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19/07/1974 | BéNIN | N°22

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre administrative, 19 juillet 1974, 22


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Recours pour excès de pouvoir - Liberté publique - Violation - Voie de fait - Compétence juge administratif - Annulation - Demande réparation préjudices y relatifs - Incompétence - Rejet.

Est recevable en la forme le recours pour excès de pouvoir formé dans les délais de la loi.

La décision de l'Administration de perquisitionner au domicile d'un citoyen sans mandat de justice ni autre titre viole une liberté publique et constitue une voie de fait. Le juge administratif est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre cette illégalité.<

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Sont déclarés nuls et non avenus l'ordre de perquisition et la perquisition illé...

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Recours pour excès de pouvoir - Liberté publique - Violation - Voie de fait - Compétence juge administratif - Annulation - Demande réparation préjudices y relatifs - Incompétence - Rejet.

Est recevable en la forme le recours pour excès de pouvoir formé dans les délais de la loi.

La décision de l'Administration de perquisitionner au domicile d'un citoyen sans mandat de justice ni autre titre viole une liberté publique et constitue une voie de fait. Le juge administratif est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre cette illégalité.

Sont déclarés nuls et non avenus l'ordre de perquisition et la perquisition illégalement opérée au domicile d'un citoyen.

Par contre, doit être rejetée, pour cause d'incompétence du juge administratif, la demande de réparation des préjudices résultant de cette voie de fait.

N°72-16/CA 19 Juillet 1974

Edmond ALAPINI
C/
ETAT MINISTERE DE L'INTERIEUR ET DE LA SECURITE

La Cour,

Vu la requête du 4 avril 1972, reçue et enregistrée au greffe de la cour suprême le 7/4/72 sous le numéro 258/GCS par laquelle le sieur Edmond ALAPINI, demeurant à Cotonou, boite postale n°99, sollicitait de la cour d'une part l'annulation pour excès de pouvoir de la décision administrative ayant prescrit aux forces de l'ordre de perquisitionner à son domicile le 4 décembre 1971et d'autre part, la réparation par l'Etat du préjudice moral et matériel causé par cette atteinte à la liberté individuelle et qu'il chiffre à 2.000.000 de francs;

Vu la correspondance en date du 19 septembre 1972, reçue et enregistrée comme ci-dessus le 25/9/72 par laquelle l'Etat, représenté par le Ministre Délégué à la Présidence du Conseil Présidentiel, chargé de l'administration territoriale et de la Sécurité, répliquait au recours du sieur ALAPINI soulevant en la forme l'irrecevabilité du recours, soutenant que s'agissant de plein contentieux, le Ministère d'un avocat est rendu obligatoire par les dispositions de l'article 42 de l'ordonnance n°21/PR du 26/4/66 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la cour suprême exposant:

Au fond, que la perquisition effectuée chez le requérant le 4 décembre 1971 l'a été sur ordre verbal du Président de la République et qu'elle est fondée sur la loi n°61-32 du 14 août 1961 complétant les dispositions de la loi 61-7 du 20 février 1961 sur la sécurité publique, que les activités du requérant l'exposaient à l'application desdites lois;

Vu les observations de l'administration reprenant le rapport n°1239/DSN du 2 septembre 1972 adressé par le Directeur de la Sûreté à son Ministre de tutelle; ledit rapport versé aux débats, disait en outre que la perquisition a été opérée d'une façon régulière, en la présence constante de sieur ALAPINI, sans vol ni effraction contrairement aux affirmations du requérant;

Vu la consignation prévue par l'article 45 de l'ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966, constatée par reçue n°72/33 du 7 avril 1972;

Vu toutes les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu l'ordonnance 21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la cour suprême;

Ouï à l'audience publique du vendredi dix neuf juillet mil neuf cent soixante quatorze, Monsieur le Conseiller AGBOTON en son rapport;

Monsieur le Procureur Général Grégoire GBENOU en ses conclusions;

Et après avoir délibéré conformément à la loi;

Sur la recevabilité du recours du sieur ALAPINI:

Considérant que l'acte d'administration querellé a été exécuté, sans notification antérieure, le 4 décembre 1971 que le 17 décembre 1972 le recours administratif préalable prévu par l'article 68 de l'ordonnance n°21/PR du 26/4/66 a été adressé au Ministre de tutelle des agents ayant exécuté la perquisition; que le recours contentieux daté du 4 avril 1972, est recevable en la forme, en ce qui concerne le recours pour excès de pouvoir;

Considérant que pour le contentieux de l'excès de pouvoir, le Ministère d'avocat est facultatif, (Art. 42 Ord. N°21/PR du 26 avril 1966).

Sur la compétence et au fond

Considérant que pour examiner la compétence de la chambre administrative, il convient d'examiner les faits;

Considérant que le 4 décembre 1971, sur ordre verbal du Président du conseil présidentiel, chargé de l'intérieur, une perquisition était opérée au domicile du sieur Edmond ALAPINI, Contrôleur des Postes et Télécommunications; que suivant les dires de l'intéressé, une demi-douzaine d'agents, vers 16 h 30 firent irruption à son domicile, mitraillettes et pistolets au poing, mirent la maison à sac pillant bijoux et vêtements;

Considérant que l'administration réplique en sa défense, que l'opération a été prescrite et exécutée conformément aux dispositions de la loi 61-32 du 14 août 1961 complétant la loi 61-7 du 20 février 1961 sur la sécurité publique, que les activités du requérants l'exposaient à l'application des lois précitées;

Considérant que la première question qui se pose à la cour est de savoir si l'administration a, en perquisitionnant au domicile du sieur ALAPINI, agi dans le cadre des deux lois sus-visées sur la sécurité publique;

Considérant que si la perquisition sans mandat de justice, par les services de police, est prescrite par la loi n°61-32 du 14 août 1961, c'est suivant une procédure déterminée et à des conditions précises;
Que conformément à l'article 1er de la loi la perquisition domiciliaire ne peut intervenir ''qu'avant de prendre ou après avoir pris les arrêtés prescrivant les mesures énoncées à l'article 1er de la loi n°61-7 du 20 février 1961'', à savoir, l'éloignement, la résidence surveillée, l'internement administratif, l'exil ou l'expulsion, qu'en outre l'ordre doit être écrit et contenir les mentions prévues à l'article 3 de la loi du 14 août 1961;

Que l'exécution de la perquisition devra suivre la procédure tracée par les dispositions de l'article 4.

Considérant qu'il résulte des faits de la cause ainsi que du dossier que la perquisition effectuée au domicile du sieur ALAPINI ne se rattache manifestement à l'exécution d'aucune loi ou d'un règlement;

Que l'inviolabilité du domicile étant une liberté publique fondamentale, la décision du 4 décembre 1971 de perquisitionner au domicile du sieur ALAPINI sans mandat de justice ni autre titre revêt le caractère d'une voie de fait dont il appartient à la justice administrative de constater la nullité;

Qu'en effet, il y a une irrégularité de la mesure d'exécution de la perquisition car celle-ci théoriquement utilisable, a été réalisée en méconnaissance totale des procédures imposées par la loi;

Considérant que le juge administratif saisi d'un recours en annulation formé contre une décision constitutive d'une voie de fait, est compétent pour statuer.

Que par contre , ''seul le juge judiciaire peut apprécier les conséquences pécuniaires de la voie de fait et condamner l'administration aux réparations qui en résultent''.

Que l'incompétence du juge administratif pour réparer le préjudice découlant d'une voie de fait a été confirmée par l'article 117 du code de procédure pénale dahoméen, en ses alinéas 3 et 4; qu'il échet:

- de déclarer nulles et non avenues la décision du président du conseil présidentiel chargé de l'intérieur et la perquisition opérée le 4 décembre 1971 au domicile du requérant; et de ,

de rejeter le surplus des conclusions pour incompétence.

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais à la charge du Trésor Public.

PAR CES MOTIFS

DECIDE

Article 1: Le recours susvisé du sieur Edmond ALAPINI, enregistré comme ci-dessus le 7/4/72 sous le numéro 258/GCS, est recevable en la forme, en ce qu'il porte recours pour excès de pouvoir;

Article 2: Sont déclarés nuls et non avenus, l'ordre de perquisition du président du conseil présidentiel chargé de l'intérieur et la perquisition opérée le 4 décembre 1972 au domicile du sieur ALAPINI.

Article 3: Le surplus des conclusions du requérant est rejeté pour incompétence.

Article 4: Les frais sont mis à la charge du Trésor Public;

Article 5: Notification du présent arrêt sera faite aux parties.

Ainsi fait et délibéré par la cour suprême (Chambre Administrative) composée de Messieurs:

Cyprien AÏNADOU, président de la Cour Suprême, PRESIDENT

Gérard AGBOTON et Elisabeth POGNON, CONSEILLERS

Et prononcé à l'audience publique du vendredi dix neuf juillet mil neuf cent soixante quatorze la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de Messieurs:

Grégoire GBENOU, PROCUREUR GENERAL

Et de Maître Honoré GERO AMOUSSOUGA, GREFFIER EN CHEF

Le Président Le Rapporteur Le Greffier

C. AINADOU G. AGBOTON H.GERO AMOUSSOUGA



Références :

Origine de la décision
Formation : Chambre administrative
Date de la décision : 19/07/1974
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : 22
Numéro NOR : 173145 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1974-07-19;22 ?
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