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18/06/1971 | BéNIN | N°11

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre judiciaire, 18 juin 1971, 11


FAMILLE - Mariage contracté sous régime de la séparation des biens - Divorce - Revendication d'un droit de propriété mobilière par chacun des époux - Appréciation souveraine des juges du fond.

L'appréciation des pièces produites ou de faits constatés dans un litige matrimonial relève des prérogatives souveraines des juges du fond qui échappe au contrôle de la Cour Suprême.

N° 11 du 18 juin 1971

Dame Martha Béatriz ELINGER épouse SERVONNAT
C/
Jean SERVONNAT

Vu la déclaration de pourvoi en cassation faite le 10 janvier 1967 au Greffe de la C

our d'Appel de Cotonou par Maître AMORIN, Avocat à la Cour Conseil de la dame Martha Béatriz ELIN...

FAMILLE - Mariage contracté sous régime de la séparation des biens - Divorce - Revendication d'un droit de propriété mobilière par chacun des époux - Appréciation souveraine des juges du fond.

L'appréciation des pièces produites ou de faits constatés dans un litige matrimonial relève des prérogatives souveraines des juges du fond qui échappe au contrôle de la Cour Suprême.

N° 11 du 18 juin 1971

Dame Martha Béatriz ELINGER épouse SERVONNAT
C/
Jean SERVONNAT

Vu la déclaration de pourvoi en cassation faite le 10 janvier 1967 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou par Maître AMORIN, Avocat à la Cour Conseil de la dame Martha Béatriz ELINGER, épouse SERVONNAT contre l'arrêt n°59 du 28 Novembre 1968 rendu par la Cour d'Appel de Cotonou (Chambre Civile);
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu l'arrêt attaqué;
Ensemble le mémoire ampliatif en date du 8 décembre 1970 de Maître AMORIN, Avocat à la Cour, Conseil de la Dame Martha Béatriz ELINGER épouse SERVONNAT;
Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966, organisant la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi dix huit juin mil neuf cent soixante onze; Monsieur le Président MATHIEU en son rapport;
Monsieur le Procureur Général GBENOU en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par déclaration enregistrée le 10 janvier 1967 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, Maître AMORIN, Conseil de la dame Martha Béatriz, épouse SERVONNAT a élevé un pourvoi contre l'arrêt n°59 rendu le 28 Novembre 1963 par la Chambre Civile de la Cour d'Appel de Cotonou;
Attendu que par bordereau n°585/PG du 17 février 1969 le Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait parmi d'autres le dossier de la procédure au Procureur Général près la Cour Suprême et qu'il était enregistré au Greffe le 18 février.
Attendu qua par lettre n°336/GCS du 20 mars 1969 reçue le 31 mars à l'étude, le Greffier en Chef près la Cour Suprême informait Maître AMORIN qu'un délai de deux mois lui était imparti pour déposer son mémoire et lui rappelait les termes de l'article 45 de l'ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 et l'obligation où il était de consigner la somme de 5.000 francs dans le délai de quinzaine.
Attendu que consignations fut effectuée le 14 avril 1969, donc dans les délais.
Attendu que le mémoire ne fut pas déposé et que le 30 mai Maître AMORIN faisait valoir des charges qui lui incombaient pour la défense d'office d'accusé devant les assises sollicitait l'octroi d'un délai supplémentaire de deux mois.
Que satisfaction lui fut donnée par lettre n°686 du 23 juin 1969 du Greffier en Chef, lettre reçues le 24.
Attendu qu'au mois de janvier 1970 aucun mémoire n'ayant été fourni, le rapporteur conclut que la requérante se désintéressait de son pourvoi et fit inscrire l'affaire au rôle des audiences.
Qu'advenue l'audience du 9 décembre 1970 où l'affaire était enrôlée, Maître AMORIN sollicita la remise au rôle général et l'accueil de son mémoire ampliatif.
Attendu que satisfaction lui fut donnée et que le Conseil de l'adversaire fut invité à répondre aux arguments qui lui étaient communiqués.
Attendu que Maître de LAVAISSIERE informa le rapporteur qu'il ne répondrait pas et s'en tiendrait aux pièces du dossier.
Attendu que l'affaire est donc en état de recevoir jugement que la recevabilité en la forme a été acceptée à l'audience du 9 décembre et ne doit donc plus être discutée.
Les Faits: - Les voici taels que résumés par l'arrêt de la Cour d'Appel:
Attendu que Jean-Joseph SERVONNAT et Martha Béatriz ELINGER ont contracté mariage à Lyon en Février 1963 en adoptant le régime de la séparation de biens. Que le 19 décembre 1963, Jean-Joseph SERVONNAT commandait à Ford-Werke6cologne, une voiture Taunus le 12 TS destinée à lui livrée à ASUNCION (Paraguay) où il se trouvait en poste. Qu'il en réglait le prix par deux virements de 5.000 et 1.799 Deutsche Marks les 27 décembre 1963 et 8 janvier 1964. Que le 31 octobre 1964 Martha ELINGER épouse SERVONNAT passait commande à ASSUCION d'une Peugeot 404 coûtant 1927 dollars qui lui était livrée le 23 janvier 1965 à Paris par les Etablissements DELAYE sous l'immatriculation 8185 TTB 75, la carte grise étant établie à son nom. Que Jean-Joseph SERVONNAT ayant été affecté au Dahomey en tant qu'Expert pour le Bureau International du travail, il faisait transporter ce véhicule de Marseille à Cotonou où il débarquait début mai 1967 pour être immatriculé au nom de Madame Martha SERVONNAT sous le n°IT 350 DY. Que début novembre 1967, la dame SERVONNAT quittait son mari et le Dahomey, une procédure de divorce étant d'ailleurs en cours, après avoir confié à Maître QUENUM Notaire, la carte grise de la 404, avec mission de vendre le véhicule. Que sur ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal en date du 20 novembre 1967 Jean-Joseph SERVONNAT se faisait remettre ladite carte grise. Que sur requête du 6 février 1968 Martha ELINGER épouse SERVONNAT se faisait autoriser par Monsieur le président du Tribunal à faire pratiquer saisie-revendication par ordonnance du 9 Février 1968 sur la voiture 404-IT 350 cette saisie étant mise à exécution le 22 Février 1968 et l'instance en validité portée devant le Tribunal de Première Instance de Cotonou, qui par jugement du 22 mai 1968 frappé d'appel par Jean-Joseph SERVONNAT le 7 juin 1968 déclarait bonne et valable la saisie-revendication et ordonnait la remise du véhicule à propriétaire Madame Martha SERVONNAT en présence d'expert.
Attendu que chacun des époux se prétendant unique propriétaire de la voiture 404 IT 350 produit à l'appui de sa thèse diverses pièces destinées à établir son droit de propriété.
Martha SERVONNAT: La carte grise du véhicule - le bon de commande du 31 Octobre 1964 et le reçu du prix de la même date établis à son nom ainsi que son contrat de mariage.
Jean SERVONNAT: les pièces relatives à la Commande et au paiement de la Taunus 12 TS qui lui fut livrée à ASUNCION début 1964, diverses pièces attestant que le prix de la Peugeot 404 livrée en Janvier 1965 à la dame SERVONNAT fut réglé:
1°/- par le prix de vente de la Taunus.
2°/- par un chèque complémentaire de 600 francs français tiré par lui le 22 décembre 1964.
diverses factures de réparations et de transport maritime afférentes à la 404 établies à son nom.
les attestations et autorisations nécessaires à l'entrée du véhicule au Dahomey en franchise en raison de ses fonctions (la lettre de garantie étant d'ailleurs signée de son épouse).
une carte verte d'assurance afférente au véhicule immatriculé 8185 TTB 75 également établie à son nom par la Cie «LA FONCIERE» etc. etc.

Au Fond
Premier moyen:- Violation de la loi - Violation des règles de preuve, dénaturation des faits et documents de la cause fausse interprétation desdits documents et faits, violation des droits de la défense, contradiction et insuffisance de motifs, manque de base légale,
en ce que l'arrêt a méconnu ou faussement interprété les titres de propriété produits par la demanderesse pour ou par motifs dubitatifs ou hypothétiques affirmer le droit de propriété du défendeur, ainsi qu'il est établi dans les points 1 à 4 inclusivement de la discution de l'arrêt.
en ce que encore l'arrêt a méconnu la possession découlant au profit de la demanderesse de la possession du titre de circulation, c'est-à-dire, la carte grise établie à son nom.
attendu que dans les points sus-énoncés de la discussion de l'arrêt, la requérante s'élève d'abord contre le motif essentiel retenu par l'arrêt qui est le règlement du prix du véhicule par SERVONNAT (point 1).
Attendu que les pièces fournies par SERVONNAT seraient «des documents sollicités en cours de procès» autrement dit des pièces de complaisance.
Attendu que le dossier ne montre pas que la dame ELINGER les ait considérés comme tels, et qu'elle aurait dû en ce cas s'élève contre leur production. Que l'argument est nouveau et ne peut être retenu.
Attendu par ailleurs que la Cour d'Appel a très nettement fait son choix parmi les pièces produites et a déclaré: il résulte indiscutablement (terme souligné dans l'arrêt) que le prix d'achat de la 404 a été payé par le mari .
Attendu qu'il s'agit d'un fait constaté souverainement par la Cour d'Appel et qui échappe au contrôle de la Cour Suprême.
Et attendu qu'il apparaît que ce fait du paiement de la voiture entraîne sa propriété pour le mari, puisque le contrat de mariage auquel se réfère la requérante faisant état de son mariage sous le régime de la séparation de biens (points 4) indique bien qu'en ce qui concerne les meubles qui se trouveraient dans les résidences communes «ils appartiendront à chacun des époux selon l'origine des objets, qu'ils proviennent de successions, dons ou legs ou d'acquisitions faites par l'un ou l'autre des époux, telle que cette origine résultera de tous modes de preuve, même de papiers domestiques etc. .»
Attendu quant à l'opinion du premier juge selon laquelle le paiement du prix ne constituait pas la preuve du droit de propriété, le paiement ayant pu être effectué en don ou en exécution d'un ordre d'achat, que si cette opinion est citée au point 1 de la discussion on ne sait si elle est avancée à titre d'argument, en tout cas qu'il est facile d dire qu'il s'agit bien là d'un motif hypothétique puisque rien au dossier ne vient l'étayer et qu'il appartenait à la dame ELINGER de fournir des éléments de nature à le faire prendre en considération, ce qu'elle n'a pas fait.
Attendu qu'il est évident que le paiement du prix devant être tenu pour le fait du mari (constatation souveraine des juges du fond) le transfert de propriété à l'épouse ne pouvait provenir que d'un don ou d'un ordre d'achat. Ce qui malheureusement pour elle n'est pas établi.
Attendu que la mention de son nom sur le titre de circulation ou diverses pièces afférentes à la livraison du véhicule n'est pas de nature à lui transférer la propriété sans «l'animus donandi» qui n'apparaît pas; que les raisons de ces précautions administratives ainsi que le fait valoir le conseil du sieur SERVONNAT dans ses conclusions d'appel du 26 avril 1968 page 4; «sont expliquées par une cause trop répandue pour être sérieusement discutée». Que cette cause est celle des facilites de douane.
Attendu que ce titre de circulation en outre (carte grise) ne suffit pas à lui seul pour constituer pour la dame ELINGER la possession du véhicule, car l'arrêt a relevé souverainement «que les deux époux ayant eu manifestement et simultanément l'usage, la direction et la conduite de la voiture 404 aucun d'entre eux ne peut invoquer à son profit la possession».
Attendu que plus loin l'arrêt déclare: «faut-il qu'il résulte des éléments de fait que la femme en ait eu la possession à titre principal ou l'usage exclusif . ce qui n'est pas le cas en l'espèce».
Attendu encore une constatation souveraine des juges du fond.
Attendu par conséquent que le premier moyen ne peut être retenu ni dans sa première branche, ni dans sa seconde.
Deuxième moyen: - Violation de la loi - Violation des règles de preuve Contradiction de motifs - motifs - motifs dubitatifs ou hypothétiques.
En ce que, après avoir affirmé que le critère de la possession ne pouvait permettre de départager les parties, écartant même la possession prétendue de l'appelant affirmant qu'elle était commune et équivoque, l'arrêt titre du même critère de possession, en procédant par motifs dubitatifs ou hypothétiques ou simple affirmation, la conclusion que la demanderesse à la saisie-revendication n'avait servi que de prête-nom à son mari qui voulait bénéficier des avantages de l'admission temporaire (points 4 et 5 de la discussion).
Attendu qu'il semble que la requérante joue sur les mots et veuille enferrer la Cour Suprême dans une contradiction entre la notion juridique de la possession, substitut de la propriété - et l'usage matériel de la voiture que l'arrêt sous le terme de possession signale être resté au mari après le départ du Dahomey de la dame ELINGER.
Attendu que c'est la flèche du Parthe que décoche la requérante à la fin d'un combat perdu, mais qu'elle ne peut qu'être relevée de façon amusée par la Cour Suprême qui n'y trouve pas motif à cassation tout en déplorant le choix malheureux du terme qui ne se justifie pas puisque de son côté la dame ELINGER avait conservé et confié au Notaire le titre de circulation, autre aspect de la possession partagée.
Attendu quand au reproche fait à la Cour d'Appel de procéder par des motifs dubitatifs ou hypothétiques qu'il n'est pas convaincant non plus, car il ne s'agit ici pour la Cour que d'un argument avancé pour étayer son raisonnement et de nature à conforter son opinion sur l'absence de possession exclusive et privative du véhicule par la requérante.
Attendu que cet argument tente une explication d'une attitude dont la réalité a été constatée en fait et obéit au besoin de logique du raisonnement. Qu'il est d'ailleurs plus que probable que l'explication est exacte, mais qu'elle n'est pas le soutien nécessaire du dispositif et ne peut donc entraîner cassation.
Attendu que le second moyen ne peut être non plus accueilli, qu'il y a lieu à la réception du pourvoi en la forme, à son rejet au fond.

PAR CES MOTIFS;

Reçoit le pourvoi en la forme.
Au fond le rejette.
Condamne la requérante aux dépens.
Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou, ainsi qu'aux parties.
Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général de la Cour d'Appel de Cotonou;
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de Messieurs:
Edmond MATHIEU, Président de la Chambre Judiciaire: Président
Corneille Taofiqui BOUSSARI et Frédéric HOUNDETON..Conseillers
Et prononcé à l'audience publique du vendredi dix huit juin mil neuf cent soixante onze, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de:
Monsieur Grégoire GBENOU.............Procureur Général
Et de Maître Honoré GERO AMMOUSSOUGA, Greffier en Chef.....Greffier
Et ont signé:
Le Président Rapporteur, Le Greffier en Chef,
E. MATHIEU.- H. GERO AMOUSSOUGA


Civile moderne

Références :

Origine de la décision
Formation : Chambre judiciaire
Date de la décision : 18/06/1971
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : 11
Numéro NOR : 172666 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1971-06-18;11 ?
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