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19/07/2001 | BéNIN | N°028/CA

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre administrative, 19 juillet 2001, 028/CA


N° 028/CA du Répertoire Arrêt du 19 juillet 2001

ZANOUVI JEAN-GRATIEN
ZANOUVI EDOUARD
C/
PREFET DE L'ATLANTIQUE
La Cour,
Vu la requête en date à Cotonou du 13 juillet 1994, enregistrée au Greffe de la Cour le 27 juillet 1994 sous le numéro 194/GCS par laquelle Maître Jean-Gratien ZANOUVI B.P. 1854 Cotonou a introduit un recours en annulation pour excès de pouvoir contre l'arrêté préfectoral n° 2/674/DEP-ATL/SAD du 16 décembre 1993 portant retrait et attribution des parcelles C et D du lot 1460 de la tranche N ;
Vu la communication faite

pour ses observations à Monsieur le Préfet du Département de l'Atlantique par lettre...

N° 028/CA du Répertoire Arrêt du 19 juillet 2001

ZANOUVI JEAN-GRATIEN
ZANOUVI EDOUARD
C/
PREFET DE L'ATLANTIQUE
La Cour,
Vu la requête en date à Cotonou du 13 juillet 1994, enregistrée au Greffe de la Cour le 27 juillet 1994 sous le numéro 194/GCS par laquelle Maître Jean-Gratien ZANOUVI B.P. 1854 Cotonou a introduit un recours en annulation pour excès de pouvoir contre l'arrêté préfectoral n° 2/674/DEP-ATL/SAD du 16 décembre 1993 portant retrait et attribution des parcelles C et D du lot 1460 de la tranche N ;
Vu la communication faite pour ses observations à Monsieur le Préfet du Département de l'Atlantique par lettre n° 450/GCS du 22 mars 1996;
Vu la mise en demeure n° 0744/GCS du 03 mai 1999, adressée à Monsieur le Préfet du Département de l'Atlantique;
Vu la consignation constatée par reçu n° 625 du 12 juin 1995;
Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 organisant la procédure devant la Cour Suprême et remise en vigueur par la loi n° 90-012 du 1er juin 1990;
Vu la loi n° 60-20 du 13 juillet 1960 fixant le régime des Permis d'Habiter au Dahomey;
Vu le décret n° 64-276/PC/MFAEP/EDT du 02 décembre 1964 fixant le régime des Permis d'Habiter au Dahomey;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience;
Vu toutes les pièces du dossier;
Ouï le Conseiller Samson DOSSOUMON en son rapport;
Ouï le Procureur Général Nestor DAKO en ses conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME
Le recours en annulation pour excès de pourvoi des requérants est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai de la loi ;
AU FOND
Sur le moyen des requérants tiré de vice de forme, excès de pouvoir, violation du principe des droits acquis en ce que l'attribution des parcelles «C» et «D» du lot 1460 de la tranche N du lotissement de Vèdoko à Messieur ZANOUVI Jean-Gratien et à ZANOUVI Edouard avait déjà conféré des droits dont le respect s'oppose, le cas échéant à une mesure de retrait desdites parcelles pour un autre citoyen.
Considérant que selon les allégations des requérants:
- ils ont fait l'acquisition de deux parcelles de terrain à Vèdoko en 1970;
- qu'en 1985, après l'état des lieux réalisé par l'Institut Nationale de cartographie, les numéros 196 C et 297 D ont été attribués aux dites parcelles;
- qu'en 1986, la Société Nationale de Gestion Immobilière procéda au lotissement et les a maintenu dans les lieux sous les numéros «C» et «D» du lot 1460 tranche N du lotissement de Vèdoko;
- que ces parcelles ont été constamment occupées, entretenues et n'avaient jamais fait l'objet de contestation ou de revendication;
- que le 17 décembre 1993, le Préfet du Département de l'Atlantique prit l'arrêté n° 2/674/DEP-ATL/SG/SAD qui les dépossède de leurs biens au profit d'un certain SOTIN Hounhoui Tchan;
Considérant qu'il ressort de l'instruction du dossier:
- que par convention de vente du 17 décembre 1971, une parcelle a été vendue à Mademoiselle ZANOUVI Hermance Rachel, sous le couvert de Monsieur ZANOUVI Gratien, représenté à Cotonou par Monsieur AHOUANGAN Benoît;
- que ladite parcelle a été cédée par Monsieur Frédéric ATTANGBE Mégninou, Alias Dah Tonougan Chef de la famille Attangbé - Mègninou gérant administrateur des biens de l'indivision familiale du feu ATTANGBE-MEGNINOU;
- que la parcelle cédée est primitivement située à Vèdoko-Zoungamey appelé aujourd'hui ATTANGBE-MEGNI-CODJI, est limité au sud par une rue, au nord par une parcelle de l'indivision familiale à céder au tiers, à l'est par la parcelle cédée à ZANOUVI Edouard Calixte et à l'ouest par un terrain appartenant au tiers;
- que le 05 août 1985, lors des relevés d'état des lieux, le nommé ZANOUVI Edouard a été relevé à l'état des lieux 296 D avec un apport de 529 m²;
- qu'à la même date le nommé ZANOUVI J. Gratien a été relevé à l'état des lieux 297 D avec un apport de 512 m²;
qu'à la fin des travaux d'état des lieux, de lotissement et de recasement, les parcelles «C» et «D» du lot 1460 du lotissement de Cotonou - Nord de la tranche N ont été attribuées à Monsieur ZANOUVI J. Gratien et ZANOUVI Edouard à Vèdoko;
- que le 27 novembre 1993, le sieur SOTIN Hounhoui Tchan formule une requête au Préfet de l'Atlantique au motif que c'est de manière frauduleuse que les numéros d'état des lieux 297 D et 296 D ont été respectivement attribués à ZANOUVI J. Gratien et ZANOUVI Edouard;
- que le 17 décembre 1993, le Préfet du département de l'Atlantique prend l'arrêté de retrait et d'attribution n° 2/674/DEP-ATL/SG/SAD du 17 décembre 1993 motif pris de ce que l'attribution des parcelles «C» et «D» du lot 1460 du lotissement de Cotonou-Nord de la tranche N aux requérants a un caractère frauduleux;
- que le 15 avril 1996 le Préfet du département de l'Atlantique par Arrêté Préfectoral n° 2/055/DEPT-ATL/CP portant Attribution de parcelles, il a été attribué à Monsieur ZANOUVI Gratien à titre de dédommagement au lot 2084 bis à Ménontin les parcelles B et C de 200 m² chacune:
- Considérant qu'il ressort de ce qui précède:
que c'est le 27 novembre 1993 que le sieur SOTIN Hounhoui-Tchan formule une requête au Préfet de l'Atlantique, estimant que l'attribution des numéros d'état des lieux 297 d et 296 d respectivement à Messieur ZANOUVI J. Gratien et ZANOUVI Edouard est frauduleuse;
que le 17 décembre 1993, le Préfet du Département de l'Atlantique répond favorablement à la requête de Monsieur SOTIN Hounhoui-tchan en retirant les parcelles querellées aux requérants;
qu'il ressort de la date de la demande de Monsieur SOTIN Hounhoui-Tchan à la date de la prise de l'arrêté querellé vingt (20) jours, ce qui montre que le Préfet de l'Atlantique a pris l'arrêté de façon hâtive et sans consulter les présumés propriétaires desdites parcelles;
Considérant que dans le cas d'espèce, l'administration préfectorale avant la prise de l'arrêté querellé doit au préalable aviser les requérants de la mesure qu'elle envisage de prendre, leur communiquer ensuite s'ils le demandent, les griefs retenus contre eux, les mettre en mesure de consulter le dossier établi, leur fixer un délai pour présenter leurs observations, ce délai devant être suffisant pour leur permettre d'exposer utilement leur défense;
Qu'il ressort de ce qui précède que l'administration préfectorale a fait preuve d'excès de pouvoir et de violation du principe du contradictoire;
Considérant que, lorsqu'une décision ou une attribution de parcelle ayant créée des droits est entachée d'une illégalité de nature à entraîner l'annulation ou le retrait de la parcelle attribuée, l'autorité ne peut le faire que dans les délais du recours contentieux;
Considérant que dans le cas d'espèce l'analyse des pièces du dossier montre que la Préfecture du Département de l'Atlantique n'a pas pu faire la lumière sur lesdites parcelles dont l'attribution des numéros d'état des lieux aux requérants serait faite de manière frauduleuse avant de l'attribuer à Monsieur SOTIN Hounhoui-Tchan;
Considérant qu'après les travaux de lotissement les requérants ont été maintenus sur lesdites parcelles depuis 1986;
- qu'en 1993, le Préfet n'est plus fondé à retirer aux requérants lesdites parcelles par arrêté préfectoral n° 2/674/DEP-ATL/SG/SAD du 17 décembre 1993 portant retrait et attribution des parcelles «C» et «D» du lot 1460 de la tranche N en les «rétrocédant» à Monsieur SOTIN Hounhoui-Tchan;
- que le premier moyen soulevé par les requérants doit être accueilli;
Sur le deuxième moyen des requérants tiré du détournement de pouvoir, violation du principe de l'égalité du citoyen devant la loi en ce que les parcelles «C» et «D» du quartier Vèdoko ont été attribuées de façon régulière à messieur ZANOUVI Jean Gratien et ZANOUVI Edouard, ce que confirme l'arrêté de dédommagement.
Considérant que le détournement de pouvoir résulte de ce qu'une décision a été prise non dans un but d'intérêt général, mais pour favoriser un intérêt particulier, l'autorité trahissant ainsi l'esprit de la mission qui lui a été confiée;
Considérant que le principe d'égalité des citoyens devant la loi consiste en ce que les individus placés dans la même situation au même moment soient traités de la même façon;
Considérant que l'analyse du dossier montre qu'au départ, c'est-à-dire qu'à la date du 05 août 1985, les règlements partiels ou la première avance payée sur l'état des lieux n° 296 d et 267 d du quartier Vèdoko, d'une surface respectivement de 529 m² et 512 m² ont été faits au nom de ZANOUVI Edouard et de ZANOUVI J. Gratien pour le montant de vingt mille (20.000) francs chacun;
Considérant que selon les allégations des requérants, aucune contestation n'a été faite depuis la date du 17 septembre 1971, où ils ont acquis lesdites parcelles;
Qu'aucune contestation n'a été faite au moment du relevé d'état des lieux desdites parcelles et des différents règlements afférents aux dites parcelles;
Que l'Administration ne peut plus après leur avoir attribué lesdites parcelles à la fin des travaux de l'état des lieux, de lotissment et de recasement en 1986 revenir sur sa décision en 1993 par le retrait desdites parcelles;
Considérant que l'analyse du dossier montre que les requérants ont été relevés à l'état des lieux sur lesdites parcelles et qu'en 1986, ils ont soldé les frais de paiement d'état des lieux;
Considérant que le 17 décembre 1993, l'administration revient sur sa décision d'attribution desdites parcelles, laquelle attribution a été faite en 1986;
Qu'en les retirant, l'administration les a attribué à un autre citoyen motif pris de ce que c'est de façon frauduleuse que les numéros d'état des lieux ont été donnés aux requérants;
Considérant que l'administration n'apporte aucune preuve pour soutenir ses allégations;
Considérant que la même administration en date du 15 avril 1996 prend l'arrêté n° 2/055/DEP-ATL/SP portant attribution de parcelle, pour attribuer à monsieur ZANOUVI Gratien les parcelles B et C du lot 2084 bis d'une superficie de 200 m² chacune à titre de dédommagement dans le quartier de Ménontin;
Que ce faisant l'administration, voire la Préfecture de l'Atlantique sans faire des investigations ne doit en aucun cas attribué les parcelles à d'autres citoyens alors que les mêmes parcelles étaient précédemment attribuées aux requérants;
Que dans le cas d'espèce, l'analyse des pièces du dossier montre que les parcelles «C» et «D» du lot 1460 du lotissement de Cotonou Nord de la tranche N ont été attribuées de façon régulière à monsieur ZANOUVI J. Gratien et monsieur ZANOUVI Edouard, affirmation confortée par l'arrêté préfectoral n° 2/055/DEP-ATL/SP portant attribution de parcelles du 15 avril 1996 de la Préfecture de Cotonou;
Considérant que les dispositions de l'article 2 de la loi n° 60-20 du 13 juillet 1960 fixant le régime des Permis d'Habiter au Dahomey et l'alinéa 2 de l'article 4 du décret n° 64-276/PC/MFAEP/EDT du 02 décembre 1964 fixant le régime des permis d'habiter au Dahomey ne concernent pas le cas d'espèce comme le soutiennent les requérants dans la mesure où l'administration n'a pas délivré un permis d'habiter à monsieur SOTIN Hounhoui-Tchan sur les parcelles querellées mais a tout simplement retiré lesdites parcelles pour les attribuer à un autre citoyen;
Considérant qu'il est manifeste que le préfet du département de l'Atlantique n'a pas pris cet arrêté dans un but d'intérêt général, mais plutôt en vue de favoriser un intérêt particulier;
Qu'il s'ensuit que le Préfet du département de l'Atlantique a non seulement utilisé son pouvoir à d'autres fins mais aussi a-t-il violé le principe de l'égalité des citoyens devant la loi;
Qu'il échet donc au total d'accueillir comme valable et fondé le deuxième moyen des requérants tiré du détournement de pouvoir et de la violation du principe de l'égalité du citoyen devant la loi en ce que les parcelles «C» et «D» du quartier Vèdoko ont été attribuées de façon régulière à Messieur ZANOUVI J. Gratien et à ZANOUVI Edouard;
PAR CES MOTIFS,
D E C I D E:
Article 1er: Le recours pour excès de pouvoir en date du 13 juillet 1994 par lequel Maître Jean Gratien ZANOUVI sollicite l'annulation de l'arrêté préfectoral n° 2/674/DEP-ATL/SG/SAD du 17 décembre 1993 est recevable.
Article 2: L'arrêté préfectoral n° 2/674/DEP-ATL/SG/SAD du 17 décembre 1993 est annulé.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié aux parties, au Procureur Général près la Cour Suprême et sera publié au Journal Officiel.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composée de Messieurs:
Samson DOSSOUMON, Conseiller à la Chambre Administrative, PRESIDENT;
Grégoire ALAYE }
et } CONSEILLERS.
Joachim AKPAKA }
Et prononcé à l'audience publique du jeudi dix neuf juillet deux mille un, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus et en présence de:
Nestor DAKO, MINISTERE PUBLIC;
Et de Maître Irène Olga AÏTCHEDJI, GREFFIER.


Synthèse
Formation : Chambre administrative
Numéro d'arrêt : 028/CA
Date de la décision : 19/07/2001
2e section contentieuse
Sens de l'arrêt : Recevabilité

Parties
Demandeurs : ZANOUVI JEAN-GRATIEN ZANOUVI EDOUARD
Défendeurs : PREFET DE L'ATLANTIQUE

Références :

Décision attaquée : PREFET DE L'ATLANTIQUE, 13 juillet 1994


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2001-07-19;028.ca ?
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