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01/10/1999 | BéNIN | N°15

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre judiciaire, 01 octobre 1999, 15


Texte (pseudonymisé)
N° 15
Civil Traditionnel
Droit foncier traditionnel - opposition valant appel - Fausse interprétation de l'article 24 alinéa 2 du D.O du 03/12/1931 - Forclusion - Irrecevabilité
Si les juges d'appel peuvent souverainement qualifier "Acte d'appel " un recours en opposition inexistant en matière traditionnel, ils ont en revanche l'obligation, sous peine de l'annulation de leur décision, de déduire de la qualification retenue toutes les conséquences de droit au regard du délai d'appel qui est de 30 jours à compter du prononcé du jugement contradictoire. (Article 25 al1 D.O du

31/12/1931).

X B C/ Y Ac REP/ Y Aa

N° 014/CJ-CT 1/10/1999
La C...

N° 15
Civil Traditionnel
Droit foncier traditionnel - opposition valant appel - Fausse interprétation de l'article 24 alinéa 2 du D.O du 03/12/1931 - Forclusion - Irrecevabilité
Si les juges d'appel peuvent souverainement qualifier "Acte d'appel " un recours en opposition inexistant en matière traditionnel, ils ont en revanche l'obligation, sous peine de l'annulation de leur décision, de déduire de la qualification retenue toutes les conséquences de droit au regard du délai d'appel qui est de 30 jours à compter du prononcé du jugement contradictoire. (Article 25 al1 D.O du 31/12/1931).

X B C/ Y Ac REP/ Y Aa

N° 014/CJ-CT 1/10/1999
La Cour,

Vu la déclaration enregistrée le 11 novembre 1995 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou par laquelle le sieur X B a élevé pourvoi en cassation contre l'arrêt n° 50/95 du 06 septembre 1995 de la Chambre de droit traditionnel de la Cour d'Appel de Cotonou;

Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;

Vu l'arrêt attaqué;

Vu la Loi n° 90-012 du 1er juin 1990 remettant en vigueur l'Ordonnance n° 21/PR du 26 Avril 1966 définissant la Composition, l'Organisation, les Attributions et le Fonctionnement de la Cour Suprême;

Vu les pièces du dossier;

Ouï à l'audience du vendredi 1er octobre 1999 le Conseiller Gilbert Comlan AHOUANDJINOU en son rapport;

Ouï l'Avocat Général Nestor DAKO en ses conclusions;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi:

Attendu que suivant acte n° 024/95 du 11 septembre 1995 du Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, Monsieur X B a comparu et a formé pourvoi en cassation contre l'arrêt n° 50/95 rendu le 06 septembre 1995 par la 2è Chambre de droit traditionnel de la Cour d'Appel de Cotonou entre les parties dans une affaire de confirmation de droit depropriété immobilière;

FAITS ET PROCEDURE

Attendu qu'un litige est né entre X B et Y Ac représenté par Y Aa à propos d'une parcelle de terrain;

Que le Tribunal de Première Instance de Cotonou statuant en matière de droit civil traditionnel a rendu dans l'affaire un jugement contradictoire n° 66/91 du 08 août 1991;

Que par lettre en date du 02 octobre 1991, Monsieur X B a relevé appel dudit jugement;

Que la Cour d'Appel de Cotonou, Chambre de droit traditionnel, en se prononçant sur cet appel a rendu le 06 septembre 1995 l'arrêt contradictoire n° 50/95;

Attendu qu'au soutien de son pourvoi, Maître Bertin C. AMOUSSOU pour le compte de son client X B a articulé deux moyens de cassation:

- Premier moyen tiré de la fausse application du Décret Organique du 03 décembre 1931 sur la prescription décennale.

En ce que l'application de ce Décret ne trouve sa justification qu'en matière civile et commerciale. Or le litige est régi par le Coutumier du Dahomey, circulaire A.P. du 19 mars 1931, qui dispose en son article 320 que la prescription n'existe dans aucune coutume.

- Deuxième moyen tiré de l'insuffisance de recherche de tous les éléments de preuve et de fait qui justifient l'application du Décret du 03 décembre 1931.

En ce que l'occupation de la parcelle litigieuse n'a pas été paisible. De plus, cette occupation n'est basée sur aucun titre de propriété du contradicteur Y Ac. Enfin, les héritiers de celui-ci sont de mauvaise foi.

Attendu qu'en réplique le défendeur au pourvoi Y Ac représenté par Y Aa développe par l'organe de son avocat Maître Magloire YANSUNNU que le premier moyen mérite rejet car les dispositions de l'article 17 du Décret Organique du 03 décembre 1931 s'appliquent au droit traditionnel qui est une matière civile et que ledit article n'a nullement restreint son application aux seules matières modernes;

Que le demandeur a produit au dossier un acte de vente du 05 mars 1971 qui est un acte sous seing privé alors que l'article 17 du Décret Organique sus cité n'impose la prescription trentenaire qu'en cas d'acte authentique;

Que par ailleurs, l'article 320 du Coutumier du Dahomey ne saurait recevoir application parce que contraire à l'article 17 du Décret sus mentionné;

Qu'il ajoute que le second moyen mérite également rejet en ce que la Cour d'Appel a bien apprécié les éléments de fait et de preuve justifiant l'appréciation de la loi et qu'elle a en cette matière un pouvoir souverain;

SUR LA RECEVABILITÉ DE L'APPEL

Attendu que le demandeur au pourvoi n'a pas fait d'observation sur la question de la recevabilité de l'appel qu'il avait interjeté du jugement n° 66/91 du 08 août 1991 rendu par le Tribunal de Première Instance de Cotonou, Chambre de droit traditionnel dans le dossier;

Que par contre, le défendeur au pourvoi avait non seulement soulevé l'irrecevabilité de l'appel dans ses conclusions du 07 mars 1994 devant les juges du fond, mais a également dans son mémoire en réplique en cause de cassation, soutenu cette position en sollicitant que l'arrêt querellé soit cassé pour violation de la loi par fausse application des articles 25, 26 et 43 du décret organique du 03 décembre 1931, en ce que ledit arrêt a déclaré recevable un acte hors délai;

Attendu que dans une lettre datée à Cotonou du 02 octobre 1991 adressée au Greffier en Chef du Tribunal de Première Instance de Cotonou et ayant pour objet: «Opposition d'un jugement», Monsieur X B a écrit «vouloir faire opposition» au jugement de droit traditionnel rendu le 08 Août 1991 par le Tribunal de Première Instance de Cotonou dans l'affaire qui l'oppose à Y Ac et Y Aa;

Que, considérant que le recours en opposition d'un jugement n'existe pas en droit traditionnel, les juges d'appel ont analysé la lettre du 02 octobre 1991 et en ont déduit souverainement qu'elle valait appel du jugement concerné;

Que ce jugement a été rendu contradictoirement entre les parties en matière de droit traditionnel et en premier ressort le 08 août 1991;

Attendu que les juges du second degré, en confirmation de la démarche du premier juge, ont considéré que pour avoir comparu aux audiences des 21 mars et 13 juin 1991 du Tribunal, la partie X B, bien qu'ayant été absente à l'audience du 27 juin 1991 à laquelle il devait avoir confrontation avec un témoin dénommé SAKA Bio, mérite de se voir opposer le caractère contradictoire du jugement rendu le 08 août 1991 suite à l'audience du 27 juin 1991;

Que cependant, tout en admettant le caractère contradictoire de cette décision à l'égard de la partie X B, les juges d'appel ont estimé que pour n'avoir pas comparu à l'audience du 27 juin 1991, Monsieur X B «a pu ignorer» l'audience du 08 août 1991 à laquelle le jugement a été rendu;

Qu'il «n'a pu» ainsi être informé de son droit d'appel conformément aux articles 26 et 43 du décret organique du 03décembre 1991; que le défaut d'avis suspendant le délai d'appel, ce recours formé le 02 octobre 1991 par le sieur X était recevable ,

Attendu qu'il est important de relever que l'article 24 alinéa 2 du décret organique du 03 décembre 1931 sur lequel se sont certainement fondés les juges du second degré pour reconnaître à la première décision son caractère contradictoire vis-à-vis de X B dispose que: «le Tribunal statue comme si toutes les parties étaient présentes dans le cas où l'une d'elle, dûment convoquée, ne comparaît pas ou ne se fait pas représenter comme il est prévu ci-dessus»;

Qu'en faisant application de ce texte par la qualification du jugement du 08 août 1991 comme étant une décision contradictoire entre les parties, les juges d'appel auraient dû en tirer tous les effets de droit attachés à une décision contradictoire, dont notamment l'obligation des parties de poursuivre le cas échéant la réformation de la sentence rendue dans le délai d'un mois à partir du jour de son prononcé conformément à l'article 25 alinéa 1 du décret organique précité, dès lors que le premier juge comme c'est le cas en espèce, a satisfait à la formalité d'avis du droit d'appel des parties et qu'il en est fait mention au jugement ainsi que prescrit par l'article 26 du décret organique sus visé;

Attendu dans ces conditions, que la partie X B absente à l'audience du jugement du 08 août 1991 est plutôt réputée avoir été informée de son droit d'appel par le premier juge. D'où il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à suspension du délai de l'appel qui, formalisé hors les 30 jours suivant le prononcé de la décision est irrecevable;

Attendu par conséquent qu'en déclarant recevable l'appel du 02 octobre 1991 formé par le sieur X B contre le jugement du Tribunal de Première Instance de Cotonou prononcé contradictoirement en premier ressort le 08 août 1991, les juges d'appel ont violé la loi par fausse interprétation et application des articles 25 alinéa 1, 26 alinéa1, 43 et 44 alinéa 1 du décret organique du 03 décembre 1931;

Que l'arrêt ainsi rendu encourt cassation sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens;

Attendu que le pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi;

Qu'il y a lieu de le recevoir;

PAR CES MOTIFS

- Déclare en la forme X B recevable en son pourvoi.

- Au fond casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt n° 50/95 rendu le 06 septembre 1995 par la Cour d'Appel de Cotonou, 2è Chambre de droit traditionnel.

- Remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, renvoie le dossier devant la Cour d'Appel de Cotonou autrement composée.

- Ordonne la restitution de la somme consignée au Greffe de la Cour Suprême au demandeur.

- Met les frais à la charge du Trésor Public.

- Ordonne notification de l'arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou ainsi qu'aux parties.

- Ordonne transmission en retour du dossier au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou.

Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de:

Edwige BOUSSARI, Conseiller à la Chambre Judiciaire,
PRESIDENT;

Jean-Baptiste MONSI }
et { CONSEILLERS;
Gilbert Comlan AHOUANDJINOU }

Et prononcé à l'audience publique du vendredi premier novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:

Nestor DAKO, AVOCAT GENERAL;

Et de Françoise TCHIBOZO-QUENUM, GREFFIER.

Et ont signé

Le Président, Le Rapporteur,

E. C G. Ab A

Le Greffier,

TCHIBOZO-QUENUM


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 15
Date de la décision : 01/10/1999
Civile traditionnelle

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1999-10-01;15 ?
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