La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/02/1968 | CANADA | N°[1968]_R.C.S._288

Canada | Dorval c. Bouvier, [1968] R.C.S. 288 (20 février 1968)


Cour suprême du Canada

Dorval c. Bouvier, [1968] R.C.S. 288

Date: 1968-02-20

Roger Dorval (Demandeur) Appelant;

et

Marcel Bouvier (Défendeur) Intimé.

1967: mai 4; 1968: février 20.

Coram: Les Juges Fauteux, Abbott, Martland, Judson et Ritchie.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec1, infirmant un jugement du Juge en Chef adjoint Challies. Appel rejeté, le Juge Martland étant dissident.

Bernard Bourdon, c.r., pour le demandeu

r, appelant.

John Bumbray, c.r., pour le défendeur, intimé.

[Page 290]

Le jugement des Juges Fauteux, Abbott, Juds...

Cour suprême du Canada

Dorval c. Bouvier, [1968] R.C.S. 288

Date: 1968-02-20

Roger Dorval (Demandeur) Appelant;

et

Marcel Bouvier (Défendeur) Intimé.

1967: mai 4; 1968: février 20.

Coram: Les Juges Fauteux, Abbott, Martland, Judson et Ritchie.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec1, infirmant un jugement du Juge en Chef adjoint Challies. Appel rejeté, le Juge Martland étant dissident.

Bernard Bourdon, c.r., pour le demandeur, appelant.

John Bumbray, c.r., pour le défendeur, intimé.

[Page 290]

Le jugement des Juges Fauteux, Abbott, Judson et Ritchie fut rendu par

LE JUGE FAUTEUX: — L’appelant se pourvoit à l’encontre d’une décision unanime de la Cour du banc de la reine[2], infirmant un jugement de la Cour supérieure qui condamnait l’intimé à lui payer $23,201.79 à titre de dommages-intérêts et les dépens.

Cette action en dommages se fonde sur un accident survenu le 22 avril 1961, vers deux heures de l’après-midi, sur la rue Marie-Anne, à Montréal, alors que l’appelant fut heurté par une automobile appartenant à l’intimé et par lui conduite de l’est à l’ouest. Le fait de l’accident n’est pas contesté. La difficulté est de déterminer comment il se produisit. Suivant l’appelant, il venait de stationner sa voiture, au côté nord, sur le bord du trottoir et alors que, étant sur la rue, face à son véhicule, il s’apprêtait à en mettre la porte avant gauche sous clef, il fut heurté par l’automobile de l’intimé qui venait à sa droite; de ce moment à celui où il reprit connaissance dans l’ambulance, il ne se souvient de rien. Suivant l’intimé, l’appelant déboucha subitement devant lui d’entre deux voitures stationnées sur le bord du trottoir et bien qu’en freinant, il ait immobilisé son véhicule presque immédiatement, il ne put éviter de le frapper.

Dans un jugement clair et concis, le savant juge de première instance a considéré, d’une part, que la version de l’appelant est supportée par Gilles Paquin, témoin produit par l’appelant. Paquin n’était pas sur les lieux de l’accident mais il a témoigné qu’au temps de cet accident, il était employé au garage de l’appelant, qu’à la demande de ce dernier, il est allé, vers la fin de l’après-midi du jour même de l’accident, chercher l’automobile de son patron, demeurée stationnée sur la rue Marie-Anne et qu’il en trouva alors les clefs dans la serrure de la porte avant gauche. La Cour a considéré, d’autre part, que la version de l’intimé est elle-même confirmée par trois membres de sa famille qui étaient passagers dans son automobile. Il appert du témoignage de ces derniers que l’appelant déboucha subitement et en courant d’entre deux automobiles. Par ailleurs, la Cour a noté deux faits de nature à mettre en doute la

[Page 291]

version de l’appelant. Le premier de ces faits est que l’appelant fut blessé, par l’automobile qui venait à sa droite, à la jambe gauche, et plus précisément à la rotule, soit à l’avant du genou, et non à la jambe droite; ce qui indiquerait que l’accident s’est produit de la façon indiquée par l’automobiliste et ses trois passagers et non de la façon décrite par le piéton. La Cour dispose de cette question en disant qu’au moment de l’accident, l’appelant, d’après son témoignage, se tenait un peu de biais, sa jambe gauche se trouvant un peu à l’arrière de sa jambe droite. Le second fait est que les portes d’automobiles fabriquées par la compagnie General Motors, — telle l’automobile de l’appelant, — peuvent se verrouiller et se verrouillent habituellement de l’extérieur, sans l’utilisation d’une clef; ce qui rend un peu surprenante l’affirmation de l’appelant qu’il aurait utilisé ses clefs et que c’est en ce faisant qu’il a été frappé. La Cour dispose de la question en retenant l’explication donnée par l’appelant qui dit avoir été dans l’obligation d’utiliser ses clefs en raison d’une défectuosité de la serrure, causée par un accident antérieur. Le jugement, par ailleurs, ne fait aucune référence à la question de savoir si Paquin était vraiment l’employé de l’appelant comme lui‑même et l’appelant en ont attesté, nonobstant l’importance que cette question avait prise au cours des interrogatoires visant à vérifier leur crédibilité, et le doute assez sérieux que jette sur le point le témoignage de Jean-Paul St-Charles, comptable qui s’occupait des affaires de l’appelant et que ce dernier appela comme témoin pour établir ses dommages. Enfin, appelé qu’il était à choisir entre deux versions irréconciliables dont l’une, celle de l’appelant, était de nature à imputer à l’intimé le fait de l’accident et dont l’autre, celle de l’intimé et de ses témoins, était de nature à repousser entièrement la présomption de responsabilité qui, suivant l’ancienne loi, pesait contre lui, le tribunal accueillit la première en s’exprimant comme suit:

The Court accepts the version of Plaintiff supported as it is by the examination on discovery at page 6 when Plaintiff was Defendant’s witness, and by the evidence of Paquin. The keys could only have been in the door if Plaintiff’s version of the accident were correct.

Et, en ce qui concerne la seconde, la Cour ajouta:

The Court does not believe that Defendant and his witnesses perjured themselves but that they were merely mistaken.

D’où la condamnation.

[Page 292]

En appel, l’intimé, pour obtenir l’intervention de la Cour d’appel dans cette cause où le conflit porte sur une simple question de fait, plaida particulièrement qu’en présence des motifs sérieux qu’il y avait de douter de la vérité des témoignages de la poursuite, le tribunal de première instance ne pouvait, comme il l’a fait, conclure à une erreur de la part de tous les témoins de la défense, uniquement parce qu’ils étaient contredits par ceux de la poursuite, qu’il fallait d’autres motifs et que le jugement ou le dossier n’en révélait aucun. La Cour d’appel jugea que, dans l’espèce, cet argument était suffisamment bien fondé pour dépouiller le jugement de première instance de la présomption jurisprudentielle de plus grande crédibilité à accorder à la partie dont les témoignages ont été accueillis de préférence à ceux de l’autre partie, et lui permettre de substituer sa propre appréciation de la preuve à celle du juge de première instance.

Au mérite et dans des notes qui ont reçu l’accord de ses collègues, M. le Juge Brossard, après avoir fait une revue détaillée de toute la preuve au dossier, jugea que le poids de la preuve et la balance des probabilités favorisaient avec une prépondérance indéniable la version de la défense. En fait et pour arriver à cette conclusion, il considéra particulièrement que l’appelant avait été blessé à l’avant du genou de la jambe gauche et aucunement à la jambe droite; qu’à moins de reconnaître une erreur certaine d’appréciation de la part des témoins entendus sur la détermination de l’endroit précis de l’accident, il fallait conclure que l’appelant n’était pas devant son véhicule au moment où il a été heurté, mais qu’il se trouvait beaucoup plus à l’est, à un endroit où il n’avait manifestement pas pu être projeté par un véhicule voyageant vers l’ouest; qu’il y avait des divergences majeures entre le témoignage au préalable de l’appelant et son témoignage à l’enquête et celui de Paquin; qu’au cours de son examen à l’enquête, l’appelant avait affirmé qu’au moment de l’accident, il n’avait qu’un seul employé à son garage et qu’en l’occurrence, cet employé était Paquin alors que, suivant le témoignage du comptable St-Charles, l’appelant n’avait, à la date de l’accident, qu’un seul employé, soit Jean-Guy Audet. Le savant juge considéra, d’autre part, que les témoignages de la défense avaient été exprimés de bonne foi, de l’avis même du juge de première instance, et ne comportaient aucune contradic-

[Page 293]

tion essentielle entre eux. Et le juge Brossard de conclure qu’il lui était impossible d’admettre que le juge de première instance ait été justifié d’accepter les témoignages de la poursuite de préférence à ceux de la défense quand l’unique motif le portant à croire que ces derniers s’étaient trompés, réside dans le fait que leurs témoignages n’étaient pas conformes à ceux de la poursuite. Le jugement de première instance fut donc infirmé. Et de là l’appel à cette Cour.

A ce stade de la procédure, comme au stade de l’appel en Cour du banc de la reine et celui du procès en Cour supérieure, la présente cause ne soulève qu’une pure et unique question de fait. Il s’agit de savoir laquelle de deux versions irréconciliables en fait et de conséquences diamétralement opposées en droit, doit être retenue: celle de l’appelant, version que le témoin Paquin — qui n’a rien vu de l’accident — fut appelé à soutenir, ou celle de l’intimé et de ses trois passagers, qui tous quatre ont vu l’accident se produire subitement sous leurs yeux. Comme déjà indiqué, la Cour supérieure, d’une part, accepta la première et écarta la seconde pour la raison que celle-ci était contredite par celle-là et la Cour d’appel, d’autre part, jugeant cette raison insuffisante en droit et n’en trouvant, au jugement, aucune autre suffisamment explicitée, intervint, avec le résultat que l’on sait.

Dans un cas comme celui qui nous occupe, les règles qui doivent guider une première et une seconde cour d’appel, sont bien connues. En raison de la position privilégiée du juge qui préside au procès, voit, entend les parties et les témoins et en apprécie la tenue, il est de principe que l’opinion de celui-ci doit être traitée avec le plus grand respect par la Cour d’appel et que le devoir de celle-ci n’est pas de refaire le procès, ni d’intervenir pour substituer son appréciation de la preuve à celle du juge de première instance à moins qu’une erreur manifeste n’apparaisse aux raisons ou conclusions du jugement frappé d’appel. Encore faut-il, cependant, comme l’a noté M. le juge Brossard après avoir cité les commentaires du juge Casey dans Gagnon v. Gauthier[3], que ces raisons soient en termes suffisamment explicites pour permettre à une Cour d’appel d’en apprécier la valeur au point de vue juridique. Aussi bien et si les raisons données n’ont pas ce caractère, ou si

[Page 294]

l’ayant, elles ne sont pas valides, la Cour doit nécessairement intervenir, procéder à l’examen du dossier et former sa propre opinion sur la preuve au dossier. Il est manifeste qu’en l’espèce, la Cour d’appel a tenu compte de ces principes et les a appliqués; elle a signalé l’erreur dont, à ses vues, le jugement de première instance était affecté et procédant à un examen détaillé de la preuve, elle s’est formé sur la question de fait une opinion différente de celle exprimée au jugement de première instance.

Quant au principe qui doit guider une seconde Cour d’appel appelée à reviser le jugement d’une première, il est aussi et depuis longtemps établi. On en trouve l’expression dans Demers v. The Montreal Steam Laundry Company[4]:

…it is settled law upon which we have often acted here, that where a judgment upon facts has been rendered by a court of first instance, and a first court of appeal has reversed that Judgment, a second court of appeal should interfere with the judgment of the first appeal, only if clearly satisfied that it is erroneous; Symington v. Symington L.R. 2 H.L. Sc. 415.

C’est là la règle suivie en cette Cour et récemment encore appliquée dans Pelletier v. Shykofsky[5]. Ainsi donc, pour intervenir dans cette cause, il faudrait être clairement satisfait que le jugement de la Cour d’appel est erroné, soit quant à la raison motivant son intervention ou quant à son appréciation de la preuve au dossier. Après anxieuse considération, il m’est impossible de former une telle opinion.

Je rejetterais l’appel avec dépens.

MARTLAND J. (dissenting): — The facts giving rise to this case have been stated in the reasons of my brother Fauteux. The versions of the accident given by the appellant and by the respondent are contradictory. The appellant says that he was struck by the respondent’s automobile while standing beside the left front door of his car, which he was in the process of locking. The respondent describes the accident as follows:

J’ai ralenti à Marquette, j’ai décidé de continuer. Comme je dépassais la première machine j’ai aperçu cet homme sortir le dos à moi entre deux chars. J’ai appliqué les freins, j’ai donné un coup de roue à ma gauche, il était trop tard.

* * *

[Page 295]

D. Vous dites qu’il avait le dos à vous quand vous l’avez frappé?

R. Oui. Il a sorti en sifflant, il sortait entre deux machines.

D. Quand vous l’avez vu pour la première fois, vous l’avez vu de dos?

R. Oui, certainement.

The only issue before the learned trial judge was one of fact. He had to decide which version he accepted. He found as follows:

The Court accepts the version of Plaintiff supported as it is by the examination on discovery at page 6 when Plaintiff was Defendant’s witness, and by the evidence of Paquin. The keys could only have been in the door if Plaintiff’s version of the accident were correct. The Court does not believe that Defendant and his witnesses perjured themselves but that they were merely mistaken. The damage to the left leg is very light due to the fact that Plaintiff had his left leg slightly behind the right leg, being slightly sideways, and that the automobile struck him on that leg. There is no fault on the part of Plaintiff himself and it remains to assess the damages.

It is clear from this finding that he accepted the evidence of the appellant. He found the appellant’s story to be corroborated by the evidence of Paquin as to his finding the keys in the car door, and, accordingly, it is clear that he believed Paquin.

On this basis, in my opinion, the case was one with which an appellate tribunal should not have interfered. In the judgment of the Court of Queen’s Bench there is cited the statement of Casey J. on this point, in Gagnon v. Gauthier[6]:

The trial judge who sees and hears the witnesses is better able to assess their credibility and to determine the significance, and in many instances the meaning, of their evidence than are the members of this Court. For this reason his conclusions on the facts must be treated with great respect and his findings must not be interfered with lightly.

From this two things follow: because of the position that he enjoys and of the respect to which his opinion is entitled, the trial judge owes to the parties and to the Court of Appeal the duty of disclosing the reasons that impel him to the conclusions reached; and, when the trial judge renders this type of judgment, this Court will not intervene unless appellant is able to point out a manifest error either in the reasons or in the conclusions.

And here lies the difficulty; for while it is easy to state the rule of no interference without manifest error, it is extremely difficult and very risky to attempt a comprehensive definition of this term. But this much can be said; when an appellant submits evidence that contains contradictions or

[Page 296]

ambiguities and when, to find reasons to support his version, he is obliged to finecomb the depositions, he is not demonstrating the manifest error that this Court requires.

An appellant who asks this Court to reverse a finding of fact must be able to put his fingers on a demonstrable error in the judgment a quo. He has not the right nor should he be permitted to invite this Court to retry the case and, as the result of a process of appreciation and balance, to come to a conclusion different from that of the trial judge.

After citing this passage, the judgment on appeal goes on as follows:

Telle est la ligne de conduite à suivre lorsque le premier juge a donné les raisons qui l’ont amené à conclure comme il l’a fait. Mais lorsqu’il ne donne pas ces raisons en termes suffisamment explicites pour permettre à cette Cour d’en connaître les fondements juridiques et de faits, cette Cour a le devoir de rechercher dans la preuve les raisons qui pouvaient justifier la décision du premier juge et, le cas échéant, celles qui eussent imposé une décision contraire; tel est plus particulièrement le cas lorsque, ainsi que cela se présente dans la cause actuelle, le premier juge ne donne pas les raisons ou donne des motifs purement subjectifs et arbitraires pour lesquels il accorde plus de crédibilité aux témoignages d’une partie de préférence à ceux de l’autre et ne dit pas, par ailleurs, sur quelles circonstances externes établies par la preuve il s’appuie pour choisir entre deux versions diamétralement opposées.

Dealing with the position of an appellate court in a case involving a conflict of evidence, this Court, in Prudential Trust Company Limited v. Forseth[7], adopted the statement of Sankey L.C. in Powell v. Streatham Manor Nursing Home[8]:

On an appeal against a judgment of a judge sitting alone, the Court of Appeal will not set aside the judgment unless the appellant satisfies the Court that the judge was wrong and that his decision ought to have been the other way. Where there has been a conflict of evidence the Court of Appeal will have special regard to the fact that the judge saw the witnesses: see Clarke v. Edinburgh Tramways Co., per Lord Shaw, 1919 S.C. (H.L.) 35, 36, where he says: “When a judge hears and sees witnesses and makes a conclusion or inference with regard to what is the weight on balance of their evidence, that judgment is entitled to great respect, and that quite irrespective of whether the Judge makes any observation with regard to credibility or not. I can of course quite understand a Court of Appeal that says that it will not interfere in a case in which the Judge has announced as part of his judgment that he believes one set of witnesses, having seen them and heard them, and does not believe another. But that is not the ordinary case of a cause in a Court of justice. In Courts of justice in the ordinary case things are much more evenly divided; witnesses without any conscious bias towards a conclusion may have in their demeanour, in their manner, in their hesitation, in the nuance of their

[Page 297]

expressions, in even the turns of the eyelid, left an impression upon the man who saw and heard them which can never be reproduced in the printed page. What in such circumstances, thus psychologically put, is the duty of an appellate Court? In my opinion, the duty of an appellate Court in those circumstances is for each Judge of it to put to himself, as I now do in this case, the question, Am I — who sit here without those advantages, sometimes broad and sometimes subtle, which are the privilege of the Judge who heard and tried the case — in a position, not having those privileges, to come to a clear conclusion that the Judge who had them was plainly wrong? If I cannot be satisfied in my own mind that the Judge with those privileges was plainly wrong, then it appears to me to be my duty to defer to his judgment.”

(The underlining is my own.)

In my opinion, in the present case, the learned trial judge did state reasons for accepting the appellant’s version; i.e., his acceptance of Paquin’s evidence. Even if he had not done so, however, having made his finding of fact, it was incumbent on the present respondent to demonstrate manifest error, to show that he was “plainly wrong.” It was not enough for the present respondent “to finecomb the depositions” in order “to find reasons to support his version”.

In my opinion that is what the respondent did. The Court below reversed the learned trial judge on the basis of four points, with which I will briefly deal:

1. The appellant’s injury was to his left knee, and not his right. This point was considered by the learned trial judge, whose conclusion was that this occurred because the appellant was standing slightly sideways, with his left leg slightly behind the other.

2. There was a discrepancy between the appellant’s estimate as to his distance from the intersection at Marquette Street and that of the police constables who investigated the accident. This distance was not material to the issues in this case. At most this shows an error on the appellant’s part on a matter on which he had no reason, at the time, to have made any exact estimate.

3. The appellant described at trial how, on leaving hospital by taxi and while on his way home, he had stopped at the garage he owned, and had there seen Paquin. He had not mentioned this stop in his examination for discovery. It is suggested that there is a divergence between the two stories. When, however, one examines the

[Page 298]

examination for discovery, it is apparent that his departure from the hospital came up only incidentally in answer to a question as to how long he had been there:

D. Combien de temps avez-vous été à l’hôpital?

R. La première fois?

D. Oui. A quel hôpital avez-vous été transporté d’abord?

R. A l’Hôpital Notre-Dame.

D. Vous avez été là pendant combien de temps?

R. J’ai parti de l’hôpital pour chez moi à cinq (5) heures et demie, six (6) heures, si je ne me trompe pas. J’ai rentré de nouveau le lundi.

4. The appellant, at the trial, testified that at the garage he had asked one of his employees, Paquin, to go and get his car. He said that at the moment of the accident there was one employee at the garage.

Earlier at the trial a witness who had been the appellant’s accountant, St-Charles, when asked how many employees the appellant had had prior to April 22, 1961 (the date of the accident), answered that he had one employee, Jean Guy Audet. This witness had been called by the appellant to testify as to the number of persons employed at the garage prior to and after the accident.

Paquin had testified that he was an employee of the appellant at the time of the accident and had worked for him for two or three months prior to that.

The appellant was not cross-examined as to any contradiction between his own and St‑Charles’ evidence.

Arguments based upon contradictions in the evidence are a proper basis for urging a trial judge to refuse to accept the version of one or other of the parties. The four points previously discussed were presumably submitted to the learned trial judge, if they were considered to have been of importance. The fact that a trial judge does not, in his reasons, review each point so raised is no ground for assuming that they were not considered. But in reaching his conclusion as to which version of this accident he accepted, the learned trial judge did have the advantage of having seen the witnesses who gave the evidence.

This case is very similar to Maze v. Empson[9], which involved a collision between two motor vehicles. The

[Page 299]

stories of the appellant and the respondent in that case were diametrically opposed. The Appellate Division of the Supreme Court of Alberta reversed the finding of the trial judge in the plaintiff’s favour. After an analysis of the evidence it was concluded that the defendant’s version of the collision was the more likely one. That judgment was reversed in this Court, and the statement of Lord Shaw of Dunfermline in Clarke v. Edinburgh and District Tramways, & Co. Ltd., previously cited in these reasons, was applied.

With respect, I do not find in this case any basis for holding that there was “manifest error” in the reasons or conclusions of the learned trial judge, nor for saying that he was “plainly wrong”, to adopt the wording of the passages which I have previously cited.

Accordingly, in my opinion, this appeal should be allowed and the judgment at trial restored, with costs to the appellant in this Court and in the Court below.

Appel rejeté avec dépens, LE JUGE MARTLAND étant dissident.

Procureurs du demandeur, appelant: Boisvert & Pickel, Montréal.

Procureurs du défendeur, intimé: Bumbray, Carroll, Cardinal & Dansereau, Montréal.

[1] [1966] B.R. 746.

[2] [1966] B.R. 746.

[3] [1958] B.R. 401.

[4] (1897), 27 R.C.S. 537 à 538.

[5] [1957] R.C.S. 635.

[6] [1958] Que. Q.B. 401 at 403.

[7] [1960] S.C.R. 210 at 217, 30 W.W.R. 241, 21 D.L.R. (2d) 587.

[8] [1935] A.C. 243 at 249, 104 L.J.K.B. 304.

[9] [1964] S.C.R. 576, 48 W.W.R. 59, 46 D.L.R. (2d) 9.


Synthèse
Référence neutre : [1968] R.C.S. 288 ?
Date de la décision : 20/02/1968
Sens de l'arrêt : L’appel doit être rejeté, le juge martland étant dissident

Analyses

Automobile - Piéton heurté sur la chaussée - Versions contradictoires de l’accident - Cour d’appel substituant sa propre appréciation de la preuve - Justification - Règles à suivre par première et seconde Cour d’appel.

Le demandeur a été blessé lorsqu’il fut heurté par une automobile appartenant au défendeur et par lui conduite de l’est à l’ouest dans la ville de Montréal. Suivant le demandeur, il venait de stationner sa voiture, au côté nord, sur le bord du trottoir et alors que, étant sur la rue, face à son véhicule, il s’apprêtait à en mettre la porte avant gauche sous clef, il fut heurté par l’automobile du défendeur qui venait à sa droite. Suivant le défendeur, le demandeur déboucha subitement devant lui d’entre deux voitures stationnées sur le bord du trottoir et il ne put éviter de le frapper. Le juge de première instance a accepté la version du demandeur et a rejeté celle du défendeur pour la raison que celle-ci était contredite par celle‑là. La Cour d’appel statua que le tribunal de première instance ne pouvait conclure à une erreur de la part de tous les témoins de la défense uniquement parce qu’ils étaient contredits par ceux de la poursuite, substitua sa propre appréciation de la preuve et jugea que le poids de la preuve et la balance des probabilités favorisaient la version de la défense. Le demandeur en appela à cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être rejeté, le Juge Martland étant dissident.

Les Juges Fauteux, Abbott, Judson et Ritchie: La Cour d’appel a appliqué les principes en vertu desquels une première cour d’appel doit nécessairement intervenir, procéder à l’examen du dossier et former sa propre opinion sur la preuve. Ayant signalé l’erreur affectant le jugement de première instance et ayant fait un examen détaillé de la preuve, elle s’est formé sur la question de fait une opinion différente. Il est impossible d’être clairement satisfait que le jugement de la Cour d’appel est erroné.

Le Juge Martland, dissident: Il s’agit d’une cause où une cour d’appel n’aurait pas dû intervenir. Le défendeur avait le fardeau de démontrer une erreur manifeste, de montrer que le juge au procès était clairement dans l’erreur sur la question de fait. Il ne suffit pas pour le défendeur d’examiner minutieusement les témoignages, comme il l’a fait, en vue de trouver des raisons à l’appui de sa version. Rien ne permettait de conclure que le juge avait, dans ses raisons ou conclusions, commis une erreur manifeste ou que son jugement était clairement erroné.

Motor vehicle - Pedestrian struck while on the street - Contradictory versions of the accident - Court of Appeal substituting its own appreciation of the evidence - Justification - Principles to be followed by first and second Court of Appeal.

[Page 289]

The plaintiff was injured when he was struck by an automobile belonging to the defendant and driven by him in a westerly direction in the city of Montreal. The plaintiff says that, after parking his car on the north side of the street, he was struck by the defendant’s automobile coming from his right as he was standing beside the left front door of his car, which he was in the process of locking. The defendant says that the plaintiff came out suddenly into the street from between two parked cars and that he could not avoid the accident. The trial judge accepted the plaintiff’s version and rejected the one submitted by the defendant on the ground that the latter was contradicted by the former. The Court of Appeal held that the tribunal of first instance could not come to the conclusion that all the witnesses for the defence were mistaken for the sole reason that they were contradicted by the witnesses for the plaintiff, substituted its own appreciation of the evidence and came to the conclusion that the weight of the evidence and the balance of probabilities favoured the version of the defence. The plaintiff appealed to this Court.

Held (Martland J. dissenting): The appeal should be dismissed.

Per Fauteux, Abbott, Judson and Ritchie JJ.: The Court of Appeal applied the principles pursuant to which a first Court of Appeal must necessarily interfere, examine the record and form its own opinion on the evidence. Having pointed out the error in the judgment at trial and having thoroughly examined the evidence, the Court of Appeal came to a different conclusion on the question of fact. It was impossible to be clearly satisfied that the judgment of the Court of Appeal was erroneous.

Per Martland J., dissenting: This case was one which an appellate tribunal should not have interfered. It was incumbent on the defendant to demonstrate manifest error, to show that the trial judge was plainly wrong in his finding of fact. It was not enough for the defendant to finecomb the depositions, as he did, in order to find reasons to support his own version. There was no basis for holding that there was manifest error in the reasons or conclusions of the trial judge nor for saying that the judge was plainly wrong.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen’s Bench, Appeal Side, province of Quebec[1], reversing a judgment of Challies, Associate Chief Justice. Appeal dismissed, Martland J. dissenting.


Parties
Demandeurs : Dorval
Défendeurs : Bouvier
Proposition de citation de la décision: Dorval c. Bouvier, [1968] R.C.S. 288 (20 février 1968)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1968-02-20;.1968..r.c.s..288 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award