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24/11/1995 | BéNIN | N°10

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre judiciaire, 24 novembre 1995, 10


Civil Traditionnel
Prêt de terre de longue durée - Possession paisible et prolongée - Prescription acquisitive - Partage du fonds entre le prêteur et l'emprunteur.

Pour admettre la prescription acquisitive en matière immobilière, point n'est besoin de mentionner la règle coutumière applicable dès lors que les juges ont motivé leur décision par des éléments de fait étrangers à toute application de la coutume.

N° 10
Veuve ODOULAMI Jeanne née ADEYEMI et autres C/ ATTA Léon
N° 06/CJ-CT 24 novembre 1995
La Cour,
Vu la déclaration enregistrée le 10

décembre 1979 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou par laquelle Veuve ODOULAMI Jeanne née A...

Civil Traditionnel
Prêt de terre de longue durée - Possession paisible et prolongée - Prescription acquisitive - Partage du fonds entre le prêteur et l'emprunteur.

Pour admettre la prescription acquisitive en matière immobilière, point n'est besoin de mentionner la règle coutumière applicable dès lors que les juges ont motivé leur décision par des éléments de fait étrangers à toute application de la coutume.

N° 10
Veuve ODOULAMI Jeanne née ADEYEMI et autres C/ ATTA Léon
N° 06/CJ-CT 24 novembre 1995
La Cour,
Vu la déclaration enregistrée le 10 décembre 1979 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou par laquelle Veuve ODOULAMI Jeanne née ADEYEMI s'est pourvue en cassation contre l'arrêt n° 80 du 28 novembre 1979 de la Cour d'Appel de Cotonou (Chambre de droit traditionnel);
Vu la transmission du dossier à la Cour Populaire Centrale;
Vu la Loi n° 81-004 du 23 mars 1981 portant organisation judiciaire;
Vu la Loi n° 90-12 du 1er juin 1990 remettant en vigueur l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Cour Suprême;
Vu les pièces du dossier;
Ouï à l'audience publique du vendredi 24 novembre 1995 le Conseiller Maxime Philippe TCHEDJI en son rapport;
Ouï l'Avocat Général DOSSOUMON Samson en ses conclusions;
Attendu que par acte enregistré le 10 décembre 1979 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, veuve ODOULAMI Jeanne née ADEYEMI a déclaré se pourvoir en cassation contre toutes les dispositions de l'arrêt n° 80 du 28 novembre 1979 rendu par la Chambre civile de droit traditionnel de la même Cour dans l'affaire:
ATTA LEON C/ Veuve ODOULAMI JEANNE NEE ADEYEMI
ET LAMILOKOU ADENLE REPRESENTANT ADEWOLE RAIMI;
Attendu que le dossier de la procédure, transmis à la Cour Populaire Centrale par le Procureur Général du Parquet Populaire Central, a été enregistré au rôle général du Greffe Central le 10 février 1983 s/n° 83-47/CJ-CT;
Que par lettre n° 225/GC-CPC du 22 mai 1984, transmise par celle n° 226/GC-CPC du même jour au Chef de la Brigade de gendarmerie de Pobè, la demanderesse au pourvoi a été mise en demeure d'avoir à consigner et à produire ses moyens de cassation par le Ministère d'un Avocat de son choix, le tout par application des articles 138, 141 et 147 de la Loi n° 81-004 du 23 mars 1981 portant organisation judiciaire;
Que le 13 juin 1984, veuve ODOULAMI Jeanne née ADEYEMI a payé le montant de la consignation comme l'atteste le récépissé n° 14/84 annexé au dossier;
Que par correspondance du 4 juillet 1984 enregistrée au Greffe Central le 25 juillet 1984 s/n° 045, Maître KEKE Joseph a produit au nom de la demanderesse un mémoire ampliatif daté du 19 juin 1984;
Que par lettre n° 671/GC-CPC en date du 8 septembre 1986 reçue en son cabinet le même jour, copie du mémoire ampliatif de Maître KEKE Joseph a été adressée à Maître Florentin FELIHO à qui un délai de deux mois a été accordé pour déposer son mémoire en réplique;
Que cet Avocat n'ayant pas cru devoir faire signe de vie, un nouveau et dernier délai de deux mois lui a été imparti par correspondance n° 102/GC-CPC du 17 mars 1987 réceptionnée en son cabinet le 18 mars 1987;
Que ce nouveau délai est également expiré sans aucune réaction de Maître Florentin FELIHO;
Que l'accomplissement de cette dernière formalité demeurée sans effet met le dossier en état qui mérite alors l'examen.
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi étant intervenu dans les forme et délai prévus par la loi, il convient de l'accueillir favorablement.
AU FOND
FAITS ET PROCEDURE
Par requête en date du 15 avril 1972, veuve ODOULAMI Jeanne née ADEYEMI a introduit devant le Tribunal de Conciliation de KETOU une action en revendication d'une parcelle de terrain dirigée contre ATTA Léon.
Elle a alors exposé que pour satisfaire le désir de son père de construire avant sa mort une maison sur les tombes de ses aïeux à EMBOGOU, elle a entrepris des travaux sur les lieux litigieux mais qu'elle a rencontré l'opposition de ATTA Léon;
Elle a été ensuite appuyée dans son action par le nommé ADEWOLE Raïmi.
Celui-ci, en représentant la Collectivité METCHA, a alors expliqué:
- que son arrière grand-père, le Roi ADJIBOUDOU, après son intronisation, a, pour sacrifier à la tradition des Rois de KETOU, choisi deux emplacements pour installer les siens; l'un à OGOU AKPETA et l'autre à EMBOGOU aux abords du palais royal où a été installé le grand-père de ATTA, un étranger venu de KETOU village Holli du Nigéria;
- que c'est là que cet étranger a donné le jour à Léon et à deux autres frères de celui-ci:
- que le père de ATTA Léon avait été autorisé par les membres de la famille royale à cultiver son jardin sur les terrains situés aux abords du Palais royal et qu'il n'y avait jamais eu de différends de terrain entre ceux-ci et lui;
- que tous enterraient leurs morts sur lesdits terrains et rendaient le culte à leurs fétiches qui y étaient installés;
- qu'en 1946, OKE ADELOMI, descendant de la famille royale, voulant bâtir sur ledit terrain, s'était heurté à l'opposition de ATTA Léon à qui le Tribunal de Premier Degré de l'époque avait donné tort.
ATTA Léon, acceptant en partie cette version des faits, a soutenu être né, avoir grandi et travaillé sur le terrain litigieux avec son père qui, de son vivant, ne lui a jamais révélé qu'il était la propriété d'autrui; que le terrain en cause est et demeure son héritage parce que son père y a travaillé jusqu'à sa mort sans contestation et qu'il n'y reconnaît la présence d'aucune tombe ni d'aucun fétiche;
Le Tribunal de Conciliation de KETOU, à l'issue des débats, a établi un procès-verbal de non-conciliation qu'il a transmis au Tribunal de Première Instance de Porto-Novo qui, par jugement n° 115 du 29 mai 1973 a:
- déclaré que ATTA Léon conservera les limites de sa concession actuelle, soit la surface colorée en bleu du plan établi le 12 décembre 1972 par le géomètre expert et qu'à ses limites s'ajoutera l'espace compris entre ladite concession et l'angle Sud du terrain revendiqué par les membres de la famille METCHA, soit un trapèze et un triangle;
- déclaré d'autre part que tout le reste, soit l'espace situé entre les bornes B7, B18, B17, B16, B15, B14, B13, B12, B11, B10, B9, et la concession ATTA, est la propriété de la famille METCHA.
Sur appel de ATTA Léon, la Cour d'Appel, par arrêt n° 80 du 28 novembre 1979, infirmant le jugement entrepris a:
- dit que la famille ATTA et la Collectivité METCHA ont chacune des droits sur la parcelle de terrain litigieuse;
- ordonné en conséquence le partage dudit terrain entre les famille et collectivité précitées;
- et dit que chacune d'elles recevra la moitié de l'immeuble litigieux.
Attendu que c'est contre les dispositions de cet arrêt que veuve ODOULAMI Jeanne née ADEYEMI a élevé le pourvoi au soutien duquel Maître KEKE Joseph articule trois moyens de cassation.
DISCUSSION DES MOYENS
Premier moyen tiré de la violation de la Loi pour insuffisance de motifs,
En ce que la Cour d'Appel a, dans une clause de style laconique reçu en la forme l'appel interjeté par ATTA Léon.
Mais attendu qu'en ce qui concerne la recevabilité formelle d'un recours, point n'est besoin de procéder à un long développement de motifs;
Qu'il suffit tout simplement de vérifier et de constater que le recours a été formé dans les forme et délai requis par la Loi;
Qu'au surcroît, l'expédition de l'acte d'appel annexé au dossier permet à la Cour Suprême d'exercer à ce sujet son contrôle;
Qu'enfin, le problème de formulation de demande nouvelle soulevé par le conseil des demandeurs est non pas une question de forme mais une question de fond qui n'a aucun rapport avec la recevabilité du recours en la forme;
Qu'il s'ensuit que ce moyen ne peut valablement soutenir la cassation et doit être rejeté.
Deuxième moyen tiré de la violation des règles de preuve et de l'insuffisance des motifs.
En précisant ce moyen, les demandeurs au pourvoi reprochent aux seconds juges de s'être contentés de se reporter à l'exposé des faits du premier juge et d'avoir fondé leur décision sur le seul fait que le père de ATTA Léon est demeuré sur le terrain litigieux avant son décès survenu en 1928 et qu'il y a planté des arbres fruitiers et des palmiers à huile et y a vécu paisiblement jusqu'à sa mort alors qu'à l'évidence et par rapport au fond du litige, cette situation n'est ni péremptoire, ni définitif et que le principal argument des demandeurs au pourvoi est que le terrain litigieux a été prêté au père ATTA par la famille royale.
Mais attendu qu'il y a lieu de rappeler aux demandeurs au pourvoi qu'au cours du déroulement de toute procédure judiciaire la preuve des faits justificatifs d'une action incombe principalement aux parties litigantes et non au juge de fond tenu seulement d'en faire la mention;
Qu'en faisant, après la preuve rapportée par les parties, la constatation de l'occupation constante, prolongée et paisible du père de Léon ATTA qui a encore planté sur les lieux litigieux des palmiers à huile et autres arbres fruitiers qu'il exploitait, l'on ne saurait valablement reprocher au juge d'appel d'avoir violé les règles de preuve;
Que l'arrêt attaqué étant la conséquence de l'appréciation de ces faits, il y a lieu de rappeler en outre que cette appréciation relève du seul pouvoir souverain du juge de fond auquel la Cour Suprême qui ne constitue point un troisième degré de juridiction ne saurait se substituer.
Qu'en conséquence, le second moyen reposant sur l'insuffisance de motifs ne saurait être retenu et mérite également rejet.
Troisième moyen pris de l'absence de base légale, de la violation des règles de preuve et de l'insuffisance des motifs,
En ce que les juges d'appel ont rendu un arrêt qui manque de base légale en omettant de mentionner la règle coutumière qui doit en être le fondement juridique.
Attendu que ce moyen ne saurait point prospérer; qu'en effet, la décision de la Cour d'Appel ne peut encourir cassation dès l'instant qu'elle est motivée par des éléments de fait étrangers à toute application de la coutume et que par surcroît les demandeurs même en cause d'appel n'ont soulevé aucun moyen tiré de dispositions coutumières.
PAR CES MOTIFS
- Accueille le présent pourvoi en la forme;
- Le rejette au fond parce que non fondé en ses trois moyens;
- Met les dépens à la charge de la demanderesse prise en la personne de son représentant ADEWOLE Raïmi;
- Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général de la Cour d'Appel de Cotonou ainsi qu'aux parties;
- Ordonne la transmission en retour du dossier au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de:
Henri AMOUSSOU-KPAKPA, Président de la Chambre Judiciaire PRESIDENT
Maxime Philippe TCHEDJI et
Alexis NOUKOUMIANTAKIN CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du vendredi vingt quatre novembre mil neuf cent quatre vingt quinze, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:
DOSSOUMON Samson AVOVAT GENERAL
Et de Françoise TCHIBOZO épouse QUENUM GREFFIER


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 10
Date de la décision : 24/11/1995
Civile traditionnelle

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1995-11-24;10 ?
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