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28/06/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0176.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 juin 2017, P.17.0176.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG P.17.0176.F

1. M. M.,

2. L. E.,

prevenus,

demandeurs en cassation,

ayant pour conseil Maitre Nicolas Divry, avocat au barreau de Tournai,dont le cabinet est etabli à Ath, avenue Jouret, 22, ou il est faitelection de domicile,

contre

Maitre Frederic PARIS, avocat, dont le cabinet est etabli à Tournai, ruede Monnel, 17, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete privee à responsabilite limitee Image Libre,

partie civile,

defendeur en cassation.

I. la

procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 24 janvier 2017 par lacour d'appel de Mons, ch...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG P.17.0176.F

1. M. M.,

2. L. E.,

prevenus,

demandeurs en cassation,

ayant pour conseil Maitre Nicolas Divry, avocat au barreau de Tournai,dont le cabinet est etabli à Ath, avenue Jouret, 22, ou il est faitelection de domicile,

contre

Maitre Frederic PARIS, avocat, dont le cabinet est etabli à Tournai, ruede Monnel, 17, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete privee à responsabilite limitee Image Libre,

partie civile,

defendeur en cassation.

I. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 24 janvier 2017 par lacour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.

Les demandeurs invoquent un moyen dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.

Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.

L'avocat general Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. la decision de la cour

A. En tant que les pourvois sont diriges contre la decision qui decretele desistement de l'appel du ministere public :

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

B. En tant que les pourvois sont diriges contre la decision qui declareles demandeurs dechus de leur appel :

Sur le moyen :

Quant aux premiere, troisieme et quatrieme branches reunies :

1. L'arret declare les demandeurs dechus de leur appel contre lesdispositions penales et civiles du jugement entrepris, au motif que leurrequete d'appel n'indique pas precisement les griefs eleves contre cettedecision.

2. Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 149 de laConstitution, 204 et 206 du Code d'instruction criminelle : les jugesd'appel ont fonde leur decision en procedant à un examen de lapertinence, de la justification ou du bien-fonde des griefs ; ainsi, ilsont ajoute une condition de recevabilite que l'article 204 ne prevoitpas ; les juges d'appel ont egalement motive leur decision en considerantque certains griefs n'avaient fait l'objet d'aucun debat devant letribunal correctionnel ; ainsi, ils ont prive les demandeurs d'evoquer, endegre d'appel, des moyens nouveaux ou tires du jugement entrepris et ontporte atteinte au droit à un proces equitable ; en deduisant le caractereimprecis de la requete d'appel de la circonstance que les demandeurs ontrenonce à certains griefs, les juges d'appel ont illegalement restreintle droit des demandeurs de se desister en tout ou en partie de leurappel ; l'arret constate que les demandeurs ont indique dans le formulairede griefs les rubriques relatives à la recevabilite de l'action civile,au lien causal et à l'evaluation du dommage ; en declarant les demandeursdechus de leur appel, l'arret les prive de leur droit de contester lejugement entrepris en invoquant ces griefs precis.

3. L'article 204 du Code d'instruction criminelle dispose : « A peine dedecheance de l'appel, la requete indique precisement les griefs eleves, ycompris les griefs proceduraux, contre le jugement et est remise, dans lememe delai et au meme greffe que la declaration visee à l'article 203.Elle est signee par l'appelant, son avocat ou tout autre fonde de pouvoirspecial. Dans ce dernier cas, le pouvoir est annexe à la requete.

Cette requete peut aussi etre remise directement au greffe du tribunal oude la cour ou l'appel est porte.

Un formulaire dont le modele est determine par le Roi peut etre utilise àcette fin.

La presente disposition s'applique egalement au ministere public ».

4. L'article 1er de l'arrete royal du 18 fevrier 2016 portant execution del'article 204, alinea 3, du Code d'instruction criminelle, dispose que leformulaire prevu à l'annexe 1 de cet arrete peut etre utilise pourinterjeter appel conformement à l'alinea 3 de l'article 204 precite. Ceformulaire contient une liste non exhaustive de griefs contre lesdispositions relatives à l'action publique (1.1 à 1.12) et à l'actioncivile (2.1 à 2.5), et invite la partie appelante à en cocher la caseadequate, à biffer ce qui ne convient pas et à le completer avecd'eventuelles remarques.

5. En obligeant la partie appelante à indiquer de maniere precise dans larequete d'appel ses griefs à l'encontre du jugement entrepris, lelegislateur poursuit, dans l'interet des parties et d'une bonneadministration de la justice, un traitement plus efficace des causes endegre d'appel : ainsi, l'appelant reflechit à l'opportunite, à la porteeet aux consequences de son recours, la partie intimee sait exactement surquels points elle devra se defendre et les juges d'appel connaissent,avant l'examen de la cause à l'audience, les limites exactes de leursaisine.

6. Un grief au sens de l'article 204 du Code d'instruction criminelle estl'indication specifique dans la requete d'appel d'une decision determineedu jugement entrepris, dont la partie appelante demande la reformation parle juge d'appel. Il n'est pas requis que, dans la requete ou le formulairede griefs, la partie appelante enonce les raisons de son appel ni lesmoyens qu'elle entend invoquer pour obtenir la reformation de la decisionvisee par le grief.

L'indication des griefs est precise au sens de cette dispositionlorsqu'elle permet aux juges d'appel et aux parties de determiner aveccertitude la decision ou les decisions du jugement entrepris, dont lapartie appelante demande la reformation, en d'autres mots de determiner lasaisine des juges d'appel.

7. Pour apprecier la precision de l'indication des griefs dans la requeted'appel, le juge peut notamment avoir egard à la circonstance quel'appelant a indique des griefs qui soit n'ont aucun rapport avec ladecision entreprise et sont des lors sans objet, etant diriges contre desdecisions inexistantes et etrangeres au litige, par exemple parce que legrief porte sur des mesures non prononcees et ne paraissant passusceptibles de l'etre, soit sont sans interet pour une autre raison, parexemple parce qu'ils reprochent au jugement de refuser le sursis, alorsqu'il l'octroie pour l'entierete de la peine, ou portent sur laconfiscation, alors que le jugement n'en prononce aucune. Toutefois,lorsque la requete d'appel indique egalement d'autres griefs qui visent demaniere precise une ou plusieurs decisions du jugement dont appel, lacirconstance que certains griefs diriges contre le jugement sont sansobjet ne peut justifier à elle seule la decheance de l'appel.

8. Le juge d'appel ne peut conclure à l'imprecision de la requete etdechoir l'appelant de son appel, aux motifs que les griefs indiques n'ontpas ete souleves devant le premier juge ou qu'ils ne sont manifestementpas fondes. Ces motifs sont etrangers à l'examen de la precision desgriefs indiques dans la requete d'appel.

9. L'article 204 du Code d'instruction criminelle requiert que les griefssoient indiques dans la requete d'appel que l'appelant doit deposer augreffe dans le meme delai que la declaration d'appel visee à l'article203 de ce code. Par consequent, le juge verifie sous le seul visa de cetterequete si l'appelant a indique ses griefs, y compris proceduraux, demaniere precise.

La loi ne prevoit pas que l'appelant puisse faire usage du droit de sedesister de l'appel ou de limiter celui-ci, prevu à l'article 206 du Coded'instruction criminelle, afin de remedier à l'imprecision des griefsindiques dans la requete d'appel. Pour verifier si l'appelant a indiqueses griefs de maniere precise dans la requete, le juge ne peut avoir egardà la circonstance que l'appelant, apres l'echeance du delai vise àl'article 203, s'est desiste de son recours ou l'a limite, ni pourconsiderer que les griefs sont precis, ni pour considerer qu'ils ne lesont pas.

10. La juridiction d'appel constate en fait si la requete indiqueprecisement les griefs eleves contre le jugement, y compris les griefsproceduraux, la Cour verifiant si elle n'a pas deduit de ces constatationsune consequence qui serait sans lien avec elles ou qui ne seraitsusceptible, sur leur fondement, d'aucune justification.

11. Les juges d'appel ont releve que la requete vise tous les griefs duformulaire precite relatifs à l'action publique et à l'action civile, àl'exception de l'internement pour l'action publique et du grief « autres» pour les deux actions.

12. Concernant les griefs relatifs à la decision rendue sur l'actionpublique, la cour d'appel a considere qu'elle etait dans l'impossibilitede determiner, à la lecture de la requete, le contour de sa saisine, etque les autres parties ne pouvaient pas connaitre les griefs sur lesquelselles devraient se defendre. L'arret enonce que le conseil des demandeurs« a coche des cases qui n'ont aucun rapport avec la presente cause, ouqui n'ont pas fait l'objet de critique en premiere instance, à la lecturedes conclusions en premiere instance, sachant en outre que l'un desconseils des demandeurs intervenait dejà en premiere instance, àsavoir :

* la qualification : le debat n'a nullement porte sur ce point enpremiere instance ;

* les regles de procedure : aucun moyen n'a ete souleve à ce sujetdevant le tribunal ;

* la non-application du sursis, alors que ce sursis a ete accorde ;quant à la suspension du prononce, elle n'apparait pas avoir etedemandee ;

* la confiscation : le jugement entrepris n'en prononce aucune ;

* la remise en etat, astreinte : ne concerne nullement le litige soumisà la cour ;

* la prescription de l'action publique : elle n'est manifestement pasatteinte ».

L'arret constate egalement que les demandeurs ont renonce, dans leursconclusions, à sept des dix griefs indiques dans la partie du formulairerelatif à l'action publique, et considere que cette circonstance conduità la conclusion que la requete ne precisait pas du tout les griefs quiallaient etre reellement invoques devant la cour d'appel, contrevenantainsi à la volonte du legislateur d'ameliorer le traitement des affairespar l'indication precise des griefs avant le commencement des debats.

13. Il ressort de l'arret que le premier juge a declare etablie laprevention unique d'abus de confiance reprochee aux demandeurs, et qu'illes a condamnes à une peine d'emprisonnement et à une peine d'amendequi, chacune, sont assorties d'un sursis de trois ans pour la totalite.

Il ressort egalement de l'arret que les demandeurs ont notamment indique,dans le formulaire de griefs, les points « 1.1 Declaration deculpabilite », « 1.2 Qualification de l'infraction », « 1.4 Taux de lapeine » et « 1.9 Prescription ».

Ces griefs permettaient aux juges d'appel et aux autres parties dedeterminer avec certitude les decisions du jugement entrepris dont lesparties appelantes demandaient la reformation, en l'espece leurdeclaration de culpabilite, la decision de donner aux faits laqualification d'abus de confiance et celle de leur infliger les peinesd'emprisonnement et d'amende qui ont ete prononcees, ainsi que la decisionimplicite de considerer l'action publique non prescrite.

Des lors que les demandeurs ont indique de maniere precise qu'ilsdirigeaient leur recours contre les decisions precitees, les juges d'appelne pouvaient les declarer dechus de leur appel au motif que les griefsvisant le sursis à l'execution de la peine, la suspension du prononce, laconfiscation et la « remise en etat, astreinte » n'ont aucun rapportavec la decision entreprise.

Les juges d'appel ne pouvaient pas non plus declarer les demandeurs dechusde leur appel aux motifs que le grief relatif à la qualification del'infraction n'a pas ete souleve devant le premier juge, qu'aucun moyenn'a ete souleve devant le tribunal correctionnel concernant les regles dela procedure, que la prescription de l'action publique n'est manifestementpas atteinte et que les demandeurs ont renonce à sept des griefs indiquesdans la requete d'appel.

14. Concernant les griefs relatifs à la decision rendue sur l'actioncivile, l'arret considere que, sur le plan civil, « le meme raisonnementdoit etre tenu puisque les [demandeurs] ont vise tous les points [duformulaire] sauf la rubrique àutres' ».

15. L'arret constate que le premier juge a rec,u la constitution de partiecivile du defendeur, et qu'il a condamne les demandeurs au paiement d'unesomme de 165.164,16 euros, à majorer des interets au taux legal depuis le1er janvier 2008.

L'indication par les demandeurs des points « recevabilite », « liencausal », « evaluation du dommage (montant) » et « interets », alorsque le point « 2.5. autres » du formulaire prevu à l'annexe 1 del'arrete royal du 18 fevrier 2016 n'etait pas indique, permettait auxjuges d'appel et aux parties de determiner avec certitude que lesdemandeurs sollicitaient la reformation des decisions des premiers jugesde declarer recevable l'action civile du defendeur, de les condamner aupaiement d'une somme d'argent en reparation du dommage cause parl'infraction et de majorer cette somme d'interets.

En considerant le contraire, les juges d'appel n'ont pu legalement deciderde dechoir les demandeurs de leur appel.

Le moyen est fonde.

Il n'y a pas lieu d'examiner la deuxieme branche du moyen, qui ne sauraitentrainer une cassation sans renvoi.

* PAR CES MOTIFS,

* LA COUR

* * Casse l'arret attaque en tant qu'il declare les demandeurs dechus deleur appel ;

* Rejette les pourvois pour le surplus ;

* Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

* Condamne chacun des demandeurs au quart des frais de son pourvoi etreserve le surplus pour qu'il soit statue sur celui-ci par lajuridiction de renvoi ;

* Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel de Liege.

* Lesdits frais taxes en totalite à la somme de sept centquatre-vingt-huit euros quarante-deux centimes dont centseptante-quatre euros septante-neuf centimes dus et six cent treizeeuros soixante-trois centimes payes par ces demandeurs.

* Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient Benoit Dejemeppe, conseiller faisant fonction depresident, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frederic Lugentz,conseillers, et Pierre Cornelis, conseiller emerite, magistratsuppleant, et prononce en audience publique du vingt-huit juin deuxmille dix-sept par Benoit Dejemeppe, conseiller faisant fonction depresident, en presence de Michel Nolet de Brauwere, avocat general,avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.

* +--------------------------------------------+
| F. Gobert | P. Cornelis | F. Lugentz |
|-----------+-----------------+--------------|
| T. Konsek | E. de Formanoir | B. Dejemeppe |
+--------------------------------------------+

* 28 JUIN 2017 P.17.0176.F/9

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Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 28/06/2017
Date de l'import : 06/07/2017

Numérotation
Numéro d'arrêt : P.17.0176.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-06-28;p.17.0176.f ?
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