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11/02/1972 | BéNIN | N°3

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre judiciaire, 11 février 1972, 3


LV/B

N°3 CJP du Répertoire
-------------
N° 68-7/ CJP du Greffe
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Arrêt du 11 févier 1972
--------------
Administration des Douanes
c/
Jean HUBERT


Vu la déclaration en date du 14 janvier 1967, enregistrée au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, par laquelle le sieur AGBO Alexis, Chef du Bureau des Douanes de Cotonou, es-qualité de Chef de Service de Douanes du Dahomey a élevé un pourvoi en cassation au nom de l'Administration des Douanes contre l'arrêt n° 8 du 13 janvier 1967 rendu par la Chambre des Appels c

orrectionnels de la Cour d'Appel de Cotonou ;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu ...

LV/B

N°3 CJP du Répertoire
-------------
N° 68-7/ CJP du Greffe
-------------
Arrêt du 11 févier 1972
--------------
Administration des Douanes
c/
Jean HUBERT

Vu la déclaration en date du 14 janvier 1967, enregistrée au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, par laquelle le sieur AGBO Alexis, Chef du Bureau des Douanes de Cotonou, es-qualité de Chef de Service de Douanes du Dahomey a élevé un pourvoi en cassation au nom de l'Administration des Douanes contre l'arrêt n° 8 du 13 janvier 1967 rendu par la Chambre des Appels correctionnels de la Cour d'Appel de Cotonou ;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu l'arrêt attaqué;
Ensemble les mémoires ampliatifs en défense et en réponse en date des 26 août 1968, 10 mai 1971 et 18 juin 1971 des Maîtres BARTOLI, AMORIN Conseils des parties en cause;
Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966, organisant la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du onze février mil neuf cent soixante douze, Monsieur le Président Mathieu en son rapport;
Monsieur le Procureur Général GBENOU en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par déclaration enregistrée le 14 janvier 1967 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, le sieur AGBO Alexis Chef du Bureau des Douanes de Cotonou, es-qualité de Chef du Service des Douanes du Dahomey, a élevé un pourvoi en cassation au nom de l'Administration des Douanes contre l'arrêt n° 8 du 13 janvier 1967 de la Chambre des Appels correctionnels de la Cour d'Appel de Cotonou statuant dans la cause Ministère Public et Administration des Douanes contre Jean HUBERT, prévenu de fausses déclarations en douane;
Attendu que par bordereau n° 626 du 20 février 1968, le Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait avec 24 autres le dossier de la procédure du Procureur Général près la Cour Suprême ;
Attendu que par lettre n° 471 du 29 mars 1968, transmise au Commandant de la Brigade de Gendarmerie de Porto-Novo par S.T. n° 472, le Greffier en Chef près la Cour Suprême avisait le requérant qu'il disposait d'un délai de deux mois pour produire ses moyens de cassation;
Attendu qu'il est à noter que dès le 6 janvier 1968, le Directeur des Douanes s'était inquiété auprès le sieur Hubert et que le Greffier en Chef lui avait répondu par lettre n° 282 du 6 mars que le dossier venait de parvenir au Greffe et qu'il attendait les instructions du Président de la Chambre Judiciaire;
Attendu que la lettre n° 471 du 29 mars dont le bordereau de transmission n'a jamais été retourné, a bien été reçue par le Service des Douanes puisqu'il y fait référence dans une correspondance du 7 juin, arrivée le 10 à la Cour Suprême, où il demande un délai pourconstituer avocat;
Attendu que satisfaction lui est accordée par lettre n° 992 du 12 juin transmise par n° 993/G-CS du même jour au Commandant de la Brigade de Gendarmerie de Porto-Novo qui en a bien assuré la remise suivant bordereau d'envoi n° 445/2 Gend. Du 20 juin 1968;

Attendu que par lettre du 18 juillet 1968, Maître BARTOLI informait la Cour qu'il était constitué par l'Administration des Domaines ;
Qu'avant que ne lui soient notifiés les délais accordés, Maître BARTOLI par lettre du 5 août, sollicitait une prolongation jusqu'à fin août pour lui permettre de déposer son mémoire, ce qu'il fit puisque celui-ci est enregistré arrivée à la Cour en date du 28 août 1968;
Attendu que par lettre du 15 octobre 1968, transmise par bordereau n° 1560/G-CS du même jour au Commissaire Central de Police à Cotonou, le Greffier en Chef de la Cour Suprême faisait tenir au défenseur le sieur Jean Hubert, copie du mémoire ampliatif du conseil du requérant et l'informait qu'il lui était laissé un délai de deux mois pour y répondre s'il désirait ;
Attendu que ces pièces transmises par le Commissaire Central au Commissaire de Police du 1er arrondissement par S.T. 8818/CCC du 17 octobre 1968 firent l'objet du procès-verbal des remise n° 4578/CIA du 19 décembre 1968 signé de l'intéressé et enregistré arrivée à la Cour Suprême le 26 décembre 1968;
Attendu que sans qu'il ait spécialement avisé la Cour de sa constitution, Maître FORTUNE, par lettre du 18 février 1969 sollicitait un délai supplémentaire de deux mois pour diverses affaires dont celle en rubrique;
Qu'un accord était donné qu pied de la requête par le Conseiller assurant le service des vacations set confirmé par lettre 1070/GCS du 27 septembre 1969 du Greffier en Chef;
Attendu que le rapport fut rédigé le 15 novembre 1970, aucune réplique n'ayant été donnée au mémoire ampliatif et que l'affaire fut appelée à 'audience du 26 février 1971; au cours de laquelle Maître AMORIN, succédant à Maître FORTUNE en qualité de Conseil de Jean Hubert, indiqua qu'il avait sollicité la collaboration d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation et attendait les éléments que ce dernier devait lui fournir pour déposer son mémoire;
Attendu que la Cour accepta la remise au rôle général.
Que le 12 mai 1971 parvint au greffe le mémoire en défense de Maîtres AMORIN et CAIL qui fut communiqué à Maître BARTOLI;
Attendu que celui-ci fit parvenir sa réplique le 28 juin 1971;
Attendu que le rapporteur a repris son rapport initial à la lumière des nouveaux développements apportés;
Attendu que la recevabilité en la forme ne pose pas de problème, que si les délais impartis n'ont pas été respectés avant la première audience, la Cour a accepté le mémoire bien que tardif et qu'elle est souveraine.

FAITS: Il existait en 1962 plusieurs importateurs de ciment à Cotonou parmi lesquels Jean Hubert, un nouveau venu. Une certaine effervescence semble s'être manifestée parmi eux en raison des prix très bas que parvenait à pratiquer le représentant des ciments Cambier, le sieur Hubert. Des explications données par le fabricant, il semblerait qu'il y ait eu confusion quant à la qualité du produit vendu.
Toujours est-il que les opérations se poursuivant le 9 août 1962, deux déclarations en Douane n° 11289 et 11472 du sieur Hubert furent suspectées de fraude et la marchandise saisie comme ne correspondant pas à l'espèce déclarée, soit ciment mercurialisé genre portant et bénéficiant d'un abaissement du taux d'importation.
Le sieur Hubert accepta par mention manuscrite du 21 décembre la reconnaissance du service et les suites contentieuses éventuelles; mais entre temps, dès le 22 septembre 1962, il avait demandé à comparaître devant les experts en matière de douane qui devaient être désignés en vertu de la législation de l'ancienne A.O.F.;
Cette proposition fut retenue sous une autre forme par le Directeur des Douanes qui demanda au Ministre des Finances et du Travail par lettre du 27 septembre 1962 des bien vouloir réunir une commission ad'hoc constituée conformément à l'article 30 du code des douanes françaises;
Le Ministre des Finances par lettre du 26 novembre 1962 informait le Ministre de la Justice qu'il avait pris le 20 octobre un arrêté instituant une commission ad'hoc pour statuer après audition du rapport des experts sur un litige douanier. Il lui demandait de désigner le Haut Magistrat devant présider cette commission;
En fait cette commission ne rendit sa décision que le 2 juillet 1964;

Et Hubert affirme que s'il a signé les soumissions contentieuses en fin d'année1962, c'est uniquement pour pouvoir lever sa marchandise en attendant la décision de la commission qui devait trancher le litige ;
Cependant l'administration des douanes réfuta les conclusions de la commission et dans un premier temps par lettre du 24 septembre 1964 proposa à Hubert une transaction d'un montant de 275829 francs; puis après un rappel infructueux du 13 juillet 1965, elle le traduisit devant le tribunal correctionnel pour l'exécution forcée des reconnaissances signées.
Hubert s'abrita derrière la décision de la commission postérieure aux soumissions et qui avait reçu pouvoir de trancher définitivement le litige.
Le tribunal estima qu'un arrêt ministériel ne pouvait créer une juridiction dont les décisions s'imposeraient à lui et entérina les conclusions de la douane.
Il n'avait d'ailleurs spas a faculté d'excuser le contrevenant sur l'intention (art. 154 du décret du 1er juin 1932).
La Cour déclara qu'après discussion "finalement Hubert et la direction de la douane sont convenus de s'en remettre aux experts pour interpréter la mercuriale, et dire en définitive si les ciments importés et déclaréets comme mercurialisés étaient ou non conformes à la mercuriale 1962.
La Cour estimant que les tribunaux ne pouvaient exercer sur a commission qu'un contrôle de légalité ou s'interprétation de la loi, mais que sa décision s'imposait à eux quant au fond, infirma le jugement de 1ère instance et relaxa Hubert.
C'est l'arrêt attaqué.

MOYENS DU POURVOI: Le requérant en développe sept.

Première Moyen: Violation des articles 7 de la loi du 20 avril 1810 et 3 de la loi du 9 décembre 1964, défaut de réponse aux conclusions de a partie civile;
En ce que l'arrêt entrepris n'a pas répondu aux moyens tirés des effets d'un simple arrêté ministériel et des soumissions contentieuses intervenues entre les parties.
Alors que la Cour a expressément relevé le premier de ces moyens dans les motifs de son arrêt et que celui tiré de l'effet des commissions contentieuses constituait l'un des principaux soutiens de la demande présentée par conclusions écrites annexées au dossier d'où il s'ensuit que ces moyens ayant été connus de la Cour elle devait nécessairement y répondre.
Attendu que dans sa première branche: relative aux effets d'un simple arrêté ministériel, le tribunal a effectivement estimé qu'il ne pouvait créer une commission dont les décisions liaient le juge, quant à la Cour, elle paraît s'être tenue au rôle librement dévolu à cette commission et cela selon l'interprétation qu'elle a donné par analogie sans doute, avec les dispositions de l'article 81 du décret douanier qui stipule: ?Les parties peuvent, si elles se mettent d'accord sur ce point .porter directement le litige devant le comité d'expertise..". Le § second précisait "Lorsque le comité est saisi par application soit des dispositions du présent article, soit de celles du deuxième paragraphe de l'article, 80, sa décision tranche définitivement le litige?.
Attendu en effet que la Cour, dans l'exposé des faits indique: finalement Hubert et la Direction de la Douane sont convenus de s'en remettre aux experts. et plus loin que cette commission qualifiée de commission ad'hoc, est donc considérée par les parties en cause comme étant, en fait, le Comité Supérieur du tarif des douanes de l'article 81.
Attendu que la Cour d'Appel ayant adopté ce point de vue, n'avait plus à se préoccuper de la valeur de l'arrêté ministériel qui avait créé cette commission, puisque son rôle d'amiable compositeur lui était dévolu d'accord parties.
Attendu que le moyen, tel qu'il est présenté, n'est pas recevable en sa première branche, encore qu'il apparaisse dès maintenant que le point de vue de la Cour d'Appel est erroné, ce qui motivera d'autres moyens à examiner;
Attendu quant à la seconde branche: la Cour n'a pas répondu au moyen tiré des effets des soumissions contentieuses entre les parties, que le même argument peut être opposé: par la constatation faite de l'accord des parties pour s'en remettre aux experts, ce qui dans l'esprit des juges d'appel rendait caduques les soumissions contentieuses.
Attendu que qu'ici l'argument de la défense est spécieux, selon lequel ce moyen dans ses deux branches n'avait pas été exprimé dans le dispositif des conclusions des parties, ce qui dispensait le juge d'y répondre.
Attendu que l'argument a été longuement développé dans la lettre de la direction de la douane au Procureur de la République en date du 2 octobre 1965 est demeurait actuel devant la Cour d'Appel. Que cependant il pouvait être valablement reproché à la Cour de ne pas s'être arrêtée à l'analyse de ces soumissions, ne fusse que pour les déclarer caduques, ce qu'elle n'a pas fait et qu'on peut penser que si elle s'y était employé, elle saurait constaté leur caractère pérenne.
Attendu qu'en conséquence, on est fondé à dire que l'argument selon lequel la Cour n'a pas répondu au moyen est contestable, que la Cour a répondu aux conclusions mais en se trompant.
Attendu que le premier moyen est donc à rejeter en ses deux branches.

Deuxième Moyen: Violation des articles 1134, 1350, 1351 et 2052 code civil et 168 du décret du 1er juin 1932, méconnaissance des effets de la convention des parties, de la transaction et de l'aveu,
En ce que l'arrêt entrepris déclare que c'est à bon droit que le défendeur a déclaré la marchandise comme ciments hydrauliques genre Portland et n'a donc pas commis l'infraction qui lui est reprochée;
Alors que par deux soumissions contentieuses annexées au dossier de la Cour le défendeur a formellement reconnu la contravention et déclaré accepter la décision de l'Administration.
Attendu que pour la Cour d'Appel, c'est le fait même de l'Administration d'avoir laissé croire qu'elle abandonnait l'argument qui eut suffit à mettre fin à tout litige puisqu'elle a accepté de porter le débat devant une commission dont elle a demandé la création quitte à en critiquer les conclusions quand elles lui ont déplu et à attaquer à la fois ces conclusions et leur valeur juridique.
Attendu qu'il a déjà été dit à l'occasion du moyen précédent que la Cour avait tenu en fait les soumissions pour abandonner d'après l'attitude de la Douane.
Attendu que la position que fait ressortir la requérante n'est d'ailleurs pas très "fair play? si on la suit, elle a bien voulu instituer une commission pour trancher définitivement le litige selon ses propres termes, mais devant le désir, légitime pour un commerçant, de Hubert de lever sa marchandise, d'ailleurs en grand danger de se détériorer par l'humidité, elle l'a obligé à se livrer au bon vouloir de l'Administration, puis la commission l'ayant déçue dans sa décision et Hubert n'ayant pas, fort de cette décision, donné suite à une offre de transaction, elle l'attrait devant les tribunaux; d'une part, pour voir prononcer l'annulation de la décision de la commission pour manque de bases légales ou réglementaires, et présente des arguments tendant à démontrer que le ciment importé par Hubert n'est pas de la catégorie qu'il a déclarée; d'autre part, pour voir entretenir les soumissions contentieuses signées par Hubert c'est-à-dire, s'en tenir à l'aveu du contrevenant.
Attendu qu'il n'est pas exact d'ailleurs que le défendeur ait passé les soumissions contentieuses sous silence dans ses conclusions.
Attendu qu'il apparaît que la Cour s'est méprise sur l'objet même du litige, peut être à cause d'une présentation défectueuse, mais qu'elle avait le devoir de rétablir.
Qu'elle eut dû constater que l'article 170 4° permettait à l'administration des douanes d'agir directement par voie de contrainte et que par conséquent, elle n'avait pas même la latitude de discuter le montant des droits compromis, l'article 154 le lui interdisant.
Qu'elle
eut dû, ou qu'elle aurait pu relever que toute la discussion qu'on proposait devant elle sur la valeur juridique des conclusions de la commission était parfaitement vaine et superflue, puisque l'administration des douanes n'était même pas obligée d'aller devant les tribunaux à cause de la portée des soumissions signées si ce n'est pour le visa prévu à l'article 171.
Attendu que le moyen est à retenir et que l'arrêt doit être cassé de ce chef.
Troisième Moyen: - Violation des articles 141 code procédure civile, 7 de la loi du 9 décembre 1964, dénaturation des termes du débat,
En ce que l'arrêt entrepris déclare que les parties ont considéré la commission ad'hoc comme étant, en fait, le Comité supérieur du tarif des douanes pour en déduire que sa décision avait les mêmes effets qu'une décision de ce comité,
Alors que, des documents de la cause, il résultait que l'Administration poursuivante faisait une distinction entre le Comité supérieur du tarif et la Commission ad'hoc et que le Ministre indiquait que la commission ne constituait pas une juridiction ce qui impliquait que ses décisions n'avaient pas l'autorité de la chose jugée.
Attendu que le défendeur soutient que l'assimilation de la commission au Comité supérieur du tarif est tirée par la Cour d'Appel d'autres motifs que de l'analyse des lettres du Directeur des douanes du 27 septembre 1967 et du Ministre des Finances du 26 novembre 1962, mais d'autres éléments y compris les propres dires de la requérante: il résulte de tout ce qui précède, c'est-à-dire:
1° de la nature juridique de la commission ad'hoc, commission administrative de même nature que le comité supérieur du tarif des douanes en France; est de l'application des articles 76 à 83 du décret du 1er juin 1932 auquel l'arrêté n° 504 du 20 octobre 1962 fait expressément référence.
Attendu que pourtant la référence aux lettres citées existe bien aux motifs de l'arrêt qu'il résulte d'une lettre du Ministre des Finances (et non du Ministère comme l'écrit le défendeur) au Garde des Sceaux en date du 26 novembre 1962 que la commission est une commission administrative.
Attendu qu'en réalité, il est vraisemblable que les différents organes de l'Administration: douanes d'abord, gouvernement ensuite, avaient eu des vues différentes sur la portée des décisions de cette commission, mais que c'est une interprétation abusive que faire de cette commission l'équivalent du comité supérieur du tarif, ne serait-ce que parce qu'elle n'a pas été créé dans les formes de ce dernier; car jamais l'administration des douanes n'a laissé paraître cette assimilation, et que le Ministre a formellement indiqué qu'elle était créée pour statuer après audition du rapport des experts et d'autre part qu'il s'agissait d'une commission administrative et non d'une juridiction.
Attendu qu'en constatant que le Ministre donnait le caractère juridictionnel à la commission et qu'en affirmant qu'elle était considérée par les parties comme le comité supérieur du tarif qui statuait en premier et dernier ressort, la Cour dénaturait les documents sur lesquels elle s'appuyait.
Attendu que l'arrêt doit donc être cassé de ce chef.

Quatrième Moyen: Violation des articles 41 et 44 de la Constitution du 26 novembre 1960, premier du code civil et 81 du décret du 1er juin 1932, violation de la loi;
En ce que d'une part, l'arrêt entrepris déclare que la commission ad'hoc a été régulièrement constituée et ses membres désignés par arrêté ministériel en fonction des articles 29 et suivants du code des douanes français et d'autre part, que les parties ont considéré en fait cette commission comme constituant le comité supérieur du tarif de l'article 81 du décret précité pour en tirer comme conséquence que sa décision s'imposait aux parties et au juge,
Alors que, d'une part, même si elles peuvent être invoquées comme raison écrite en cas de lacune de la loi dahoméenne, les lois françaises ne peuvent avoir d'effets légaux au Dahomey, que la loi dahoméenne exigeait que le comité fut constitué par décret et non par simple arrêté ministériel et que, d'autre part, les effets de la décision de la commission ad'hoc ne pouvaient être déterminés qu'en vertu de dispositions légales ou réglementaires et non selon l'intention des parties.
Attendu que la Cour Suprême doit donner son adhésion à la thèse de la requérante, la loi étrangère ne peut obliger, et la valeur d'une décision n'est pas fonction de la volonté des parties si cette dernière n'est pas expressément exprimée auquel cas il 'agit d'un arbitrage soumis à l'appel, mais est fonction de la valeur que la loi lui accorde et le tribunal l'avait bien dit: un organisme institué par simple arrêté ne peut lier le juge.
Attendu d'autre part, le moyen étant le droit, qu'il est recevable en tout état de la procédure.
Attendu que q'il est do c recevable en ses deux branches.

Cinquième Moyen: - Violation des articles 41 de la même constitution et 3 de la loi du 9 décembre 1964, violation de la loi, insuffisance et contradiction de motifs,
En ce que l'arrêt entrepris déclare que a commission constituait une simple commission administrative et non une juridiction, le comité supérieur du tarif n'étant lui-même, selon la Cour, qu'une simple commission, et a décidé que sa décision s'imposait aux parties et aux juges d'où il s'ensuit que la Cour lui a reconnu les pourvoir d'une juridiction statuant en premier et dernier ressort;
Alors que tout organisme juridictionnel ne peut être créé que par la loi et que la Cour avait précédemment constaté que la commission n'avait été instituée que par un simple arrêté ministériel et qu'elle affirmait qu'elle ne constituait pas une juridiction d'où il s'ensuit qu'elle ne pouvait sans se contredire attribuer à sa décision l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.
Attendu que la requérante déforme la pensée de la Cour d'Appel: celle-ci tout en admettant que la commission n'a pas de caractère juridictionnel l'assimile, à tort sans doute, au comité supérieur du tarif et partant de ce fait, indique que lorsque ce comité statue sur l'espèce, l'origine ou la valeur des marchandises, ses décisions font partie intégrante de la procédure de réception des droits de douanes dira le défendeur dans son mémoire - ses décisions, donc, dans la mesure où elles tranchent le fit, sont souveraines et s'imposent au juge.
Attendu que si les premières sont fausses, la résultante du syllogisme est logique, bien que fausse par nécessité.
Attendu que le moyen est donc inutile et que la contradiction n'est qu'apparente. Mais qu'il est exact que la commission ne peut être créée par arrêté et tirer de son origine d'autre autorité que consultative.

Sixième Moyen: - Violation de l'arrêté du 23 décembre 1961 et de l'article 3 de la loi du 9 décembre 1964, fausse application de la loi et manque de base légale.
En ce que l'arrêt entrepris à constaté que a commission s'était prononcée sur la nature du ciment sans avoir pû trouver aucun élément d'appréciation tant au Dahomey et dans les pays francophones que dans les documents qui lui avaient été soumis pour définir le produit en cause et a cependant déclaré que la commission avait fait une interprétation correcte de l'arrêté du 23 décembre 1961 au motif qu'il résultait d'une lettre de la direction générale des douanes du Ministère des Finances français que les ciments étaient du genre Portland,
Alors que si la commission s'est prononcée sans éléments d'appréciation, sa décision manquait de base légale et procédait de la simple affirmation et que toute décision devant se suffire à elle-même par rapprochement de ses motifs du dispositif et des documents qu'elle vise expressément la Cour ne pouvait tirer de documents étrangers à cette décision et non visés par elle les justifications de son dispositif et de son interprétation des règlements.
Attendu que la commission s'est appuyée sur le dossier que lui a fourni l'administration des douanes; que parmi ces pièces qui ont été ensuite transmises au Parquet avec la lettre du 2 octobre 1965 du Directeur des Douanes figure (cote 16) la lettre de la direction générale des douanes du Ministère des finances français, donc la Cour d'Appel ne cite pas cette pièce alors qu'elle est étrangère à la commission. Au contraire il semblerait que ce soit cette affirmation qui ait le plus peser sur la décision de la commission.
Mais attendu que la Cour analysant les pièces du dossier pour rechercher si la commission avait correctement interprété l'arrêté du 23 décembre 1961 a relevé d'autres motifs pour justifier cette interprétation: en particulier l'abandon par la mercuriale du 29 décembre 1962 de l'expression genre Portland qui figurait dans l'arrêté mis en en cause de 1961, d'autre part, une lettre du directeur au chef du bureau des douanes de Cotonou lui expliquant que le texte avait été modifié pour pallier certaines difficultés d'interprétation le nouveau texte, disait-il, ne doit plus prêter à équivoque.
Attendu que c'est avouer que l'ancien y prêtait, et que s'est sans doute la raison qui a incité la commission, le doute en droit commun devant bénéficier au prévenu, mais en matière douanière, les tribunaux ne pouvant excuser le contrevenant sur l'intention (art. 154 décret 1-6-1932), à déclarer que e ciment litigieux, bien qu'en dehors de la norme française P 15-302 restait néanmoins du genre Portland et entrait dans la Mercuriale.
Attendu qu'il n'est indiqué nulle part que la décision de la commission devait être précédée de tous les motifs ayant été posés par elle.
Attendu que ce que la commission a fait rechercher par l'administration des douanes c'est si d'autres Etats francophones avaient établi des subtilités parmi les ciments hydrauliques ordinaires pour les définir ou non genre Portland.
Que devant les résultats négatifs de cette recherche, la commission a estimé que ceux en litige devaient entrer dans cette définition. Qu'elle n'était pas sans arguments pour le faire.
Mais attendu que la Cour, logique avec a position qu'elle avait prise quant au pouvoir de décision qu'elle prêtait, à tort à la commission, se devait de se contenter d'exercer un contrôle de légalité sur la composition, et avait trouvé des motifs pour décider que son interprétation de l'arrêté du 23 décembre 1961 était correcte.
Attendu que la requérante confond ici le contrôle de légalité qui est celui de la composition régulière de la commission et le rapport des motifs et du dispositif de la décision qui est un contrôle au fond.
Attendu que ce moyen, d'ailleurs superflu ne doit pas être retenu.

Septième Moyen: Violation des articles 80 et 81 du décret du 1er juin 1932 fausse application de la loi,
En ce que l'arrêt entrepris déclare que la décision de la commission ad'hoc s'impose aux parties et au juge sous la seule réserve du contrôle de sa légalité et de son interprétation de la loi au motif que ladite commission était assimilée au Comité supérieur des tarifs.
Alors que la commission n'avait pas reçu les pouvoirs du comité d'expertise et que si elle l'assimilait au comité supérieur du tarif institué en France la Cour ne pouvait lui reconnaître plus de pouvoirs que n'en a ledit comité.
Attendu que la discussion devient byzantine puisque de toutes façons le comité supérieur du tarif n'existe pas en droit positif dahoméen faute de décret l'instituant et qu'il est vain de scruter des divergences de jurisprudence au sujet de l'interprétation de a valeur de ses décisions.
Attendu que la violation de la loi ne vient pas essentiellement de la Cour mais de l'administration même qui a constitué une commission sans que sa compétence et sa légalité ne soient définies au préalable, apparemment pour trancher un litige illégalement, mais d'accord parties, puis contestant et sa légalité et le fond de sa décision a renvoyé l'affaire devant son juge naturel, le tribunal de 1ère instance, successeur du juge de paix, en s'appuyant alors sur les soumissions contentieuses.
Attendu que dans cette affaire on peut admettre que tout le monde s'est trompé.
Hubert en faisant une assimilation erronée entre son ciment qui ne contenait que 50 % de Portland et du ciment genre Portland devant en contenir 80 %.
L'administration des douanes en proposant au Ministre des Finances le 27 septembre 1962 de réunir à défaut du comité supérieur du tarif, habilité par l'article 81, à régler définitivement le litige, une commission ad'hoc qui dans son esprit aurait apparemment eu la même compétence.
Le Ministre en ne précisant pas cette compétence, Hubert en souscrivant le 21 décembre 1961 des soumissions contentieuses qui rendaient inutile toute la procédure mise en mouvement, et surtout en refusant de donner suite à une offre de transaction qui lui permettrait de se tirer sans grand dommage de ce mauvais pas.
Le tribunal de première instance, qui avait bien vu le caractère purement administratif de la commission mais qui n'a pas dans son jugement fait état des soumissions contentieuses signées par Hubert soit pour les entériner, soit pour les rejeter.
La Cour d'Appel enfin qui s'est trompée d'une part sur la valeur attribuée par les parties à la commission en estimant que le consentement mutuel elle avait été habilitée à trancher le conflit, rejetant par là même les soumissions signées et acceptées, d'autre part sur la valeur juridictionnelle de la décision de cette commission dont elle n'a pas cru devoir discuter la décision au fond.
La seule mesure indiquant un sage désir de règlement équitable a été l'offre de transaction dont le caractère même est heureusement de pouvoir être renouvelée à n'importe quel moment de la procédure, même après jugement (article 168) et dont on peut espérer l'heureuse issue de ce litige, toute autre solution laissant un sentiment d'insatisfaction qui vient du caractère équivoque de toute l'affaire.
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de recevoir le pourvoi en la forme et au fond.
De renvoyer les parties devant la Cour d'Appel autrement composée qui devra tenir compte des moyens reçus par le présent arrêt:

PAR CES MO TIFS
Reçoit le pourvoi en la forme et au fond.
Casse et renvoie devant la Cour d'Appel autrement composée.
Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou ainsi qu'aux parties;
Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général près la Cour d'Appel de Cotonou;
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de Messieurs:
Edmond MATHIEU, Président de la Chambre Judiciaire; PRESIDENT
Gaston FOURN et Frédéric HOUNDETON ...... CONSEILLERS

Et prononcé à l'audience publique du vendredi 11 février mil neuf cent soixante douze, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de Monsieur:
Grégoire GBENOU ..............PROCUREUR GENERAL
Et de Maître Pierre Victor AHEHEHINNOU .... GREFFIER

Et ont signé:
Le Président-Rapporteur LE GREFFIER

E. MATHIEU
Pierre Victor AHEHEHINNOU


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 3
Date de la décision : 11/02/1972
Pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1972-02-11;3 ?
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