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20/05/1999 | BéNIN | N°8

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre administrative, 20 mai 1999, 8


N°8
Violation de l'autorité de chose jugée
Est recevable le recours introduit par un requérrant en annulation pour excès de pouvoir contre un acte administratif qui viole l'autorité de la chose jugée.
Collectivité TOHON représenté par HOUSSOU LOHOUME et HOUSSOU KPANOU
C/
PREFET DE L'OUEME
N° 34/CA 20 mai 1999

La Cour,


Vu la requête en date du 03 Mars 1987 enregistrée au Greffe de la Cour le 06 Mars 1987 sous n° 038/GCS par laquelle Maître Hélène KEKE-AHOLOU, Avocat à la Cour, Conseil

de la Collectivité TOHON représentée par HOUSSOU Lohoumè et OUSSOU Kpanou a introduit un recours ...

N°8
Violation de l'autorité de chose jugée
Est recevable le recours introduit par un requérrant en annulation pour excès de pouvoir contre un acte administratif qui viole l'autorité de la chose jugée.
Collectivité TOHON représenté par HOUSSOU LOHOUME et HOUSSOU KPANOU
C/
PREFET DE L'OUEME
N° 34/CA 20 mai 1999

La Cour,

Vu la requête en date du 03 Mars 1987 enregistrée au Greffe de la Cour le 06 Mars 1987 sous n° 038/GCS par laquelle Maître Hélène KEKE-AHOLOU, Avocat à la Cour, Conseil de la Collectivité TOHON représentée par HOUSSOU Lohoumè et OUSSOU Kpanou a introduit un recours en annulation pour excès de pouvoir contre l'Arrêté n° 1/004/PO-SAD du 13 Février 1984 du Préfet de l'Ouémé mettant fin au profit de la Province à l'exercice du droit d'occupation et d'exploitation du domaine agricole, objet de litige entre les Collectivités TOHON et ZOUNKADJAME .

Vu le mémoire ampliatif de la requérante en date du 02 Septembre 1987 enregistré au Greffe de la Cour sous n° 193/87 du 07 Septembre 1987 après la mise en demeure du 02 Juillet 1987 qui lui a été adressée;

Vu la communication n° 469/GC/CPC du 11 Septembre 1987 par laquelle la requête introductive d'instance ainsi que le mémoire ampliatif ont été faites à l'Administration pour ses observations;

Vu la mise en demeure adressée au Préfet de l'Ouémé par lettre n° 516/GC/CPC du 07 Décembre 1987 lui accordant un nouveau et dernier délai;

Vu la correspondance n° 153/GC/CPC du 26 Avril 1989 lui transmettant copie de la lettre de la requérante en date du 07 Mars 1989 pour ses observations éventuelles;

Vu la lettre n° 1/279/SG-SAD du 14 Juillet 1989 enregistrée au Greffe sous n° 146 du 25 Septembre 1989 par laquelle le Préfet de l'Ouémé a fait parvenir ses observations;

Vu la consignation constatée par Reçu n° 187 du 18 Mars 1987;

Vu l'Ordonnance n° 21/PR du 26 Avril 1966 organisant la procédure devant la Cour Suprême, remise en vigueur par la Loi n° 90-012 du 1er Juin 1990;

Vu toutes les pièces du dossier;

Ouï le Conseiller Joachim AKPAKA en son rapport;

Ouï l'Avocat Général Jocelyne ABOH-KPADE en ses conclusions;

Après en avoir délibéré conformément à la loi.

EN LA FORME

Sur la recevabilité

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par Arrêté préfectoral n° 1/004/PO-SAD du 13 Février 1984, le domaine agricole, objet de litige entre les collectivités ZOUNKADJAME et TOHON est pris en charge par la Province de l'Ouémé et qu'il est mis fin à l'exercice du droit d'occupation et d'exploitation dudit domaine par lesdites collectivités à compter de la date de sa signature avec ampliation aux intéressés;

Que cependant les membres de la Collectivité TOHON troublés dans l'exercice de leur droit de propriété et faisant régulièrement l'objet de menaces ont, par des recherches personnelles, été surpris par la décision du Préfet de l'Ouémé prise depuis le 13 Février 1984 et dont ils n'ont jamais reçu notification, mettant fin à l'exercice de leur droit de propriété sur ledit domaine;

Considérant que dès lors ils ont saisi la Cour le 06 Mars 1987 d'un recours en annulation pour excès de pouvoir contre ledit arrêté après avoir introduit le 10 Novembre 1986 un recours gracieux auprès du Préfet de l'Ouémé qui ne leur a donné aucune suite;

Qu'il y a donc lieu d'accueillir ledit recours et de le déclarer recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai de la loi.

AU FOND

Sur le premier moyen de la requérante tiré de l'illégalité de l'arrêté préfectoral n° 1/004/PO-SAD du 13 Février 1984 en ce que une décision judiciaire passée en force de chose jugée ne peut être remise en cause par l'autorité administrative en l'occurrence le Préfet de l'Ouémé.

Considérant qu'il résulte de l'examen du dossier:

Que par jugement n° 40 en date du 16 Mai 1952, le Tribunal Civil du Deuxième Degré de Porto-Novo a tranché le litige domanial qui avait opposé la collectivité TOHON représentée par HOUSSOU Lohoumè et OUSSOU Kpanou à la collectivité ZOUNKADJAME représentée par HOUEDANOU Gbédékan et TAKPA Afingbè;

Que ledit jugement infirmant celui rendu par le Tribunal coutumier d'Adjohoun en date du 15 Mars 1950 sous n° 10 reconnaît les droits de propriété de HOUSSOU Lohoumè et OUSSOU Kpanou sur le terrain en litige et leur ordonne de restituer à HOUEDANOU Gbèdékan et TAKPA Afingbé la somme de trente (30) francs dans un délai de un mois, somme contre laquelle le terrain en litige fut remis en gage aux mains de leur ancêtre par YANHOUEKLOUNON;

Que sur appel relevé dudit jugement, le Tribunal Colonial d'Appel du Dahomey a rendu un arrêt confirmatif sous n° 54 du 29 Mai 1953, lequel a été régulièrement notifié et exécuté le 03 août 1953 par l'Administrateur-Adjoint DALMAS Pierre suivant Procès-verbal n° 618 qu'il établit comme suit:

«L'an mil neuf cent cinquante trois et le trois Août, nous DALMAS Pierre, Administrateur-Adjoint de la F.O.M., Chef de Subdivision d'Adjohoun, certifions avoir notifié ce jour, aux nommés HOUEDANOU Gbèdékan et TAKPA Afingbè, défenseurs d'une part; HOUNSOU Lohoumè et OUSSOU Kpanou, demandeurs d'autre part; le Jugement n° 40 du 16-5-52 du Tribunal du 2ème degré de Porto-Novo et l'arrêt n° 54 du 29 Mai 1953 du Tribunal Colonial d'Appel de Cotonou;

«Les nommés HOUNSOU Lohoumè et OUSSOU Kpanou ont en outre, restitué en notre présence la somme de Trente Francs aux nommés HOUEDANOU Gbédékan et TAKPA Afingbé, somme contre laquelle le terrain en gage fut remis aux mains de leur ancêtre par YANHOUECLOUNON;

«En foi de quoi nous dressons le présent procès-verbal pour servir et valoir ce que de droit./.»

Considérant que curieusement le Préfet de l'Ouémé soutient dans son mémoire en défense en date du 14 Juillet 1989 que «cette décision judiciaire qui a été notifiée en son temps aux deux parties en conflit par l'Administration, s'était heurtée dans son application aux vives protestations enregistrées de la part de la collectivité ZOUNKADJAME.»

Qu'il soutient en outre que la décision du Tribunal Colonial d'Appel du Dahomey mise à exécution le 03 Août 1953«ne tient nullement compte des pratiques coutumières en matière foncière dans la Province de l'Ouémé» d'une part, et que son exécution «était de nature à engendrer des affrontements entre les deux collectivités» d'autre part;

Que cependant il ne ressort des pièces du dossier en tout cas avant les années 1980 ou tout au moins depuis 1953 où la décision a été mise à exécution, aucune preuve de contestation faisant état ou confirmant lesdites allégations;

Considérant que les décisions judiciaires, objet de notification aux parties en cause et mises à exécution depuis 1953 par l'autorité administrative, le chef de subdivision d'Adjohoun sont «devenues définitives» et donc «passées en force de chose jugée»;

Que dès lors elles ne sont plus susceptibles de recours et l'Administration, conformément au principe de la séparation des pouvoirs, est tenue à leur respect mais également se doit de prendre les mesures qui s'imposent pour leur exécution correcte;

Considérant qu'en l'espèce, le Préfet de l'Ouémé, en décidant le 13 Février 1984, par l'arrêté querellé, de prendre en charge le terrain en cause au profit de la Province et de mettre ainsi fin à l'exercice du droit de propriété de la Collectivité TOHON, d'une part, en autorisant par la suite le 17 Octobre 1985 la Collectivité ZOUNKADJAME à exploiter provisoirement ledit domaine jusqu'au règlement définitif du litige qui l'oppose à la Collectivité TOHON d'autre part, au motif que ces dispositions constituent «une mesure de police» et donc, «une mesure de sauvegarde de l'ordre public», à excédé ses pouvoirs, les décisions de justice intervenues depuis 1952 et 1953 entre les parties et devenues définitives n'ayant pas été respectées;

Que dès lors il a violé le principe de l'autorité de la chose jugée;

Que c'est donc à juste titre que l'annulation de l'arrêté incriminé est sollicitée par la requérante;

Que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens évoqués par la requérante, il y a lieu d'annuler l'arrêté préfectoral querellé.

PAR CES MOTIFS

D E C I D E

Article 1er: Le recours en annulation pour excès de pouvoir de la Collectivité TOHON représentée par HOUSSOU Lohoumè et OUSSOU Kpanou contre l'Arrêté préfectoral N° 1/004/PO-SAD du 13 février 1984 portant prise en charge d'un terrain par la Province de l'Ouémé, est recevable.

Article 2: Ledit arrêté est annulé avec toutes les conséquences de droit.

Article 3: Notification du présent arrêt sera faite à la requérante, au Préfet du Département de l'Ouémé et au Procureur Général près la Cour suprême.

Article 4: Les frais sont à la charge du Trésor Public.

Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (chambre Administrative) composée de Messieurs:

Samson DOSSOUMON, Conseiller à la Chambre Administrative, PRESIDENT

Grégoire ALAYE }
et { CONSEILLERS
Joachim AKPAKA }

Et prononcé à l'Audience Publique du Jeudi vingt Mai mil neuf cent quatre vingt dix neuf, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de Mesdames:

Jocelyne ABOH épouse KPADE, AVOCAT GENERAL

Et de Maître Balkissou KALTOU-MOUDACHIROU, GREFFIER

Et ont signé

Le Président, Le Rapporteur, Le Greffier,



Références :

Origine de la décision
Formation : Chambre administrative
Date de la décision : 20/05/1999
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : 8
Numéro NOR : 173876 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1999-05-20;8 ?
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