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09/10/1964 | CANADA | N°[1965]_R.C.S._73

Canada | Gagnon c. Commission des Valeurs Mobilières du Québec, [1965] R.C.S. 73 (9 octobre 1964)


Cour suprême du Canada

Gagnon c. Commission des Valeurs Mobilières du Québec, [1965] S.C.R. 73

Date: 1964-10-09

Armand Gagnon Appelant;

et

La Commission des Valeurs Mobilières du Québec et al. Intimée.

1964: 5 juin; 1964: 9 octobre.

Coram: Le Juge en chef Taschereau et les Juges Fauteux, Abbott, Martland, Judson, Ritchie et Hall.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d'un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec, infirmant un jugement du Juge Hannen. Appel maintenu, le Juge Abb

ott étant dissident.

Claude Beauchemin, pour l'appelant.

C. A. Geoffrion, C.R., pour l'intimée.

Le jugemen...

Cour suprême du Canada

Gagnon c. Commission des Valeurs Mobilières du Québec, [1965] S.C.R. 73

Date: 1964-10-09

Armand Gagnon Appelant;

et

La Commission des Valeurs Mobilières du Québec et al. Intimée.

1964: 5 juin; 1964: 9 octobre.

Coram: Le Juge en chef Taschereau et les Juges Fauteux, Abbott, Martland, Judson, Ritchie et Hall.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d'un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec, infirmant un jugement du Juge Hannen. Appel maintenu, le Juge Abbott étant dissident.

Claude Beauchemin, pour l'appelant.

C. A. Geoffrion, C.R., pour l'intimée.

Le jugement du Juge en chef Taschereau et des Juges Fauteux, Martland, Judson, Ritchie et Hall fut rendu par

LE JUGE FAUTEUX: — L'appelant, ès-qualité de syndic à la faillite de Mercédès Exploration Co. Ltd., ci-après appelée la Compagnie, a produit entre les mains de H. B. Savage, syndic à la faillite de la succession de feu J.-Antoine Mercier, ci-devant vice-président de la Compagnie, une réclamation relative à une somme d'environ $45,000 en espèces contenues dans un coffret de sûreté à la Mercantile Bank of Canada. Savage décida de rejeter cette réclamation et Gagnon s'adressa à la Cour supérieure, Division de Faillite, pour faire reviser cette décision.

Aux fins d'établir le bien-fondé de sa demande, Gagnon requit et obtint de la Cour une ordonnance autorisant l'interrogatoire du secrétaire de la Commission intimée et lui enjoignant de produire certains documents en la possession de la Commission qui avait fait enquête sur les affaires de la Compagnie et arrêté la libre disposition de ces argents. Celui-ci, obtempérant à cette ordonnance, fut entendu comme témoin et produisit certains documents. Au cours de son interrogatoire, il refusa cependant de répondre lorsqu'on lui demanda si la Commission avait en sa possession l'original ou un photostat d'une lettre, datée le ou vers le 25 février 1958, à elle adressée et signée par Gilbert Ayers, président de la Compagnie. Dans cette lettre, Ayers aurait déclaré qu'il opérait les fonds contenus dans ce coffret comme fonds corporatifs de la Compagnie et aurait demandé à la Commission la libération de ces argents. Devant ce

[Page 76]

refus, Gagnon fit une requête formelle pour obtenir de la Cour une ordonnance enjoignant au secrétaire de la Commission de répondre à la question ci-dessus et, dans l'éventualité d'une réponse affirmative, de produire la lettre et relater les circonstances en entourant la remise à la Commission. La Commission fit objection à cette demande et, à ces fins, son secrétaire produisit une lettre du Procureur Général, adressée au Président de la Commission des Valeurs Mobilières du Québec, et ainsi libellée:

Ministère du Procureur Général

Province de Québec

Dossier n° 5388-62

Montréal, P.Q.

le 12 février 1963

Me Maurice Désy, c.r.,

Président,

Commission des Valeurs Mobilières du Québec,

625 ouest, Boul. Dorchester,

Montréal 2.

RE: C.S., district de Montréal, n° 2213/1962

(en faillite)

La Succession de feu J. Antoine Mercier,

Failli

— et —

H. B. Savage, Syndic

— et —

Armand Gagnon, ès qualité, liquidateur de

Mercédès Exploration Co. Ltd., réclamant —

requérant

— et —

La Commission des Valeurs Mobilières du

Québec, intimée

— et —

William J. Wall et al., mis en cause

Cher monsieur,

Il est d'intérêt public que les faits et documents recueillis au cours des enquêtes faites par la Commission des Valeurs Mobilières du Québec ne soient pas divulgués.

Vous êtes en conséquence autorisé à vous prévaloir des dispositions de l'article 332 du Code de Procédure Civile de la Province de Québec, amendé par 6-7 Elisabeth II, chapitre 43, article 2.

Veuillez me croire

Votre tout dévoué,

Le Procureur Général

Georges Emile Lapalme.

L'article 332 du Code de procédure civile, tel qu'amendé par l'addition du second paragraphe pour assurer aux personnes y indiquées, et ce aux conditions y prescrites, le bénéfice

[Page 77]

d'une exception à l'obligation généralement imposée aux témoins, se lit comme suit:

332. II ne peut être contraint de déclarer ce qui lui a été révélé confidentiellement à raison de son caractère professionnel comme aviseur religieux ou légal, ou comme fonctionnaire de I'Etat lorsque I'ordre public y est concerné.

Il en est de même à I'égard d'un membre, officier ou employé d'une commission, d'un office ou d'un autre organisme dont les membres sont nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, lorsque le procureur général ou le solliciteur général de la province atteste, par un écrit en la possession du témoin, qui doit le produire, que l'ordre public est concerné dans les faits sur lesquels on désire l'interroger.

La requête de Gagnon fut prise en délibéré pour être éventuellement accordée le 11 mars 1963. En substance, le Juge de première instance considéra que bien que l'art. 332 C.P.C. s'appliquait aux procédures faites sous l'empire de la Loi de Faillite, il appartenait au Juge et non au Procureur Général de déterminer, en dernière analyse, si l'ordre public était en jeu et qu'à son avis, tel n'était pas le cas en l'espèce.

Porté en appel, ce jugement fut infirmé par une décision majoritaire rendue le 16 décembre 1963. MM. les Juges Taschereau et Badeaux, de la majorité, exprimèrent l'avis, à l'instar du Juge de première instance, que l'art. 332 C.P.C. s'appliquait aux procédures en matière de faillite. Ils jugèrent, cependant, qu'au regard des dispositions de I'article, des principes énoncés dans Duncan et al v. Cammell, Laird & Co. Ltd.[1], — qu'ils distinguèrent de Regina v. Snider[2], — et de la lettre ci-dessus du Procureur Général, l'objection de la Commission aurait dû être accueillie. Dissident, M. le Juge Hyde exprima l'avis que la formule utilisée par le Procureur Général pour soumettre l'objection de la preuve est trop générale, ne répond pas aux exigences de l'art. 332 C.P.C. et, partant, ineffective pour valider l'objection.

L'appelant a demandé et obtenu la permission d'appeler à cette Cour de cette décision majoritaire de la Cour du banc de la reine.

La question qui nous est soumise met en regard, en matière de preuve, un principe et l'une des exceptions à ce principe. L'article 330 C.P.C. prescrit que le témoin qui, sans raison valable, refuse de répondre ou de produire des pièces ou autres choses en sa possession concernant le litige

[Page 78]

peut y être contraint par corps. Ces dispositions confirment et sanctionnent avec une sévérité adéquate et nécessaire une règle d'application générale dont l'observance est essentielle à l'administration de la justice. Apportant des exceptions à cette règle, le premier alinéa de l'art. 332 C.P.C. relève particulièrement de l'obligation imposée au témoin le fonctionnaire de l'État, lorsque l'ordre public est concerné. On reconnaît, par cette exception, la primauté de l'intérêt de l'État lorsque cet intérêt et celui du justiciable sont en conflit. Le second alinéa de cet art. 332 étend le bénéfice de ce privilège, communément désigné « Crown privilege », aux personnes y mentionnées et aux conditions y prescrites.

Ce privilège de la Couronne n'est pourtant pas absolu, en ce sens que le droit et la façon de l'invoquer, aussi bien que la validité de son exercice, demeurent sujets à des prescriptions que précise la jurisprudence. Dans Duncan et al. v. Cammell, Laird & Co. Ltd., supra, la Chambre des Lords, après avoir noté que l'ordre public pouvait être concerné en raison du contenu du document ou de la catégorie dont il fait partie, a jugé qu'il était essentiel que la décision ministérielle de faire objection à la production soit prise par le Ministre, chef politique du Ministère concerné, après qu'il ait lui-même vu et considéré le document et formé personnellement l'opinion que sa production serait, pour un motif apparaissant suffisamment à l'objection, nuisible à l'ordre public. Par ailleurs et dans la même cause, on a déclaré qu'une objection ministérielle validement formulée n'était pas sujette à revision par le pouvoir judiciaire; toutefois, cette déclaration, subséquemment considérée comme obiter dictum a été rejetée comme mal fondée dans une décision récente de la Cour d'Appel en Angleterre, soit dans In re Grosvenor Hotel, (No. 2)[3]. La décision de première instance en cette cause est rapportée à (No. 2) [1964] 2 All E.R. 674 et celle de la Cour d'Appel[4] dans le Times du vendredi, 31 juillet 1964, p. 7. Ajoutons que, bien que les parties au litige se soient jointes dans une demande de permission d'appeler à la Chambre des Lords, cette permission fut refusée. En substance, le Maître du Rôle, avec le concours de ses collègues, a rappelé que ce sont les juges qui sont les gardiens de la justice et, a-t-il ajouté, si la confiance qu'on met en eux a un sens et doit avoir une portée, ils doivent pouvoir raisonnablement s'assurer que l'intérêt de l'État l'emporte

[Page 79]

sur celui du justiciable, ou à tout le moins que l'objection ministérielle n'est pas déraisonnable comme c'est le cas, évidemment, lorsqu'il s'agit, par exemple, de documents concernant des secrets militaires, échanges diplomatiques, « cabinet papers » ou décisions politiques prises en haut lieu. Sans doute, les juges useront-ils d'une grande prudence et hésiteront-ils avant d'exercer ce pouvoir résiduaire de revision: mais le fait que celui-ci leur est attribué implique nécessairement que, si rares qu'ils soient, il se présentera des cas où naîtra le devoir de l'exercer. Et il va de soi que, dans chaque cas, varieront les faits invoqués pour le justifier; chacun devant être jugé à son mérite.

Dans le cas qui nous occupe, il faut retenir avec ces principes généraux concernant le privilège de la Couronne, que les dispositions particulières du deuxième alinéa de l'art. 332 n'étendent ce privilège aux personnes y mentionnées que si et « lorsque le Procureur Général ou le Solliciteur Général de la province atteste par un écrit en la possession du témoin, qui doit le produire, que l'ordre public est concerné dans les faits sur lesquels on désire l'interroger ». A mon avis — et ceci me dispense de considérer toute autre question — l'attestation écrite donnée par le Procureur Général qui invoque l'exception à la règle ne répond pas entièrement et adéquatement aux exigences des prescriptions ci-dessus. Partageant l'opinion de M. le Juge Hyde, je dirais que les questions précises auxquelles le Juge de première instance a ordonné au Secrétaire de la Commission de répondre, n'indiquent pas par elles-mêmes que l'ordre public soit en jeu et, comme le savant Juge, je suis d'avis que, dans ses termes, l'attestation du Procureur Général n'est pas reliée, comme elle doit l'être pour satisfaire à la condition donnant droit au privilège, aux faits sur lesquels on désire interroger le témoin, mais constitue une formule générale apte à valoir dans toutes causes, sans égard aux faits sur lesquels on désire interroger le témoin.

Je maintiendrais l'appel, infirmerais le jugement de la Cour du banc de la reine, rétablirais le dispositif du jugement de première instance; avec dépens en cette Cour et en Cour du banc de la reine.

ABBOTT J. (dissenting): — The material facts in this appeal, which are not in dispute, are fully set out in the reasons of my brother Fauteux which I have had the advantage of considering.

[Page 80]

During the course of an examination of the Secretary of the Quebec Securities Commission before the Superior Court sitting in bankruptcy, the appellant, as liquidator of a mining company Mercedes Exploration Co. Ltd., sought the production of a letter alleged to have been written to the Commission on February 25,1958, by one Gilbert Ayers, when the affairs of the said mining company were being investigated by the Commission.

The Secretary of the Commission refused to state whether or not the Commission had such a letter in its possession, claimed the privilege provided for under art. 332 of the Code of Civil Procedure, and in support of that claim produced and filed a letter dated February 12, 1963, signed by the Attorney General of Quebec. That letter read as follows:

Ministère du Procureur Général

Province de Québec

Dossier n° 5388-62

Montréal, P.Q.

le 12 février 1963.

Me Maurice Désy, c.r.,

Président,

Commission des Valeurs Mobilières du Québec

625 ouest, Boul. Dorchester

Montréal 2.

RE: C.S., district de Montréal, n° 2213/1962

(en faillite)

La Succession de feu J. Antoine Mercier,

Failli

— et —

H. B. Savage, Syndic

— et —

Armand Gagnon, ès qualité, liquidateur de Mercédès Exploration Co. Ltd., réclamant-requérant

— et —

La Commission des Valeurs Mobilières du Québec, intimée

— et —

William J. Wall et al., mis en cause

Cher monsieur,

Il est d'intérêt public que les faits et documents recueillis au cours des enquêtes faites par la Commission des Valeurs Mobilières du Québec ne soient pas divulgués.

Vous êtes en conséquence autorisé à vous prévaloir des dispositions de l'article 332 du Code de Procédure Civile de la Province de Québec, amendé par 6-7 Elisabeth II, chapitre 43, article 2.

Veuillez me croire,

Votre tout dévoué,

Le Procureur Général,

Georges-Émile Lapalme.

[Page 81]

The learned trial judge sitting in bankruptcy, held that in the circumstances the Commission was not entitled to invoke the privilege which it had claimed. That judgment was reversed by the Court of Queen's Bench, Mr. Justice Hyde dissenting. The present appeal, by leave, is from that judgment. It raises two questions both relating to the interpretation and effect of art. 332 C.C.P. which reads:

332. He cannot be compelled to declare what has been revealed to him confidentially in his professional character as religious or legal adviser, or as an officer of state where public policy is concerned.

The same shall apply to any member, officer or employee of a commission, board or other body the members of which are appointed by the Lieutenant-Governor in Council, whenever the Attorney General or Solicitor-General of the Province certifies, by a writing in the possession of the witness, who must produce the same, that public order is involved in the facts concerning which it is desired to examine him.

The second paragraph of this article was added in 1958 by the statue 6-7 Eliz. II, c. 43. It extends to certain Crown agencies the privilege, which may be claimed by an "officer of state", of refusing to give evidence or produce documents on grounds of public policy. It also prescribes the authorization which the member or officer of such Crown agency must possess in order to claim the privilege.

Article 332 C.C.P. (then art. 275) was contained in the Code of Civil Procedure of 1867. It was retained in the revision of 1897 as art. 332. As I have said the second paragraph was added in 1958 but it does not appear to have introduced any new principle.

The two questions, to which I have referred, are these:

1. Was the Secretary of the Commission, in virtue of the letter signed by the Attorney General, entitled to claim the privilege, provided for under art. 332 C.C.P., of refusing to testify on grounds of public policy?

2. If his objection was validly taken, should the judge have treated it as conclusive?

As to the first of these questions, the letter of February 12, 1963, is signed by one of the ministers specified in art. 332. It is addressed to the President of the Quebec Securities Commission which is a Crown agency coming under the provisions of this article. The heading of the letter specifies the legal proceedings in which the production of documents was being sought and its authorizes the Commission to invoke the privilege provided for in the said article.

[Page 82]

The basis upon which the privilege was claimed is contained in the first paragraphs of the letter which reads:

Il est d'intérêt public que les faits et documents recueillis au cours des enquêtes faites par la Commission des Valeurs Mobilières du Québec ne soient pas divulgués.

Hyde J. in the Court below considered this letter insufficient as being too general in its terms and said: "I consider that if the witness is to be excused from compliance with the order the certificate must state categorically 'that public order is involved in the facts concerning which it is desired to examine him'." His dissenting opinion was based upon this ground.

The letter of the Attorney General claimed the privilege with respect to "documents recueillis au cours des enquêtes faites par la Commission des Valeurs Mobilières du Québec". It seems to me that this language is sufficient to designate a "class of communications" for which privilege can be claimed, as that term was used by Viscount Simon in the Cammell Laird case[5]. The letter the production of which was sought falls within that class. On the whole, therefore, and with deference to those who hold the opposite view I am of opinion that the letter of the Attorney General entitled the Secretary of the Commission to claim the privilege of refusing to testify on grounds of public policy.

As to the second question, the principle enunciated in art. 332 C.C.P. appears to have been first considered by the Court of Queen's Bench of Lower Canada in Gugy v. Maguire[6]. In the opening paragraphs of his notes Meredith J., as he then was, says at p. 51:

The Judges of this Court are all, I believe, agreed in the opinion, that the Head of a Department of state cannot be compelled, at the instance of a private suitor, to produce an official document in his custody, when the production of the document would, on grounds of public policy, be inexpedient.

The question then arises: with whom does it rest to determine whether the production of a particular document is, on such general grounds, inexpedient? — The majority of the Court hold that the Head of the Department having official custody of the paper is necessarily the proper person to determine the question, while one of the members of the Court (M. Justice Mondelet) maintains that it must be determined by the judge.

The general principles of law as well as the decisions of the Courts, both in England and the United States appears to me to be entirely in favour of the opinion of the majority of the Court.

[Page 83]

He then proceeded to review the cases bearing on the question which had been decided in England and the United States, including Beatson v. Skene[7], which is referred to by Viscount Simon in the Cammell Laird case, and which had been decided in 1860 some three years before. In his work "De la Preuve" Judge Langelier, relying upon the authority of the Gugy case, says at p. 351;

840. Mais à qui appartient-il de décider si la déclaration qu'on voudrait obtenir d'un fonctionnaire est contre l'intérêt public? C'est au fonctionnaire lui-même et non au juge.

Article 332 C.C.P. was next considered by the Court of Queen's Bench in Minister of National Revenue et al v. Die-Plast Co. Ltd. et al[8]. Casey J. delivered the principal reasons for judgment in which the other members of the Court concurred. After quoting the statement of Meredith J. in the Gugy case to which I have referred, Casey J. says at p. 349:

Since the decision in the Gugy case there have been others in the same sense. Alain v. Belleau (1897) 1 P.R. 98; Hébert v. Latour (1914), 15 P.R. 5; Rheault v. Landry (1919), 55 S.C. 1, 20 P.R. 187, and Boyer v. Boyer (1946) P.R. 174.

It appears to me that these decisions constitute a jurisprudence which supports the contention that it is only the head of a Department of State who is in a position and who has the right to decide whether the disclosure will be against the public interest, and the further proposition that no Court has the right to go behind the decision — in this case — of the Minister of National Revenue. It would require a very compelling reason to warrant any interference with this jurisprudence and to justify an opinion contrary to that expressed in these decisions. Neither in the judgment a quo nor elsewhere have I been able to find such a reason.

These decisions were not questioned in the Court below, Hyde J. basing his dissent solely upon the ground that objection had not been taken in the proper form.

Article 332 C.C.P. does not appear to have been considered previously by this Court. I agree with Casey J. however, that it would require a very compelling reason to warrant any interference with this jurisprudence of the Quebec courts established now for more than a century. With respect I cannot find that reason in the recent decision of the Court of Appeal in England in In re Grosvenor Hotel (No. 2)[9] which is referred to by my brother Fauteux in his reasons.

[Page 84]

This view of the effect of the art. 332 C.C.P. certainly gives to a Minister of the Crown far-reaching power. It may well be that this is out of line with modern day conditions, as to which of course I express no opinion. If that be so, I think the remedy must be sought elsewhere than in the Courts.

I would dismiss the appeal with costs.

Appel maintenu avec dépens, LE JUGE ABBOTT étant dissident.

Procureur de l'appelant: C. Beauchemin, Montréal.

Procureurs de l'intimée: Geoffrion & Prud'Homme, Montréal.

[1] [1942] A.C. 624.

[2] [1954] R.C.S. 479, 54 D.T.C. 1129, [1954] C.T.C. 255, 109 C.C.C. 193.

[3] [1964] 2 All E.R. 674.

[4] [1964] 3 All E.R. 354.

[5] [1942] A.C. 624 at 635-6.

[6] (1863), 13 L.C.R. 33.

[7] (1860), 5 H. & N. 838. 29 L.J. Ex. 430, 2 L.T. 378, 157 E.R. 1415.

[8] [1952] Que. Q.B. 342, 32 C.B.R. 241, [1952] C.T.C. 175, 2 D.L.R. 808.

[9] [1964] 2 All E.R. 674; [1964] 3 All E.R. 354.


Sens de l'arrêt : L'appel doit être maintenu, le juge abbott étant dissident

Analyses

Témoin - Interrogatoire - Faillite - Privilège de la Couronne - Intérêt public - Attestation du procureur général - Formule trop générale - La Cour peut-elle aller au-delà de cette attestation - Code de procédure civile, art. 332.

Au cours de l'interrogatoire du secrétaire de la Commission intimée devant la Cour Supérieure, Division de faillite, l'appelant, en sa qualité de syndic à la faillite de la compagnie M, tenta d'obtenir la production d'une lettre qui aurait été adressée à la Commission par une tierce personne lors d'une enquête par la Commission sur les affaires de la compagnie M. Le secrétaire refusa de déclarer si la Commission avait ou non la lettre en question, réclama le privilège de l'art. 332 du Code de procédure civile et à cette fin produisit une lettre du procureur général se lisant ainsi: « Il est d'intérêt public que les faits et documents recueillis au cours des enquêtes faites par la Commission ne soient pas divulgués ». Le juge de première instance rejeta l'objection de la Commission, considéra qu'il appartenait au juge et non au procureur général de déterminer si l'ordre public était en jeu, et qu'à son avis tel n'était pas le cas en l'espèce. Ce jugement fut infirmé par une décision majoritaire de la Cour d'appel. L'appelant obtint permission d'appeler à cette Cour.

Arrêt: L'appel doit être maintenu, le Juge Abbott étant dissident.

Le Juge en chef Taschereau et les Juges Fauteux, Martland, Judson, Ritchie et Hall: L'article 332 relève le fonctionnaire de l'obligation imposée aux témoins de répondre et de produire des pièces ou autres choses lorsque l'ordre public est concerné. Ce privilège n'est pourtant pas absolu. Il n'est étendu aux personnes mentionnées dans l'article que si et « lorsque le procureur général atteste par un écrit en la possession du témoin, qui doit le produire, que l'ordre public est concerné dans les faits sur lesquels on désire l'interroger ». L'attestation dans le cas présent ne répond pas entièrement et adéquatement aux exigences de ces prescriptions. Les questions précises auxquelles le juge de première instance a ordonné au secrétaire de répondre n'indiquent pas par elles-mêmes que l'ordre public est en jeu. De plus, dans ses termes, l'attestation n'est pas reliée aux faits sur lesquels on désire interroger le témoin, mais constitue une formule générale apte à valoir dans toutes les causes, sans égard aux faits sur lesquels on désire interroger.

Le Juge Abbott, dissident: L'intitulé de la lettre mentionne spécialement les procédures dans lesquelles on tenta de la faire produire. Cette lettre autorise la Commission de se prévaloir du privilège et son langage était suffisant pour désigner la « class of communications » pour laquelle

[Page 74]

le privilège peut être invoqué, selon l'expression employée dans Duncan v. Cammell, Laird and Co., [1942] A.C. 624. Le secrétaire de la Commission avait donc le droit de se prévaloir du privilège de refuser de témoigner pour des raisons d'ordre public.

La jurisprudence des Cours du Québec établie depuis plus d'un siècle supporte la proposition que c'est seulement le chef du département qui est en position et qui a le droit de décider si la divulgation sera contre l'intérêt public, et qu'aucune Cour n'a le droit d'aller au-delà de cette décision. Il faudrait une raison bien grave pour justifier une interférence avec cette jurisprudence. Il n'est pas possible de trouver cette raison dans le récent jugement de la Cour d'appel en Angleterre dans In Re Grosvenor Hotel (N° 2), [1964] 3 All E.R. 354.

Witness - Examination - Bankruptcy - Crown privilege - Public policy - Attorney General's certificate - No reference to specific facts - Whether invalid for vagueness - Whether Court can go behind certificate - Code of Civil Procedure, art. 332.

During the course of an examination of the secretary of the Quebec Securities Commission before the Superior Court sitting in bankruptcy, the appellant, as liquidator of company M, sought the production of a letter alleged to have been written to the Commission by A at a time when the affairs of company M were being investigated by the Commission. The secretary refused to state whether or not the Commission had such a letter, claimed the privilege provided by art. 332 of the Code of Civil Procedure and in support of that claim produced a letter from the Attorney General of Quebec reading: "It is of public interest that the facts and documents assembled in the course of inquiries by the Commission should not be disclosed". The trial judge rejected the objection of the Commission and held that it was for the Court and not for the Attorney General to decide if public order was concerned, and that in this case it was not. This decision was reversed by a majority judgment in the Court of Appeal. The appellant was granted leave to appeal to this Court.

Held (Abbott J. dissenting): The appeal should be allowed.

Per Taschereau C.J. and Fauteux, Martland, Judson, Ritchie and Hall JJ.: Article 332 of the Code of Civil Procedure exempts public officials from the duty to testify and produce documents where public order is involved, provided that the Attorney General's certificate states that this is so in relation to the particular facts in issue. The certificate in this case did not satisfy that requirement. The precise questions which the witness was ordered to answer did not indicate by themselves that public order was concerned. Furthermore, the certificate was not related to the particular facts on which the appellant wished to examine the secretary, but constituted a general formula capable of serving in all cases, regardless of the facts.

Per Abbott J., dissenting: The heading of the letter specified the legal proceedings in which the production of documents was being sought. The letter authorized the Commission to invoke the privilege and its language was sufficient to designate a "class of communications" for which the privilege could be claimed, as that term was used in Duncan v. Cammell, Laird and Co., [1942] A.C. 624. The secretary of the Commission was therefore entitled to claim the privilege of refusing to testify on grounds of public policy.

[Page 75]

The jurisprudence of the Quebec Courts established now for more than a century supports the contention that it is only the head of a Department of State who is in a position and who has the right to decide whether the disclosure will be against the public interest, and that no Court has the right to go behind that decision. It would require a very compelling reason to warrant any interference with that jurisprudence. It is not possible to find that reason in the recent decision of the Court of Appeal in England in In Re Grosvenor Hotel (No. 2), [1964] 3 All E.R. 354.


Parties
Demandeurs : Gagnon
Défendeurs : Commission des Valeurs Mobilières du Québec

Références :
Proposition de citation de la décision: Gagnon c. Commission des Valeurs Mobilières du Québec, [1965] R.C.S. 73 (9 octobre 1964)


Origine de la décision
Date de la décision : 09/10/1964
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1965] R.C.S. 73 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1964-10-09;.1965..r.c.s..73 ?
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