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01/02/2007 | BéNIN | N°3

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre administrative, 01 février 2007, 3


N° 03/CA du répertoire REPUBLIQUE DU BENIN

N°2004-149/CA du greffe AU NOM DU PEUPLE BENINOIS

Arrêt du 1er février 2007 COUR SUPREME

Affaire: SAGBO Vignon André CHAMBRE ADMINISTRATIVE

C/
Ministre des Finances et de l'Economie



La Cour,


Vu la requête introductive d'instance en date à Cotonou du 19 octobre 2004 en

registrée au greffe de la cour le 20 octobre 2004, par laquelle Monsieur SAGBO Vignon André, Magistrat ...

N° 03/CA du répertoire REPUBLIQUE DU BENIN

N°2004-149/CA du greffe AU NOM DU PEUPLE BENINOIS

Arrêt du 1er février 2007 COUR SUPREME

Affaire: SAGBO Vignon André CHAMBRE ADMINISTRATIVE

C/
Ministre des Finances et de l'Economie

La Cour,

Vu la requête introductive d'instance en date à Cotonou du 19 octobre 2004 enregistrée au greffe de la cour le 20 octobre 2004, par laquelle Monsieur SAGBO Vignon André, Magistrat a saisi la chambre administrative de la Cour Suprême d'un recours pour excès de pouvoir aux fins de voir annuler l'arrêté de débet n° 0570/MFE/DC/AJJ/BGC/ASS/SA du 10 mai 2004 pris contre lui par le Ministre des Finances et de l'Economie;

Vu la lettre n° 1014/GCS du 17 mars 2005 par laquelle la requête introductive, le mémoire ampliatif et les pièces y annexées ont été communiqués au Ministre des Finances et de l'Economie pour ses observations;

Vu la mise en demeure faite par lettre n° 2195/GCS du 13 juin 2005 au Ministre des Finances et de l'Economie pour lesdites observations;

Vu les observations de Maîtres Bertin C. AMOUSSOU et Abdou Waïdi MOUSTAPHA conseils du Ministre des Finances et de l'Economie en date du 09 août 2005 enregistrées au greffe le 18 août 2005 sous le n° 1005/GCS;

Vu la lettre n° 3147/GCS du 31 août 2005 par laquelle les observations de maître Bertin AMOUSSOU conseil du Ministre des Finances et de l'Economie ont été communiquées au requérant pour ses répliques éventuelles;

Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 organisant la procédure devant la Cour suprême remise en vigueur par la loi n° 90-012 du 1er juin 1990;

Vu la consignation légale constatée par reçu n° 2983 du 16 novembre 2004;

Vu toutes les pièces du dossier;

Ouï le conseiller Victor D. ADOSSOU en son rapport;

Ouï l'Avocat Général Louis René KEKE en ses conclusions;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme

Sur la Recevabilité

Considérant que le requérant expose:

Que dans le cadre de l'affaire dite "des frais de justice criminelle", il a été accusé entre autres de détournement de deniers publics;

Que le Ministre des Finances et de l'Economie a pris l'arrêté de débet n°570/MFE/DC/AJJ/BGC/ASS/SA du 10 mai 2004 par lequel, il le constituait personnellement débiteur d'une somme de 7 242 400 F et solidairement avec d'autres personnes d'une somme de 14 946 150 F parmi lesquelles il n'avait aucun lien de travail dans le cadre des transports judiciaires;

Qu'il continue de contester la fiabilité des chiffres avancés et du lien fondé du motif évoqué;

Que depuis l'enquête administrative en passant par l'enquête préliminaire jusqu'aux débats à l'audience de la Cour d'Assises, il a toujours clamé son innocence en produisant pour vérification et confrontation des pièces à conviction, notamment l'extrait du registre d'instruction du Cabinet, les photocopies des ordonnances de transport, les procès-verbaux subséquents, les convocations adressées aux parties et les messages radio et les photocopies des titres perçus dans les recettes perceptions après avoir exécuté les transports judiciaires et ceci conformément aux dispositions prescrites;

Qu'au regard de tout ce qui précède, la Cour d'Assises, en rendant son arrêt, a décidé de son acquittement;

Que dans l'exercice de ses fonctions de Magistrat Instructeur au deuxième cabinet du Tribunal de Première Instance de Parakou, il n'a commis aucun acte susceptible d'être taxé d'un quelconque détournement de denier publics;

Que par conséquent l'arrêté de débet ci-dessus visé, est inopérant en ce qui le concerne et devra être annulé de ce chef;

Considérant que l'administration soulève l'irrecevabilité du recours du requérant pour défaut d'objet et d'intérêt;

Qu'elle expose en effet:

Qu'il est exigé de celui qui agit en justice qu'il ait un intérêt à le faire;

Que cette condition a toujours été exigée par la jurisprudence en application des règles traditionnelles: «pas d'intérêt, pas d'action» ou encore «l'intérêt est la mesure de l'action»;

Que si les caractères que doit présenter l'intérêt à agir sont âprement discutés en jurisprudence comme en doctrine, la nécessité de l'intérêt à agir, n'a jamais été discutée dans son principe;

Que la raison en est qu'il s'agit d'une règle de simple bon sens ayant pour but d'éviter l'encombrement des tribunaux;

Que dans sa plus simple expression, l'intérêt selon MM. CORNU et FOYERR, recouvre deux éléments: la réalité d'un mal et la possibilité d'un remède; (in "Procédure Civile", Thémis, P. 296);

Qu'en tout état de cause, une action en justice, selon la doctrine, doit présenter une certaine utilité pour le plaideur qui l'intente: les tribunaux n'ont pas pour fonction de donner aux plaideurs des satisfactions purement platoniques ou de leur fournir des consultations (cf. Jean VINCENT, D. rép. Pro. Civ..., 2è ed, V° Action n°20);

Qu'une action en justice ne présente aucune utilité à celui qui l'initie lorsque l'objet de la demande fait défaut et que, par suite, il n'y a plus lieu à contestation ni litige;

Qu'en l'espèce, l'arrêté de débet dont l'annulation est poursuivie, est retirée du procès d'assises par la partie civile en raison de ce qu'il est rendu inutile par l'exigence faite par les accusés d'être confrontés avec les mémoires et taxes dont on leur impute la responsabilité;

Que les mémoires et taxes leur ont été préalablement mis à disposition et, au fur et à mesure de leur appel à la barre, ces titres leur ont été montrés et sont discutés contradictoirement;

Que la même démarche a été adoptée par la Cour d'assises dès les premières heures de l'audience prévue pour statuer sur les intérêts civils de l'Etat et devrait permettre de fixer des accusés sur le montant exact imputé à chacun d'eux;

Que la Cour d'assises était à pied d'ouvre avant que les accusés ne commencent en cascade à soulever audience après audience, les uns après les autres, des exceptions d'inconstitutionnalité les unes aussi saugrenus que les autres, bloquant depuis plus d'un an, l'examen par la Cour de l'action civile de l'Etat pour la juste réparation des lourds préjudices à lui occasionnés;

Que l'arrêté de débet a été pris en vue de la poursuite à exercer contre les accusés, dans le cadre des assises; qu'il a été repris dans le cours de ladite procédure avant d'être retiré par son auteur;

Qu'il n'est d'aucun usage ni utilité en dehors dudit procès et ne peut servir de titre de créance contre les accusés sauf à démontrer qu'il peut remplacer l'arrêt civil à intervenir à la suite du procès en cours, auquel cas, il supprimerait même la raison d'être d'un tel procès;
Qu'il s'agit tout au plus d'une pièce du dossier d'assises qui n'est constitutive d'aucun droit et par conséquent ne peut faire grief aux accusés pour justifier un recours en annulation;

Que seuls les titres que représentent les mémoires et taxes suffisent à établir l'imputabilité d'un montant déterminé à tel accusé ou à tel autre;

Qu'il s'ensuit que l'arrêté de débet rendu ainsi inutile et retiré par la partie civile qui l'avait produit ne peut plus remplir l'objet auquel il était destiné parce que vidé de son contenu;

Que dans ces conditions, un recours contre un tel acte, n'est d'aucune utilité pour son auteur, et ne peut lui procurer aucune satisfaction ni aucun avantage;

Que l'objet du recours ayant en effet disparu, le recours lui-même ne présente plus aucun intérêt et n'a donc plus sa raison d'être;

Qu'il échet par conséquent de déclarer l'action du demandeur irrecevable pour défaut d'objet et partant d'intérêt.

Mais considérant que le recours introduit par le Magistrat SAGBO Vignon André est un recours en annulation pour excès de pouvoir;

Qu'avant de saisir la haute juridiction d'un tel recours, le requérant se devait d'introduire auprès de l'auteur de l'arrêté de débet incriminé, un recours gracieux;

Considérant que Monsieur SAGBO Vignon André a affirmé dans sa requête introductive d'instance avoir introduit le 30 juin 2004 auprès du Ministre des Finances et de l'Economie un recours gracieux demeuré sans suite;

Qu'en bas de sa requête introductive d'instance, il annonce comme pièce jointe à celle-ci, la photocopie de l'avis de réception du Ministre des Finances et de l'Economie;

Mais considérant qu'aucune pièce tenant lieu de recours gracieux n'est réellement versé au dossier;

Que la photocopie de l'avis de réception du Ministre des Finances et de l'Economie n'est non plus versée au dossier;

Qu'il en résulte que la preuve de la transmission au Ministre en charge des Finances d'un recours gracieux n'est pas faite au dossier;

Mais considérant que le Ministre des Finances à qui la requête introductive d'instance de Monsieur SAGBO André ensemble avec le mémoire ampliatif et les pièces y annexées ont été adressés, ne conteste pas avoir été saisi d'un recours gracieux;

Que c'est plutôt sur d'autres griefs qu'il soulève l'irrecevabilité du recours du Magistrat SAGBO André;

Qu'il y a lieu d'admettre que le requérant a dû saisir le Ministre des Finances d'un recours gracieux;

Considérant en effet que le Ministre des Finances et de l'Economie soutient qu'une action en justice ne présente aucune utilité à celui qui l'initie lorsque l'objet de la demande fait défaut et que par suite, il n'y a plus lieu à contestation de litige;

Qu'en l'espèce, l'arrêté de débet querellé est retiré du procès d'assises par l'administration en raison de ce qu'il est rendu inutile par l'exigence faite par les accusés d'être confrontés avec les mémoires et taxes dont on leur impute la responsabilité;

Mais considérant que les développements ci-dessus touchent au fond du contentieux;

Qu'avant la saisine du juge administratif, aucun écrit ne permet de se rendre compte de la réalité des développements ci-dessus de l'administration;

Que l'écrit est la règle d'or de l'administration;

Que le Ministre des Finances et de l'Economie n'a pas produit au requérant un acte portant rétractation de l'arrêté querellé;

Qu'aucune réponse n'a d'ailleurs été faite au recours gracieux du requérant;

Que dans ces conditions, l'arrêté de débet pourrait, dans son existence juridique, lui être d'une manière ou une autre préjudiciable;

Qu'il avait donc intérêt à agir;

Qu'au regard de ces considérations, il y a lieu de conclure au caractère inopérant de moyen de l'administration tiré de l'irrecevabilité du présent recours pour défaut d'intérêt;

Que ledit recours doit être déclaré recevable;

Au fond

Considérant que l'administration en réaction aux prétentions du requérant affirme:

«. qu'en l'espèce, l'arrêté de débet dont l'annulation est poursuivie, est retiré du procès d'assises par la partie civile en raison de ce qu'il est rendu inutile par l'exigence faite par les accusés d'être confrontés avec les mémoires et taxes dont on leur impute la responsabilité;

Que les mémoires et taxes leur ont été préalablement mis à la disposition et, au fur et à mesure de leur appel à la barre, ces titres leur sont montrés et sont discutés contradictoirement;

Que la même démarche a été adoptée par la Cour d'assises dès les premières heures de l'audience prévue pour statuer sur les intérêts civils de l'Etat et devrait permettre de fixer chacun des accusés sur le montant exact qu'on lui impute;

Que la Cour d'assises était ainsi à pied d'ouvre avant que les accusés ne commencent en cascade à soulever audience après audience, les uns après les autres, des exceptions d'inconstitutionnalité les unes aussi saugrenues que les autres, bloquant depuis plus d'un an, l'examen par la Cour, de l'action civile de l'Etat pour la juste réparation des lourds préjudices à lui occasionnés;

Que l'arrêté de débet a été pris en vue de la poursuite à exercer contre les accusés, dans le cadre des assises; qu'il a été repris dans le cours de ladite procédure avant d'être retiré par son auteur;

Qu'il n'est d'aucun usage ni utilité en dehors dudit procès et ne peut servir de titre de créance contre les accusés sauf à démontrer qu'il peut remplacer l'arrêt civil à intervenir à la suite du procès en cours, auquel cas il supprimerait même la raison d'être d'un tel procès;

Qu'il s'agit tout au plus d'une pièce du dossier d'assises qui n'est constitutive d'aucun droit et par conséquent ne peut faire grief aux accusés pour justifier un recours en annulation;

Que seuls les titres que représentent les mémoires et taxes suffisent à établir l'imputabilité d'un montant déterminé à tel accusé ou à tel autre;

Qu'il s'ensuit que l'arrêté de débet rendu ainsi inutile et retiré par la partie civile qui l'avait produit ne peut plus remplir l'objet auquel il était destiné parce que visé de son contenu;

Que dans ces conditions, un recours contre un tel acte n'est d'aucune utilité pour son auteur, et ne peut lui procurer aucune satisfaction ni aucun avantage;

Que l'objet du recours ayant en effet disparu, le recours lui-même ne présente plus aucun intérêt et n'a donc plus sa raison d'être;»

Mais considérant au regard des développements ci-dessus de l'administration qu'elle aurait dû donner forme et corps à sa décision de retirer l'arrêté de débet querellé;

Que comme le soutient le requérant, l'administration aurait dû procéder à la rétractation de l'acte querellé pour lever toute équivoque;

Qu'à défaut de l'avoir fait, le requérant peut légitimement saisir le juge administratif pour voir l'administration confirmer devant celui-ci, les développements ci-dessus faits;

Considérant que l'administration confirme par la présente procédure sa décision non écrite ayant consisté à la rétractation de l'arrêté de débet n°570/MFE/DC/AJT/BGC/ASS/SA du 10 mai 2004 ayant constitué entre autres personnes, le sieur SAGBO Vignon André débiteur d'une somme d'argent;

Que le juge devra en prendre acte;

Qu'il apparaît par conséquent que l'arrêté querellé étant devenu inexistant, le recours du requérant devient sans objet;

Qu'il échet de déclarer le présent recours sans objet quant au fond.

PAR CES MOTIFS

Décide

Article 1er: Le recours pour excès de pouvoir en date à Cotonou du 19 Octobre 2004 de Mr SAGBO Vignon André Magistrat introduit contre l'Etat béninois tendant à voir annuler l'arrêté de débet n°570/MFE/DC/ AJT/BGC/ASS/SA du 10 Mai 2004 pris contre lui par le Ministre des Finances et de l'Economie, est recevable.

Article 2: Ledit recours est devenu sans objet.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur Général près la Cour Suprême et sera publié au Journal Officiel de la République du Bénin.

Article 4: Les dépens sont mis à la charge du Trésor Public.

Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême, (Chambre Administrative), composée de:

Grégoire ALAYE, Président de la Chambre Administrative,


PRESIDENT;

Joséphine OKRY-LAWIN }
Et }
Victor ADOSSOU }
CONSEILLERS;
Et prononcé à l'audience publique du jeudi premier février deux mille sept, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de:

Louis René KEKE,
MINISTERE PUBLIC;

Et de Maître Irène AITCHEDJI,
GREFFIER.;

Et ont signé

Le Président Le Rapporteur Le Greffier

G. ALAYE.- V. ADOSSOU.- I. AITCHEDJI.-



Références :

Origine de la décision
Formation : Chambre administrative
Date de la décision : 01/02/2007
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : 3
Numéro NOR : 173482 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2007-02-01;3 ?
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