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29/05/1969 | BéNIN | N°9

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre judiciaire, 29 mai 1969, 9


Vu l'acte reçu le 24 novembre 1967 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, au terme duquel le sieur SESSINOU Jérôme a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 60 rendu le 23 novembre 1967 par la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de Cotonou, lequel arrêt a déclaré irrecevable la demande de SESSINOU tendant à une condamnation solidaire de la COFIFA et la BIAO, et a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;

Vu l'arrêt attaqué;

Ensemble les mémoires ampliatifs de défense déposés l

es 3/8 et 30/11/68 par Maîtres HAAG et BARTOLI, Avocat à la Cour Conseils des parties...

Vu l'acte reçu le 24 novembre 1967 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, au terme duquel le sieur SESSINOU Jérôme a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 60 rendu le 23 novembre 1967 par la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de Cotonou, lequel arrêt a déclaré irrecevable la demande de SESSINOU tendant à une condamnation solidaire de la COFIFA et la BIAO, et a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;

Vu l'arrêt attaqué;

Ensemble les mémoires ampliatifs de défense déposés les 3/8 et 30/11/68 par Maîtres HAAG et BARTOLI, Avocat à la Cour Conseils des parties;

Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier;

Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26/4/66 organisant la Cour Suprême;

Ouï à l'audience plénière du jeudi vingt neuf mai mil neuf soixante neuf, Monsieur le Président MATHIEU en son rapport;

Monsieur le Procureur Général AÏNANDOU en ses conclusions se rapportant à justice;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Attendu que par acte reçu le 24-11-1967 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, le sieur SESSINOU Jérôme a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 60 en date du 23 novembre 1967 rendu par la Cour d'Appel de Cotonou, Chambre Sociale entre lui et la BAO (COFIFA).

Que l'affaire fut inscrit au Greffe de la Cour Suprême le 20 février 1968, sous le n° 10 C9C.

Attendu que par lettre n° 542/G-CS du 19 avril 1968, le Greffier en Chef près la Cour Suprême rappelait au requérant les dispositions de l'article 42 de l'ordonnance 21/PR du 26-4-1966 organisant la Cour Suprême sur la nécessité de la constitution d'un Avocat pour suivre le pourvoi.

Que le même avertissement étant réitéré par lettre n° 628/G-CS du 29 avril 1968, et que tandis que la 1ère lettre était notifiée à l'intéressé par procès-verbal n° 812/C3A du 28 mai 1968 du Commissaire de Police du 3è Arrondissement de Cotonou; la seconde était l'objet de la même mesure par procès-verbal n° 889/C3A du 7-6-1968 du même Commissariat. Attendu que la seconde de ces communications est évidemment superflue, sans qu'il puisse en découler une quelconque nullité mais se justifié par la mention qu'un délai de deux mois est accordé à l'intéressé pour produire ses moyens de cassation, tandis que la première ne spécifiait rien à ce sujet.
Qu'en tout cas parvenait le 27-7-1968 à la Cour Suprême une lettre de constitution de Me HAAG, Avocat au Dahomey, qui faisait tenir le 7-8-68 (soit dans les délais de la notification du 7-6-68) son mémoire ampliatif.

Attendu que par lettre n° 1528/G-CS du 15 octobre 1968, le Greffier en Chef près la Cour Suprême communiquant à la B.A.O. devenue COFIFA un exemplaire du mémoire ampliatif du conseil du requérant avec indication d'un délai de deux mois pour y répondre.

Et que le 4-12-68, Maître BARTOLI, conseil de la défenderesse faisait parvenir au Greffe le mémoire en réponse qui était à son tour le 18-12-68 communiqué au conseil du requérant.
Attendu que sans réponse le 18 février 1969, le dossier était repris par e rapporteur pour examen.

Que la lettre n° 369 du 24 mars 1969, celui-ci demandait pour cette procédure et pour une autre disputant de la même question, des précision au Président de la Cour d'Appel de Cotonou qui lui répondait par sa lettre n° 171/PCA du 1er avril 1969.

FAITS. - SESSINOU Jérôme a été engagé par la B.A.O. Cotonou, en août 1945 et titularisé pour compter du 1er janvier 1948; il devait être nommé cadre de classe 1 en juillet 1958 pour être licencié par lettre du 6 mars 1962 pour fautes répétées sans préavis ni indemnités; ce^pendant la direction générale de la BAO estimant "que seule la faute lourde peut priver l'employé de toute indemnité et qui en l'espèce si les fautes reprochées ont une importance certaine sur un caractère de gravité engageant l'honorabilité de leur auteur" en conséquence versait en mai 1962 au compte de SESSINOU la somme de 293.980 francs représentant les indemnités correspondantes à un licenciement exclusif de faute lourde.

Or SESSINOU fait plaider que le licenciement est irrégulier et abusif et ne correspondant pas aux normes de la convention collective métropolitaine de travail du personnel des Banques qui doivent le régir.

SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI EN LA FORME

Attendu que la défenderesse oppose l'irrecevabilité du pourvoi pour avoir été introduit par l'intéressé lui-même alors que l'article 42 de l'ordonnance n° 21/PR du 26-4-1966 stipule que le Ministre d'un Avocat est obligatoire pour 'introduction de tout pourvoi devant la Cour Suprême sauf en matière de recours pour excès de pouvoir (mémoire en défense de Me BARTOLI page 3).

Attendu que la citation exacte de l'article 42 est: le Ministère d'un Avocat est obligatoire pour introduire un recours ou suivre tout pourvoi devant la Cour Suprême sauf en matière de recours pour excès de pouvoir".

Attendu que la Cour Suprême a fixé sa jurisprudence à ce sujet par comparaison de ce texte avec les précédents de 1961 et 1965 et par rapprochement avec l'article 90 qui indique: "la déclaration de pourvoi est inscrite sur un registre à ce destiné. Elle est signée du déclarant et du Greffier, et si le déclarant ne peut signer, il en est fait mention". Attendu qu'il ne se peut concevoir un avocat régulièrement inscrit au tableau et incapable de signer. (CF affaire n° 15 CJC. QUENUM da SILVA)

Attendu que le privilège de l'Avocat est de suivre sur le pourvoi. Attendu donc que celui-ci formalisé régulièrement est recevable en la forme et qu'il y a lieu d'examiner chacun des trois moyens invoqués.

PREMIER MOYEN: Violation des articles 49 et suivants du décret du 30 mars 1808 en ce qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la Cour était irrégulièrement composée.

En effet, il est mentionné que le Président du Tribunal de 1ère Instance de Cotonou fait partie des membres de la Cour qui ont signé, et cela, sans indiquer que le Conseiller titulaire est empêché, alors qu'il est de jurisprudence constante que quand un juge étranger à une juridiction siège auprès de celle-ci, l'empêchement ci-dessus doit être expressément constaté à peine de nullité.

La composition des juridictions relevant de 'organisation judiciaire est d'ordre public. Il a été maintes fois décidé que lorsque le juge vient d'une délégué par ordonnance de Monsieur le premier Président de la Cour d'Appel".

Attendu que des espèces jurisprudentielles sont citées à l'appui. Attendu que ce moyen requiert un examen approfondi, d'une part quand à son principe, d'autre part relativement aux circonstances de la présente cause.

Attendu qu'en droit, il a été rétorqué au requérant que ce n'est plus le décret du 30 mars 1808 qui règle la matière mais le décret du 28 août 1928 et les textes subséquents. Qu'il est bien évident que les textes les plus proches de nous se substituent aux autres.

Que si déjà le texte invoqué de 1808 ne prévoyait pas de nullité en cas de défaut de mention de l'empêchement d'un titulaire pour son remplacement, les textes postérieurs n'exigent pas non plus cette mention à peine de nullité.

Et attendu que si l'examen des cas de jurisprudence cités par le requérant montre qu'ils ne répondent pas exactement aux circonstances de la cause: mise en place à titre constant du président du Tribunal, pour compléter la Chambre Sociale de la Cour, sans que la mention soit portée à l'arrêt qu'il siège en 'absence ou par empêchement de tout conseiller, un conseiller est venu en surnombre (arrêt 23-7-1886) ou bien le nom d'un juge est omis (cass. 25-6-1869). Attendu à contrario:

Qu'on rencontre à foison des décisions en sens contraire et que la doctrine est très nette aussi sur cette question: et que la doctrine est très nette aussi sur cette question:

Encyclopédie Dalloz Cour d'Appel n° 41-42:

41) Aucun texte n'exige, à peine de nullité, que le Magistrat appelé à compléter une Chambre de Cour d'Appel soit désigné suivant l'ordre des nominations; sa désignation doit être présumée faite d'après les exigences du service général de la Cour (Civ. 15-7-1867 DP 67-1-321; 29-3-1816 DP 76-1-493; Requête 4-3-1889 DP 89-1-63 crim. 14-4-1945 D 1945 - 321).

42) Cependant une jurisprudence ancienne a admis que la présomption légale que la Cour a été régulièrement composé cesserait si la Cour avait été mise en demeure, par des concluons expresses, de constater l'irrecevabilité de sa composition et du mode de remplacement qui a été suivi (reb. 23-2-1830).

Attendu qu'il nous reste à rechercher si cette jurisprudence ancienne se retrouve dans les espèces récentes.

Attendu que la plus récente nous le confirme:

Civ. 2m R, 12-12-1968 dame Hanotin; dans le silence qu'un arrêt le remplacement d'un Magistrat empêché doit être présumé avoir eu lieu conformément aux prescription de la loi.

Crim; R. 21 juin 1966; femme MOOHEANI. Lorsque la composition de la Cour d'a fait l'objet d'aucune contestation devant les juges du fond, le fait que les Magistrats qui la composaient ont sans contestation exercé, l'un des fonctions de Président, les autres celles d'assesseurs, implique présomption légale qu'ils avaient qualité à cet effet.

Civ. 16 octobre 1968:

En l'absence d'indications particulières et dès lors que la composition de la Cour d'Appel n'a fait l'objet d'aucune critique devant les juges du fond, il y a présomption que le Président titulaire était absent ou empêché et que le Magistrat appelé à diriger les débats était le plus ancien dans l'ordre des nominations ou qu'il était irrégulièrement désigné, conformément aux dispositions du décret du 13 décembre 1965, modifiant les articles 40 et 41 du décret du 6 juillet 1968.

Cass. Civ. 27 mars 1968.

Dans le silence qu'un arrêt le remplacement d'un magistrat empêché doit être présumé avoir eu lieu conformément aux prescriptions de la loi.

Attendu dans le même sens: 4-7-1966 - 29-9-1967 - 5-7-1967. Et enfin pour cesser cette énumération qui n'est pas exhaustive: crim. 4-1-1969: femme Boutard:

«Lorsqu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt ni d'aucune conclusion que la régularité de la composition de la Cour d'Appel ait été contestée devant cette juridiction, il y a présomption qu'aucun de ses membres ne se trouvait dans l'impossibilité légale de siéger pour quelque raison que ce fut. Il appartient au demandeur de provoquer à l'audience de la Cour d'Appel s'il s'y croyait fondé, toutes vérifications ou constatations nécessaires».

Attendu qu'en rapprochant cette dernière décision de la plus haute autorité juridictionnelle de France qui nous sert de raison écrite, des termes de la lettre de Monsieur le Président de la Cour d'Appel (lecture) qui indique que bien au contraire c'est par un consentement formel et général que le barreau a approuvé la composition incriminée, il ressort que non seulement le moyen est à rejeter, mais qu'il y a lieu de faire prononcer ce rejet par la Cour Suprême dans sa composition la plus solennelle, afin qu'il ne soit plus soulevé, sous peine de refus de son examen.

DEUXIEME MOYEN: Violation de l'article 42 de la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 portant code du travail dans les territoires d'Outre-Mer en ce que la Cour a fait une appréciation erronée des motifs réels du licenciement, alors surtout qu'il est de jurisprudence constante que la Cour de Cassation se réserve de contrôler l'appréciation des juges du fond sur l'existence ou la non existence de la faute.

Attendu que le moyen n'est pas fondé, que les faits souverainement constatés par les juges du fond sont constant et largement de nature à justifier le licenciement. Que la Cour ne serait susceptible d'être critiquée que sur la qualification de faute lourde si elle l'eut donnée aux faits, mais qu'elle s'est donnée à constater que cette qualification n'était pas réclamée et qu'il n'y avait aucune raison qu'elle la discutât.

TROISIEME MOYEN: Violation des articles 72 § 3 du code du travail 1156, 1162 du code civil en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'explication de la convention collective nationale de travail du personnel des Banques (convention conclue en métropole) invoquée par SESSINOU en soumettant les rapports des parties à la convention du 25 avril 1958 signé du Dahomey.

Attendu que les raisons qu'invoque le requérant pour l'application de la première sont:

Le fait que SESSINOU a fait l'objet d'une mesure de titularisation.

Le fait que SESSINOU est affilié à une caisse de retrait métropolitaine alors qu'à l'époque, les employés de commerce africains d'avaient pas droit à la retraite.

Attendu que le défendeur répond que la première convention invoquée est étrangère et n'a jamais été promulgué au Dahomey, tandis qu'il existe ici une convention collective et que c'est de qu'a retenu l'arrêt, qui note en outre que SESSINOU a signé lui-même la seconde convention.

Quant au reproche fait à l'arrêt de n'avoir pas répondu à l'argument invoqué dans les conclusions du 26 mai 1967, sur le fait que la convention du 1er septembre 1938 dite ENCIBAN ne prévoit pas la titularisation, qu'il n'est pas de nature à vicier l'arrêt, car une juridiction n'est pas tenue de répondre à chaque argument de façon explicite si cette réponse se déduit de son raisonnement général est que de plus une juridiction n'est tenue de répondre qu'au dispositif des conclusions, or attendu que celles du 26 mai 1967 n'invoque pas la titularisation en tant que moyen.
Attendu par ailleurs que la question invoquée de la seule application au requérant de la convention collective nationale de travail du personnel des Banque a été examinée minutieusement par la Cour d'Appel qui l'a rejetée par des arguments dont le moyen n'indique pas en quoi ils violent les textes invoqués.

Attendu que le moyen est à rejeter.
PAR CES MOTIFS

Accueille le pourvoi en la forme.

Le rejette au fond.

Laisse les dépens à la charge du Trésor (Affaire Sociale).

Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou et aux parties.

Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général près la Cour d'Appel.

Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême en son audience plénière et publique du jeudi vingt neuf mai mil neuf cent soixante neuf où étaient présents messieurs:

Louis IGNACIO-PINTO, Président de la Cour Suprême - PRESIDENT

Edmond MATHIEU, Président de Chambre la Chambre Judiciaire

Grégoire GBENOU - conseiller à la Chambre Judiciaire

Corneille TAOFIQUI BOUSSARI - Conseiller à la Chambre Administrative

Cyprien AÏNANDOU - PROCUREUR GENERAL

Joseph LARMAILLARD - GREFFIER EN CHEF

et Honoré GERO AMOUSSOUGA - GREFFIER

Et ont signé:

LE PRESIDENT LE RAPPORTEUR LE GREFFIER

Louis IGNACIO-PINTO Edmond MATHIEU GERO AMOUSSOUGA


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 9
Date de la décision : 29/05/1969
Civile moderne
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

LICENCIEMENT POUR FAUTE - Procédure - Composition de la Cour - Remplacement par magistrat étranger à la juridiction - Défaut de contestation devant les juges de fond - Présomption légale de régularité - Mention non obligatoire dans la décision - Question de principe soumise à l'Assemblée plénière - Défaut de réponse à conclusions: conditions de recevabilité (rejet).

A composition d'une juridiction d'appel avec un magistrat étranger venu remplacer un autre est présumé légale dès lors qu'elle n'a fait l'objet d'avance contestation devant les juges du fond. Il n'était donc pas nécessaire que l'arrêt en porte mention. Par ailleurs, échappe au contrôle de la Cour Suprême la qualification de faute lourde qui n'a fait l'objet d'aucun débats devant les juges du fond. Enfin, le juge n'étant tenu que de répondre qu'au dispositif des conclusions, le moyen tiré du défaut de réponse à conclusions n'est fondé si la réponse du juge se déduit de son raisonnement général.


Parties
Demandeurs : SESSINOU Jérôme
Défendeurs : B.A.O. devenue C.O.F.I.F.A. (Compagnie Financière France Afrique)

Références :

Décision attaquée : Cour d'Appel de Cotonou, 23 novembre 1967


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1969-05-29;9 ?
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