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27/03/1998 | BéNIN | N°16

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre judiciaire, 27 mars 1998, 16


Civil Moderne


Disparition rétroactive d'un élément ayant servi de fondement juridique à une décision - Perte de fondement juridique - Cassation.
Perd son fondement juridique et doit être cassée la décision qui, bien que régulière au moment où elle été rendue, en l'état des éléments de fait sur lesquels elle s'est prononcée et au regard des règles de droit appliquées se trouve privée rétroactivement d'un élément qui lui sert de fondement.


N° 16
REGINA AKPO NEE ADJIWANOU C/ IGNACE YEDJI



N° 06/CJ-CM 27 mars 1998
La Cour,


Vu la déclaration enregistrée le 26 Juillet 1984 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou par laquelle Maître A...

Civil Moderne

Disparition rétroactive d'un élément ayant servi de fondement juridique à une décision - Perte de fondement juridique - Cassation.
Perd son fondement juridique et doit être cassée la décision qui, bien que régulière au moment où elle été rendue, en l'état des éléments de fait sur lesquels elle s'est prononcée et au regard des règles de droit appliquées se trouve privée rétroactivement d'un élément qui lui sert de fondement.

N° 16
REGINA AKPO NEE ADJIWANOU C/ IGNACE YEDJI

N° 06/CJ-CM 27 mars 1998
La Cour,
Vu la déclaration enregistrée le 26 Juillet 1984 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou par laquelle Maître Agnès CAMPBELL da SILVA, Conseil de dame Régina AKPO née ADJIWANOU, a élevé pourvoi en cassation contre l'arrêt n° 46 rendu le 12 Juillet 1984 par la chambre civile de la Cour d'Appel de Cotonou;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu l'arrêt attaqué;
Vu la Loi n° 90-012 du 1er Juin 1990 remettant en vigueur l'Ordonnance n° 21/PR du 26 Avril 1966 portant Composition, Organisation, Attributions et Fonctionnement de la Cour Suprême;
Vu toutes les pièces du dossier;
Ouï à l'audience du Vendredi 27 Mars 1998 le Conseiller Fernande QUENUM en son rapport;
Ouï le Procureur général Alexis NOUKOUMIANTAKIN en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi.
Attendu que par acte du 14 Janvier 1983 de Maître Germain LIGAN, Huissier de Justice à Cotonou, le sieur YEDJI Ignace a assigné dame AKPO Régina née ADJIWANOU en expulsion de la parcelle C du lot 565 de Cotonou par devant le Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou statuant en matière de référé; qu'au soutien de sa demande, le requérant a fait valoir que la parcelle concernée lui a été vendue par le sieur AKPO Ferdinand, époux de la dame AKPO et que le Préfet de l'Atlantique lui a délivré un permis d'habiter relatif à ladite parcelle le 20 Août 1982 s/n° 2/640;
Attendu que dame AKPO affirmant pour sa part qu'elle est titulaire du permis d'habiter n° 52 en date du 17 Avril 1956 sur la même parcelle a déclaré qu'il y a contestation sérieuse et soulevé l'exception d'incompétence avec le Procureur de la République, intervenant volontaire en la cause;
Attendu que l'ordonnance de référé rendue en cette affaire le 10 Mars 1983 a ordonné «l'expulsion de la dame AKPO Régina née ADJIWANOU de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef de la parcelle C formée par les lots jumelés 565-566 de Cotonou, objet du permis d'habiter n° 2/640 du 20 Août 1982»;
Que sur appel interjeté le 11 Mars 1983 par dame AKPO, l'ex Tribunal Populaire de Province de l'Atlantique a, par arrêt le 12 Juillet 1984, confirmé l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions;
Attendu que c'est contre cet arrêt qu'est dirigé le présent pourvoi au soutien duquel, Maître Agnès CAMPBELL da SILVA, Conseil de dame AKPO articule deux moyens;
DISCUSSION DES MOYENS
Premier Moyen tiré de l'incompétence ratione materiae du juge des référés.
Attendu que le conseil de la demanderesse affirme:
«La demanderesse au pourvoi avait fait observer, tant devant le premier juge que devant la Cour d'Appel que les permis d'habiter n° 2/268 du 6 Juin 1980 et n° 2/640 du 20 Août 1982 qui servaient de base à la demande du sieur YEDJI Ignace, étaient fortement concurrencés par le permis d'habiter n° 52 du 17 Avril 1956 délivré précédemment à dame AKPO Régina et qui demeure valable en ce qu'il n'a jamais été retiré, ni l'annulation signifiée à son titulaire.
Qu'il en résulte que le premier juge et la Cour d'Appel ne peuvent sans outrepasser leur compétence, apprécier la valeur et la régularité de la délivrance de tous les permis d'habiter en cause, la résolution du litige ne pouvant se faire qu'en appréciant les actes administratifs en présence, tant dans leur valeur que dans leur régularité;
Que cette seule situation suffit et justifie la contestation sérieuse d'autant plus que dame AKPO Régina conteste encore le droit de propriété du cédant AKPO Ferdinand par moult éléments de preuve fournis;
Que le premier juge, dont la décision a été curieusement confirmée, n'a pas perçu cette réalité et s'était déclaré compétent...;
Qu'en statuant ainsi qu'ils l'ont fait, le premier juge et la Cour d'Appel, ont délibérément ignoré, qu'en l'espèce, le critère fondamental de la compétence de la Juridiction administrative réside dans l'existence de deux (2) permis d'habiter établis conformément à deux (2) décisions préfectorales et dont la valeur et la régularité sont fortement contestées par l'une des parties litigantes...»;
Que le conseil conclut que l'incompétence du juge des référés en la cause est d'ordre public et que «pour avoir méconnu ces règles de compétence d'attribution, l'arrêt entrepris encourt la cassation»;
Attendu que le sieur YEDJI quant à lui soutient par l'organe de son conseil que la contestation sérieuse ne saurait empêcher le juge de prendre des mesures et qu'il est constant en droit positif béninois que «chaque fois qu'il se pose le problème d'un droit de propriété ou d'une mesure urgente à prendre provisoirement, les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes»; qu'il conclut que l'arrêt entrepris est irréprochable sur la question de la compétence du juge des référés;
Attendu que le juge des référés apprécie la situation qui lui est soumise au jour de sa saisine, qu'il lui appartient d'apprécier le caractère de la contestation sur le fond du droit opposé à la demande qui lui est soumise; qu'il doit examiner les moyens soulevés, vérifier sommairement si la contestation offre une apparence de fondement et ne passer outre que si elle lui paraît manifestement vouée à l'insuccès;
Attendu que dans le cas d'espèce, l'effet dévolutif de l'appel impliquant que le juge d'appel évoque et statue à nouveau, la saisine du juge administratif est la preuve que la contestation élevée devant le juge d'appel est sérieuse; que c'est à tort que la Cour d'Appel s'est déclarée compétente et a ordonné l'expulsion de Dame AKPO Régina;
Deuxième moyen tiré de la perte de fondement juridique.
Attendu que la demanderesse fait valoir notamment: «Dans l'arrêt confirmatif, la Cour d'Appel, à la suite du premier juge, a fait droit à la demande du sieur YEDJI Ignace en se fondant sur les permis d'habiter n° 2/268 du 6 Juin 1980 et n° 2/640 du 20 Août 1982 établis successivement au nom de AKPO Ferdinand et de YEDJI Ignace conformément aux décisions préfectorales n° 2/6/PRA/AGD/S4 du 15 Mai 1980 et n° 2/007/PR-A du 16 Février 1982.
«Or, suivant arrêt en date du 23 Mars 1989, la Chambre administrative de l'ex-Cour Populaire Centrale, statuant sur le recours en annulation formé par dame AKPO Régina, a dit et jugé:
«PAR CES MOTIFS, décide:
Article 1er:
«Le recours en annulation pour excès de pouvoir de dame ADJIWANOU Régina épouse AKPO et du Procureur Général du Parquet Populaire Central contre:
- la décision préfectorale n° 2/6/PRA/AGD/S4 du 15 Mai 1980 par laquelle le Préfet de l'Atlantique a annulé le Permis d'habiter n° 52 du 17 Avril 1959 délivré au nom de ADJIWANOU Régina;
- la décision n° 2/268 du 6 Juin 1980 par laquelle le Préfet de l'Atlantique a délivré à AKPO Ferdinand un autre permis d'habiter sur la parcelle «C» du lot 565 de Cotonou V;
- la décision préfectorale n° 2/001/PR-A du 16 Février 1982 portant rectificatif à la décision n° 2/6/PRA/AGD/S4 du 15 Mai 1980;
- et la décision n° 2/640 du 20 Avril 1982 par laquelle le même Préfet a muté au nom de YEDJI Ignace le permis d'habiter n° 2/268 du 6 Juin 1980 précédemment délivré à AKPO Ferdinand, est régulier et recevable.
Article 2:
Lesdites décisions susmentionnées sont annulées avec toutes les conséquences de droit.
Article 3:
Notification du présent arrêt sera faite à ADJIWANOU Régina, épouse AKPO, à AKPO Ferdinand, à YEDJI Ignace, au Préfet de l'Atlantique et au Procureur Général du Parquet Populaire Central.
Article 4:
Les dépens seront à la charge du Trésor Public».
L'arrêt précité confirme, s'il en était encore besoin, le caractère sérieux de la contestation dont le premier juge et la Cour d'Appel avaient été saisis.
Il suit de l'annulation des actes administratifs qui sous-tendent la demande du sieur YEDJI Ignace que l'arrêt confirmatif n° 46 du 12 Juillet 1984 se trouve privé de tout fondement juridique et encourt inéluctablement la cassation.»...
Attendu que dans sa réplique, le sieur YEDJI affirme:
«Si les actes administratifs, en l'espèce les permis d'habiter dont sont détenteurs le concluant et son vendeur AKPO Ferdinand sont annulés, il est incontestable que nous sommes en présence non seulement d'un dossier nouveau mais également de moyens nouveaux.
L'élément nouveau oblige les parties litigantes à recourir à leur précédent juge pour lui soumettre la nouvelle situation juridique de la cause; ce qui ne justifie plus un pourvoi en cassation encore moins un examen, à la limite, superflu de cette situation juridique nouvelle par les Hauts Juges. Sous d'autres cieux, l'insistance aveugle de dame AKPO Régina s'analyserait en un outrage à la Haute Juridiction sinon en un abus de droit
Quant aux moyens nouveaux invoqués pour la première fois devant la Cour de céans, leur rejet pur et simple s'impose
Il sied donc de renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront»...
Attendu qu'une décision parfaitement régulière au moment où elle a été rendue, en l'état des éléments de fait sur lesquels elle s'est prononcée et au regard des règles de droit qu'elle a appliquées, peut se trouver entachée d'irrégularité par l'effet de la disparition rétroactive d'un élément qui lui sert de fondement, elle perd alors son fondement juridique et doit être cassée de ce chef;
Attendu que dans le cas d'espèce, la chambre administrative de la Cour Suprême a annulé avec toutes les conséquences de droit la décision préfectorale n° 2/6/PRA/AGD du 15 Mai 1980 par laquelle le Préfet de l'Atlantique a annulé le permis d'habiter n° 52 du 17 Avril 1956 délivré au nom de ADJIWANOU Régina, la décision n° 2/268 du 6 Juin 1980 par laquelle le Préfet de l'Atlantique a délivré à AKPO Ferdinand un autre permis d'habiter sur la parcelle «C» du lot 565 de Cotonou V, la décision par laquelle le même Préfet a muté au nom de YEDJI Ignace le permis d'habiter n° 2/268 du 6 Juin 1980 précédemment délivré à AKPO Ferdinand;
Qu'il résulte dudit arrêt que seul demeure valide le permis d'habiter n° 52 du 17 Avril 1956 délivré à dame AKPO Régina, demanderesse au présent pourvoi;
Qu'il s'ensuit que l'arrêt n° 46 du 12 Juillet 1984 ayant pour fondement juridique le permis d'habiter n° 2/268 du 6 Juin 1980 annulé, encourt la cassation.
PAR CES MOTIFS
- Accueille le présent pourvoi en la forme.
- Au fond casse et annule sans renvoi l'arrêt rendu entre les parties.
- Mets les frais à la charge du Trésor Public.
- Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel ainsi qu'aux parties.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de:
Abraham ZINZINDOHOUE, Président de la Cour Suprême
PRESIDENT
Fernande QUENUM, Edwige BOUSSARI, Clotilde MEDEGAN-NOUGBODE et Saroukou AMOUSSA
CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du Vendredi vingt sept Mars Mil neuf cent quatre vingt dix-huit, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:
Alexis NOUKOUMIANTAKIN,
PROCUREUR GENERAL
Et de Maître Justin TOUMATOU, Greffier en Chef de la Cour Suprême.
GREFFIER
Et ont signé:
Le Président, Le Rapporteur,

A. ZINZINDOHOUE F. QUENUM
Le Greffier TOUMATOU.-


Civile moderne

Références :

Origine de la décision
Formation : Chambre judiciaire
Date de la décision : 27/03/1998
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : 16
Numéro NOR : 173900 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1998-03-27;16 ?
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