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19/03/1971 | BéNIN | N°4

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre judiciaire, 19 mars 1971, 4


Procédure: Composition irrégulière du travail - objection non soulevé devant la juridiction critiquée - Rejet

Obligations: Dépôt - réalité du dépôt.

Responsabilité pénale: Abus de confiance - prescription - date du refus de restituer le reliquat

Une bonne administration de la justice peut amener la Cour Suprême à ne pas prendre en considération le moyen tiré de la composition irrégulière du tribunal que si cette objection est soulevée devant la juridiction dont la composition est critiquée.
En matière de dépôt, le fait que la totalité de la som

me ait pu ne pas être confiée ne détruit par la réalité du dépôt.
Une somme déposée doit être...

Procédure: Composition irrégulière du travail - objection non soulevé devant la juridiction critiquée - Rejet

Obligations: Dépôt - réalité du dépôt.

Responsabilité pénale: Abus de confiance - prescription - date du refus de restituer le reliquat

Une bonne administration de la justice peut amener la Cour Suprême à ne pas prendre en considération le moyen tiré de la composition irrégulière du tribunal que si cette objection est soulevée devant la juridiction dont la composition est critiquée.
En matière de dépôt, le fait que la totalité de la somme ait pu ne pas être confiée ne détruit par la réalité du dépôt.
Une somme déposée doit être restituée. A défaut , il y a abus de confiance.
La prescription en matière d'abus de confiance court à partir du refus de restituer le reliquat en cas de restitution partielle.

N° 4 du 19 mars 1971

GBAFONOU BENJAMIN
C/
MINISTERE PUBLIC
GOUKOTAN GOUDJO BOKOSSI
GOUKOTAN CHRISTOPHE
GOUKOTAN BRIGITTE

Vu la déclaration en date du 27 octobre 1967 enregistrée au Greffe de la Cour d'appel de Cotonou par laquelle le sieur GBAFONOU Benjamin, Fonctionnaire en retraite domicilié au carré n° 806 Cotonou, s'est pourvu en cassation contre l'arrêt n° 296 du 27 octobre 1967 de la Cour d'Appel de Cotonou (Chambre des Appels correctionnels), lequel arrêt a condamné le susnommé à la peine de vingt trois mois d'emprisonnement et au paiement de la somme de 1.743.505 francs à titre de dommages intérêts aux parties civiles, pour le délit d'abus de confiance;

Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;

Vu l'arrêt attaqué;

Ensemble le mémoire ampliatif en date du 10 novembre 1968 de Maître BARTOLI, Conseils du demandeur au pourvoi;

Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier;

Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 organisant la Cour Suprême;

Ouï à l'audience publique du vendredi dix neuf mil neuf cent soixante onze, Monsieur le Président MATHIEU en son rapport;

Monsieur le Procureur Général GBENOU en ses conclusionsécrites ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Attendu que par déclaration enregistrée le 27 octobre 1967, au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, le sieur GBAFONOU Benjamin a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 296, rendu le 27 octobre 1967 par la chambre correctionnelle de la Cour d'Appel de Cotonou;

Attendu que par bordereau n° 626 du 20 février 1968 le Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou transmettait parmi d'autres le dossier de la procédure au Procureur Général près la Cour Suprême où il était enregistré au Greffe le même jours sous le n° 87/GCS;

Attendu que suivit une longue instruction qui dure près des trois ans et dont il est inutile de retracer tous les détails, que le seul point à noter est que le mémoire ampliatif de Maître BARTOLI fut déposé le 11 novembre 1968, qu'il n'y fut pas répondu par les défendeurs, que le Conseil du requérant a fait état de la disparition d'un carnet manuscrit qui aurait figuré au dossier, que ce carnet n'a pas été retrouvé, mais que l'inventaire des pièces du Greffe du Tribunal de première instance ne fait mention que de copies de ce ou ces carnets, que le contenu de ces copies n'est pas discuté, et qu'enfin le rapporteur a jugé utile de faire verser le relevé des notes d'audience devant la Cour d'Appel, certaines affirmations du requérant lui ayant paru devoir être vérifiées ;

LES FAITS: L'affaire telle qu'elle ressort du dossier fait irrésistiblement penser au scénario du film «leMandat» de SEMBENE Ousmane où un illettré trouve en des inconnus des amis dévoués pour lui débrouiller les formalités nécessaires à la perception d'une somme d'argent, dont il se trouve proprement dépouillé après avoir été mis en confiance par de petites avances;

De fait GOUKOTAN Bokossi, illettré, fils aîné d'un pensionné militaire décédé, avait été avisé du mandatement d'un reliquat de pension et c'est le commis chargé des affaires militaires de la préfecture d'Abomey le sieur GBAFONOU qui s'entremit pour lui permettre de toucher ce mandat, jusqu'à l'accompagner dans sa propre voiture au Trésor puis à la Banque à Cotonou, en passant par l'étude du Notaire, et enfin s'offrit à lui conserver tout ou partie de l'argent touché et à le lui remettre à sa demande au fur et à mesure de ses besoins, tous retraits étant portés sur un carnet tenu par lui, mais dont un exemplaire était remis au bénéficiaire;

Au bout de trois ans GBAFONOU avisa GOUKOTAN de l'épuisement de son avoir et ce dernier mit au courant de la chose son jeune frère, lettré, alors âgé de 18 ans, qui avait seulement vaguement connaissance du fait que GBAFONOU détenait leur argent sans en connaître le montant et qui se livra à une enquête auprès des services administratifs ce qui l'incita à pousser son frère à déposer plainte;

Les faits tels qu'ils ont été retenus par le Tribunal de première instance, et avec quelques variantes par la Cour d'Appel ont entraîné l'intime conviction des juges quant à la culpabilité de GBAFONOU et la Cour Suprême peut les tenir pour constants. Elle devra examiner si l'arrêt a été régulièrement rendu, si la Cour a suffisamment motivé sa décision et si elle a fait une exacte application de la loi, en ce qui concerne la prescription;

1er MOYEN: Violation des articles 4 du décret du 22 juillet 1939 et 42 de la loi du 9 décembre 1964, violation de la loi et composition irrégulière de la Cour;

- en ce que l'arrêt entrepris a été rendu par la Chambre correctionnelle de la Cour composée de deux conseillers et d'un Juge du Tribunal de Première Instance sans que celui-ci eut été désigné par le Président pour suppléer le Conseiller empêché;

- alors que le remplacement ou la suppléance d'un membre de la Cour par un magistrat d'une autre juridiction ne peut se faire que par ordonnance du Président de la Cour;

Attendu que le mémoire date du 10 novembre 1968 que depuis de nombreux arrêts ont fixé la jurisprudence de la Cour Suprême sur cette matière. Ne peuvent être prises en considération que les objections qui ont été soulevées devant la juridiction même dont la composition est critiquée. Que cette position justifiée par la difficulté qu'a rencontré la Cour d'Appel à assurer la tenue des audiences avec un nombre réduit de conseillers et avec le souci d'éviter des renvois trop fréquents faute d'ordonnance de désignation, pourra évidemment être révisée si la juridiction s'étoffe normalement;

Attendu que le moyen donc ne peut être retenu:

Deuxième moyen: Violation des articles 408 code pénal 1315, 1341 code civil et 3 de la loi du 9 décembre 1964, insuffisance de motifs et fausse application des règles de la preuve, en ce que l'arrêt entrepris déclare que le demandeur a reçu et conservé l'intégralité de la somme perçue par les parties civiles et non comme il le soutient, seulement celles figurant dans les deux carnets de compte détenus par les parties au motif que ces documents ne peuvent être retenus parce qu'émanant de GBAFONOU et parce que GOUKOTAN était illettré, alors qu'il résultait tant des documents de la cause que des conclusions écrites du demandeur que les comptes étaient tenus en double-fait constaté par la Cour - que l'un des carnets était détenu par la partie civile, pour laquelle il constituait un titre contre le dépositaire en lui permettant, à tout instant, de vérifier la somme reconnue par le demandeur et les retraits effectués et que l'une des parties civiles avait reçu une instruction lui permettant de connaître le contenu des comptes d'où il s'ensuit qu'en présence de moyens tirés de faits établis, la Cour devait indiquer les motifs pour lesquels, malgré la tenue des comptes en double et la présence d'une personne instruite parmi les parties civiles ces pièces étaient sans valeur sur le plan probatoire bien.; qu'en matière d'abus de confiance, la preuve soit soumise aux règles du droit civil;

Attendu qu'il tombe sous le sens que ni le jeune frère, âgé de 15 ans au moment de la remise des fonds à GBAFFONOU, ni la jeune Brigitte, n'ont eu connaissance de l'existence du carnet avant 1966, Que cela ressort de leurs déclarations lors de l'enquête préliminaire, déclarations contre lesquelles le requérant ne s'est jamais élevé;

Que par ailleurs l'affirmation que l'on trouve à la page 2§ 3 des conclusions de MM. KEKE et BARTOLI dans leur note en cours de délibéré du 17 octobre 1967, selon laquelle «le plus instruit des demandeurs a convenu sur question de la Cour et de la défense que l'on connaissait dès l'origine le montant de la somme à verser à la banque»;

N'est pas confirmée par le relevé des notes d'audience que le rapporteur a fait verser au dossier ou c'est GOUKOTAN, l'illettré qui déclare «on m'a payé 2 millions et quelques francs;

Attendu donc qu'il ne peut être reproché à la Cour de ne pas avoir répondu à cette partie des conclusions du prévenu, qui n'est qu'un argument et non un moyen qui n'était pas de nature à détruire le fait tenu pour constant par la Cour que GBAFFONOU avait en face de lui seulement un partenaire illettré;

Attendu que le moyen n'est pas assorti d'éléments permettant à la Cour Suprême de la prendre en considération;

Troisième moyen: Violation des articles 638 du Code d'instruction criminelle, 1156, 1156, 1160 du Code civil et 3 de la loi du 9 décembre 1964, fausse application des règles de la prescription, fausse interprétation des documents de la cause et insuffisance de motifs;

En ce que l'arrêt entrepris déclare que la prescription n'a pu courir qu'à compter du mois de juin 1966 époque à laquelle le demandeur a, selon les parties civiles, cessé de satisfaire leurs demandes de versement;

Alors que le demandeur ayant porté le carnet de compte remis à la partie civile, à la connaissance de celle-ci, la somme de 720.000 francs comme seule reçue par lui l'interversion de la possession se produisait à ce moment là pour les surplus de la somme que les consorts GOUKOTAN et le Ministère Public prétendaient lui avoir été remise;

Attendu que tout le système du requérant repose sur le postulant que les parties civiles ont eu connaissance des écritures portées dans le carnet de retrait tenu en partie double. Que la Cour a admis comme un fait acquis que ce carnet était à écarter puisqu'en possession d'un illettré - Que la constatation de la Cour, étayée d'ailleurs d'éléments sérieux puisés au dossier et que la Cour Suprême a considéré comme tels, et non détruits par la preuve contraire, dans l'examen du moyen précédent, ruine la thèse du requérant à la date de commission du délit d'abus de confiance;

Qu'en effet le requérant soutient qu'il y a prescription;

Attendu que si la prise de possession s'était faite par vol, délit instantané, la prescription serait soutenable;

Attendu que le requérant a soutenu et partie la civile l'a admis qu'elle connaissait (en ce qui concerne GOUKOTAN) le montant de la somme, que d'autre part la preuve est faite, notamment par les propres aveux du prévenu signés à la Gendarmerie et reconnus à l'audience du Tribunal, qu'il a pris possession de cette somme;

Attendu donc qu'il n'a pu le faire que par remise volontaire et par conséquent comme il ne prétend pas qu'il y a eu don, par dépôt, donc la prescription ne joue qu'au moment du refus de restituer le reliquat du dépôt c'est à dire en 1966;

Que le fait que la totalité de la somme n'ait pas été mentionnée sur le carnet n'est pas de nature à détruire la réalité du dépôt, des raisons multiples ayant pu pousser les parties à tenir ce dépôt secret: crainte d'être imposés, crainte de devoir distribuer une partie à la famille, ou à des quémandeurs, peut-être même aux propres frère et sour du déposant;

Attendu que pour que la prescription ne joue pas il suffit que soit établie la preuve de la prise de possession par dépôt, ce qui est tenu pour un fait constant par la Cour d'Appel, par appréciation souveraine;

Attendu d'autre part qu'on ne peut discuter de sa prescription que dans la mesure où l'on tient pour admis qu'il y a eu prise de possession de la somme totale;

Attendu que le moyen ne peut être admis;

PAR CES MOTIFS:

En la forme:

Reçoit le pourvoi;

Au fond le rejette;

Laisse les frais à la charge du Trésor.

Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou ainsi qu'aux parties;

Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général près la Cour d'Appel de Cotonou;

Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de Messieurs;

Edmond MATHIEU, Président de la Chambre Judiciaire, PRESIDENT;

Gaston FOURN et Frédéric HOUNDETON, CONSEILLERS;

Et prononcé à l'audience publique du vendredi dix neuf mars mil neuf cent soixante onze, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:

Monsieur Grégoire GBENOU PROCUREUR GENERAL

Et de Maître Honoré GERO AMOUSSOUGA, Greffier en Chef GREFFIER

Et ont signé:

Le Président-Rapporteur, Le Greffier,

E. MATHIEU.- H. GERO AMOUSSOUGA


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 4
Date de la décision : 19/03/1971
Pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1971-03-19;4 ?
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