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18/07/1969 | BéNIN | N°16

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre judiciaire, 18 juillet 1969, 16


Vu l'acte en date du 10 mars 1967, reçu au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, au terme duquel Maître BARTOLI Pierre, avocat à la Cour, Conseil du sieur Etienne Philippe FERRE, a déclaré au nom et pour le compte du susnommé, se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 22 rendu le 23 février 1967, par la Cour d'Appel de Cotonou (Chambre des Affaires Sociales) lequel arrêt a condamné le sieur FERRE à payer aux époux AUDIER:

1° - la somme de 180 000 francs au titre de compléments de salaires pour la période d'avril à septembre 1962;

2° - la somme de 1 400 000 fran

cs CFA, de dommages-intérêts au titre du préjudice matériel et moral;

Vu la ...

Vu l'acte en date du 10 mars 1967, reçu au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, au terme duquel Maître BARTOLI Pierre, avocat à la Cour, Conseil du sieur Etienne Philippe FERRE, a déclaré au nom et pour le compte du susnommé, se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 22 rendu le 23 février 1967, par la Cour d'Appel de Cotonou (Chambre des Affaires Sociales) lequel arrêt a condamné le sieur FERRE à payer aux époux AUDIER:

1° - la somme de 180 000 francs au titre de compléments de salaires pour la période d'avril à septembre 1962;

2° - la somme de 1 400 000 francs CFA, de dommages-intérêts au titre du préjudice matériel et moral;

Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;

Vu l'arrêt attaqué;

Ensemble les mémoires ampliatifs et en défense déposés les 24/8/67, 17/8/68, 11/11/68 et 3/1/69 par Maîtres BARTOLI et AMORIN, Avocats à la Cour, conseils des parties;

Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier;

Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26/4/66, organisant la Cour Suprême;

Ouï à l'audience publique du vendredi dix-huit juillet mil neuf cent soixante neuf, Mr le Président MATHIEU en son rapport;
Mr le Procureur Général AÏNANDOU en ses conclusions se rapportant à justice;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Attendu que suivant acte reçu le 10 mars 1967 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, Me BARTOLI, avocat à Cotonou, Conseil du sieur Etienne Philippe FGERRE, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt rendu le 23 février 1967, dans un litige opposant son client et les époux AUDIER;

Que par lettre n° 3412/PG du 17 octobre 1967, le Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait avec d'autre le dossier au Procureur Général près la Cour Suprême;

Attendu que par lettre datée du 24 août 1967, reçue à la Cour Suprême le 28/8/67, Me BARTOLI adressait le mémoire ampliatif du recours;

Que par lettre n° 1015 du 17 juin 1968, le Greffier en Chef près la Cour Suprême communiquait aux défenseurs copie du mémoire ampliatif du conseil du requérant et maître AMORIN conseil des époux AUDIER faisait parvenir le 17 août 1968 son mémoire en défense;

Attendu que copie de celui-ci était adressée le 15/10/68 par lettre n° 1553/GCS du Greffier en Chef au Conseil du requérant qui y répondait le 12/11/68, pièce enregistrée arrivée le 15/11/68 sur communication n° 1752 du 3 décembre 1968 à Me AMORIN, ce dernier envoyait une dernière réplique le 3/1/69 à laquelle Me BARTOLI ne répondait plus une réplique parvenue au Greffe le 24-6-69 après dépôt du rapport est rejetée comme tardive;

Attendu qu'il y a lieu de remarquer qu'une erreur s'est glissée dans la procédure en ce qui concerne la consignation, car s'il était légal lorsque l'instruction du dossier a commencé de réclamer cette consignation, depuis la publication du code du travail qui prévoit la gratuité de la procédure en matière sociale devant toutes les juridictions, il ne convenait plus ainsi que cela a été fait par lettre 1016/GCS du 17 juin 1968 de mettre en demeure le requérant de consigner. Mais la consignation ayant été effectuée, il y aura lieu au règlement du dossier et en tout état de cause de restituer intégralement cette somme, les fris devant rester à la charge du Trésor;

Attendu ceci posé qu'il échet, aucun problème ne se posant concernant la recevabilité en la forme, d'exposer succinctement les faits de la cause et d'examiner ensuite les moyens du pourvoi;

FAITS: Ils sont présentés sous les éclairages différents suivant les parties, mais l'arrêt incriminé paraît en faire la plus exacte analyse en disant: "Attendu qu'engagés par contrat du 14 novembre 1960, avec effet au 1er octobre en qualité de Directeur de l'hôtel) de la plage, pour une durée de deux ans, les époux AUDIER ont été brutalement licenciés, sans qu'aucune faute lourde ne soit relevée contre eux, en date du 6 avril 1962 alors qu'ils avaient été invités auparavant à prendre leur congé dès le 7 avril afin de pouvoir revenir en juillet pour assumer la responsabilité complète de l'hôtel et du Restaurant, qu'ayant leur départ pour la France les époux AUDIER sur réclamation du mari par lettre du 6, touchaient une somme de 792 880 francs, Monsieur AUDIER signant en marge de sa lettre un reçu pour solde de tout compte; que par requête du 28 mai 1965, les époux AUDIER réclamant à ferre propriétaire gérant de l'hôtel de la place, le remboursement de 2 voyages avion Douala-Cotonou soit 60 000 francs, le paiement de 30 000 francs par mois à titre de commissions, fixés pour la période d'avril à septembre 1962, soit 180 000 francs, le paiement de quatre mois de congé aux taux de 120 000 francs, soit 380 000 francs et enfin deux millions de dommages-intérêts pour le préjudice matériel et moral à eux causé par le licenciement abusif dont ils ont fait l'objet;

Que FERRE résiste à ces demandes en faisant valoir que l'engagement intervenu entre les parties le 6 avril et concrétisé par le versement de 792 880 francs constitue une transaction mettant obstacle à toute réclamation ultérieure, qu'en outre la plupart des demandes se heurtent à la prescription";

Au long du dossier on découvre qu'entre le 6 avril 1962 et le 28 mai 1965, les époux AUDIER ont été l'objet de tracasseries diverses dont la plus grave les a amenés à répondre d'une plainte de FERRE au correctionnel avec condamnation en 1ère instance et relaxe en appel et qui sont de toute évidence la raison de l'assignation très tardive devant la juridiction sociale;

Attendu que trois moyens sont proposés:

Premier Moyen:: Violation des articles 1134, 1156, 1161, 1428, 2044, 2048 et 2052 du code civil, 101 de la loi, fausse interprétation et dénaturation des documents de la cause;

En ce que d'une part l'arrêt entrepris a rejeté le moyen tiré de l'exception de transaction aux motifs que l'article 101 du code du travail rendait inopposable à l'employé la mention pour solde de tout compte et que l'acte invoqué ne comportait pas de concession de l'employeur et, d'autre part, que seul le mari étant partie audit acte celui-ci était inopposable à la femme;

Alors que d'une part, le document produit portant mention du règlement amiable intervenu entre les parties, et ce indépendamment de la mention concernant le reçu pour solde de tout compte, la Cour ne pouvait méconnaître l'intention des parties telle qu'elle résultait des termes clairs et précis de la pièce fondant le moyen, les juges du fond n'ayant en ce cas aucune interprétation à faire, et que d'autre part, le mari représentant la femme commune en bien l'acte intervenu entre FERRE et lui était opposable à sa femme;

Attendu qu'en dehors de toutes vaines discussions sur la forme de l'acte, l'intention des parties, la clarté ou l'ambiguïté du contrat passé, ,il suffit et la Cour l'a indiqué, de mentionner qu'il s'agit d'un employeur et d'un employé qui se trouvent face a face, que l'article 101 du code du travail de 1952 est formel quant à l'inanité de cette forme de règlement et qu'il n'y a pas lieu à déterminer s'il n'y a pas transaction puisque en tout état de cause celle-ci serait sans valeur, en tout cas inopposable au travailleur. Art. 101 § 3;

"Ne sera pas opposable au travailleur la mention pour solde de tout compte" ou toute mention équivalente souscrite par lui, soit au cours de l'exécution, soit après la résiliation de son contrat de travail et par laquelle le travailleur renonce à tout ou partie des droits qu'il tient de son contrat de travail"

Attendu de même qu'il est vain de rechercher si c'est arrangement est ou non inopposable à Madame AUDIER, puisqu'il est sans valeur;

Attendu en conséquence que le moyen est irrecevable la Cour ayant suffisamment justifié sa position par la mention de l'article 101 du code du travail et de la qualité de salarié d'AUDIER, que toutes autres considérations sont surabondantes, mais en tout cas sans influence sur la validité de l'arrêt;

Et que vaine serait aussi l'argument par laquelle le travail n'a renoncé à aucun des droits qu'il tient de son contrat de travail et a été totalement indemnisé puisque la Cour d'Appel par appréciation souveraine lui a alloué une somme supplémentaire importante pour le remplir de ses droits;

Deuxième moyen: - Violation des articles 7 de la loi du 20 avril 1810 et 3 de la loi du 9 décembre 1964, insuffisance de motifs et dénaturation des termes du contrat;

En ce que l'arrêt entrepris constate que les défendeurs n'auraient pas introduit leur action en dommages-intérêts si leur ancien employeur n'ayant postérieurement à la rupture du contrat du travail, déposé plainte en abus de confiance et pratiqué contre eux une saisie-arrêt et leur alloue cependant des dommages-intérêts pour ce préjudice invoqué par eux en retenant comme élément d'appréciation la plainte postérieure au licenciement;

Alors que les faits ayant provoqué l'action des défendeurs étant postérieurs à la rupture ne pouvaient avoir d'effet rétroactif sur le caractère et les conséquences de celle-ci et que la Cour ne pouvait notamment tenir compte d'une plainte survenue un an après cette rupture sans justifier sa décision ce qu'elle n'a pas fait;

Attendu que le requérant, incidemment, tente de semer une confusion entre la cause et les motifs. La cause de l'assignation devant la juridiction sociale est le brusque renvoi le 6 avril, les motifs sont les tracasserie répétées dont il a été plus tard l'objet de la part de son ex-employeur;

Attendu, quant à l'appréciation du dédommagement dont la cause est la décision de FERRE, qu'elle se fait par l'analyse de toutes les conséquences de ce renvoi mais qu'elle doit se borner aux suites directes de ce renvoi d'ailleurs énumérés à l'arrêt: manque à gagner, chômage, dommage-moral, et qu'il est évident que la plainte en abus de confiance est venue aggraver l'atteinte à la dignité et le soupçon dont ils pouvaient déjà souffrir auprès du public de manque d'intégrité professionnelle puisque quoiqu'en dise le requérant, cette plainte est relative à des faits de leur fonction avant le licenciement injustifié et qu'elle s'est avérée non fondée. Attendu qu'il apparaît que cette plainte eut été inconcevable sans le fait premier du renvoi puisque aussi bien les époux AUDIER avaient droit à ces billets retour étant en fonction, et ne pouvaient être critiqués de les avoir encaissés. Attendu que l'appréciation d'un dommage ne peut en général être définitive dès l'accomplissement du fait générateur du dommage, ainsi en est-il de celui causé par un accident dont les complications peuvent être lointaines et sujettes a aggravation. Or la réparation d'un dommage imputé à son auteur doit être de la totalité du préjudice causé;

Attendu que le moyen est inopérant;

Troisième moyen: - Violation des articles 1137, 1149, 1150 du code civil, 31 de la loi du 15/12/52 et 3 de la loi du 9/12/64, fausse application de la loi et contradiction des motifs;

En ce que l'arrêt entrepris déclare que les défendeurs ont perçu leurs salaires jusqu'à l'expiration du contrat nonobstant la rupture au motif que ce contrat avait continué à courir jusqu'à son terme et leur alloue des dommages-intérêts pour rupture abusive en retenant qu'ils n'ont trouvé un nouvel emploi que plusieurs mois plus tard;

Alors que le licenciement constaté par la Cour avait mis fin au contrat d'où il s'ensuivait que celui-ci n'avait pu avoir ses effets jusqu'à son terme, que la Cour ne pouvait sans se contredire admettre à la foi que le contrat avait été rompu et qu'il avait cependant couru jusqu'à expiration pour justifier une créance de salaires et que le paiement de salaires jusqu'au terme de la convention faisant disparaître les effets de la rupture d'un contrat à durée déterminée, étant constitué par la perte des salaires et avantages matériels;

Attendu que les défendeurs ont relevé le caractère tendancieux de la citation des passages de l'arrêt faite par le requérant car il est loisible de constater qu'il a été omis d'inclure dans la citation: "Attendu. que Monsieur et Madame AUDIER exposent en outre que" avant "le versement de 792 880 francs loin de constituer une transaction."

"Attendu que cette citation qui n'est pas l'expression de l'opinion propre de la Cour n'est pas de nature à constituer une contradiction de motifs avec la constatation du licenciement abusif qui est bien le fait de l'arrêt."

Attendu, quant au second argument selon lequel au cas de rupture de contrat a durée déterminée, le préjudice matériel est égal à la perte des salaires et se trouve donc intégralement couvert par le versement de ceux-ci, qu'il ne peut être sérieusement défendu et que la Cour était parfaitement maîtresse de sa décision qui ne peut être d'ailleurs ventilée entre préjudice matériel et préjudice moral et échappe de ce fait à la censure de la Cour Suprême quelque élevé que puisse paraître le chiffre retenu;

PAR CES MOTIFS

Reçoit le pourvoi en la forme

Au fond le rejette

Ordonne la restitution de la consignation;

Laisse les dépens à la charge du Trésor.
Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou et aux parties en cause;

Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général de la Cour d'Appel de Cotonou.

Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) en son audience publique du vendredi dix huit juillet mil neuf cent soixante neuf, où étaient présents Messieurs:

Edmond MATHIEU, Président de Chambre Judiciaire, PRESIDENT

Grégoire GBENOU et Corneille T. BOUSSARI, CONSEILLERS

Cyprien AÏNANDOU - PROCUREUR GENERAL

et
Honoré GERO AMOUSSOUGA GREFFIER

Et ont signé:

LE PRESIDENT-RAPPORTEUR LE GREFFIER

MATHIEU H. GERO AMOUSSOUGA


Sociale
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

LICENCIEMENT - Caractère brusque de la rupture du contrat de travail - Inopposabilité aux époux travailleurs du reçu signé par l'un d'eux pour solde de tout compte. Acte non constitutif de transaction. Obligation pour l'employeur de réparer la totalité du préjudice matériel et du préjudice moral - Non obligation pour le juge de ventiler la réparation entre préjudice matériel et du préjudice moral - Caractère souverain de l'appréciation par le juge de tous les chefs de préjudice immédiats ou lointains.

Ne peut être opposée comme transaction à deux époux travailleurs la signature par le mari d'une lettre de licenciement portant en marge un reçu pour solde tout compte pour une somme de 792.880 francs. Les préjudices résultant de la brusque rupture du Contrat pour les travailleurs sont souverainement appréciés par les juges du fond sans qu'ils aient l'obligation de ventiler les dommages-intérêts accordés entre préjudice matériel et préjudice moral ou distinguer entre les conséquences directes ou lointaines du fait générateur du dommage. Enfin le mari représentant la femme commune du bien, l'acte intervenu entre l'employeur et lui était opposable à la femme.


Parties
Demandeurs : Etienne Philippe FERRE
Défendeurs : Les Epoux AUDIER

Références :

Décision attaquée : Cour d'Appel de Cotonou (Chambre des affaires sociales), 23 février 1967


Origine de la décision
Formation : Chambre judiciaire
Date de la décision : 18/07/1969
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : 16
Numéro NOR : 172616 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1969-07-18;16 ?
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