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27/07/2001 | BURUNDI | N°R.T.C421

Burundi | Burundi, Cour suprême, 27 juillet 2001, R.T.C 421


Texte (pseudonymisé)
Vu en date du 26 Mai 2000 la requête de pourvoi en cassation dirigée contre l'arrêt R.C.A. 3843 rendu le 29/2/2000 par la Cour d'Appel de Bujumbura;
« La Cour,
« Statuant publiquement et contradictoirement après délibéré légal;
« Reçoit l'appel sur renvoi et le déclare fondé;
« Confirme l'arrêt R.C.A. 3470 dans toutes ses dispositions;
« Met les frais de justice à charge des parties : 1/3 pour l'appelant; 2/3 pour la SOCABU »;
Vu le paiement de la consignation en date du 26/5/2000;
Vu la réplique à la requête élaborée par le défendeur et son consei

l;
Vu le rapport de la procédure confectionné par un conseiller à la Cour de céans;
Vu l'avis...

Vu en date du 26 Mai 2000 la requête de pourvoi en cassation dirigée contre l'arrêt R.C.A. 3843 rendu le 29/2/2000 par la Cour d'Appel de Bujumbura;
« La Cour,
« Statuant publiquement et contradictoirement après délibéré légal;
« Reçoit l'appel sur renvoi et le déclare fondé;
« Confirme l'arrêt R.C.A. 3470 dans toutes ses dispositions;
« Met les frais de justice à charge des parties : 1/3 pour l'appelant; 2/3 pour la SOCABU »;
Vu le paiement de la consignation en date du 26/5/2000;
Vu la réplique à la requête élaborée par le défendeur et son conseil;
Vu le rapport de la procédure confectionné par un conseiller à la Cour de céans;
Vu l'avis écrit du Ministère Public;
Vu l'ordonnance de fixation de la cause avec assignation à comparaître à l'audience publique du 23/3/2000;
Vu l'appel de la cause à l'audience précitée à laquelle ont comparu les conseils des deux parties mais la cause a été remise pour permettre à Maître NTAKIYICA de prendre connaissance de la réplique;
Vu l'appel de la cause à l'audience publique du 1/6/2001 à laquelle le conseil du défendeur a comparu tandis que celui de la requérante s'était excusé et où la Cour a pris le dossier en délibéré pour statuer sur pièces ainsi que suit :
Que là, le conseil de la requérante prétend qu'il a eu défaut de réponse à conclusions et motivation insuffisante;
Que le même moyen se retrouvait sur le deuxième feuillet du premier pouvoir;
Qu'il en est exactement de même pour le moyen tiré de l'évaluation des dommages-intérêts;
Qu'à ce propos, il est facile du remarquer que ce moyen qui se retrouve au troisième feuillet du second pourvoi se retrouvait exactement au deuxième feuillet du premier pourvoi;
Attendu en définitive pour le conseil du défendeur que, comme l'arrêt attaqué par le pourvoi dont question a été rendu par la Cour d'Appel après renvoi, il s'inscrit exactement dans l'hypothèse prévue par l'article 67 du Décret-loi précité;
Attendu que la Cour de céans siégeant Toutes Chambres Réunies admet que comme le dit le conseil du défendeur les moyens du second pourvoi sont manifestement semblables à ceux du premier pourvoi;
Attendu cependant que la Cour trouve que même si la décision attaquée concerne la même affaire, les mêmes parties agissant en la même qualité, un élément important à savoir la chambre chargée de l'examen du pourvoi;
Que comme tout le monde peut le lire, l'article 67 invoqué par le conseil du défendeur interdit le second pourvoi devant la « Chambre de Cassation » qui, présentement n'est pas concernée par le pourvoi RTC 421 relevant des Chambres Réunies;
Attendu qu'il importe de souligner que les Chambres Réunies de la Cour Suprême sont justement appelées entre autres à examiner si le juge de renvoi s'est conformé aux directives de la Chambre de Cassation;
Que dans ces conditions, elles peuvent connaître du pourvoi fondé sur les mêmes moyens que ceux présentés à la base du premier pourvoi pourvu que ces derniers aient été retenus par la Chambre de Cassation comme fondés;
Qu'en d'autres termes les Chambres Réunies peuvent examiner les mêmes moyens que la Chambre de Cassation en cas de rébellion par le juge de renvoi;
Que c'est justement ce qui est prétendu par le conseil de la requérante devant la Cour siégeant Toutes Chambres Réunies;
Attendu que des développements ci-dessus il ressort que l'irrecevabilité du pourvoi telle qu'elle est formulée n'est pas fondée;
Qu'en conséquence la Cour déclare le pourvoi recevable car régulier en la forme et passe dans les lignes qui suivent, à l'examen de la pertinence des moyens qui le sous-tendent;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que comme le renseigne les pièces du dossier mentionnées dans le préambule et les avis concordants du Conseiller Rapporteur et du Ministère Public, le pourvoi a été formé dans les délais légaux;
Attendu cependant qu'avant d'entrer dans le fond des moyens, il convient d'analyser l'exception d'irrecevabilité soulevée dans la réplique à motif que ce second pourvoi reposerait sur les mêmes moyens que les premiers soumis à la Chambre de Cassation sous le RSC n° 91, d'où il serait irrecevable en vertu de l'article 67 de la loi sur le pourvoi en cassation;
Attendu que le pourvoi actuel repose sur un moyen unique pris de la violation de l'article 66, alinéa 1 du Décret-loi n°1/51 du 23/7/1980 relatif au pourvoi en cassation et à la procédure suivie devant la Chambre de Cassation de la Cour Suprême;
Attendu que ce moyen est subdivisé en deux volets à savoir :
a) Le volet concernant le caractère abusif du licenciement infligé à Sieur Ae X;
b) le volet concernant les dommages-intérêts.
Attendu que selon le conseil du défendeur tous les deux volets du moyen sont irrecevables en vertu de l'article 67 du Décret-loi sur la pourvoi en cassation qui précise que lorsque, après cassation d'une première décision judiciaire, la seconde décision rendue sur renvoi dans la même affaire, entre les mêmes parties, agissant en la même qualité, est attaquée par un second pourvoi fondé en tout ou en partie sur les mêmes moyens que ceux invoqués à l'appui du premier pourvoi et examinés par la Chambre de Cassation, cette dernière les déclare irrecevables et ils ne sont pas examinés au fond;
Attendu que l'esprit de cette disposition est d'empêcher un second pourvoi devant la même Chambre de Cassation;
Attendu que pour le cas d'espèce le pourvoi avait été inscrit à la Chambre de Cassation sous le n°RCC9201 par erreur du greffe;
Qu'une fois l'erreur découverte, elle a été rectifiée par l'enregistrement de l'affaire devant les Chambres Réunies sous le RTC 421;
Que la numérotation même du présent pourvoi montre aux intéressés que ce n'est plus la Chambre de Cassation qui est concernée;
Attendu que le conseil du défendeur persiste à dire que le pourvoi est irrecevable devant les Chambres Réunies par le seul fait que les moyens présentés à base du premier pourvoi sont identiques à ceux à l'appui du second;
Qu'en effet, selon lui, il suffit de se référer au deuxième feuillet du second pourvoi pour s'en rendre compte;
Sur les moyens du pourvoi :
Attendu que le pourvoi repose sur un moyen unique pris de la violation de l'article 66, alinéa 1 de la loi sur le pourvoi en cassation qui dispose que : « La juridiction de renvoi doit se conformer à la décision de la Chambre de Cassation de la Cour Suprême sur tous les points de droit tranchés par cette dernière, aussi bien en ce qui concerne ceux qui ont été pris en considération pour prononcer la cassation que ceux qui ont été jugés mal fondés »;
Attendu que ce moyen est subdivisé en deux volets que nous reproduisons ci-après avec la réplique y relative avant de donner l'appréciation de la Cour sur chaque volet;
a) En ce qui concerne le caractère abusif du licenciement infligé à Sieur X Ae.e.
Attendu que sous ce volet, le conseil de la requérante rappelle que dans le RSC 91 la Haute Cour a d'abord constaté le défaut de réponse à conclusions et la motivation insuffisante en ce qui concerne le caractère abusif du licenciement infligé à Sieur X avant de donner le contenu légal du licenciement;
Qu'en effet, dit-il, s'agissant du défaut de motivation et de la non réponse à conclusion la Haute Cour a relevé avec pertinence que la SOCABU a toujours insisté sur la persistance de X Ae dans les mêmes erreurs son incapacité à se corriger et sa manière de servir non satisfaisante;
Qu'alors qu'il était demandé au juge de renvoi de constater la persistance de Sieur X dans les mêmes erreurs, son incapacité à se corriger et sa manière de servir qui était insatisfaisante, la Cour d'Appel a recherché des fautes ponctuelles qu'elle va déclarer « non établies »;
Que c'est ainsi qu'elle va discuter la faute relative à l'utilisation du véhicule de service à ses fins personnelles en la cantonnant à une seule journée;
De même qu'elle va situer la faute relative à la distraction des autres travailleurs à une date précise, celle du 6 Janvier 1993;
Que pour la SOCABU donc, le juge de renvoi a adopté une attitude biaisée en recherchant deux faits solitaires là où on lui demandait de constater une persistance dans l'erreur;
Que par ailleurs, le juge de renvoi ne pipe mot sur les preuves que la SOCABU a produites pour établir cette persistance dans l'erreur en l'occurrence bien des correspondances et bulletins de notation versés au dossier pour établir l'incapacité de Sieur X Ae à s'amender;
Que s'agissant du contenu légal du licenciement abusif, poursuit le conseil de la requérante, la Haute Cour a estimé que « la loi, en particulier l'article 62 alinéa 1 du Code du Travail, ayant défini d'une façon indicative des licenciements abusifs, restreint implicitement cette prérogative d'apprécier souverainement »;
Que le juge « doit rechercher si le licenciement intervient dans les cas énumérés par cette disposition et doit apprécier ce caractère à partir des éléments lui fournis par les parties dans leurs conclusions; que ces mêmes éléments lui permettent de qualifier et de montrer que les faits retenus, rentrent dans l'une ou l'autre catégorie de licenciement »;
Que contrairement à tout ce raisonnement de la Haute Cour, conclut le conseil de la requérante, le juge de renvoi décide que « les fautes mises à charge de X ne sont pas prouvées et qu'un amalgame de motifs ne peut justifier un licenciement pour des faits anciens »;
Attendu que le conseil du défendeur réplique à ce volet du moyen en invoquant l'article 61 du Code du Travail qui dispose que le licenciement doit reposer sur un motif réel sous peine d'être considéré comme abusif, que la charge de la preuve du motif incombe à l'employeur, que le motif doit coïncider avec celui qui a été indiqué au travailleur et qui figure dans la lettre de licenciement et dans le règlement intérieur de l'entreprise;
Attendu qu'il poursuit en disant que la charge de la preuve des fautes du travailleur incombe à l'employeur;
Que devant toutes les juridictions de fond le conseil de la SOCABU est resté en défaut de fournir cette preuve;
Que le juge de renvoi de son côté s'est tout à fait acquitté de la mission lui dévolue par la Chambre de Cassation à savoir répondre aux conclusions des parties et examiner le caractère sérieux des fautes imputées à Sieur Ae tout en tenant compte de sa persistance dans les mêmes erreurs;
Qu'en effet, de la page 4,7ème attendu à la page 7, 3ème attendu, le juge de renvoi n'a fait que discuter de toutes ces questions;
Attendu que la Cour de céans de son côté, résumant le contenu du volet du moyen ci-dessus, trouve qu'il est reproché au juge de renvoi :
- de n'avoir pas répondu, tel que recommandé par le juge de cassation dans l'arrêt RSC 91, aux conclusions relatives au caractère du licenciement infligé à Sieur X en l'occurrence le dossier prouvant la persistance de ce dernier dans les mêmes erreurs, l'incapacité à se corriger et la manière de servir insatisfaisante;
- de s'être écarté du raisonnement et des directives du juge de cassation concernant l'interprétation de l'article 62, alinéa 1 du Code du Travail relatif au contenu légal du licenciement abusif;
Attendu que comme le dit le conseil du défendeur ce moyen de pourvoi pris du défaut de réponse à conclusions concernant le caractère abusif du licenciement en rapport avec le contenu légal du licenciement abusif avait été présenté comme tel dans le premier pourvoi;
Que le constat est là; que ce moyen a justifié la censure de la Haute Cour pour la cassation;
Que ce qu'il y a donc à vérifier pour le moment est la question de savoir si le juge de renvoi a traité ce moyen suivant les recommandations et directives de la chambre de Cassation tel que prescrit par l'article 66 du Décret-loi n°1/51 du 23/7/1980 sur le pourvoi en cassation;
Attendu qu'il n'est pas nécessaire de reprendre ces recommandations et directives car le conseil de la requérante les a correctement reproduites;
Attendu que le juge de renvoi les a aussi relevées avant de s'impliquer à s'y conformer (voir RCA 3843, 3ème feuillet, 6ème attendu) en commençant par relever la question précise lui soumise à savoir la discussion des différentes prétentions des parties en conflit et l'examen du caractère sérieux des fautes imputées à Sieur X Ae, tout en tenant compte de sa persistance dans les mêmes manquements (RCA 3843, 4ème feuillet, 5ème attendu);
Attendu que le juge de renvoi a également étudié la faute relative à la distraction des autres travailleurs qui, dit-il, remonte à la date du 6/1/1993 où le Directeur Commercial a trouvé le défendeur dans le bureau réservé aux archives en train de feuilleter un dossier contenant des polices d'assurance et y a réservé une réponse adéquate;
Attendu que le juge de renvoi s'est également penché sur la faute concernant l'insubordination à l'égard des chefs hiérarchiques par le défendeur en menant une instruction profonde sur les différentes correspondances et documents versés au dossier à titre de preuve que le travailleur était incorrigible;
Que même le conseil de la requérante a été invité à amener des actes concrets constitutifs d'insubordination mais qu'en guise de réponse il s'est contenté de dire qu'il s'agissait d'un cumul de fautes;
Attendu que dans sa motivation, le juge de renvoi a indiqué que quand bien même les fautes invoquées par l'employeur seraient fondées; le licenciement intervenu le 27/12/1995 ne peut légalement pas concerner des fait anciens ayant déjà fait l'objet de sanction en leur temps;
Que la Cour de céans trouve cette motivation correcte eu égard à l'article 61 du Code du Travail qui dispose que le licenciement doit reposer sur un fait réel, sinon il est abusif;
Attendu que tout ce qui précède montre que le conseil de la requérante accuse injustement le juge de renvoi de n'avoir pas répondu à toutes ses conclusions notamment les correspondances et bulletins de notation versés au dossier;
Qu'en effet, il vient d'être relevé que le juge de renvoi a permis la discussion des écritures et pièces telles qu'elles lui étaient présentées;
Que si donc le conseil de la SOCABU n'a pas pu apporter la preuve de l'utilisation du véhicule de service en dehors de la journée concernée par les 22 km, ou s'il n'a pas su déterminer d'autres dates où le travailleur distrayait les autres travailleurs à part celle contenu dans la lettre du 6/1/1999; ce n'est pas la faute du juge;
Que par ailleurs la preuve précise de la persistance dans les mêmes erreurs incombait à la requérante mais non au juge qui n'a fait que constater sur base d'une motivation suffisante que « les fautes mises à charge de X ne sont pas prouvées et qu'un amalgame de motifs ne peut pas justifier un licenciement pour des faits anciens »;
b) A propos de l'évaluation des dommages-intérêts :
Attendu que sous le volet du moyen, le conseil de la requérante accuse le juge de renvoi d'avoir pris fait et cause pour la décision cassée du juge d'appel et accordé le même montant et, ce qui est particulièrement grave, dit-il, sur base des mêmes motifs, alors que la Haute Cour avait déclaré dans le dernier attendu du quatrième feuillet de son arrêt que « la motivation du juge d'appel ne tient pas sur des éléments vérifiés et que de surcroît, sa mission de faire évoluer la jurisprudence dont il s'investit ne tient compte d'aucun critère sérieux, que cette motivation est on ne peut plus insuffisante et manque de soutient légal »;
Attendu qu'en guise d'explication du moyen, le conseil de la requérante critique l'arrêt attaqué qui prétend, dit-il, il n'y a pas de formule arithmétique prévue par la loi ou de jurisprudence consacrée par la Haute Cour en ce qui concerne la fixation du montant des dommages-intérêts qui, par ce fait, reste à l'appréciation souveraine du juge;
Qu'en effet, poursuit le conseil de la requérante, en décidant de la sorte, l'arrêt passe sous silence que le juge dans l'exercice de sa souveraineté doit indiquer au moins des repères ou des horizons qui l'ont guidé dans la fixation de ces dommages et intérêts;
Que pour le cas d'espèce le critère ou plus exactement la formule qui est largement pratiqué jusqu'ici, est d'accorder un mois de salaire pour une année prestée.
Que sa décision avait été censurée pour manque de motifs sérieux mais qu'au lieu de se corriger il est tombé dans les mêmes travers, violant ainsi l'article 66 de la loi sur le pourvoi en cassation;
Attendu qu'en réaction à toutes ces explications le conseil du défendeur en cassation soutient que le juge de renvoi a correctement accompli la mission lui dévolue par le juge de cassation en ce sens qu'il a suffisamment motivé sa décision;
Attendu que la consultation de l'arrêt RSC 91 du 15/2/1999 montre que la décision du juge d'appel quant au quantum des dommages-intérêts avait été censurée par la Haute Cour pour cause de motivation insuffisante qui se limitait à l'ancienneté et au coût de la vie devenu très cher ces derniers temps;
Attendu que l'analyse de l'arrêt RCA 3843 rendu sur renvoi sur le quantum des dommages-intérêts a, en plus de l'ancienneté, relevé qu'il est actuellement difficile de trouver un emploi, la preuve étant, pour le cas d'espèce, que Sieur X vient de passer un temps assez long sans parvenir à se faire embaucher quelque part; et qu'il a prouvé que même la Pharmacie de l'Espoir où on le croyait affecté ne l'a jamais engagé;
Attendu que le même arrêt a explicité la motivation du premier juge d'appel tirée du coût de la vie devenu très cher;
Qu'en effet, le juge de renvoi a insisté sur l'augmentation constante du prix des produits de première nécessité, la dévaluation continue de la monnaie, l'augmentation du coût de transport, des loyers, etc. ;
Attendu que concernant l'absence de base légale ou jurisprudentielle évoquée par la Haute Cour dans le RSC 91, le juge de renvoi a invoqué l'article 63 du Code du Travail qui, selon lui, consacre l'appréciation souveraine du juge de fond dans la détermination des dommages et intérêts dont le montant varie suivant les cas et ce, pour la simple raison que la disposition légale n'indique ni n'impose de formule arithmétique;
Que le juge de renvoi a également souligné qu'il n'y a pas de jurisprudence consacrée par la Haute Cour en la matière;
Attendu que la Cour de céans siégeant toutes chambres réunies trouve que l'interprétation faite de l'article 63 du Code du Travail par le juge de renvoi est correcte, de même que son point de vue sur l'état actuel de la jurisprudence;
Attendu en effet que dans la détermination du quantum des dommages-intérêts le juge du fond reste guidé par les textes de lois en vigueur et autres sources de droit qu'il interprète en âme et conscience suivant les techniques dans le domaine et le contexte de chaque cas particulier tout en gardant à l'esprit que même si le rôle de la Haute Cour n'est pas d'imposer la jurisprudence, le juge de cassation exerce en permanence son pouvoir de contrôle sur les décisions de fond;
Attendu que pour le cas d'espèce, la Haute Cour n'a pas indiqué de jurisprudence consacrée sur la détermination des dommages-intérêts en cas de licenciement abusif mais a invité le juge de renvoi à reconsidérer sa motivation;
Attendu que comme nous l'avons relevé plus haut le juge de renvoi a suffisamment montré, contrairement au premier juge d'appel, que les dommages-intérêts estimés à un mois de salaire par année prestée, ne collent plus au contexte économique et social du moment;
Attendu en définitive que le juge de renvoi en décidant de faire évoluer la jurisprudence compte tenu de la conjoncture économique et sociale du moment et du principe que la jurisprudence n'est pas chose figée, n'a méconnu ni la loi ni la jurisprudence;
Que le moyen tiré de la violation de l'article 66 du Décret-loi sur le pourvoi en cassation quant à la détermination du quantum des dommages-intérêts manque donc de fondement et ne peut qu'être rejeté;
Par ces motifs :
La Cour Suprême, toutes chambres réunies;
Vu le décret-loi n°1/008 du 6 Juin 1998 portant promulgation de l'acte constitutionnel de transition;
Vu la loi n°1/004 du 14 Janvier 1987 portant code de l'organisation et de la compétence judiciaires;
Vu le décret-loi n°1/51 du 23 Juillet 1980 relatif au pourvoi en cassation et à la procédure suivie devant la Chambre de Cassation de la Cour Suprême;
Oui l'avis du Ministère Public;
Statuant publiquement et contradictoirement après avoir délibéré conformément à la loi;
Déclare le pourvoi recevable car régulier en la forme mais le dit non fondé et le rejette;
Dit pour droit que mention du dispositif du présent arrêt sera faite dans les registres de la Cour d'Appel de Bujumbura en marge de l'arrêt RCA 3843 non cassé; Met les frais à charge de la SOCABU soit 20.200 FBU;
Ainsi arrêté et prononcé à Ab en audience publique du 27 Juillet 2001 à laquelle siégeaient : NDAYIRAGIJE Emmanuel, Président du siège, SABUWANKA Dévote, NTAHOMVUYE André, NIYONGABO Nestor et NTIJINAMA Thérèse, Conseillers, assistés de B Ad, Officier du Ministère Public et de GIRUKWISHAKA Marcelline, Greffier.
Le Président : NDAYIRAGIJE Emmanuel (sé)
Les conseillers : SABUWANKA Dévote (sé); A Aa (sé); C Ac (sé); NTIJINAMA Thérèse (sé)
Le Greffier : GIRUKWISHAKA Marcelline (sé)

COMMENTAIRE DE L'ARRET RTC 421

Résumé des faits
Monsieur Ae X était employé de la SOCABU et il fut licencié pour plusieurs fautes en l'occurrence l'utilisation du véhicule de service à des fins personnelles, le fait de distraire les employés de bureau alors qu'il devait rester à son poste d'attache en sa qualité de chauffeur et l'insubordination notoire à l'endroit des ordres reçus par ses chefs.
Il a saisi le Tribunal du travail qui a condamné la SOCABU au paiement des dommages intérêts. Les deux parties interjetteront appel contre le jugement intervenu sous le RCA 3470 et la Cour d'appel de Bujumbura condamnera également la SOCABU.
La SOCABU s'est pourvue en cassation contre l'arrêt intervenu sous RSC 91 et la chambre de cassation a cassé l'arrêt avec renvoi en raison de motivation insuffisante et du défaut de réponse à conclusions.
La Cour d'appel saisie sur renvoi sous le RCA 3843 a repris en définitive sa première décision mais en faisant preuve de plus de motivation.
La SOCABU s'est encore une fois pourvu cassation contre l'arrêt intervenu devant la Cour Suprême toutes Chambres réunies sous le RTC 421.
Les arguments et thèses développés
Le demandeur en cassation reproche au juge de renvoi de n'avoir pas corrigé les insuffisances reprochées au juge d'appel par la Haute Cour, en ce qui concerne la motivation et le défaut de réponse à conclusions quant au caractère abusif du licenciement. Il soutient que le juge de renvoi devait vérifier si le licenciement intervient dans les cas énumérés à l'article 61, alinéa 2 du code du travail comme indiqué par la Haute Cour.
Le défendeur réplique à ce moyen en arguant que le juge de renvoi s'est conformé aux directives de la Chambre de Cassation en répondant aux conclusions des parties et en examinant le caractère sérieux des manquements imputés à Monsieur Ae X.
La dernière critique formulée à l'endroit de l'arrêt attaqué serait qu'il ne montre pas assez suffisamment pourquoi la jurisprudence qui accorde un mois de salaire par année d'ancienneté comme dommages et intérêts pour licenciement abusif n'a pas été respectée, en accordant plutôt six mois de salaire par année d'ancienneté.

Les questions de droit posées
Le défendeur répondra que le juge de renvoi a correctement accompli sa mission en motivant suffisamment sa décision et en discutant de toutes les questions lui soumises.
Les questions soumises à la Cour concernent le pouvoir d'appréciation souveraine du juge du fond et le contrôle de l'application des règles jurisprudentielles par la Cour Suprême.
1. Le pouvoir d'appréciation du juge du fond
Lorsqu'une affaire est soumise au juge, celui-ci a le devoir de rechercher la vérité et de donner solution au litige. Ce faisant, il apprécie souverainement le fait et le droit. Mais toutefois, cette appréciation souveraine se fait dans les limites de la loi au sens le plus large. En effet, si la Haute Cour ne peut pas contrôler la matérialité des faits, elle contrôle toujours l'interprétation de la loi et parfois la qualification des faits.
L'établissement de la matérialité des faits est l'apanage du juge du fond et il n'est pas question de le remettre en cause devant l'instance de cassation. Ce n'est que de façon indirecte, par le contrôle de la dénaturation des éléments de preuve, que la matérialité des faits peut être remise en cause en cassation.
Par contre, le juge de cassation peut contrôler la qualification des faits, c'est-à-dire le passage du fait au droit. La qualification des faits consiste à déterminer si des faits matériellement établis étaient susceptibles de recevoir la qualification justifiant la mise en oeuvre de la règle de droit, générale et abstraite . Il s'agit finalement de l'identification d'une situation de fait, souverainement constatée, à une notion visée par la loi.
Dans le cas d'espèce, le demandeur reproche au juge de renvoi de n'avoir pas respecté le voeu de la Haute Cour dans son arrêt RSC 91 qui avait estimé que la loi, en particulier l'article 61 alinéa 1 du code du travail, ayant défini d'une façon indicative des cas de licenciement abusif, restreint implicitement cette prérogative d'apprécier souverainement.
Il s'agit ici d'une interprétation arbitraire de la loi dans la mesure où la disposition n'énumère qu'à titre indicatif et non de façon limitative (comme le sous-entend l'adverbe « notamment », les cas de licenciement abusif. Autant dire que d'autres faits non compris dans l'énumération de l'article 62 alinéa 1 du code du travail peuvent être constitutifs de licenciement abusif et c'est le juge du fond qui apprécient souverainement.
2. Le contrôle de l'application ou de l'interprétation d'une règle jurisprudentielle
Le Conseil de la SOCABU reproche dans son pourvoi au juge de renvoi de n'avoir pas respecté la jurisprudence consacrée par la Haute Cour dans la détermination des dommages-intérêts qui accorderait un mois de salaire par année d'ancienneté.
Il est connu que c'est dans les missions de la Cour Suprême de créer le droit dans le silence ou face à l'insuffisance de la loi. Ainsi, la Cour Suprême a le pouvoir de créer des normes et de les interpréter, et corrélativement, d'en assurer la sanction en censurant les décisions qui ne les respectent pas; et l'évolution en les précisant, voire en les modifiant quand elles lui semblent dépasser.
Mais contrairement à ce que pourrait penser les profanes, tous les arrêts de la Cour ne font pas office de jurisprudence. Pour parler de jurisprudence, il doit s'agir de règles générales et abstraites à la fois élaborées et précises.
Dans le cas qui nous occupe, le demandeur en cassation, invoque une jurisprudence dont il ne donne pas les références. Et dans l'arrêt RSC 91, le juge de cassation l'avait suivi en reprochant au juge d'appel de s'investir d'une mission de faire évoluer la jurisprudence.
Or, outre qu'il n'est pas indiquée la règle jurisprudentielle méconnue, il ne faut pas perdre de vue que la jurisprudence n'est pas figée. Le revirement de jurisprudence est un phénomène souhaité, chaque fois que la règle jurisprudentielle n'est plus justifiée par les mêmes circonstances.
La réponse de la Cour
La Cour Suprême, siégeant toutes Chambres réunies a pris acte que même si le juge de renvoi a abouti en substance à la même solution du litige, l'arrêt de renvoi était amplement motivé et répondait aux directives de la Chambres de cassation dans le RSC 91.
La Cour a également renforcé l'idée de l'appréciation souveraine du juge du fond, contrariant d'ailleurs le premier juge de cassation, en précisant que l'article 63 du code du travail consacre l'appréciation souveraine du juge du fond quant à la détermination des dommages-intérêts.
En ce qui concerne la jurisprudence dont la méconnaissance était alléguée, la Cour a considérée qu'il n'existait pas à l'époque une jurisprudence consacrée pour la détermination des dommages-intérêts, un constat contraire à l'avis du juge de cassation dans le RSC 91. Et alors que ce dernier juge avait censuré le juge d'appel pour s'être investi d'une mission de faire évoluer la jurisprudence, la Cour va considérer ici que le juge de renvoi en décidant de faire évoluer la jurisprudence n'a méconnu ni la loi ni la jurisprudence.
Conclusion
L'arrêt RTC 421 est un arrêt de principe. En effet, il contient des principes pertinents à caractère général qui doivent s'appliquer à d'autres cas similaires, notamment :
- même lorsque les faits invoqués contre le travailleur pour justifier le licenciement se révèle être fondés, le licenciement demeure abusif si ces faits ont fait objet de sanctions en leur temps;
- dans la détermination du quantum des dommages-intérêts, le juge du fond reste guidé par les textes de lois en vigueur et autres sources de droit qu'il interprète en âme et conscience suivant les techniques dans le domaine et le contexte de chaque cas particulier;
- le juge du fond, en décidant de faire évoluer la jurisprudence compte tenu de la conjoncture économique et sociale du moment et du principe que la jurisprudence n'est pas chose figée, ne méconnaît ni la loi ni la jurisprudence.
Il sied de préciser ici que depuis 2001, les dommages-intérêts de six mois de salaire par année d'ancienneté consacrés par le juge de renvoi et acquiescés par la Cour Suprême restent suivis par nos cours et tribunaux. Il serait souhaitable de faire évoluer cette jurisprudence compte tenu de la dépréciation de la monnaie burundaise intervenue dans l'entretemps et en se fondant sur le dernier principe de l'arrêt 421.
On ne peut pas passer sous silence la rigueur et la systématicité du raisonnement qui transparaissent à travers l'arrêt. Tant du point de vue de la forme que du fond, l'arrêt RTC 421 devrait servir de modèle et de source d'inspiration.
Au fond
Le second pourvoi est déclaré recevable car régulier en la forme mais il est rejeté car non fondé. Il est judicieux de remarquer que ce dossier a connu deux pourvois en cassation. Le premier a été sanctionné par une cassation mais le deuxième a été rejeté alors que le juge d'appel n'a nullement changé d'avis.
Il est visible que concernant le fond du verdict, le Juge de renvoi maintient la position du Juge d'appel et continue à déclarer que le licenciement infligé à Ae X est on ne peut plus abusive. Seulement comme il lui a avait été recommandé par le juge de cassation il a sensiblement amélioré ses prestations en ce qui concerne la motivation de son verdict.
En effet Après avoir fait discuter les parties sur toutes les pièces et les faits allégués, le Juge de renvoi a conclu que quand bien même les fautes invoquées par l'employeur seraient fondées, le licenciement intervenu en date du 27 décembre 1995 ne peut légalement constituer une sanction des faits anciens et ayant déjà fait l'objet de sanctions à leur époque. Cette motivation, remporte la conviction du Juge de cassation et du commentateur car l'article 61 du code du travail édicte que le licenciement doit reposer sur un fait réel si non il est abusif. Le juge de renvoi a donc conclu que les faits qui ont été à la base du licenciement ne sont pas réels que par conséquent le licenciement est abusif.
Par ailleurs, l'employeur en invoquant des faits anciens pour lesquels des sanctions adéquates avaient été infligées au fautif, a violé le principe sacro saint :"Non bis in ibidem".
Concernant le calcul des dommages et intérêts à octroyer à la victime du licenciement abusif, le Juge de renvoi a suffisamment montré que les dommages et intérêts estimés à un mois ne collaient plus au contexte socio économique du moment. Il a même évoqué l'augmentation constante des prix des produits de première nécessité, la dévaluation continue de la monnaie. Et pour ce qui est de base légale de cette motivation il a invoqué l'article 63 du code du travail et il a remporté la conviction du juge de la cassation.
Jusqu'aujourd'hui, beaucoup de juridictions se réfèrent à cette formule pour allouer des dommages intérêts en cas de licenciement abusif;
Cependant, c'est contraire à la position de la Cour Suprême toutes chambres réunies car dans sa motivation, la Cour a spécifié que le juge doit analyser au cas par cas. Ce qui signifie qu'il faut plutôt prendre en considération la situation de la personne licenciée plutôt que d'analyser le contexte socio-économique du pays.
Cela est d'autant plus vrai que dans un contexte économique difficile, une personne par chance peut prospérer plus que dans une situation normale de prospérité;
En définitive, si le juge de cassation avait renvoyé le dossier RCA 4370 c'était pour contraindre le Juge de renvoi à mieux motiver l'arrêt. Ce dernier a compris cette remarque et a essayé de faire mieux que le juge d'avant la cassation.
Ainsi la Cour suprême, toutes chambres réunies a joué son rôle de contrôle;
Cet arrêt de rejet a le mérite de renforcer l'idée de l'indépendance du juge de renvoi par rapport au juge de cassation. Il a seulement agi de « régulariser la situation ». Le juge de renvoi doit respecter les orientations du juge de cassation sans être obligé de changer nécessairement le dispositif du jugement.


Synthèse
Numéro d'arrêt : R.T.C421
Date de la décision : 27/07/2001

Analyses

Articles 50 al.1er, 60, 61 et 63 du Code du Travail : contrat de Travail - utilisation de l'outil de travail à des fins personnelles - licenciement abusif - licenciement pour motif réel - principe du contradictoire - appréciation souveraine du juge du caractère abusif - justification des montants alloués au titre de dommages-intérêts


Parties
Demandeurs : SOCABU : représentée par Maître NTAKIYICA Tharcisse
Défendeurs : NGENDAKUMANA Dismas : représenté par Maître NDIKUMANA Déo

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bi;cour.supreme;arret;2001-07-27;r.t.c.421 ?
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