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08/07/2004 | BéNIN | N°47/CA

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre administrative, 08 juillet 2004, 47/CA


N° 47/CA du répertoire Arrêt du 08 Juillet 2004

TOKO Bamènou Michel
C/
Etat Béninois
La Cour,
Vu la requête introductive d'instance en date à Cotonou du 16 avril 1998, enregistrée au Greffe de la Cour le 28 avril 1998 sous le n° 262/GCS par laquelle Monsieur TOKO Bamènou Michel 03 BP 0846 Cotonou, a introduit contre l'Etat Béninois un recours de plein contentieux aux fins d'obtenir la condamnation de celui ci au paiement de la somme évaluée à 204.227.132 francs CFA;
Vu le mémoire ampliatif en date du 24 juin 1998 de son conseil, Maître B. C. A

MOUSSOU, Avocat près la cour d'appel de Cotonou;
Vu les lettres n°s 996 et 997/GCS t...

N° 47/CA du répertoire Arrêt du 08 Juillet 2004

TOKO Bamènou Michel
C/
Etat Béninois
La Cour,
Vu la requête introductive d'instance en date à Cotonou du 16 avril 1998, enregistrée au Greffe de la Cour le 28 avril 1998 sous le n° 262/GCS par laquelle Monsieur TOKO Bamènou Michel 03 BP 0846 Cotonou, a introduit contre l'Etat Béninois un recours de plein contentieux aux fins d'obtenir la condamnation de celui ci au paiement de la somme évaluée à 204.227.132 francs CFA;
Vu le mémoire ampliatif en date du 24 juin 1998 de son conseil, Maître B. C. AMOUSSOU, Avocat près la cour d'appel de Cotonou;
Vu les lettres n°s 996 et 997/GCS toutes deux du 29 juillet 1998 par lesquelles, ladite requête et le mémoire ampliatif ont été communiqués respectivement, pour leurs observations, à Monsieur le Directeur du Contentieux et Agent Judiciaire du Trésor et à Monsieur le Président de la République, Chef de l'Etat, Chef du Gouvernement;
Vu la lettre n° 1804/GCS du 18 novembre 1998 par laquelle une mise en demeure a été adressée à Monsieur le Directeur du Contentieux et Agent Judiciaire du Trésor;
Vu la lettre n°230-C/DCAJT/SP du 23 décembre 1998 enregistrée au Greffe de la Cour le 23 décembre 1998 sous le n° 1195/GCS par laquelle le Directeur du Contentieux et Agent Judiciaire du Trésor a répondu aux diverses correspondances de la cour par l'envoi de son mémoire en réplique;
Vu la lettre n°0125/GCS du 21 janvier 1999 par laquelle les observations du Directeur du Contentieux et Agent Judiciaire du Trésor ont été communiquées à Monsieur TOKO Bamènou Michel pour une éventuelle réplique;
Vu la consignation légale constatée par reçu n°1202 du 07 mai 1998;
Vu la lettre en date à Cotonou du 21 octobre 2003 enregistrée au greffe de la cour sous le n° 633/GCS du 24 octobre 2003 par laquelle Monsieur TOKO Bamènou Michel, outre ses premières demandes, a sollicité de la haute juridiction la condamnation de l'Office des Postes et Télécommunications à lui payer la somme de 150.000.000 de francs CFA en réparation des préjudices à lui causés du fait de la disparition dans ses livres, de son compte n° 1592 ;
Vu l'ordonnance n° 21 PR du 26 Avril 1966 organisant la procédure devant la Cour Suprême remise en vigueur par la loi n° 90-012 du 1er juin 1990;
Ouï le Conseiller Victor Dassi ADOSSOU en son rapport;
Ouï l'Avocat Général Louis René KEKE en ses conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
A - En la forme
Considérant que le présent recours est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai de la loi.
B - Au fond
Considérant que le sieur TOKO Bamènou Michel, par l'organe de son conseil expose:
Qu'alors Ministre de la Justice et de la Législation, il a été arrêté et «interné administrativement» le 26 octobre 1972 suivant l'arrêté n° 089/MIS-DSN en date du 05 juillet 1973;
- que libéré le 17 juin 1983, suite au message porté n°1360/SGG du 16 juin 1983, il a été jeté à nouveau en prison le 12 décembre 1989, suivant message porté n°738-C/EMC/FAP/BICIM du 08 décembre 1989 et n'a été libéré que le 23 mars 1990 à la faveur de l'Ordonnance d'amnistie n° 90-005 du 08 mars 1990 et du Décret n°90-51 du 08 mars 1990;
- que pendant ses différentes détentions, et en raison des tortures et sévices corporels dont il a été l'objet, sa santé s'est sérieusement dégradée, au point de nécessiter plusieurs hospitalisations;
- que c'est ainsi qu'il dut subir une intervention chirurgicale de la part du Professeur V. KINIFFO;
- qu'il convient d'attirer l'attention de la Cour sur le fait que, pendant sa détention, tous les frais médicaux occasionnés par son état de santé ont été entièrement supportés par lui;
- qu'alors qu'il était en détention, ses biens ont été confisqués, spoliés par les «révolutionnaires» du Régime du Parti de la Révolution Populaire du Bénin (PRPB);
- qu'au nombre de ses biens illégalement confisqués ou spoliés, il faut retenir notamment:
- Le carré n° 86-87 sis à Missèbo à Cotonou;
- Une maison bâtie au carré n°1291 D. sis à Ste Rita à Cotonou;
- La parcelle de terrain "F" du lot 1267 F' sise à Ste Rita à Cotonou;
- La parcelle N du lot 170 sise à Comè;
- Une maison construite sur la parcelle E du lot 170 sise à Comé;
- Un camion Berliet n° 3465 - A2 déposé à la Société NEGRE au moment de son arrestation;
- Un autre camion Berliet immobilisé à Jonquet à Comè;
- Deux (2) stations d'essence SHELL (sur la route de Lomé et sur la route de Lokossa à Comè) saisies avec essence, gas-oil, lubrifiants et divers ingrédients (Sic) ;
- Une carrière de graviers sise à Drè;
- Une maison sise à AKODEHA (Comé);
- Un compte n°1592 ouvert dans les livres des chèques Postaux à Cotonou;
Que si certains de ses biens lui ont été restitués à sa sortie de prison, force est de constater qu'il les a retrouvés en piteux état de dégradation;
Que sa demande en dédommagement en date du 8 Août 1991 qu'il a adressée au Président de la Commission mixte ad'hoc créée par décret n° 90-374 du 4 décembre 1990 est restée sans suite;
Que son compte ouvert dans les livres des chèques postaux et portant le n° 1592 était pourvu de plus de deux cent mille (200 000) francs au moment de son arrestation;
Qu'à sa libération, il dut apprendre que ledit compte qui devrait recevoir ses salaires et autres émoluments, a été détruit et n'existerait plus dans les livres des chèques postaux;
- Que s'agissant de l'indemnité allouée aux personnes ayant bénéficié de la loi n° 90-028 du 09 octobre 1990 portant amnistie des faits autres que ceux de droit commun commis du 26 octobre 1990 jusqu'à sa date de promulgation, l'Etat béninois ne lui a alloué que la somme de 4.494.000 F, faisant ainsi montre d'une injustice flagrante;
Qu'au regard de ces faits, il sollicite qu'il plaise à la Cour:
- Déclarer recevable le recours de plein contentieux qu'il a introduit;
- Constater qu'il a été détenu pendant près de 13 ans et que ses biens ont été saisis de façon arbitraire et illégale;
- Constater qu'il a subi d'importants préjudices moral, matériel et financier du fait de sa détention et de la confiscation de ses biens;
- Condamner par conséquent l'Etat béninois à lui payer la somme totale de 354.227.132 F CFA à titre de réparation des différents chefs de préjudice par lui subis du fait de sa détention et de la confiscation de ses biens survenues de façon arbitraire et illégale;
Considérant que le requérant par l'organe de son conseil fonde son recours sur les moyens tirés des préjudices subis du fait de la responsabilité de l'Administration, reconnue partiellement par l'Administration elle-même, laquelle responsabilité repose sur:
1°) La violation du principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi en ce que les sieurs: DOSSOU A. Patrice, MIDAHUEN Claude, ASSOGBA Z. André, CHABI-KAO Pascal qui ont été détenus dans les mêmes conditions que lui, ont reçu un traitement meilleur au sien;
2°) La confiscation et la spoliation de ses biens pendant son internement administratif;
Considérant que le Directeur du Contentieux et de l'Agence Judiciaire du Trésor conclut qu'il ne sera alloué au requérant qu'une indemnité correspondant à la durée complémentaire de sa détention et ce, sur présentation des copies authentiques des attestations de ladite détention; que les autres griefs sont dénués de tout fondement juridique, l'administration ne pouvant réparer un préjudice qui n'a pas été prouvé.
Sur le premier moyen du requérant tiré de la violation du principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi en ce que les sieurs: DOSSOU A. Patrice, MIDAHUEN Claude, ASSOGBA Z. André, CHABI-KAO Pascal ont reçu un traitement meilleur au sien.
Considérant que le principe d'égalité de tous les citoyens devant la loi est un principe général du droit reconnu par la constitution du 11 décembre 1990 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier:
- Que Monsieur TOKO Bamènou Michel, Ministre de la Justice et de la Législation a été interné le 26 octobre 1972 à la maison d'arrêt de Cotonou pour raisons d'Etat pour une durée de six (6) mois renouvelable;
- Que cet internement a été constaté par l'arrêté n° 089/MIS/DSN du 05 juillet 1973 portant mesure d'internement administratif à l'encontre de Edmond DOSSOU-Yovo, Théophile PAOLETI, Michel Bamènou TOKO, Gabriel LOZES, Pascal CHABI-KAO, Mama Arouna, Joseph KEKE ADJIGNON et Albert OUASSA;
- Que Monsieur TOKO Bamènou Michel a été libéré dans un premier temps le 17 juin 1983 suivant message porté n° 1360/SGC/C du 16 juin 1983 du Ministre de l'Intérieur et de la Sécurité;
- Que l'intéressé a été de nouveau arrêté le 17 juillet 1988, motif pris de ce qu'il serait impliqué dans un coup d'Etat dit "des caporaux de la Garde Présidentielle; "
- Qu'il a été transféré à la prison civile de Cotonou le 12 décembre 1989avant d'être libéré le 23 mars 1990 à la faveur de la mesure d'amnistie ci-dessus indiquée ;
- Qu'au cours de son internement, le requérant a été malade et soigné au Centre National Hospitalier et Universitaire de Cotonou courant 1977-1978;
- Que Monsieur TOKO Bamènou Michel a été amnistié aux termes des dispositions de la loi n° 90-028 du 9 octobre 1990 portant amnistie des faits autres que ceux de droit commun commis du 26 octobre 1972 jusqu'à la date de sa promulgation, mesure effectivement constatée par l'arrêté interministériel n° 43/MJL/MISPAT/DC du 22 mars 1991;
- Qu'au titre du paiement des indemnités qui lui sont dues en sa qualité de victime, il lui a été payé, au taux de 1.000 francs par jour et pour une durée de détention de 4 494 jours, la somme totale de 4.494.000 francs CFA;
Que Monsieur CHABI-KAO Pascal ancien Ministre du Conseil Présidentiel, après avoir fait le même nombre d'années d'emprisonnement que lui, a perçu au titre de son indemnisation, la somme de 29.441.664 francsaux termes du relevé n° 52/SGG/REL du 2 avril 1996;
Considérant donc que dans la réalité, le requérant n'a reçu au titre de ses indemnisations, que la somme de 4.494.000 F;
Qu'en revanche son collègue, Pascal CHABI-KAO ancien Ministre du Conseil Présidentiel, et ancien détenu politique comme lui, a reçu comme montant de ses indemnisations, la somme de 29.441.664 francs;
Considérant que cette différence de traitement s'explique par le fait que Monsieur TOKO Bamènou Michel et Monsieur Pascal CHABI-KAO n'ont pas été payés au même taux journalier;
Considérant que l'Administration doit traiter de la même façon, les citoyens se trouvant dans des situations juridiques identiques;
Que le principe d'égalité impose de traiter de façon égale ceux qui se trouvent dans des situations semblables;
Que Monsieur TOKO Bamènou Michel et Monsieur CHABI-KAO Pascal, tous anciens Ministres et internés politiques, se trouvaient dans des situations identiques;
Qu'ils n'ont cependant pas reçu le même traitement en ce qui concerne leur indemnisation respective;
Considérant que du reste, l'administration ne conteste pas cette réalité;
Qu'elle tente d'expliquer la différence de traitement par le fait que la mesure prise en faveur du sieur Pascal CHABI-KAO et consorts le 1er avril 1996 par le conseil des Ministres réuni en séance extraordinaire à la veille même de la fin du mandat du Gouvernement déchu, peut s'analyser comme un acte pris dans la précipitation;
Mais considérant que l'Administration ne rapporte pas la preuve de ce que le Gouvernement qui a pris la succession de celui déchu a, comme il l'a fait pour certains actes pris dans les mêmes conditions, rapporté la mesure prise en faveur de Monsieur Pascal CHABI.KAO et consorts;
Qu'il ressort de tout ce qui précède que le premier moyen soulevé par le requérant est opérant ;
Qu'il y a lieu par conséquent d'accueillir ledit moyen tiré de la violation du principe de l'égalité des citoyens devant la loi et les services publics;
Sur le deuxième moyen du requérant tiré des préjudices résultant de la confiscation de ses biens après son internement administratif.
Considérant que l'Administration allègue que le requérant n'a pu communiquer aucune pièce justificative de sa propriété sur les deux (2) véhicules qui auraient été saisis par les services de l'ex-Ministère de l'Intérieur, de la Sécurité et de l'Orientation Nationale (MISON);
Que les réclamations portant sur l'expropriation des deux (2) stations shell sises à Comé n'ont pas été appuyées de preuves suffisantes tandis que les recherches entreprises au niveau de la Direction Générale de la SONACOP ont été infructueuses;
Que les réclamations du requérant relatives aux biens immeubles doivent être appuyées par des preuves ou des pièces justificatives dans la mesure où l'Administration ne saurait réparer un préjudice qui n'a pas été prouvé et alors même que sa réalisation n'est pas clairement rattachée aux activités ou actes de puissance publique;
Qu'étant donné que le requérant n'a pas pu rapporter les preuves de ses prétentions, il y a lieu de constater, qu'à ce titre, aucune indemnisation ne peut intervenir;
Mais considérant que le requérant a été en réalité administrativement interné pendant plus de 12 ans;
Qu'il a été de notoriété publique, pendant la période révolutionnaire, que les biens meubles comme immeubles des citoyens privés de leur liberté pour des raisons politiques ou contraints à l'exil, étaient le plus souvent voire systématiquement confisqués par l'Etat révolutionnaire, sans autres formes de procès;
Que le sieur TOKO Bamènou Michel qui était membre du Conseil Présidentiel en sa qualité de Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et de la Législation au moment de son arrestation, n'a pas échappé à cette réalité;
Considérant cependant que pour asseoir la conviction de la haute juridiction sur les faits allégués par le requérant, la production de preuves suffisantes, était nécessairecomme l'a bien souligné l'Administration;
Que la Haute Juridiction a par conséquent invité le requérant à soutenir ses prétentions par des preuves suffisantes, l'Administration ne pouvant comme elle l'a soutenu, être condamnée à réparer un préjudice qui n'aura pas été prouvé et dont la réalisation ne serait pas rattachée ou liée clairement à un acte de puissance publique;
Considérant que le requérant a satisfait à cette exigence de la Cour en produisant un certain nombre de pièces, documents et photographies de nature à éclairer la religion de la Cour;
Que la haute juridiction a apprécié cas par cas, la pertinence ou la force probante de chacune des pièces versées en rapport avec les faits allégués;
Que s'agissant des deux véhicules dont le requérant réclame réparation du fait de leur dégradation, les pièces versées au dossier sont de nature à attester de ce qu'en 1972, ils étaient propriétés du sieur TOKO Bamènou Michel;
Que les circonstances de leur saisie par l'Etat révolutionnaire, leur identification et leur état d'épave
aujourd'hui dont les précisions ont été données par le requérant, sont de nature à permettre à l'Administration d'élever éventuellement la contradiction si tant est qu'elle conteste le droit de propriété du sieur TOKO Bamènou Michel sur ces biens ou la véracité des faits allégués;
Considérant qu'en ce qui concerne les stations Shell de Comé, les pièces versées au dossier sont assez édifiantes;
Qu'au regard desdites pièces, les deux stations étaient propriétés de veuve TOKOla mère du requérant ;
Considérant en outre que dès l'avènement de la nationalisation des secteurs vitaux de l'économie nationale, le secteur pétrolier est entré dans le patrimoine de l'Etat révolutionnaire;
Que l'Administration ne saurait nier cette évidence;
Qu'elle n'apporte pas la preuve de ce que veuve TOKO a été dédommagée après le processus de nationalisation du secteur pétrolier;
Considérant également qu'il est prouvé que le requérant a la qualité d'administrateur des biens de veuve TOKO;
Considérant que s'agissant des biens immeubles, les pièces versées au cours des débats par le requérant attestent de son droit de propriété sur lesdits biens au moment de son arrestation;
Qu'il a été prouvé que le carré n° 86-87 sis à Missèbo à Cotonou était propriété du requérant au moment de son incarcération;
Que l'immeuble qui était en construction sur ladite parcelle au moment de l'arrestation du requérant a été occupé par l'Etat révolutionnaire qui y a installé une Mairie;
Que ledit immeuble a été restitué au requérant à sa libération dans un état de dégradation prononcé;
Considérant que Monsieur TOKO Bamènou Michel a rapporté la preuve de son droit de propriété sur la maison bâtie au carré n°1291 D sise au quartier Ste Rita de Cotonou;
Que cette maison a été confisquée par l'Etat qui en a fait un dispensaire, avant de la démolir pour cause d'utilité publique sans dédommager jusqu'à ce jour, le requérant;
Considérant que le requérant a été dépossédé de la parcelle "F" du lot 1267 parcelle sise à Ste Rita à Cotonou au profit de Dame GOUGODJE DAGA Adjalatou;
Que les promesses à lui faites par le Préfet de l'Atlantique dans le sens de lui attribuer une autre parcelle en remplacement de celle n° "F" du lot 1267, n'ont jamais été tenues;
Que la preuve a été également rapportée que la maison construite sur la parcelle E du lot 170 sise à Comé était propriété du sieur TOKO Bamènou Michel;
Que ladite maison s'est retrouvée en piteux état de dégradation à sa libération;
Considérant que le requérant a prouvé son droit de propriété sur la carrière de graviers sise à Drè;
Que ladite carrière à ses dires, a été exploitée par la Préfecture du Mono pendant sa détention;
Que le sieur TOKO Bamènou Michel est aujourd'hui entré en possession de cette dernière;
Considérant que les prétentions du requérant relatives à l'existence au moment de son arrestation, d'un compte n°1592 ouvert dans les livres des chèques postaux à Cotonou ont été confirmées aussi bien par le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice que par le Directeur Général de l'Office des Postes et télécommunications à travers les correspondances que ces deux responsables se sont échangées;
Que le Directeur Général de l'Office des Postes et Télécommunications a confirmé par sa correspondance n° 3034/ OPT/250/DSPF du 15 septembre 1998 adressée au Directeur de Cabinet du Ministre de la Justice qu'il n'a retrouvé aucune trace du compte n°1592 qui existait dans les livres des chèques postaux au moment de l'arrestation de Monsieur TOKO Bamènou Michel;
Considérant que l'Administration ne conteste pas la réalité de l'existence de ce compte au moment de l'arrestation du sieur TOKO Bamènou Michel, sauf qu'elle affirme que ledit compte n'était créditeur que d'un montant de 97.592 francs à la date du 9 décembre 1972;
Que la question se pose toujours de savoir ce qu'est devenu ce compte;
Considérant que s'agissant de la maison sise à AKODEHA (Comé) le requérant a affirmé lui même qu'elle a fait l'objet d'une procédure qui a abouti à une décision de la haute juridiction (arrêt n°15/CA du 27 juillet 1995);
Que les griefs articulés par le requérant contre ledit arrêt sont inopérants, aucun recours ne pouvant être élevé contre cette décision de la haute juridiction qui a autorité de chose jugée;
Que la haute juridiction ne saurait faire droit à la prétention du requérant qui sollicite la condamnation de l'Etat au paiement d'un montant complémentaire de 26.595.131 francs;
Considérant qu'il n'apparaît pas au dossier au regard des pièces qui y sont versées qu'un préjudice ait été causé au requérant relativement à la parcelle N du lot 170 sise à Comé;
Qu'il n'y a par conséquent à cet égard matière à aucune réparation;
Considérant que l'Administration qui a été représentée aux audiences de la présente cause par la Direction du Contentieux et de l'Agence Judiciaire du Trésor, n'a élevé aucune contestation sur les pièces versées au dossier par le requérant au cours des débats;
Considérant que du fait de sa détention arbitraire prolongée et de la confiscation des biens ci-dessus énumérés opérée de façon tout aussi arbitraire qu'illégale, l'Administration a causé d'importants préjudices au requérant;
Considérant au total qu'il y a lieu à l'exception des deux cas ci-dessus indiqués, d'accueillir le moyen du requérant tiré des préjudices résultant de la confiscation de ses biens après son arrestation par le régime révolutionnaire;
Sur le troisième moyen du requérant tiré du bien fondé de l'action en dédommagement en ce qu'elle est fondée en droit du fait de sa détention et de la confiscation de ses biens.
Considérant que ce troisième moyen est en réalité la conséquence juridique qu'il convient de tirer des premier et deuxième moyens soulevés par le requérant;
Considérant que dans la réclamation préalable que le requérant a adressée au Chef de l'Etat, Président de la République, en date à Cotonou du 26 janvier 1998, et relative à l'indemnisation liée à sa détention, il écrivait: «. Contrairement au titre de paiement des indemnités aux taux de mille (1.000) francs insignifiants par jour, je demandais: 5.000 x 365 x 13 = 23.275.000 francs CFA et il m'a été payé le 6 novembre 1997: 1.000 F x 4.494 = 4.494.000 francs;
L'Etat reste donc me devoir 18.781.000 francs et ce sera justice. Car le taux de 1.000 francs est fixé arbitrairement et ne correspond à rien»;
- Mais considérant en réalité que ce montant a été calculé sur la base de 13 années de détention soit 365 jours x 13 x 5.000 F = 23.725.000 F et non 23.275.000 F comme l'a écrit le requérant;
Que le taux de 5.000 francs par jour réclamé par le requérant n'est pas contesté par l'Administration;
Considérant en réalité que le requérant n'a pas totalisé treize (13) années de détention soit 4745 jours comme il le soutient, mais plutôt environ 4500 jours s'il est pris en compte 365 jours par année;
Qu'il y a donc lieu dans le calcul de l'indemnisation du requérant au titre de sa détention de procéder ainsi qu'il suit: 5.000 F x 4 500 jours = 22.500.000 Francs;
Mais considérant que Monsieur TOKO Bamènou Michel a déjà perçu au titre de la même indemnisation la somme de 4.494.000 francs;
Qu'il convient par conséquent de déduire du montant qui aurait dû lui être payé, la somme de 4.494.000, soit 22.500.000 F - 4.494.000 F = 18.006.000 F;
Que l'Etat béninois reste lui devoir au titre de son indemnisation relative à sa détention la somme de 18.006.000 F;
Considérant que les autres demandes de dédommagement formulées par le requérant, si elles sont fondées en leur principe sont exagérées en leur montant;
Qu'il y a lieu de les ramener en de justes et équitables proportions;
PAR CES MOTIFS
Décide:
Article 1er: Le recours de plein contentieux en date à Cotonou du 16 avril 1998 de Monsieur TOKO Bamènou Michel tendant à la condamnation de l'Etat béninois au paiement d'une somme évaluée à 354.227.132 francs en réparation des différents préjudices à lui causés du fait de sa double détention illégale, est recevable.
Article 2: Ledit recours est fondé en son principe.
Article 3: L'Etat Béninois est condamné à payer à Monsieur TOKO Bamènou Michel les sommes suivantes.
- Au titre des indemnités relatives à la détention arbitraire du requérant:
18.006.000 de francs CFA.
- Au titre de la réparation des préjudices subis du fait de la dégradation de l'immeuble sis à Missèbo .
5.000.000 de francs CFA.
- Au titre de la réparation des préjudices subis du fait de la dégradation de l'immeuble sis au quartier Sainte Rita de Cotonou:
1.000.000 de francs CFA.
- Au titre de la réparation des préjudices subis du fait de l'expropriation arbitraire de la parcelle «F» du lot 1267 F' sise au quartier Sainte Rita de Cotonou.
10.000.000 de francs CFA.
- Au titre de la réparation des préjudices subis du fait de la dégradation des deux véhicules Berliet.
2.000.000 de francs CFA.
- Au titre de la réparation des préjudices subis du fait de l'expropriation des deux stations SHELL de Comé.
2.000.000 de francs CFA.
- Au titre de la réparation des préjudices subis du fait de l'expropriation temporaire de la carrière de Drè.
5.000.000 de francs CFA.
- Au titre de la réparation des préjudices subis du fait de la démolition de la maison construite sur la parcelle E de Comé.
1.000.000 de francs CFA.
- Au titre de la réparation des préjudices subis du fait du blocage du compte n° 1592 ouvert à l'Office des Postes et Télécommunications.
1.000.000 Francs CFA.
Le tout, toutes causes de préjudices confondus.
Article 4: Le déboute du surplus.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié aux parties, au Procureur Général près la Cour Suprême et sera publié au Journal Officiel de la République du Bénin.
Article 6: Les dépens sont mis à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre administrative) composée de:
Grégoire ALAYE, Président de la chambre administrative PRESIDENT;
Joséphine OKRY-LAWIN }
ET {
Victor D. ADOSSOU }
CONSEILLERS;
Et prononcé à l'audience publique du jeudi huit juillet deux mille quatre, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:
René Louis KEKE,
MINISTERE PUBLIC;
Et de Irène O. AÏTCHEDJI ,
GREFFIER;


Synthèse
Formation : Chambre administrative
Numéro d'arrêt : 47/CA
Date de la décision : 08/07/2004
2e section contentieuse
Sens de l'arrêt : Recevabilité

Parties
Demandeurs : TOKO Bamènou Michel
Défendeurs : Etat Béninois

Références :

Décision attaquée : Etat Béninois, 16 avril 1998


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2004-07-08;47.ca ?
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