La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2017 | BELGIQUE | N°C.15.0080.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 juin 2017, C.15.0080.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.15.0080.F

GENERALI BELGIUM, société anonyme dont le siège social est établi àBruxelles, avenue Louise, 149,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où ilest fait élection de domicile,

contre

 1. M. B.,

défenderesse en cassation,

 2. BELFIUS ASSURANCES, société anonyme dont le siège social est établi àSaint-Josse-ten-Noode, avenue Galilée, 5,<

br>
défenderesse en cassation,

représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est établi à Brux...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.15.0080.F

GENERALI BELGIUM, société anonyme dont le siège social est établi àBruxelles, avenue Louise, 149,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où ilest fait élection de domicile,

contre

 1. M. B.,

défenderesse en cassation,

 2. BELFIUS ASSURANCES, société anonyme dont le siège social est établi àSaint-Josse-ten-Noode, avenue Galilée, 5,

défenderesse en cassation,

représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est établi à Bruxelles, rue de la Montagne, 11, où il est faitélection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 27 août2014 par le tribunal de première instance du Hainaut, statuant en degréd'appel.

Le 1^er juin 2017, l'avocat général Thierry Werquin a déposé desconclusions au greffe.

Le président de section Albert Fettweis a fait rapport et l'avocat généralThierry Werquin a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 29bis, §§ 1^e^r, premier et dernier alinéas, 4 et 5, de la loidu 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de laresponsabilité en matière de véhicules automoteurs, tel qu'il est envigueur depuis sa modification par la loi du 19 janvier 2001 ;

- article 41, alinéa 1^er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre, avant son abrogation par l'article 347 de la loi du4 avril 2014 relative aux assurances ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil.

Décisions et motifs critiqués

Après avoir constaté ce qui suit : 1. le 3 juin 2006, à …, la premièredéfenderesse et son fils A. D. N., alors âgé de cinq ans, ont été victimesen tant que piétons d'un accident de la circulation impliquant un véhiculeautomoteur conduit par C. C., appartenant à la s.p.r.l. F. F. et assuréen responsabilité civile par la demanderesse ; ils ont été grièvementblessés ; 2. la première défenderesse et son époux, agissant en leur nompersonnel et au nom de leur enfant mineur, ont cité la demanderesse devantle tribunal de police de Charleroi, section civile, en indemnisation desdommages causés par cet accident, sur la base de l'article 29bis de la loidu 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de laresponsabilité en matière de véhicules automoteurs ; par jugement du 22juin 2007, ce tribunal a désigné un expert pour déterminer les lésions dela première défenderesse et de l'enfant, à la suite de quoi la secondedéfenderesse a versé une somme provisionnelle de 70.000 euros pourl'indemnisation du dommage de l'enfant ; 3. entre-temps, la premièredéfenderesse et C. C. avaient été poursuivis devant le tribunal de policede Charleroi, section pénale, la première pour s'être engagée sur lachaussée imprudemment et sans tenir compte des véhicules quis'approchaient et pour coups ou blessures involontaires à A. D. N., lesecond pour avoir conduit en état d'intoxication alcoolique ; F. F. et lademanderesse se sont constituées parties civiles contre la premièredéfenderesse ; par jugement du 5 février 2008, passé en force de chosejugée, le tribunal de police a déclaré ces préventions établies, a faitapplication de la loi pénale aux prévenus et a condamné la premièredéfenderesse à payer un euro provisionnel à la s.p.r.l. F. F. et à lademanderesse  ; 4. la demanderesse, en qualité de subrogée dans lesdroits d'A. D. N., dans la mesure où elle l'avait indemnisé, a cité tantla première que la seconde défenderesse, qui assurait la responsabilitécivile de la première en vertu d'un contrat d'assurance « responsabilitécivile vie privée », devant le tribunal de police de Charleroi, sectioncivile, pour obtenir leur condamnation solidaire ou in solidum à luirembourser les montants décaissés en faveur d'A. D. N., jusqu'àconcurrence de la somme provisionnelle de 70.000 euros ; la demande sefondait sur ce que la première défenderesse était responsable du préjudiced'A. D. N. et sur ce que la demanderesse avait été tenue d'indemnisercelui-ci en sa qualité d'« usager faible » bien que son assuré, C. C., nefût pas responsable de ce dommage ; la première défenderesse a formé unedemande incidente en garantie contre la seconde défenderesse ; 5. parjugement du 9 juin 2011, le premier juge a reçu les demandes, a fait droità la demande principale uniquement à l'encontre de la premièredéfenderesse, jusqu'à concurrence d'une somme provisionnelle de 70.000euros et a débouté la première défenderesse de sa demande en garantie ; 6.la première défenderesse a relevé appel de ce jugement ; la demanderesse aformé un appel incident contre ce jugement en tant qu'il a déclaré nonfondée sa demande contre la seconde défenderesse,

le jugement attaqué dit l'appel principal fondé et l'appel incident nonfondé ; confirme le jugement du premier juge en tant qu'il a débouté lademanderesse de sa demande contre la seconde défenderesse ; réformant lesurplus, déclare la demande de la demanderesse contre la premièredéfenderesse non fondée ; délaisse à la demanderesse les frais et dépensdes deux instances ; la condamne aux dépens des deux défenderesses.

Le jugement attaqué se fonde sur les motifs suivants :

« La Cour constitutionnelle a rappelé que le sens de la réglementationcontenue dans l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 consiste àimputer la charge de la réparation du dommage causé à des usagers faiblesde la route à la collectivité de ceux qui, pour avoir mis en circulationun véhicule automoteur, contribuent au risque accru d'accident (C. const.,n° 190/2009 du 26 novembre 2009). `Le fondement du système d'indemnisationorganisé par l'article 29bis est le risque créé par les véhiculesautomoteurs. Au cours des travaux préparatoires des lois de 1994, 1995 et2001, de nombreux parlementaires n'ont cessé de faire référence au« risque cinétique ». La Cour constitutionnelle a confirmé sans ambiguïtéque le fondement de l'article 29bis est bien la théorie du risque créé '(J.-L. Fagnart, `L'article 29bis ou la responsabilité camouflée', B.A.,2012, 169-180). En d'autres termes, la ratio legis de ce régimed'indemnisation tend à faire supporter par les seuls assureurs automobilesla charge de l'indemnisation des usagers faibles, même lorsque leur proprefaute a contribué au dommage qu'ils ont subi (excepté l'hypothèse où lavictime âgée de plus de quatorze ans aurait voulu l'accident et sesconséquences). […]

La réglementation instaurée à cet égard, d'ordre public et dérogeantexpressément au droit commun de la responsabilité civile, se signale doncpar le caractère radical et absolu de la protection offerte aux usagersfaibles contre les risques de la circulation, son idée maîtresse étant quela victime indemnisée ne doit pas être privée de son indemnisation, mêmesi elle est responsable en droit commun. Cette interprétation téléologiquepermet d'exclure l'éventualité que le législateur ait voulu réserver àl'assureur automobile la possibilité d'agir contre un usager faible,responsable de l'accident mais lui-même indemnisé à titre personnel etcomme ayant droit de la victime, en vue de récupérer ses décaissementsliés au dommage corporel subi par celle-ci lors du même accident. Dans lecas contraire, le texte de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989l'aurait précisé, quod non, puisqu'il contient un régime d'indemnisationspécifique et autonome, fondé sur une différenciation stricte de laqualité des personnes impliquées dans l'accident de la circulation. […]

Il en ressort que la victime d'un accident est la personne qui estdirectement touchée par le dommage, que l'ayant droit à réparation est -notamment (cf. Cassation, 20 janvier 2012) - celle qui souffrepersonnellement d'un dommage par répercussion et qui dispose d'un droitpropre à cette réparation sur la base de l'article 29bis de la loi du 21novembre 1989 et, enfin, que le tiers responsable en droit commun est parantithèse la personne qui ne revêt aucune des qualités précédentes […].Dès lors, même s'il `peut [...] arriver qu'un usager faible cumule lesqualités de créancier d'indemnisation sur la base de l'article 29bis et dedébiteur de dommages et intérêts envers un tiers sur la base du droitcommun' (cf. H. de Rode, C. Eyben et J. Acolty, `La protection desindemnités revenant à l'usager faible en vertu de l'article 29bis, § 4 :un bouclier contre l'action récursoire ?', R.G.A.R., 2010, n° 14.613), laconstruction de l'article 29bis ci-dessus rappelée implique que lesqualités `d'ayant droit' de la victime et de `tiers responsable' sontincompatibles. […]

Ainsi, [les défenderesses] objectent-elles à juste titre que la situationde [la première défenderesse] ne correspond pas à la notion de tiersresponsable au sens de l'article 29bis, § 4, puisque celle-ci est `mère etayant droit du jeune A. ; en l'espèce, tant [la première défenderesse] queson fils sont des usagers faibles qui ont été blessés dans l'accidentlitigieux ; la mère et le fils ont tous deux le statut de « victime » ausens de la loi ; [la première défenderesse] a subi un dommage corporelpropre et très probablement un préjudice (moral et matériel) parrépercussion en raison des souffrances endurées par son fils ; desurcroît, en qualité d'administrateur des biens et de la personne de sonfils, elle introduit une demande en vue d'obtenir indemnisation du dommaged'A.'. […]

L'analyse du professeur Symoens publiée sous la décision prise par letribunal de police de Malines [...] conforte le constat del'incompatibilité - au sens de la disposition envisagée - entre la qualitéde tiers responsable, d'une part, de victime et d'ayant droit de celle-ci,d'autre part », en substance parce qu'une grand-mère qui a commis unefaute en laissant un enfant de deux ans courir dans la rue est un ayantdroit qui peut se voir accorder une indemnisation pour dommage moral à lasuite du décès de l'enfant et que, « comme ayant droit, elle est reprisedans toute la construction de l'article 29bis [...] et ne peut donc pasêtre considérée comme `étrangère' et donc comme un tiers ».

Selon un jugement du tribunal de police de Bruges, « le législateur avaitcherché en France son inspiration pour l'article 29bis de la loi du 21novembre 1989 » et, selon la Cour de cassation française, « un recourscontre les parents était exclu parce que, par ce recours, la victime perd,directement ou indirectement, l'avantage de l'application de la règled'indemnisation », de sorte que « l'on peut soutenir que, non seulement lerecours contre la victime elle-même, mais également contre les parentsresponsables, est exclu ; [...] en décider autrement signifierait que,d'une part, l'enfant est indemnisé mais, d'autre part, le bénéfice del'indemnisation est retiré aux parents ; ainsi ce qui a été donné d'unemain serait repris de l'autre main. […]

 En d'autres termes, contraindre [la première défenderesse], ayant droitet mère de la victime, au remboursement des sommes décaissées par [lademanderesse] en faveur de son propre fils, reviendrait à vider ladisposition dont question de toute substance, en privant de facto cetenfant de la réparation de son dommage personnel. Il suit de l'ensemble deces considérations que la `qualité' de `tiers responsable' ne peut enl'occurrence être imputée à [la première défenderesse] au sens del'article 29bis, § 4, de la loi du 21 novembre 1989 et que, parcorollaire, les demandes originaires mues contre elle et contre sonassureur `responsabilité civile vie privée' manquent de fondement endroit ».

Griefs

Les dispositions en cause de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière devéhicules automoteurs, telles qu'elles sont en vigueur depuis lamodification de cet article par la loi du 19 janvier 2001, sont lessuivantes :

« § 1^er. En cas d'accident de la circulation impliquant un ou plusieursvéhicules automoteurs, aux endroits visés à l'article 2, § 1^er, et àl'exception des dégâts matériels et des dommages subis par le conducteurde chaque véhicule automoteur impliqué, tous les dommages subis par lesvictimes et leurs ayants droit et résultant de lésions corporelles ou dudécès, y compris les dégâts aux vêtements, sont réparés solidairement parles assureurs qui, conformément à la présente loi, couvrent laresponsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteur des véhiculeautomoteurs » (alinéa 1^er, première phrase) ;

« Cette obligation d'indemnisation est exécutée conformément auxdispositions légales relatives à l'assurance obligatoire de laresponsabilité en général et à l'assurance de la responsabilité en matièrede véhicules automoteurs en particulier, pour autant que le présentarticle n'y déroge pas » (dernier alinéa) ;

« § 4. L'assureur ou le Fonds commun de garantie automobile sont subrogésdans les droits de la victime contre les tiers responsables en droitcommun.

Les indemnités versées en exécution du présent article ne peuvent fairel'objet de compensation ou de saisie en vue du paiement des autresindemnités dues à raison de l'accident » ;

« § 5. Les règles de la responsabilité civile restent d'application pourtout ce qui n'est pas régi expressément par le présent article ».

L'article 29bis précité a créé un régime de responsabilité objectivefondée sur le risque créé par la mise en circulation des véhiculesautomoteurs pour les usagers de la route dits « faibles », obligeantl'assureur de la responsabilité civile du véhicule impliqué dansl'accident à indemniser toute victime de lésions corporelles - ou sesayants droit - pour autant que cette victime ne soit pas le conducteur duvéhicule impliqué. Dans ce régime d'indemnisation automatique, lesindemnités versées aux victimes ou à leurs ayants droit font l'objet de laprotection spéciale prévue à l'alinéa 2 du paragraphe 4 de l'article29bis, à savoir l'interdiction d'une compensation ou d'une saisie en vuedu paiement des autres indemnités dues à raison de l'accident. Pour lesurplus, le dernier alinéa du paragraphe 1^er prévoit que l'obligationd'indemnisation est exécutée conformément aux dispositions relatives àl'assurance obligatoire de la responsabilité en général et en matière devéhicules automoteurs en particulier, « pour autant que l'article 29bisn'y déroge pas », et, selon le paragraphe 5 dudit article 29bis, lesrègles de la responsabilité civile restent d'application pour tout ce quin'est pas régi expressément par ledit article.

Il ressort de ces dispositions que la subrogation de l'assureur d'unvéhicule automoteur dans les droits de la victime qu'il a indemniséecontre les tiers responsables en droit commun, prévue au paragraphe 4,alinéa 1^er, de l'article 29bis précité ainsi qu'à l'article 41, alinéa1^er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, neconnaît de régime particulier dans le cadre de l'article 29bis que dans laseule mesure où l'alinéa 2 du paragraphe 4 de cette disposition interdit :1° la compensation dont, selon le droit commun et les règles del'assurance de la responsabilité civile, l'assureur subrogé dans lesdroits d'une victime pourrait se prévaloir à l'encontre du tiersresponsable qui aurait une créance à son égard en sa qualité d'usagerfaible également victime de l'accident ou d'ayant droit de cet usagerfaible ; 2°  la saisie des indemnités versées en application de l'article29bis.

À la condition de respecter l'interdiction de compensation et de saisiedes indemnités versées à la victime de l'accident ou à ses ayants droitprévue à l'article 29bis, § 4, alinéa 2, l'assureur de responsabilitécivile automobile subrogé, pour l'avoir indemnisée, dans les droits d'unevictime d'un accident de la circulation protégée par l'article 29bis entant qu'« usager faible » peut agir contre le responsable de l'accident enremboursement des indemnités versées, même si ce tiers responsable estégalement une victime de cet accident protégée par ladite disposition ouun ayant droit d'une telle victime et même si ce tiers a agi en paiementdes indemnités dues à une telle victime mineure d'âge en sa qualitéd'administrateur des biens de celle-ci. En d'autres termes, le droit desubrogation de l'assureur peut s'exercer mais il ne peut avoir pourassiette l'indemnité payée à l'usager faible ou à ses ayants droit.

L'article 29bis ne prévoit aucune immunité de responsabilité au profit desresponsables de l'accident qui seraient en même temps des usagers faiblesvictimes ou des ayants droit de ces victimes ou les administrateurs légauxdes biens desdites victimes mineures d'âge.

L'arrêt ne dénie ni que la première défenderesse a commis une faute ou uneimprudence en relation causale avec les blessures encourues par son filsA. et qu'elle est donc responsable desdites blessures au sens des articles1382 et 1383 du Code civil, ni que l'assuré de la demanderesse n'alui-même commis aucune faute en relation causale avec l'accident danslequel A. D. N. a été blessé, ni que la demanderesse a versé desindemnités en réparation du dommage d'A. D. N. et qu'elle est donc enprincipe subrogée dans les droits de celui-ci contre le tiers responsablede l'accident en vertu de l'article 29bis, § 4, alinéa 1^er, de la loi du21 novembre 1989. Néanmoins, l'arrêt refuse de faire droit à l'actionsubrogatoire de la demanderesse en remboursement des indemnités versées àA. D. N. à l'encontre des deux défenderesses aux motifs principalement quela première défenderesse est elle-même un usager faible, victime de cetaccident, et un ayant droit d'A. D. N., qu'il y a une incompatibilitéentre le statut d'usager faible victime d'un accident de la circulation oud'ayant droit d'une telle victime et de tiers responsable, et quel'assureur de la responsabilité civile automobile doit supporter seul lacharge d'indemnisation des usagers faibles sans pouvoir exercer son droitde subrogation à l'égard du tiers responsable qui serait un usage faible,l'ayant droit d'un usager faible ou l'administrateur légal des biens decet usager faible mineur d'âge.

L'arrêt, qui ne constate pas que la demanderesse entendait compenser lesindemnités versées en exécution de l'article 29bis ou les saisir en vue dupaiement d'autres indemnités à raison de l'accident, ce qu'interditl'article 29bis, § 4, alinéa 2, de la loi du 21 novembre 1989, ne justifiepas légalement sa décision (violation de toutes les dispositions légalesvisées au moyen).

III. La décision de la Cour

En vertu de l'article 29bis, § 1^er, alinéa 1^er, de la loi du 21 novembre1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière devéhicules automoteurs, en cas d'accident de la circulation impliquant unou plusieurs véhicules automoteurs, et à l'exception des dégâts matérielssubis par le conducteur de chaque véhicule automoteur impliqué, tous lesdommages subis par les victimes et leurs ayants droit et résultant delésions corporelles ou du décès, y compris les dégâts aux vêtements, sontréparés solidairement par les assureurs qui, conformément à cette loi,couvrent la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteurdes véhicules automoteurs.

L'article 29bis, § 1^er, alinéa 2, de la même loi dispose que cetteobligation d'indemnisation est exécutée conformément aux dispositionslégales relatives à l'assurance de la responsabilité en général et àl'assurance de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs enparticulier, pour autant que l'article n'y déroge pas.

Suivant l'article 29bis, § 2, le conducteur d'un véhicule automoteur etses ayants droit ne peuvent se prévaloir de cet article, sauf si leconducteur agit en qualité d'ayant droit d'une victime qui n'était pasconducteur et à la condition qu'il n'ait pas causé intentionnellement lesdommages.

Aux termes de l'article 29bis, § 4, alinéa 1^er, l'assureur ou le Fondscommun de garantie automobile sont subrogés dans les droits de la victimecontre les tiers responsables en droit commun.

L'article 29bis, § 5, ajoute que les règles de la responsabilité civilerestent d'application pour tout ce qui n'est pas régi expressément parledit article.

Il suit de ces dispositions que l'assureur qui a indemnisé une victime ouun ayant droit de celle-ci est subrogé dans leurs droits contre le tiersresponsable  en droit commun et que ce dernier est toute personne autreque l'assuré, impliqué dans l'accident, dont la faute a causé le dommageréparé par l'assureur.

Le jugement attaqué constate que, le « 3 mars 2006, [la premièredéfenderesse] et son fils […] ont été victimes en tant que piétons d'unaccident de la circulation impliquant un véhicule […] assuré enresponsabilité civile automobile par la [demanderesse] », que « [lapremière défenderesse] et [son fils] ont été blessés », que « [la premièredéfenderesse] […] [a] été poursuivie devant le tribunal de police […] pours'être engagée sur la chaussée imprudemment et sans tenir compte desvéhicules qui s'approchaient […] et pour avoir, par défaut de prévoyanceet de précaution, involontairement causé des coups ou des blessures à sonfils », que, « par jugement prononcé le 5 février 2008 [et passé en forcede chose jugée], le tribunal de police […] a déclaré ces préventionsétablies […], une seule peine étant prononcée envers [la premièredéfenderesse] du chef des préventions », et qu'« au civil, [la premièredéfenderesse] fut condamnée à payer la somme d'un euro à chacune desparties civiles ».

Le jugement attaqué relève que « la [demanderesse], se déclarant `subrogéeaux droits et actions [du fils de la première défenderesse]', a [demandé]la condamnation solidaire de [la première défenderesse] et de son assureur`responsabilité civile vie privée', [la seconde défenderesse], à luirembourser les montants décaissés à titre d'indemnisation [du fils de lapremière défenderesse] ».

Le jugement attaqué qui, pour décider que « les demandes originaires muescontre [les défenderesses] manquent de fondement en droit », considère que« la victime d'un accident est la personne qui est directement touchée parle dommage, que l'ayant droit à réparation est […] celle qui souffrepersonnellement d'un dommage par répercussion et qui dispose d'un droitpropre à cette réparation […] et […] que le tiers responsable en droitcommun est par antithèse la personne qui ne revêt aucune des qualitésprécédentes », que « l'article 29bis […] implique que les qualités`d'ayant droit' de la victime et de `tiers responsable' sontincompatibles » et que « la situation de [la première défenderesse] necorrespond pas à la notion de tiers responsable au sens de l'article29bis, § 4, puisque celle-ci est `mère et ayant droit [de la jeunevictime]' », que « tant [la première défenderesse] que son fils sont desusagers faibles qui ont été blessés dans l'accident », que « la mère et lefils ont tous deux le statut de `victime' », que « [la premièredéfenderesse] a subi un dommage corporel propre et très probablement unpréjudice (moral et matériel) par répercussion en raison des souffrancesendurées par son fils », que « contraindre [la première défenderesse],ayant droit et mère de la victime, au remboursement des sommes décaisséespar [la demanderesse] en faveur de son propre fils reviendrait à vider ladisposition en question de toute substance, en privant de facto cet enfantde la réparation de son dommage personnel », viole les dispositionslégales précitées.

Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaqué, sauf en tant qu'il reçoit les appels ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugementpartiellement cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instancede Namur, siégeant en degré d'appel.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Christian Storck, le conseiller DidierBatselé, les présidents de section Albert Fettweis et Martine Regout et leconseiller Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du vingt-deuxjuin deux mille dix-sept par le président de section Christian Storck, enprésence de l'avocat général Michel Nolet de Brauwere, avec l'assistancedu greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Regout |
|------------------------+-----------------------+-----------------------|
| A. Fettweis | D. Batselé | Chr. Storck |
+------------------------------------------------------------------------+

22 JUIN 2017 C.15.0080.F/12


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0080.F
Date de la décision : 22/06/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-06-22;c.15.0080.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award