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15/05/1998 | BéNIN | N°16

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre administrative, 15 mai 1998, 16


N° 16/CA du Répertoire
N° 97-070CA du Greffe
Arrêt du 15 Mai 1998

Collectif des enseignants de L'E.N.A
C/
M.E.N.R.S

La Cour,

Vu la requête en date à Cotonou du 22 Janvier 1997, enregistrée au Greffe de la Cour le 6 Février 1997 sous N° 18/GCS par laquelle, un collectif d'enseignants de l'École Nationale d'Administration, a introduit un recours pour excès de pouvoir contre le décret N° 96-368 du 29 Août 1996 portant nomination au Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique;

Vu la communication faite pour ses observ

ations au Ministre de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique de ladite requête valan...

N° 16/CA du Répertoire
N° 97-070CA du Greffe
Arrêt du 15 Mai 1998

Collectif des enseignants de L'E.N.A
C/
M.E.N.R.S

La Cour,

Vu la requête en date à Cotonou du 22 Janvier 1997, enregistrée au Greffe de la Cour le 6 Février 1997 sous N° 18/GCS par laquelle, un collectif d'enseignants de l'École Nationale d'Administration, a introduit un recours pour excès de pouvoir contre le décret N° 96-368 du 29 Août 1996 portant nomination au Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique;

Vu la communication faite pour ses observations au Ministre de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique de ladite requête valant mémoire Ampliatif du collectif d'Enseignants par lettre N° 1046/GCS du 13 Août 1997;

Vu la mise en demeure adressée par lettre N°1238/GCS du 9 Octobre1997 au Ministre de l'Education Nationale et de la Recherche Scientifique;

Vu la lettre N° 0049/MENRS/CMB/DC/SP-C du 12 Janvier 1998, enregistrée au Greffe de la Cour le 14 Janvier 1998 sous le N° 033/GCS par laquelle le Ministre de l'Education Nationale et de la Recherche Scientifique a présenté son mémoire en défense;

Vu la consignation constatée par reçu N° 985 du 17 Mars 1997;

Vu toutes les pièces du dossier;

Vu l'Ordonnance N° 21/PR du 26 Avril 1966 organisant la procédure devant la Cour Suprême, remise en vigueur par la loi N° 90-012 du 1er Janvier 1990;

Vula loi N° 90-32 du 11 Décembre1990 portant Constitution de la République du Bénin;

Vu l'Arrêté N° 4367/MFPRA /DPE/SGC/CNP du 2 Décembre1994;

Vu l'Arrêté N° 1820/MFPRA /DPE/SGC/CNP du 18 Avril 1997;

Vu l'Arrêté N° 82-196/MENRS /DGM du 29 Juillet 1982 portant Statut de l'Université Nationale du Bénin;

Vu l'Arrêté N° 674-88/MEMS/DGM du 28 Juin 1988 portant Attribution, Organisation, et Fonctionnement de l'École Nationale d'Administration;

Ouï le Conseiller-Rapporteur en son Rapport;

Ouï l'Avocat Général en ses conclusions;

Après en avoir délibéré conformément à la Loi.

EN LA FORME

Sur le premier moyen de l'Administration tiré de la tardiveté du recours préalable en ce que le recours préalable a été adressé au Ministre de l'Éducation Nationale après l'expiration du délai.

Considérant que l'article 68 de l'Ordonnance N° 21/PR du 26 Avril 1966 remise en vigueur par la Loi 90-012 du 1er Juin 1990 dispose:

«Le délai de recours pour excès de pouvoir est de deux mois. Ce délai court de la date de publication de la décision attaquée ou de la date de la notification. Avant de se pourvoir contre une décision individuelle, les intéressés doivent présenter un recours hiérarchique ou gracieux tendant à faire rapporter ladite décision».

Considérant que la signature constitue l'élément central dans le processus d'émission d'un acte administratif; que la date de signature constitue le point de départ de la validité dudit acte.

Considérant que dans la procédure administrative contentieuse, le point de départ de la computation du délai à agir est la date de publication pour les actes réglementaires de portée générale et la date de notification pour les actes à portée individuelle;

Considérant que le compte rendu radiophonique et l'information par un journal ne constituent pas des voies régulières de publicité pour les actes administratifs; lesquels actes sont dans le droit positif béninois publiés au Journal Officiel;

Considérant qu'il ne saurait y avoir de publicité d'un acte sans la signature préalable dudit acte par l'autorité compétente;

Considérant que le décret N° 96-368 du 29 Août 1996 portant nomination au Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique a été signé le 29 Août 1996;

Que cette date est la première date pouvant constituer un point de départ pour la computation du délai à agir.

Considérant que le recours administratif des requérants est du 28 Octobre 1996 et que leur recours contentieux est du 6 Février 1997 que ces dates ne violent pas les délais légaux.

Qu'en conséquence , le recours préalable adressé au Ministre de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique a été fait dans le délai.

Sur le deuxième moyen de l'Administration tiré de l'incompétence du Ministre de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique à recevoir le recours préalable en ce que ledit Ministre n'est pas l'auteur de l'acte attaqué.

Considérant que la décision de nomination a été prise par le Gouvernement en conseil des Ministres;

Considérant que la nomination contestée a été faite dans le cadre du Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique sur proposition du Ministre de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique;

Qu'à ce titre, et conformément aux normes en vigueur au Bénin, le décret a été contresigné par le Ministre de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique, en tant qu'il est chargé de son application;

Considérant donc qu'à l'origine de la proposition de nomination et à la mise en ouvre des effets de la nomination se trouve le Ministre de l'Éducation et de la Recherche Scientifique, membre d'un gouvernement dont le Président de la République signataire du décret attaqué est le Chef;

Considérant que le recours administratif peut être adressé à l'autorité la mieux informée ou à son supérieur hiérarchique;

Que dans le cas d'espèce, l'autorité la mieux informée est bien celle de qui émane la proposition de nomination et qui, par surcroît est chargée de l'exécution de la décision en sa qualité d'autorité administrative, responsable du département ministériel concerné, ce qu'atteste son contreseing;

Considérant que les décrets pris en Conseil des Ministres et signés par le chef du gouvernement, supérieur hiérarchique de tout membre du gouvernement doivent être contresignés par les ministres chargés de leur exécution et plus particulièrement le ministre premier responsable du département ministériel concerné, autorité la mieux informée;

Que c'est donc à bon droit que le requérant a adressé son recours administratif préalable au Ministre de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique, autorité la mieux informée;

Au total, il échet donc de déclarer le recours du collectif des enseignants de l'ENA recevable pour avoir été introduit dans les délais et formes prévus par la a loi;

AU FOND

Sur le moyen tiré de la violation de la légalité en ce que le décret N° 96-368 du 29 Août 1996, portant nomination au Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique, viole d'une part l'article 21 de l'arrêté N°82-196/MESRS/DGM du 29 Juillet 1982 portant Statut de l'Université Nationale du Bénin, d'autre part l'article 6 de l'Arrêté Ministériel N° 674-88/MEMS/DGM du 28 Juin 1988 portant Attribution, Organisation et Fonctionnement de l'École Nationale d'Administration en ce que le Directeur et le Directeur-Adjoint sont nommés parmi les enseignants de l'Établissement.

Considérant qu'il résulte de l'instruction du dossier que dame Lydie POGNON née AKIBODE a été nommée par décret N° 96-368 du 29 Août 1996 portant nomination au Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique;

Que ledit décret a été pris en conseil des Ministres en sa séance du 21 Août 1996;

Considérant que l'article 21 de l'arrêté N° 82-196/MESRS/DGM du 29 Juillet 1982 portant Statut de l'Université Nationale du Bénin dispose que:

«Chaque Institut, École ou Faculté est dirigé par un Directeur, ou un Doyen nommé parmi les enseignants de l'Établissement par décret pris en Conseil Exécutif National sur proposition du Ministre de l'Éducation et de la Recherche Scientifique après avis du Conseil National de l'Université. Il est assisté d'un Directeur-Adjoint ou d'un vice-Doyen nommé dans les mêmes conditions»;

Que l'article 6 de l'Arrêté Ministériel N°674-88/MEMS/DGM du 28 Juillet 1988 portant Attribution, Organisation et Fonctionnement de l'École Nationale d'Administration dit ceci:

«LeDirecteur et le Directeur-Adjoint sont nommés par décret en Conseil Exécutif National parmi les enseignants du Corps de l'enseignement supérieur. Il est mis fin à leurs fonctions dans les mêmes formes».

Considérant que les deux arrêtés constituent des actes réglementaires à portée générale, lesquels actes comportent les dispositions relatives au Statut de l'Université Nationale du Bénin d'une part, à l'Attribution, Organisation et Fonctionnement de l'École Nationale d'Administration d'autre part;

Considérant qu'à la date de signature du décret de nomination, lesdits arrêtés étaient toujours en vigueur, que donc les conditions et procédures essentielles pour être nommées Directeur, Directeur-Adjoint d'une École ou d'un Institut sont:

1°) Etre membre du Corps enseignant;

2°) Que la proposition soit soumise à l'avis du Conseil National de l'Université;

Considérant qu'il ressort de l'instruction du dossier que l'avis du Conseil National de l'Université n'a pas été requis;

Que par ailleurs les pièces relatives à la carrière de dame Lydie POGNON née AKIBODE démontrent qu'elle ne fait pas partie du Corps de l'enseignement supérieur, mais plutôt du Corps des Administrateurs;

Considérant en effet que par arrêté N° 1820/MFPTRA/DPE/SGC/CNP du 18 Avril 1997 dame AKIBODE épouse POGNON a été promue au titre de l'année1995 au grade des Administrateurs de la catégorie A Echelle 1 Echelon 12 (A1- 12) à compter du 1er Janvier 1995;

Qu'il ressort de là que dame AKIBODE épouse POGNON ne fait pas partie du corps de l'Enseignement supérieur et ne saurait donc être proposée, encore moins être nommée à un poste de Directeur ou de Directeur-Adjoint d'une École ou d'un Institut;

Considérant que dans son Mémoire en Défense l'Administration soutient ceci: « Le décret 96-368 du 29 Août 1996 comporte outre un article 1er disposant de la nomination de Madame Lydie AKIBODE épouse POGNON au poste de Directeur de l'ENA, un article 2 ainsi libellé.

"Le présent décret qui abroge toutes dispositions antérieures contraires prend effet pour compter de la date de prise de fonction des intéressés et sera publié et communiqué partout où besoin sera". Cette disposition fait disparaître pour l'avenir toutes les dispositions antérieures incompatibles avec la nouvelle donne qui résulte du Décret 96-368, elle crée donc une règle et une situation juridique nouvelle, dès lors se trouvent explicitement abrogées toutes les dispositions antérieures à son édiction susceptibles de constituer un obstacle à son application».

Considérant que cette interprétation est parfaitement erronée;

Considérant en effet que les actes administratifs se subdivisent en deux catégories à savoir les actes réglementaires à portée générale et les actes administratifs à caractère individuel;

Que les actes à portée générale s'imposent aux actes à caractère individuel quelle que soit leur place dans la hiérarchie des normes;

Considérant que le décret portant nomination du Directeur de l'ENA est un acte administratif à portée individuelle qui doit s'inscrire dans le cadre des mesures réglementaires à portée générale régissant l'UNB et l'ENA, en l'occurrence l'article 21 de l'arrêté N° 82-196/MESRS/DGM du 29 Juillet 1988 portant Attribution, Organisation et Fonctionnement de l'ENA;

Considérant qu'entre le décret de nomination querellée, à savoir le décret N° 96-368 du 29 Août 1996 portant nomination au Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique et les arrêtés N° 82-196/MES/RS/DGM du 29 Juillet 1982 portant Statut de l'Université Nationale du Bénin et N° 674-88/MEMS/DGM du 28 Juin 1988 portant Attribution, Organisation et Fonctionnement de l'École Nationale d'Administration, il ne s'agit pas d'un problème de hiérarchie des normes, mais d'un problème de conformité à une norme de référence non abrogée;

Considérant que l'autorité administrative est tenue de se conformer à une norme de valeur juridique inférieure quand elle prend un acte réglementaire dès lors que cet acte a pour objet de faire application de la norme et non de la modifier ou de l'abroger;

Considérant que le décret N° 96-368 du 29 Août 1996 portant nomination au Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique doit donc s'inscrire dans le cadre des arrêtés N° 82-196/MESRS/DGM du 29 Juillet 1982 portant Statut de l' UNB et N° 674-88/MEMS/DGM du 28 Juin 1988 portant Attribution, Organisation et Fonctionnement de l'ENA;

Que ledit décret qui a pour objet de procéder à des nominations ne saurait donc abroger que les décrets de nomination antérieures et non les actes réglementaires qui lui servent de soubassement, en l'occurrence les arrêtés N° 82-196/MESR/DGM du 29 Juillet 1982 portant Statut de l'UNB et N° 674-88/MEMS/DGM du 28 Juin 1988 portant Attribution, Organisation et Fonctionnement de l'ENA.

Il échet donc au total de dire que le décret N° 96-368 du 29 Août 1996 portant nomination au Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique viole effectivement et flagramment la légalité.

PAR CES MOTIFS

DECIDE

Article 1er: La requête du collectif d'enseignants de l'ENA en date à Cotonou du 22 Janvier 1997 est recevable.

Article 2: Le décret N° 96-368 du 29 Août 1996 portant nominations au Ministère de l'Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique en ce qui concerne Madame POGNON Lydie née AKIBODE est annulé pour violation de la légalité.

Article 3: Les dépens sont mis à la charge du Trésor Public.

Article 4: Notification du présent arrêt sera faite aux parties et Procureur Général de la Cour Suprême.

Article 5: Le présent arrêt sera publié au Journal Officiel.

Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composée de Messieurs:

Samson DOSSOUMON,
Conseiller à la Chambre Administrative

PRESIDENT

Grégoire ALAYE et Joachim G. AKPAKA

CONSEILLERS

Et prononcé à l'audience publique du vendredi quinze mai mil neuf cent quatre vingt dix huit, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de: KPADE Jocelyne ABOH

MINISTERE PUBLIC
Et de
Maître Balkissou KALTOU MOUDACHIROU

GREFFIER

Et ont signé:

Le Président Le Greffier



Références :

Origine de la décision
Formation : Chambre administrative
Date de la décision : 15/05/1998
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : 16
Numéro NOR : 173855 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1998-05-15;16 ?
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