'objetd'une violation manifeste d'une norme

26eme feuillet

environnementale, comme l'avait decide le premier juge, ou meme s'il avaitete illicite, comme le soutiennent pour la premiere fois en degre d'appelles demandeurs originaires, le permis du 2 juin 2014 tel qu'il existeactuellement est prima facie legal et s'impose, à ce stade, aux parties,nonobstant le recours administratif dont il fait l'objet puisque cerecours n'est pas suspensif.

Le recours est donc fonde".

Griefs

Premiere branche

Ainsi qu'il resulte des pieces de la procedure, la s.a. NeDim et laSociete civile immobiliere Chateau-Rempart ont fait interventionvolontaire à la cause en degre d'appel.

En vertu de l'article 812 du Code judiciaire, la partie intervenuevolontairement en degre d'appel afin de prendre fait et cause pour une ouplusieurs des parties principales ne peut formuler aucune demandedifferant de celles des parties qu'elle entend soutenir.

Aucune des parties principales presentes à la cause en premiere instance,soit les actuels demandeurs, la s.a. Immobel, la Regie des Batiments etl'Etat belge, ne demandait à la cour d'appel d'ecarter l'application dela decision ministerielle du 9 octobre 2014 qui reformait la decision desfonctionnaires delegue et technique du 2 juin 2014 octroyant un permisunique, decision du Ministre refusant l'octroi du permis unique solliciteet dont il n'etait pas conteste qu'elle etait devenue definitive.

Ces parties s'accordaient en effet sur ce que le permis unique delivre le2 juin 2014 avait ete mis à neant et retire de l'ordonnancementjuridique, en sorte que la situation administrative du batiment litigieuxetait celle qui preexistait à cette decision et que le seul permis uniqueen vigueur à prendre en consideration etait celui delivre le 22 novembre2007 (voy. note d'obs. apres reouv. debats de la s.a. Immobel, p. 3; noted'obs. apres reouv. debats de l'Etat belge, pp. 2 et 3; note d'obs. suiteà la reouv. debats des demandeurs, p. 6; lettre de la Regie des Batimentsà la cour d'appel du 16 decembre 2014 se referant aux "notes deposees parles autres parties appelantes").

Seules les parties intervenantes volontaires en degre d'appel avaient,dans leur note d'observations suite à la reouverture des debats (pp. 6 et7), demande que soit ecarte, dans le cadre du litige, l'arrete ministerieldu 9 octobre 2014.

27eme feuillet

L'arret attaque, qui fait droit à cette demande qui n'etait nullementcelle des parties principales à la cause, viole l'article 812 du Codejudiciaire.

A tout le moins, des lors que l'arret du 17 novembre 2014 avaitexpressement decide (i) qu'il n'y avait pas lieu de fixer une nouvelleaudience, (ii) que les actuels demandeurs devaient deposer leur noted'observations quant à l'incidence de l'arrete ministeriel du 9 octobre2014 dans les quinze jours dudit arret (soit le 2 decembre 2014) et queles actuels defendeurs devaient deposer leur note dans les quinze jourssuivants ce delai (soit le 17 decembre 2014), et (iii) avait fixe la miseen delibere le 22 decembre 2014 sans autre possibilite pour les demandeursde repondre aux nouveaux moyens et demandes qui seraient formules par lesdefendeurs, l'arret attaque, qui ecarte l'arrete ministeriel du 9 octobre2014 sur la base de l'article 159 de la Constitution, sans permettre auxdemandeurs de s'expliquer à cet egard, viole leur droit de defense(violation du principe general du droit imposant le respect des droits dela defense).

Deuxieme branche

L'article 127 du CWATUPE prevoit que le permis est delivre par leGouvernement ou le fonctionnaire delegue lorsqu'il concerne lesconstructions et equipements de service public ou communautaires (article127, S: 1er, 7DEG), et qu'un recours peut etre introduit contre ladecision du fonctionnaire delegue aupres du Gouvernement (article 127, S:6).

La decision du Ministre (delegue du Gouvernement) qui infirme la decisiondu fonctionnaire delegue qui refuse le permis sollicite entraine qu'aucunpermis relatif au projet concerne n'est accorde.

En vertu de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 vise au moyen, lepresident du tribunal de premiere instance peut "constat(er) l'existenced'un acte (...) constituant une violation manifeste ou une menace grave deviolation d'une ou de plusieurs dispositions des lois, decrets,ordonnances, reglements ou arretes relatifs à la protection del'environnement".

La loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actesadministratifs ne contient pas de dispositions relatives à la protectionde l'environnement.

28eme feuillet

Si le president du tribunal de premiere instance, statuant sur la base del'article 1er de la loi du 12 janvier 1993, peut examiner la legalite d'unacte administratif au regard des dispositions relatives à la protectionde l'environnement et, le cas echeant, l'ecarter en vertu de l'article 159de la Constitution, il ne peut ni constater une illegalite au regard d'uneloi etrangere à la protection de l'environnement, sans violer l'article1er de la loi du 12 novembre 1993, ni substituer sa decision à celle del'autorite administrative competente, sans violer l'article 159 de laConstitution et le principe general du droit de la separation despouvoirs.

L'arret attaque, qui ecarte l'arrete ministeriel du 9 octobre 2014infirmant la decision du fonctionnaire delegue du 2 juin 2014 et refusant,partant, l'octroi du permis unique sollicite "en vue de transformationd'un immeuble existant - affectation partielle à usage d'equipementscommunautaires, extension d'un Palais de justice, comportant laregularisation d'un changement d'affectation partielle et une modificationfac,ade", au motif que cette decision "viole les dispositions relatives àla motivation formelle des actes administratifs", excede la competence quiest devolue au president du tribunal de premiere instance et ensuite à lacour d'appel par l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 et viole deslors cette disposition.

En outre, en decidant que le permis du 2 juin 2014 "existe actuellement",est "prima facie legal et s'impose, à ce stade, aux parties", reinserantainsi dans l'ordonnancement juridique un acte administratif qui en avaitete retire, l'arret attaque prive l'autorite administrative competente, àsavoir le Ministre, du pouvoir d'appreciation que lui confere l'article127, S: 6, du CWATUPE et se substitue à celle-ci, en meconnaissant laseparation des pouvoirs (violation des articles 127, S: 6, du CWATUPE et159 de la Constitution et du principe general du droit de la separationdes pouvoirs).

Troisieme branche

Il est contradictoire de considerer à la fois que le recoursadministratif forme contre le permis unique accorde le 2 juin 2014 a donnelieu à la decision du Ministre du 9 octobre 2014 qui l'a "annule" (arret,p. 12) et que le permis du 2 juin 2014 "existe actuellement et s'impose,à ce stade, aux parties, nonobstant le recours administratif dont il faitl'objet puisque ce recours n'est pas suspensif" (arret, p. 26), ou, end'autres termes, que ce permis du 2 juin 2014 fait l'objet d'un recoursnon suspensif sur lequel il n'a pas ete statue. L'arret est des lorsentache de contradiction dans ses motifs et n'est pas regulierement motive(violation de l'article 149 de la Constitution).

29eme feuillet

Quatrieme branche

Il ressort des pieces de la procedure qu'aucune des parties ne soutenaitque le permis octroye par la decision du fonctionnaire delegue du 2 juin2014 avait fait l'objet d'un autre recours que celui forme par lesdemanderesse aupres du Ministre competent. Si l'arret attaque considereque ce permis fait l'objet d'un autre recours, qui ne pourrait etre qu'unrecours en annulation devant le Conseil d'Etat, la loi n'en organisant pasd'autre, il souleve d'office un moyen qui n'etait invoque par aucune desparties, sans permettre aux demandeurs de s'en expliquer et viole,partant, leurs droits de defense (violation du principe general du droitimposant le respect des droits de la defense).

En outre, à defaut d'indiquer sur quel element il fonde cetteconsideration, l'arret attaque ne permet pas à votre Cour de verifier sielle est fondee sur des elements regulierement produits aux debats ou surla connaissance personnelle des juges et n'est, partant, pas regulierementmotive (violation de l'article 149 de la Constitution).

Developpements du premier moyen de cassation

La premiere branche du moyen n'appelle pas de developpements particuliers.

La deuxieme branche du moyen fait grief à l'arret d'avoir (i) ecarte "ducadre du litige qui lui est soumis", sur la base de l'article 159 de laConstitution, l'arrete ministeriel du 9 octobre 2014 infirmant la decisiondu fonctionnaire delegue du 2 juin 2014 octroyant le permis unique "en vuede transformation d'un immeuble existant - affectation partielle à usaged'equipements communautaires, l'extension d'un Palais de justice,comportant la regularisation d'un changement d'affectation partielle etmodification de fac,ade", au motif que cet arrete ministeriel "viole lesdispositions relatives à la motivation formelle des actesadministratifs", et (ii) d'avoir decide que le permis du 2 juin 2014"existe actuellement", est "prima facie legal et s'impose, à ce stade,aux parties, nonobstant le recours administratif dont il fait l'objetpuisque ce recours n'est pas suspensif".

L'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant le droit d'action enmatiere de protection de l'environnement permet au president du tribunalde premiere instance (et à la cour d'appel statuant au second degre) deconstater l'existence d'un acte constituant une violation manifeste ou unemenace

31eme feuillet

grave de violation d'une ou plusieurs dispositions relatives "à laprotection de l'environnement". Il est actuellement unanimement admis queles dispositions relatives à l'amenagement du territoire font partie del'environnement protege au sens de l'article 1er precite (voy. Cass., 8novembre 1996, Pas., 1996, I, nDEG 426; Cour d'Arbitrage, arret nDEG168/2004 du 28 octobre 2004). Il reste que la competence ainsi donnee aupresident du tribunal ne s'etend pas à la constatation d'une violation dedispositions etrangeres à l'urbanisme et l'amenagement du territoire etetrangeres à la matiere du permis d'environnement (sur la question desnormes relatives à la protection de l'environnement, voy. not. F.Tulkens, Le point sur l'action en cessation en matiere d'environnement,CUP 2006, vol. 87, pp. 79 et 80 et les references citees). La loi du 29juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifsn'est pas une loi relative à la protection de l'environnement et l'arretattaque, qui ecarte l'arrete ministeriel du 9 octobre 2014 pour violationdes dispositions de cette loi, excede la competence devolue par l'article1er de la loi du 12 janvier 1993.

En consequence de l'ecartement de l'arrete ministeriel du 9 octobre 2014,l'arret attaque decide que le permis octroye le 2 juin 2014 "existeactuellement" et "s'impose aux parties". Ce faisant, il reintegre dansl'ordonnancement juridique une decision administrative qui y en avait eteretiree par l'autorite administrative de recours competente. Ni l'article159 de la Constitution ni l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993n'accordent pareille competence au president du tribunal de premiereinstance ou à un quelconque juge du pouvoir judiciaire.

L'article 127, S: 6, du CWATUPE prevoit expressement un recours contre ladecision du fonctionnaire delegue delivrant un permis de batir (qu'il soitde regularisation ou non) aupres du Gouvernement (à savoir aupres duMinistre competent delegue par ledit Gouvernement).

En ce qui concerne l'article 127 du CWATUPE (dans sa version en vigueur le3 decembre 2005 et applicable au litige), le Conseil d'Etat a eul'occasion de preciser qu'"il resulte de la nouvelle version de l'article127 du CWATUPE [applicable en l'espece] que le fonctionnaire delegue estdevenu l'autorite de premiere instance pour toutes les demandes de permisvisees par ledit article (...), le Gouvernement etant competent surrecours. (...). Il ressort des travaux preparatoires du decret du 27octobre 2005 qu'en instituant le fonctionnaire delegue en tant qu'autoritede principe pour l'examen de premiere instance des demandes de permisintroduites sur base du nouvel article 127 du CWATUPE, le legislateurwallon tend à assurer un double examen de toutes les demandes de permis,sous reserve de quelques exceptions, meme celles qui ont fait l'objet d'unavis negatif de la commune (...). Le Gouvernement connait quant à lui desrecours contre les decisions du fonctionnaire delegue" (C.E., arret nDEG219.125 du 2 mai 2012).

32eme feuillet

Cette Haute juridiction rappelle egalement que la decision du Ministreremplace la decision du fonctionnaire delegue dans l'ordonnancementjuridique, en sorte que le recours en annulation qui serait dirige contrele permis d'urbanisme octroye par le fonctionnaire delegue est irrecevable(voy. arrets 199.199 du 3 mars 2009 et 221.532 du 27 mars 2012).

Les articles 1er de la loi du 12 janvier 1993 et 159 de la Constitutionpermettent certes au president du tribunal de premiere instance (et à sasuite à la cour d'appel) d'ordonner la cessation de tout acte resultantde l'execution de la decision du Ministre qui a statue sur recours lorsquecelle-ci, par confirmation ou par reformation de la decision dufonctionnaire delegue, octroie le permis unique. En revanche, cesdispositions ne lui permettent pas d'annuler la decision ministerielle quirefuse le permis, des lors qu'elle ne peut fonder aucun acte constituantune violation ou une menace de violation des dispositions relatives à laprotection de l'environnement, ni de considerer, en lieu et place del'autorite administrative competente, que le permis qui avait ete octroyepar le fonctionnaire delegue est "legal" et existe toujours dansl'ordonnancement juridique. Ce faisant, l'arret meconnait tant l'article127, S: 6, du CWATUPE que l'article 159 de la Constitution et le principede la separation des pouvoirs.

Les troisieme et quatrieme branches du moyen sont dirigees contre laconsideration de l'arret aux termes de laquelle le permis du 2 juin 2014"existe actuellement" et "s'impose, à ce stade, aux parties nonobstant lerecours administratif dont il fait l'objet puisque ce recours n'est passuspensif" (soulignement ajoute).

Cette consideration est malaisee à comprendre. En effet, l'arret attaqueconstate expressement (pp. 9 et 10) qu'un recours administratif devant leMinistre competent du Gouvernement wallon a ete introduit le 27 juin 2014contre le permis unique delivre le 2 juin 2014, et que le 9 octobre 2014,le Ministre competent a rendu une decision par laquelle il "annule" lepermis qui avait ete accorde le 2 juin 2014 (pp. 9, 10 et 12), ou, end'autres termes, qu'il a ete statue sur le recours introduit et que leMinistre a infirme la decision octroyant le permis et a refuse celui-ci(l'arret utilise improprement le terme "annule").

On ne peut, sans contradiction, à la fois considerer que le recoursadministratif a fait l'objet d'une decision l'accueillant et considerer,implicitement mais certainement, que le permis octroye le 2 juin 2014existe des lors que le recours administratif dont il fait l'objet n'estpas suspensif, ce qui revient à considerer qu'il n'a pas ete statue surcelui-ci, et la troisieme branche du moyen fait grief à l'arret d'etreentache de contradiction à cet egard.

33eme feuillet

La quatrieme branche du moyen envisage l'hypothese ou, par laconsideration ici critiquee, la cour d'appel aurait eu egard à un autrerecours administratif - qui ne pourrait etre qu'un recours en annulationdevant le Conseil d'Etat, des lors que la legislation n'en organise pasd'autre - sur lequel il n'aurait pas encore ete statue. Or, aucune desparties n'invoquait l'existence de pareil recours (qui serait d'ailleursirrecevable). L'arret attaque, qui souleve d'office ce moyen sanspermettre aux parties, et notamment aux actuels demandeurs, de s'enexpliquer, viole leurs droits de defense. En outre, des lors qu'iln'indique pas sur quel element il fonde cette consideration, l'arret nepermet pas le controle de legalite par votre Cour et n'est pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Disposition violee

- l'article 149 de la Constitution.

Decision critiquee

L'arret attaque deboute les demandeurs de leur action en cessation fondeesur l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 et les condamne aux depens,pour tous ses motifs rappeles au premier moyen et tenus ici pourintegralement reproduits.

Griefs

Dans leurs conclusions regulierement deposees devant la cour d'appel, lesdemandeurs soutenaient que le permis delivre le 27 novembre 2007 etaitillicite et que son application devait etre ecartee, et quel'etablissement litigieux etait lui-meme illicite à defaut d'etre couvertpar un permis valable (concl. add. synth. app., pp. 38-39).

34eme feuillet

Ils faisaient valoir que l'illiceite du permis du 27 novembre 2007 et deson execution au regard des normes relatives à la protection del'environnement resultait :

(i) de ce que les conditions particulieres l'assortissant en ce quiconcerne la mobilite, "encourager le recours au mode de deplacement dit«mode doux» ainsi que le developpement de synergies avec des parkingsprives existants et/ou des parkings publics à creer", etaient illicitespour s'entendre comme d'un souhait de l'administration depourvu decaractere normatif, alors que l'autorisation doit presenter un caractereexecutoire (memes concl., pp. 38 à 40);

(ii) qu'en vertu des articles 10, S: 1er, 77 et 81 du decret du 11 mars1999 relatif aux permis d'environnement et des articles 80, 454 et 271 duCWATUPE, la modification de l'utilisation d'un batiment pour en faire unservice public situe en zone d'habitat necessitait un nouveau permisunique, et que l'affectation principale telle qu'elle avait ete autoriseene subsistait plus, pour en deduire que le permis du 22 novembre 2007 nepouvait couvrir le batiment litigieux consistant en des sallesd'audiences, des greffes, un poste de police avec cellules, en sorte quel'objet du permis unique delivre le 22 novembre 2007 ne coincide pas avecle projet tel qu'il est mis en oeuvre et que "la realisation d'un projetsoumis à autorisation prealable non conforme au permis qui a ete demandeet obtenu, viole les dispositions [rappelees ci-dessus] qui constituentdes normes protectrices de l'environnement au sens de la loi du 12 janvier1993" (meme concl., pp. 40 à 46);

(iii) de ce que l'execution du projet litigieux entrainait une violationdes articles 90 du decret du 11 mars 1999 et D.29, D.49 à D.51 et D.62 àD.78 du Livre 1er du Code de l'Environnement et de la directive 85/337/CEconcernant l'evaluation des incidences de certains projets publics etprives sur l'environnement, dispositions qui imposent, d'une part, quepour les projets susceptibles d'avoir des incidences notables surl'environnement, une evaluation des incidences appropriees soit realiseeet, d'autre part, qu'en fonction de la nature du projet, une enquetepublique effective soit organisee afin de permettre aux citoyens de fairevaloir leurs observations; qu'en l'espece, la "demanderesse de permis[soit la s.a. Immobel] a realise une notice d'evaluation des incidencesconsistant en sa demande de permis portant sur un projet prevoyant latransformation d'un immeuble de bureaux" et que "c'est egalement sur ceprojet particulier qu'une enquete publique a ete organisee"; que seulesont ete prises en consideration les incidences generees par "l'activiteexistante (des bureaux)" et que cette evaluation des incidences n'est plusvalable pour un tout autre projet (salles d'audiences et locaux de servicepublic); que les incidences sur l'environnement d'un immeuble de bureauxaffecte exclusivement à du personnel administratif ne sont pas les memesque celles d'un immeuble affecte à un service de justice comprenant desbureaux mais egalement des salles d'audiences frequentees par dupersonnel, des avocats et des justiciables ainsi qu'un poste de policepour mineurs", pour en deduire qu'une notice d'evaluation des incidencesdont l'objet ne coincide pas avec l'objet veritable du projet doit etreassimilee à un defaut de notice d'evaluation prealable des incidences surl'environnement et la violation des dispositions ci-

35eme feuillet

dessus mentionnees, et qu'il (n')appartient pas (aux demandeurs) dedemontrer que (le) changement d'affectation serait susceptible d'avoir desconsequences majeures en matiere de flux de circulation des lors qu'ils'agit precisement du but de l'evaluation des incidences manquante enl'espece" (meme concl., pp. 48 à 50);

(iv) et de ce que, de meme, l'enquete publique realisee ne l'a ete quepour un immeuble à usage de bureaux, en sorte que tant l'article 90 dudecret du 11 mai 1999 que les articles D.29, D.49 à D.51 et D.62 à D.78du Livre 1er du Code de l'Environnement et la directive 85/337/CE avaient,en cela, ete egalement violes (meme concl., pp. 49 et 50).

Enfin, les demandeurs soutenaient qu'en outre, ce permis du 27 novembre2007 a ete viole des lors que ses conditions n'ont pas ete respectees(meme concl., p. 46).

Si, en considerant que :

"les fonctionnaires delegue et technique ont toujours estime que lesmodifications apportees au projet autorise par le permis d'urbanisme du 22novembre 2007 ne necessitaient pas l'introduction d'une nouvelle demandede permis; (que) le premier juge a constate que les travaux d'amenagementen Palais de justice et le demenagement constituaient une violation duditpermis et en a ordonne la cessation, à peine d'astreinte. Il est souligneque le permis unique du 22 novembre 2007 n'a fait l'objet d'aucun recours.Il autorisait la renovation d'«immeuble de bureaux (en realite uncomplexe immobilier, dont la fonction existante de fait est celle d'unimmeuble de bureaux) (...)» et destine «tant au regroupement del'ensemble du ministere des Finances (...) qu'à une partie du Ministre dela justice (...)». Par la suite, le projet a evolue puisqu'il futquestion d'installer dans ces locaux une partie du Palais de justice(notamment la section jeunesse). La question qui fut soulevee par la Villede Tournai lors de la delivrance de ce permis [celui du 27 novembre 2007]etait celle de la mobilite et plus particulierement des places de parkingdisponibles. Le fonctionnaire delegue mentionne : «vu le nombreinsuffisant d'emplacements de parking, il sera encourage au sein dupersonnel en place le recours au mode de deplacement dit 'mode doux'(transport en train, bus); ainsi que le developpement de synergies avecdes parkings prives existants (...) et/ou des parkings publics à creer(...), un programme d'engagement devra etre notifie à l'administrationcommunale avant toute occupation des locaux»", seules considerations quisemblent relatives au permis octroye le 27 novembre 2007,

l'arret attaque, bien qu'il ait indique que "meme si le permis unique du22 novembre 2007 avait fait l'objet d'une violation manifeste d'une normeenvironnementale (...) ou meme s'il avait ete illicite (...)", devait etrelu en ce sens qu'il a considere que le permis delivre le 22 novembre 2007ne violait

36eme feuillet

aucune disposition protectrice de l'environnement et couvrait les actesdont la cessation etait demandee, en sorte que ceux-ci ne constituaientpas plus une violation d'une norme protectrice de l'environnement, ils'ensuivrait dans cette hypothese que :

Premiere branche

L'arret attaque, qui laisse sans reponse le moyen deduit de ce que lepermis du 22 novembre 2007 etait illicite pour etre assorti de conditionsparticulieres depourvues de tout aspect normatif, n'est pas regulierementmotive (violation de l'article 149 de la Constitution).

Deuxieme branche

L'arret attaque, qui laisse sans reponse le moyen deduit de ce quel'execution du projet dont la cessation etait demandee etait soumise à unpermis unique necessitant une notice d'evaluation prealable et une enquetepublique organisee sur ce projet, et qu'une notice d'evaluation relativeà un projet different du projet execute et une enquete publique organiseesur un autre projet ne constituaient ni une evaluation des incidences nil'enquete publique prevue par la directive 85/337/CE, l'article 90 dudecret du 11 mars 1990 et les articles D.29, D.49 à D.51 et D.62 à D.78du Livre 1er du Code de l'Environnement, n'est pas regulierement motive(violation de l'article 149 de la Constitution).

Developpements du deuxieme moyen de cassation

Il parait aux demandeurs que l'arret attaque n'a pas envisage que lesactes dont la cessation etait demandee - à savoir les travaux etl'utilisation du batiment litigieux en une partie du palais de justice,consistant en des salles d'audiences (notamment la section jeunesse), desgreffes, des locaux du parquet et un poste de police pour mineurs -etaient couverts par le premier permis d'urbanisme sollicite par la s.a.Immobel et octroye le 22 novembre 2007 pour la renovation "d'un immeublede bureaux". Il considere en effet, aux termes d'une motivation dont lacoherence est difficile à determiner, que "meme si le permis unique

38eme feuillet

du 22 novembre 2007 avait fait l'objet d'une violation manifeste d'unenorme environnementale (...) ou meme s'il avait ete illicite (...) lepermis du 2 juin 2014 tel qu'il existe actuellement est prima facie legalet s'impose, à ce stade, aux parties, nonobstant le recours administratifdont il fait l'objet puisque ce recours n'est pas suspensif".

La decision de l'arret consistant à ecarter l'application de l'arreteministeriel du 9 octobre 2014 pour violation des dispositions de la loirelative à la motivation formelle des actes administratifs et la decisionde la cour d'appel de faire "revivre" le permis du 2 juin 2014 que cetarrete ministeriel avait infirme, en sorte que le permis etait refuse,font l'objet des critiques formulees au premier moyen.

Le deuxieme moyen est presente dans l'hypothese, que les demandeurscroient improbable, ou les rares considerations de l'arret reproduites etcritiquees audit moyen, qui seules sont relatives au premier permisaccorde le 27 novembre 2007, devraient etre lues en ce sens que l'arret aestime que ledit permis n'etait pas illicite et couvrait les actes dont lacessation etait demandee.

Dans cette hypothese, l'arret attaque ne rencontre nullement les moyensproposes.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violees

- l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'actionen matiere de protection de

l'environnement,

- l'article 149 de la Constitution.

Decision critiquee

L'arret attaque deboute les demandeurs de leur action en cessation fondeesur l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 et les condamne aux depens,pour tous ses motifs rappeles au premier moyen et tenus ici pourintegralement reproduits.

39eme feuillet

Griefs

L'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 permet au president du tribunalde premiere instance de constater l'existence d'un acte qui constitue "uneviolation manifeste ou une menace grave de violation d'une ou de plusieursdispositions des lois, decrets, ordonnances, reglements ou arretesrelatifs à la protection de l'environnement" et prevoit qu'il peut"ordonner la cessation d'actes qui ont forme un commencement d'executionou impose des mesures visant à prevenir l'execution de ces actes ou àempecher des dommages à l'environnement".

Cette disposition n'impose nullement que les consequences nefastes pourl'environnement soient d'ores et dejà realisees, puisqu'elle aprecisement pour objet d'empecher cette realisation.

Il s'ensuit que le juge saisi sur la base de l'article 1er de la loi du 12janvier 1992 doit verifier si la violation alleguee d'une dispositionrelative à la protection de l'environnement est manifeste et est denature à avoir des consequences sur l'environnement.

Dans leurs conclusions regulierement deposees devant la cour d'appel, lesdemandeurs soutenaient, en substance, qu'il y avait violation de ladirective 85/337/CE concernant l'evaluation des incidences de certainsprojets publics et prives sur l'environnement, de l'article 90 du decretdu 11 mars 1999 et des articles D.29, D.49 à D.51 et D.62 à D.78 duLivre 1er du Code de l'Environnement, des lors qu'il n'y avait eud'evaluation des incidences que pour le projet initial visant unetransformation des batiments pour "l'activite existante" et non pour leprojet veritablement realise, c'est-à-dire l'affectation de l'immeuble àun service de justice comprenant des bureaux mais egalement des sallesd'audiences frequentees par du personnel, des avocats et des justiciablesainsi qu'un poste de police pour les mineurs (concl. add. synth. app., pp.48 à 50).

Dans leur note d'observations suite à la reouverture des debats, relativeà l'incidence sur le litige de l'arrete ministeriel du 9 octobre 2014infirmant la decision des fonctionnaires delegue et technique du 2 juin2014 et refusant ainsi le permis unique de regularisation sollicite, ilsreproduisaient cet arrete ministeriel qui avait considere que "sur le planurbanistique, les nuisances potentielles les plus notables resultant de lademande portent sur la problematique de la mobilite et du parcage" et"qu'aucune information n'est toutefois fournie quant au trafic genere parle palais de justice lui-meme" et que "si, in abstracto, un palais dejustice peut trouver sa place en zone d'habitat au vu des nuisancespotentielles qu'il est de nature à

40eme feuillet

generer et du caractere mixte de cette zone, par ailleurs generalementbien desservie par les transports en commun, il n'en est pas moins vraique l'autorite chargee de la delivrance du permis doit pouvoir apprecierin concreto sa compatibilite avec le voisinage; qu'un tel examen ne peutse faire qu'en disposant, quant à l'aspect mobilite, de donnees relativesau charroi resultant de l'utilisation du palais de justice; que meme uneevaluation approximative, mais toutefois coherente en fonction del'utilisation quotidienne du palais de justice, fait defaut en l'espece".Ils en concluaient que cet arrete "renforce incontestablement les griefsformules par (eux)" (note d'observations precitee, pp. 4 à 7).

Specialement en ce qui concerne la mobilite, les demandeurs faisaientvaloir que "l'atteinte manifeste à l'environnement engendree par uneabsence totale d'examen des repercussions du projet en terme de mobiliteest confirmee par l'arrete ministeriel" et que "le changementd'affectation engendre donc bel et bien, dans la pratique, des incidencesnotables sur l'environnement eu egard à l'ensemble des infrastructurespubliques dejà presente dans les environs" et, enfin, qu'"il y aegalement une atteinte manifeste à l'environnement en ce qu'aucuneevaluation appropriee des incidences n'a ete realisee avant l'execution duprojet et que celui-ci ne peut etre assimile à une activite autorisee parle permis unique delivre le 22 novembre 2007".

L'arret attaque, qui se borne à considerer qu'"il n'est pas demontre àce stade que le projet litigieux engendrera un charroi plus important" (p.22), sans repondre au moyen deduit de ce que l'evaluation des incidencessur l'environnement d'un tel projet, non realisee en l'espece, et qui aprecisement pour but de verifier si le projet peut avoir des consequencesmajeures en matiere de flux de circulation, et qui, partant, n'examine passi cette absence d'evaluation des incidences constitue ou non, en soi, uneviolation des regles de protection de l'environnement, n'est niregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution) nilegalement justifie (violation de l'article 1er de la loi du 12 janvier1993 vise au moyen).

42eme et dernier feuillet

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocate à la Cour de cassation soussignee, pour les demandeurs, conclutqu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arret attaque; ordonnerque mention de votre arret soit faite en marge de la decision annulee;renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel; statuer ceque de droit quant aux depens.

Jacqueline Oosterbosch

Liege, le 8 juillet 2015

1er JUIN 2017 C.15.0300.F/2

Requete/42


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0300.F
Date de la décision : 01/06/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-06-01;c.15.0300.f ?
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