La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/1970 | CANADA | N°[1970]_R.C.S._511

Canada | Rio Algom Mines Limited c. Ministre du Revenu national, [1970] R.C.S. 511 (27 janvier 1970)


Cour Suprême du Canada

Rio Algom Mines Limited c. Ministre du Revenu national, [1970] R.C.S. 511

Date: 1970-01-27

Rio Algom Mines Limited Appelante;

et

Le Ministre du Revenu National Intimé.

1969: les 16 et 17 octobre; 1970: le 27 janvier.

Présents: Le Juge en Chef Cartwright et les Juges Fauteux, Abbott, Martland, Judson, Ritchie, Hall, Spence et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA

APPEL d’un jugement du Juge Cattanach de la Cour de l’Échiquier du Canada[1], en matière d’impôt sur le revenu. Appel r

ejeté, les Juges Hall, Spence et Pigeon étant dissidents:

W.B. Williston, c.r., et G.W. Swackhamer, c.r., pour l’ap...

Cour Suprême du Canada

Rio Algom Mines Limited c. Ministre du Revenu national, [1970] R.C.S. 511

Date: 1970-01-27

Rio Algom Mines Limited Appelante;

et

Le Ministre du Revenu National Intimé.

1969: les 16 et 17 octobre; 1970: le 27 janvier.

Présents: Le Juge en Chef Cartwright et les Juges Fauteux, Abbott, Martland, Judson, Ritchie, Hall, Spence et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA

APPEL d’un jugement du Juge Cattanach de la Cour de l’Échiquier du Canada[1], en matière d’impôt sur le revenu. Appel rejeté, les Juges Hall, Spence et Pigeon étant dissidents:

W.B. Williston, c.r., et G.W. Swackhamer, c.r., pour l’appelante.

J.D. Arnup, c.r., et G.W. Ainslie, c.r., pour l’intimé.

LE JUGE EN CHEF — Les dispositions pertinentes des règlements établis en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, y compris les modifications jusqu’à 1960, sont reproduites dans les motifs de mes collègues les Juges Judson et Pigeon, que j’ai eu le privilège de lire. La question qu’il nous faut trancher est l’interprétation de l’alinéa (b) de l’art. 701(1) qui se lit comme il suit:

(b) de la proportion desdits impôts que le revenu qu’il a tiré d’opérations minières dans la province pour l’année représente par rapport au revenu à l’occasion duquel des impôts ont été ainsi payés.

Il est admis de part et d’autre que les mots «desdits impôts» signifient les impôts décrits à l’art. 701(1)(a) et aucune question ne se pose quant au montant; le litige porte sur la manière de déterminer la proportion de ces impôts que mentionne l’alinéa (b).

[Page 514]

La formule que préconise l’intimé et que le Juge Cattanach a acceptée est la suivante:

Income derived from mining operations in the Province as computed under s. 701(2) of the Regulation, (i.e. federally computed mining Income)

Impôts payés à la province à l’occasion du revenu tiré par l’appelante d’opérations minières

Provincially computer mining Income.

Revenu tiré d’opérations minières dans la province, calculé d’après l’art. 701(2) des Règlements (c.-à-d. le revenu minier calculé par le fisc fédéral)

Revenu minier calculé par le fisc provincial.

Dans la formule préconisée par l’appelante le multiplicande est le même, ainsi que le numérateur de la fraction par laquelle il faut le multiplier. Pour éviter toute confusion au sujet de la position adoptée par l’appelante, je cite ici le texte du mémoire déposé par son avocat au cours des plaidoiries; il y expose comment, selon lui, il faut décrire le dénominateur:

[TRADUCTION] Le revenu à l’occasion duquel les impôts miniers ont été ainsi payés (c.-à-d. l’ensemble du revenu tiré d’opérations minières, du revenu tiré de la transformation et du revenu découlant d’autres sources et assujetti à l’impôt)

ou, plus précisément,

Le revenu tiré d’opérations minières dans la province d’Ontario, tel que décrit dans l’art. 701(2)(a) des Règlements + tout autre revenu exclu en vertu de l’art. 701(2)(a)(ii)(A) et (B) et assujetti à l’impôt.

Je me range à l’avis de mon collègue le Juge Pigeon quand il dit que suivant la formule proposée par l’appelante, la fraction ne sera pas nécessairement un sur un dans le cas de chaque province; en dépit de cela, les derniers mots de l’alinéa (b) «revenu à l’occasion duquel les impôts ont été ainsi payés» me paraissent avoir la signification que le savant Juge de première instance et mon collègue le Juge Judson leur ont attribuée.

L’expression «revenu tiré d’opérations minières», dont se sert l’alinéa (b) pour établir le numérateur, a sa définition à l’art. 701(2)(a), mais le mot «revenu» dont on se sert pour établir

[Page 515]

le dénominateur n’est pas défini et on doit le prendre dans son sens ordinaire en tenant compte du contexte dans lequel on l’a inséré. Les mots «sur» et «à l’occasion de» accolés au revenu assujetti à l’impôt, ne sont pas des termes techniques et, à mon avis, il faudrait des raisons péremptoires pour permettre à cette Cour de décider que le revenu «à l’occasion duquel certains impôts ont été payés» est un revenu autre que celui que l’autorité fiscale a défini et a établi comme base de calcul des impôts, savoir en l’instance, le revenu du contribuable calculé conformément à l’Ontario Mining Tax Act. Je ne vois aucune raison valable de m’écarter de ce que je considère comme le sens clair et naturel des derniers mots de l’alinéa (b).

Cette conclusion est fortifiée par l’opinion exprimée par le Juge Kellock et à laquelle les Juges Taschereau et Rand ont souscrit dans M.R.N. c. Spruce Falls Power & Paper Co. Ltd.[2], au sujet du sens d’une expression employée dans un contexte juridique analogue. Dans cette affaire-là, la description de la fraction à utiliser était la suivante:

1. Sous réserve des présents règlements, le montant qu’une personne peut déduire du revenu de l’alinéa (w) du premier paragraphe de l’article 5, est un montant n’excédant pas la proportion qui existe entre les impôts globaux y mentionnés qu’elles a versés

(a) au gouvernement d’une province, ou

(b) à une municipalité, au lieu de taxes sur les biens de cette personne ou sur un intérêt dans ces biens, sauf la résidence de cette personne ou un intérêt dans cette résidence,

et la partie de son revenu qui est égale au montant

(c) de son revenu provenant d’opérations minières — y définies — ou

(d) de son revenu provenant d’opérations forestières — y définies —

par rapport au montant global à l’égard duquel les impôts y mentionnés ont ainsi été acquittés.

On remarquera que le numérateur de la fraction dont la Cour a dû se préoccuper en cette affaire était le revenu provenant d’opérations forestières calculé par le fisc fédéral, qui cor-

[Page 516]

respond ici au numérateur, alors que le dénominateur devait être le «montant global à l’égard duquel les impôts y mentionnés (savoir les impôts payés à la province ou à la municipalité) ont ainsi été acquittés.» On voit comment cela correspond à peu près à ce qui nous préoccupe ici (revenu à l’occasion duquel les impôs ont été ainsi payés). Traitant de l’alinéa (d) et des mots qui le suivent, le Juge Kellock dit, aux pages 417 et 418:

[TRADUCTION] …Ainsi modifiée, la déduction autorisée est la fraction de l’impôt provincial ou municipal représentée par le revenu tiré par le contribuable d’opérations forestières, au sens que les règlements attribuent à ces mots, divisé par son revenu global à l’égard duquel les impôts mentionnés dans l’art. 5(1)(w) ont été acquittés, c.-à-d. le revenu total découlant des opérations minières, selon la définition qu’en fait la loi provinciale.

et, à la page 420, au sujet du même texte, leJuge Rand dit:

[TRADUCTION] Les mots importants sont «revenu découlant d’opérations minières — y définies» savoir l’assiette établie par les règlements. En d’autres mots, si cette base d’imposition ne parvenait à toucher que la moitié du revenu imposé par la province, il’ s’ensuivrait que seulement la moitié des impôts payés pourrait être déduite en vertu de l’alinéa (w). Le fédéral n’a pas voulu permettre de déduction fondée sur un chiffre de revenu plus élevé que celui que produit l’application de sa propre formule. Un point ressort clairement: le dénominateur de cette fraction est un chiffre déterminé non par le Ministre ni par aucun tribunal, mais par la province.

Je n’ai pas cité ces extraits comme nous liant; je veux bien présumer qu’ils sont un obiter dictum; mais ils tirent leur importance du fait que ces savants Juges ont trouvé clair le sens des mots décrivant le dénominateur.

Les divergences d’opinion en cette Cour prouvent à l’évidence que la question que nous devons trancher n’est pas dépourvue de difficulté, mais après avoir examiné toutes les thèses avancées au soutien du pourvoi, je suis en accord avec lesavant Juge de première instance quant à la conclusion qu’il a tirée et je suis d’avis de disposer du pourvoi comme le propose mon collègue, le Juge Judson.

[Page 517]

Le jugement des Juges Fauteux, Abbott, Martland, Judson et Ritchie a été rendu par

LE JUGE JUDSON — Dans ce pourvoi à l’encontre d’un jugement de la Cour de l’Échiquier du Canada[3], nous devons décider jusqu’où vont les déductions permises par la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des impôts miniers payés à une province. Ceux-ci font l’objet des dispositions de l’art. 11(1)(p) de la Loi de l’impôt sur le revenu. D’après le texte de cette loi comme il s’appliquait à la période considérée, les montants déductibles sont «les montants autorisés par règlement à l’égard des impôts sur le revenu de l’année provenant d’opérations minières ou de l’exploitation des bois et forêts.» La disposition du règlement est l’art. 701 et j’en cite le par. (1) en entier:

701. (1) En calculant son revenu pour une année d’imposition, le contribuable peut déduire, suivant l’alinéa (p) du paragraphe (1) de l’article 11 de la Loi, un montant égal au moindre

(a) de la totalité des impôts payés, à l’occasion du revenu qu’il a tiré d’opérations minières dans une province pour l’année,

(i) à la province, et

(ii) à une municipalité dans la province en remplacement de taxes sur des biens ou sur un intérêt dans ceux-ci (autres que sa maison d’habitation ou un intérêt dans celle-ci), ou

(b) de la proportion desdits impôts que le revenu qu’il a tiré d’opérations minières dans la province pour l’année représente par rapport au revenu à l’occasion duquel les impôts ont été ainsi payés.

(2) Dans le présent article, l’expression

(a) «revenu tiré d’opérations minières» dans une province par un contribuable pour une année d’imposition désigne

(i) si le contribuable ne dispose pas de sources de revenu autres que les opérations minières, le montant qui serait autrement son revenu pour l’année si aucun montant n’avait été déduit dans le calcul de son revenu en vertu de l’alinéa (b) du paragraphe (1) de l’article 11 de la Loi ou de l’alinéa (g) du paragraphe (1) de l’article 1100 des présents Règlements, et

(ii) dans tout autre cas, le montant qui serait autrement son revenu pour l’année si aucun montant n’avait été déduit dans le calcul de

[Page 518]

son revenu en vertu de l’alinéa (b) du paragraphe (1) de l’article 11 de la Loi ou de l’alinéa (g) du paragraphe (1) de l’article 1100 des présents Règlements, moins l’ensemble

(A) de son revenu pour l’année de toutes provenances autres que l’exploitation minière, la transformation et la vente de minerais, de minéraux et de leurs sous-produits, et

(B) d’un montant égal à 8 pour cent du coût initial, en ce qui le concerne, de biens désignés à l’Annexe B des présents Règlements et utilisés par lui dans l’année dans la transformation de minerais, de minéraux ou de leurs sous-produits, ou, si le montant ainsi déterminé est supérieur à 65 pour cent du revenu qui reste une fois opérée la déduction du montant déterminé en vertu de la clause (A), 65 pour cent du montant qui reste ainsi ou, si le montant ainsi déterminé est inférieur à 15 pour cent du montant qui reste ainsi, 15 pour cent du revenu qui reste ainsi;

* * *

(e) «opérations minières» désigne l’extraction de minerai d’une mine ou sa production dans une mine ou son transport vers ou jusqu’à l’issue de la mine, y compris toute transformation effectuée avant ou pendant ce transport, mais non pas une transformation effectuée après l’enlèvement du minerai de la mine; et…

Ce qu’il importe de noter dans la définition «d’opérations minières» c’est qu’elle en restreint le sens à l’extraction et qu’elle exclut la transformation après l’enlèvement du minerai de la mine. La province d’Ontario impose seulement le profit (revenu) provenant de l’extraction. Le Québec impose à la fois l’extraction et la transformation.

Dans la définition de «revenu provenant d’opérations minières», il y a une exclusion de l’allocation) de coût en capital, sauf dans la mesure permise par. l’art. 701(2)(ii)(B) relatif aux biens utilisés dans la transformation.

D’après les arguments que l’appelante a fait valoir en Cour de l’Échiquier et en cette Cour, cette disposition lui permettrait de déduire en totalité dans tous les cas l’impôt payé au titre des opérations minières à la province d’Ontario, nonobstant la disposition expresse du Règlement à l’effet que c’est le moindre de deux montants qui

[Page 519]

doit être déduit. Le résultat de cette argumentation, au moins dans la province d’Ontario, peut se résumer comme il suit:

Federally computed Mining Income

Federally computed Mining Income

Revenu minier calculé par le fisc fédéral

Revenu minier calculé par le fisc fédéral

Le calcul du ministre peut se résumer comme suit:

Federally computed Mining Income

Federally computed Mining Income

Revenu minier calculé par le fisc fédéral

Revenu minier calculé par le fisc provincial

La Cour de l’Échiquier a accepté la formule du ministre, ainsi que l’avait fait la Commission d’appel de l’impôt quand elle a été saisie du même problème. A mon avis, ces décisions sont correctes.

L’application de la première formule aurait pour résultat d’accorder au contribuable cent pour cent de déduction, dans chaque cas. On se contente de multiplier par un l’impôt payé à la province. Il ne saurait être question du moindre de deux montants si une telle formule découlait du Règlement. D’après moi, cette déduction en totalité conformément à la première formule est contraire au sens et à l’esprit du Règlement.

Examinons maintenant l’alinéa 701(1)(a), qui énonce la première alternative: «des impôts payés, à l’occasion du revenu qu’il a tiré d’opérations minières dans une province pour l’année, à la province»; cette disposition ne peut avoir qu’un seul sens, savoir que le revenu en question doit être calculé en vertu de la loi provinciale dite Mining Tax Act. La définition détaillée de l’expression «revenu tiré d’opérations minières» que donne le par. 701(2) ne peut pas s’appliquer à l’alinéa 701(1)(a) sans priver cet alinéa de tout son sens, puisqu’il n’est pas payé d’impôt minier à la province au titre du revenu calculé en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) et. de l’alinéa 701(2)(a).

[Page 520]

L’autre déduction possible est prévue par l’alinéa 701(1)(b):

de la proportion desdits impôts que le revenu qu’il a tiré d’opérations minières dans la province pour l’année représente par rapport au revenu à l’occasion duquel les impôts ont été ainsi payés.

Ceci nous donne la formule:

Impôt prévu à l’alinéa 701(1)(a), c’est-à-dire les impôts payés à la province

X

A Revenu provenant d’opérations minières dans la province

B Revenu à l’occasion duquel les impôts ont été ainsi payés.

Il est admis de part et d’autre que la longue définition de l’alinéa 701(2)(a) s’applique au numérateur de la fraction (A) et qu’il s’agit du revenu calculé par le fisc fédéral en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) et de l’alinéa 701(2)(a). En quoi consiste le dénominateur (B), «Revenu à l’occasion duquel les impôts ont été ainsi payés»? Les impôts «ainsi payés» l’ont été à l’égard du revenu provenant d’opérations minières dans la province, comme le prévoit le premier élément du calcul (701(1)(a)) et doivent nécessairement s’entendre des revenus calculés en conformité de la loi provinciale Mining Tax Act, puisque c’est seulement à l’égard de revenus calculés par la province que celle-ci perçoit des impôts. Ces mots se rapportent à des faits et à des événements réels et ne peuvent être précisés qu’au moyen de la déclaration d’impôt provincial faisant état d’un revenu effectif et d’un impôt effectivement établi par une cotisation provinciale en vertu de la loi provinciale. Le revenu calculé par le fisc fédéral n’a rien à voir avec la détermination de ce dénominateur.

Par conséquent, je suis d’avis que la formule du Ministre, comme elle est exposée ci-dessus est la bonne:

Impôt payé à la province

X

Revenu minier calculé par le fisc fédéral

Revenu minier calculé par le fisc provincial

[Page 521]

L’application pratique de cette formule est démontrée par la cotisation visant la période du 1er mai 1959 au 31 décembre 1959.

Pour son année d’imposition 1959, la compagnie a payé des impôts s’élevant à $358,290.85 à la province d’Ontario, en vertu du Mining Tax Act, R.S.O. 1959, c. 237. En calculant son revenu pour la période de huit mois commençant le 1er mai 1959, elle a, dans sa déclaration d’impôt sur le revenu produite en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, attribué à cette période la somme de $231,198.98 du montant de $358,290.85, et a tenté de déduire ce montant en vertu de l’art. 11(1)(p) et du Règlement 701, dans le calcul de son revenu ou de sa perte pour 1959. Le Ministre ayant attribué la somme de $232,917.55, les parties se sont entendues pour accepter ce montant. Par conséquent, aux fins du présent appel, le montant de $232,917.55 doit être considéré comme ayant été payé pour la période de huit mois commençant le 1er mai 1959.

Le profit de l’appelante, calculé en vertu du Mining Tax Act, R.S.O. 1950, c. 237, s’élevait à $3,717,189.55 pour son année d’imposition 1959, et le Ministre, en établissant la cotisation, a considéré que, de ce montant, la somme de $2,416,474.24 était attribuable à la période de huit mois à compter du 30 avril 1959.

Aux fins de calculer le montant déductible en vertu de l’art. 11(1)(p) et de l’alinéa 701(1)(b), le Ministre a fixé le revenu de l’appelante, provenant de ses opérations minières dans la province d’Ontario, conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu, à $2,137,973.46 moins une déduction pour broyage (alinéa 701(2)(b)(ii)) de $340,837.61, soit $1,797,135.85. Ainsi, la base du calcul fait par le Ministre du montant déductible par l’appelante en vertu de l’art. 11(1)(p) est:

[Page 522]

Impôt payé à la province d’Ontario à l’occasion de son revenu provenant d’opérations minières dans la province d’Ontario

X

Revenu provenant d’opérations minières dans la province d’Ontario, calculé en vertu de l’article 701(2) du Règlement et de la Loi de l’impôt sur le revenu S.R.C. 1952, ch. 148

Revenu à l’égard duquel l’impôt avait été ainsi payé à la province d’Ontario, calculé en vertu du Mining Tax Act de l’Ontario.

ce qui veut dire:

$232,917.55

X

$1,797,135.85

=

$173,221.16

$2,416,474.24

Par conséquent, le Ministre a accordé à titre de déduction pour 1959 la somme de $173,221.16 et non celle de $231,198.98 qu’avait réclamée l’appelante. Cette cotisation est correcte et l’appelante est déboutée de son pourvoi à cet égard.

Une cotisation a été établie sur la même base pour la période du 1er janvier 1960 au 30 juin 1960. L’appelante est aussi déboutée de son pourvoi à l’égard de cette cotisation.

Un autre appel a été interjeté contre une cotisation établie pour la période du 30 janvier 1956 au 30 avril 1956, au cours de laquelle le contribuable a subi une perte sur ses opérations minières. Le numérateur de la fraction étant zéro, aucun montant n’est déductible pour cette période en vertu de l’art. 11(1)(p) de la Loi de l’impôt sur le revenu. L’appelante n’a présenté aucun argument à l’encontre de cette proposition.

Le sens clair du Règlement impose cette interprétation et ce calcul. Toute autre interprétation aboutit à une anomalie puisque le contribuable peut alors déduire la totalité de l’impôt provincial bien que le Règlement précise que la déduction doit être la moindre de deux sommes: soit l’impôt réellement payé, soit une proportion de celui-ci. Aucune règle d’interprétation ne saurait produire un tel résultat et aucune ne s’applique au présent cas. Le texte est clair. Il se réfère seulement au revenu provenant d’opérations minières calculé par le fisc provincial, et ce pour une excellente raison. Les autorités canadiennes en matière

[Page 523]

d’impôt reconnaissent que l’assiette de l’impôt peut varier, pour les compagnies minières, d’une province à l’autre. Si l’assiette de l’impôt de toutes les provinces était exactement la même que celle du gouvernement canadien, une déduction de 100 pour cent serait accordée. Je ne sache pas qu’une telle uniformité existe. Si l’assiette de l’impôt provincial diffère de celle de l’impôt canadien, l’art. 701 n’accorde pas de déduction intégrale lorsque l’impôt provincial a été calculé de façon à favoriser le gouvernement provincial plus que la Loi et les Règlements fédéraux le jugent normal.

Le pourvoi est rejeté avec dépens et les cotisations sont confirmées.

Le jugement des Juges Hall, Spence et Pigeon a été rendu par

LE JUGE PIGEON (dissident) — Le seule question que pose le présent pourvoi est l’interprétation de l’art. 701 des Règlements de l’impôt sur le revenu, dont le par. (1) est comme suit:

701. (1) En calculant son revenu pour une année d’imposition, le contribuable peut déduire, suivant l’alinéa (p) du paragraphe (1) de l’article 11 de la Loi, un montant égal au moindre

a) de la totalité des impôts payés, à l’occasion du revenu qu’il a tiré d’opérations minières dans une province pour l’année,

(i) à la province, et

(ii) à une municipalité dans la province en remplacement de taxes sur des biens ou sur un intérêt dans ceux-ci (autres que sa maison d’habitation ou un intérêt dans celle-ci), ou

(b) de la proportion desdits impôts que le revenu qu’il a tiré d’opérations minières dans la province pour l’année représente par rapport au revenu à l’occasion duquel les impôts ont été ainsi payés.

Le paragraphe (2) définit le terme «opérations minières» de façon à exclure toute transformation du minerai après qu’on l’a sorti de la mine; quant à l’expression «revenu tiré d’opérations minières», si le contribuable dispose de sources de revenu autres que lesdites opérations (par exemple, s’il tire un revenu de la transformation du minerai), elle est ainsi définie qu’elle englobe le revenu découlant de l’exploitation minière, la transformation et la vente de minéraux et de leurs sous-produits, sans aucune allocation d’épuisement ou

[Page 524]

de coût en capital, mais moins 8 pour cent du coût initial des biens utilisés dans la transformation, ladite allocation ne devant pas dépasser 65 pour cent ni être inférieure à 15 pour cent du revenu à l’égard duquel elle est accordée.

Il est admis de part et d’autre que, cette définition étant celle que donnent les règlements établis en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, elle doit s’interpréter par rapport à celle-ci; il s’ensuit donc que le mot «revenu» doit s’entendre du revenu défini dans cette Loi Par conséquent, il est clair que le numérateur de la fraction des impôts miniers prélevés par les provinces que l’alinéa (b) du par. (1) permet de déduire, doit être déterminé et calculé selon la définition que le législateur fédéral a donnée du mot «revenu» pour les fins de l’impôt. Néanmoins, le ministre a soutenu que le même mot «revenu», lorsqu’il est utilisé pour déterminer le dénominateur de la fraction, ne doit pas s’interpréter ainsi, mais doit s’entendre de ce que la loi provinciale prélevant des impôts miniers définit comme assiette de cette imposition, autrement dit ce que le Mining Tax Act de la province d’Ontario décrit comme le «profit» assujetti à cette imposition.

En Cour de l’Échiquier, le Juge Cattanach a dit:

[TRADUCTION] Lorsqu’on étudie les mots «revenu tiré d’opérations minières» dans le contexte où les situe la règle 701(1)(a), il me semble que leur sens clair, non équivoque, si l’on tient compte seulement de cet alinéa, est celui du revenu à l’occasion duquel des impôts ont été payés à la province et qui, de toute nécessité, doit être un revenu tiré d’opérations minières et calculé comme le prescrit la loi provinciale. Il s’ensuit donc que l’intention contraire dont parle l’article 34 de la Loi d’interprétation existe et, par conséquent, que la définition des mots, insérée dans le paragraphe (2)(a) de la règle 701, ne saurait s’appliquer aux mêmes mots lorsque c’est le paragraphe (1)(a) de ladite règle qui les emploie.

En toute déférence, je dois dire que je ne vois pas la nécessité d’interpréter ainsi le règlement. En fait, affirmer que cette nécessité existe revient réellement à dire que telle doit être la signification parce qu’on présume qu’il doit en être ainsi. Cela va à l’encontre de la règle primordiale d’interprétation qui veut que l’on s’emploie à découvrir le sens au moyen des mots utilisés et non d’une in-

[Page 525]

tention supposée. C’est aussi réellement rendre inopérante la règle que, dans un règlement, les mots conservent le même sens que dans la loi en vertu de laquelle il est établi. Évidemment, comme les autres règles d’interprétation, celle-ci est assujettie à l’exception bien connue «à moins que l’intention contraire ne soit manifeste». Mais cette exception exige que l’intention contraire se manifeste par des termes explicites ou une implication nécessaire. Des termes explicites, il n’y en a pas; et je ne trouve pas non plus la moindre implication en ce sens.

On a prétendu que, vu que les impôts que l’on veut déduire sont des impôts provinciaux, le «revenu à l’occasion duquel les impôts ont ainsi été payés» doit s’entendre du montant d’argent qui a servi de base au prélèvement de ces impôts. A l’encontre de cette prétention, il importe de noter que

(1) le premier mot employé pour énoncer le dénominateur de la fraction, savoir «revenu», est le même que le premier mot employé pour énoncer le numérateur; or, une règle fondamentale d’interprétation des lois veut que le même mot dans le même texte législatif soit censé signifier la même chose;

(2) le mot ainsi employé n’est pas celui de «profit» que l’on trouve dans le texte législatif provincial, mais celui de «revenu» qu’utilise la loi fédérale;

(3) dans la loi, lorsqu’un texte vise une assiette d’impôt autre que le «revenu» au sens où elle l’entend, comme dans l’art. 41, c’est le mot «profit» qu’elle utilise;

(4) le mot employé dans le règlement pour décrire la relation existant entre les impôts et le montant d’argent ainsi défini n’est pas la préposition «sur», qui revient sans cesse dans les renvois à l’assiette de l’impôt, mais bien «à l’occasion duquel», une locution qui implique un rapport moins défini.

Si, au lieu de présumer que l’auteur des règlements a mal rendu sa pensée en employant le mot «revenu» pour déterminer le numérateur comme le dénominateur de la fraction, l’on présume qu’il a exprimé ce qu’il voulait dire, savoir le «revenu» au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu, sur quoi peut-on se fonder pour critiquer sa façon de s’exprimer?

[Page 526]

A l’encontre de ce raisonnement, on a prétendu que la fraction sera toujours égale à l’unité si Ton interprète ainsi l’alinéa (b), car le numérateur et le dénominateur seront alors toujours le même nombre. A ce sujet, il faut observer que la formule de l’appelante pour calculer l’allocation est:

Impôts payés à la province

X

Revenu minier calculé par le fisc fédéral

Revenu calculé par le fisc fédéral à l’occasion duquel des impôts ont été payés.

Les mots soulignés constituent une partie essentielle de la formule, l’alinéa (b) les exige de façon non équivoque et, chaque fois que des impôts sont payés à l’égard d’autre chose que du revenu minier calculé par le fisc fédéral, la conséquence est que la fraction est moindre que l’unité. Lors de la seconde audition, l’avocat du ministre l’a admis. Il découle des mots soulignés que, si une province prélève des impôts miniers sur quelque chose d’exclu dans la définition de «revenu tiré d’opérations minières» (le numérateur de la fraction), il faut l’inclure dans le calcul du «revenu à l’occasion duquel les impôts ont été payés» (le dénominateur). Plus concrètement, si dans le calcul du numérateur on a déduit une allocation de transformation, il faut la rajouter dans le calcul du dénominateur lorsque l’impôt minier a été prélevé sur des profits qui englobent cette allocation.

Il ne faut pas considérer les effets des Règlements seulement à l’égard des impôts miniers de l’Ontario. Dans cette province-là, les impôts miniers frappent uniquement le profit tiré «d’opérations minières», au sens que donnent à ces mots les Règlements; en d’autres termes, ces impôts ne sont prélevés que sur le revenu découlant de l’extraction du minerai à l’exclusion de toute transformation. Par conséquent, le revenu à l’occasion duquel ces impôts sont payés ne comprend rien d’autre que le «revenu tiré d’opérations minières», au sens des Règlements.

Cependant, il n’en va pas nécessairement de même dans tous les cas. De fait, la province de

[Page 527]

Québec prélève ses impôts miniers sur un «profit» qui tient compte de la transformation du minerai. Il s’ensuit que, pour les sociétés minières de la province de Québec, le «revenu à l’occasion duquel» elles paient ces impôts englobe, si elles tirent des profits de la transformation du minerai, quelque chose que la définition du «revenu tiré d’opérations minières» exclut. Donc, dans leur cas, la fraction est réduite à moins que l’unité.

On voit par là que l’interprétation littérale produit un résultat non seulement logique mais uniforme et qu’elle donne plein effet à chaque mot employé. Je n’hésite pas à affirmer que même si, lors de l’adoption des Règlements, aucune province n’avait encore prélevé d’impôts miniers sur les profits découlant de la transformation du minerai, on n’aurait pu à bon droit regarder l’alinéa (b) comme inutile. Il serait demeuré possible qu’une ou plusieurs provinces décident d’étendre leurs impôts miniers aux profits découlant de la transformation. Cette possibilité aurait suffi pour qu’un rédacteur prudent veuille parer à une telle éventualité.

Il faut maintenant se rappeler que l’expression utilisée dans l’alinéa (a) pour décrire les impôts à l’égard desquels une déduction peut être permise est celle-ci: «impôts payés à l’occasion du revenu qu’il a tiré d’opérations minières dans une province». A ce sujet, il faut retenir deux choses. Premièrement, l’alinéa (b) vise une «proportion desdits impôts». Ces derniers mots signifient indubitablement «les impôts décrits à l’alinéa (a)». Il s’ensuit qu’on ne peut interpréter l’alinéa (a) comme s’appliquant exclusivement aux impôts provinciaux prélevés sur la même base que l’impôt fédéral. S’il en était ainsi, il n’y aurait absolument aucune déduction: (b) est une fraction de (a). Deuxièmement, la même locution «à l’occasion de » se retrouve dans les deux alinéas, (a) et (b). Dans l’alinéa (a), cette locution ne vise évidemment pas l’assiette fiscale car cela rendrait les Règlements inapplicables à tout impôt minier existant. Elle a donc rapport, non à l’assiette de l’impôt, mais à son incidence et, par principe, son sens dans (a) ne saurait différer de celui que (b) lui attribue.

L’avocat du ministre a soutenu que «le moindre» donne à entendre que l’une ou l’autre des quantités à comparer peut être la plus grande;

[Page 528]

mais si l’alinéa (b) doit s’interpréter comme le propose l’appelante, la «proportion» qu’il décrit ne peut jamais être plus grande que «la totalité» dont il est question à l’alinéa (a). Une telle conclusion ne repose sur aucun fondement; il n’est pas du tout rare que les textes législatifs spécifient «le moindre» de deux montants, même s’il est évident que le second ne dépassera jamais le premier. Ainsi, voici ce qu’on peut lire dans le par. (3) de l’art. 11 de la Loi de l’impôt sur le revenu:

…il peut être déduit… un montant égal au moindre

(a) …

(b) du montant déterminé en vertu de l’alinéa (a) moins le montant, s’il en est...

Il faut bien remarquer que l’art. 702(1) des Règlements en vigueur durant toute la période qui nous intéresse définit jusqu’à un certain point les impôts miniers qu’il est permis de déduire dans le calcul du revenu. En voici le texte:

702 (1). Aucune disposition de la présente Partie ne doit s’interpréter comme permettant au contribuable de déduire un montant à l’égard d’impôts établis en vertu d’une loi ou d’un règlement qui ne se limite pas à l’imposition des personnes s’adonnant aux opérations forestières ou minières.

Il faut noter que cette disposition ne restreint pas la déduction aux impôts établis à l’égard «d’opérations forestières ou minières», selon la définition de ces mots, mais bien aux impôts établis en vertu «d’une loi ou d’un règlement qui ne se limite pas à l’imposition des personnes s’adonnant» à de telles opérations. Il s’ensuit qu’à la seule condition que ne soient imposées que les «personnes s’adonnant aux opérations forestières ou minières», le droit à la déduction existe même si l’incidence de l’impôt ne se limite pas à ce qu’on a appelé des «opérations forestières ou minières». C’est évidemment la différence entre la description des impôts qu’il est permis de déduire et la description du «revenu» à l’occasion duquel la déduction peut être permise qui a fait naître la nécessité de prévoir la déduction possible d’une proportion seulement des impôts, si la loi provinciale étend davantage son champ d’imposition. Cela ne signifie aucunement que la répartition doive se faire

[Page 529]

en se fondant sur l’assiette d’imposition calculée par le fisc provincial. Ce raisonnement aurait comme résultat illogique, dans l’affaire qui nous occupe, de permettre la déduction d’une partie seulement des impôts miniers, alors qu’il n’y a aucune raison de ne pas l’admettre en totalité.

Il est nécessaire de souligner ici qu’une interprétation littérale du règlement évite toute contradiction avec l’entente fiscale que le gouvernement du Canada et celui de la province d’Ontario ont conclue le 16 avril 1957. Aux termes de cette entente, le gouvernement du Canada s’engage à permettre la déduction, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, d’impôts provinciaux sur le «revenu découlant d’opérations minières»; cette définition est sensiblement la même que dans le règlement. Une entente de ce genre n’est pas un traité conclu en vertu de la prérogative seulement. C’est une entente contractuelle qui engage juridiquement les parties et que des lois fédérales et provinciales permettent. Bien que les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu en vertu desquelles les règlements sont établis n’aient aucun rapport spécifique avec ces textes législatifs sur le partage des impôts, il est évident que ces règlements ont été adoptés dans le but d’exécuter les engagements fédéraux contractés par l’entente précitée, vu que celle-ci se rapporte expressément à la Loi de l’impôt sur le revenu. Je ne doute pas que l’on soit in pari materia et qu’on doive, au besoin, en tenir compte dans l’interprétation du règlement, tout comme on a tenu compte de la Convention de Rome en interprétant la Loi modificatrice du droit d’auteur, 1931 adoptée pour mettre celle-ci en application (CAPAC c. CTV[4]). Toutefois, étant donné qu’il est possible d’arriver au même résultat sans recourir à l’entente, il semble inutile d’exprimer une opinion ferme sur ce point.

Par ailleurs, il me paraît essentiel d’examiner la décision de cette Cour dans Le ministre du Revenu national c. Spruce Falls Power & Paper Co. Ltd.[5] que les deux parties ont invoquée. Le pro-

[Page 530]

blème en cette affaire-là a été exposé par le Juge Kellock (à la page 413) comme suit:

[TRADUCTION] La question d’interprétation qui se pose en chaque cause est de savoir si, dans l’article 5(1)(w), les mots «à l’égard des impôts établis sur le revenu provenant pour l’année… d’opérations forestières» visent uniquement un impôt provincial qui frappe spécifiquement un tel revenu, ou si l’alinéa vise tout autant la déduction d’une partie d’un impôt sur le revenu en général, en proportion du revenu découlant d’opérations forestières par rapport au revenu global.

En regard du texte de la loi et des règlements applicables à l’année d’imposition 1947, ainsi que de la Loi de 1947 sur les conventions entre le Dominion et les provinces en matière de location de domaines fiscaux, on a décidé que ce que le législateur avait en vue était seulement (à la p. 414) [TRADUCTION] «une taxe provinciale imposée spécifiquement sur du revenu d’opérations forestières ou minières». Les règlements applicables ne comportaient aucune disposition analogue à la règle 702(1). Une telle disposition a fait sa première apparition dans le règlement 700, adopté le 22 décembre 1949, soit après que la déduction eut été réclamée pour l’année d’imposition 1947 (James MacLaren Co. Ltd. c. Le ministre du Revenu national[6]).

En parlant des dispositions des règlements alors applicables quant à la proportion déductible des impôts, et qui diffèrent de ceux qui s’appliquent en la présente affaire, on dit que le dénominateur de la fraction représente un nombre déterminé par la province. Il s’agit évidemment là d’un obiter dictum. En rendant sa décision, la Cour n’a pas statué sur la question de répartition, parce qu’elle a conclu que l’impôt provincial sur le revenu en question n’était pas le genre d’impôt visé et que, par conséquent, on ne pouvait en déduire aucune partie. Cependant, il faut noter que cette conclusion repose en grande partie sur l’étude du texte de la convention relative au partage des domaines fiscaux. Il semble bien improbable qu’on aurait exprimé la même opinion sur le sens de la formule de répartition si, comme dans la présente affaire, une telle interprétation avait été à l’encontre de l’intention évidente de l’entente fédérale-provinciale.

[Page 531]

Au cours de la seconde audition de cette affaire, l’avocat du ministre a résumé l’entente en termes simples, à peu près comme suit:

[TRADUCTION] Nous permettrons la déduction des impôts miniers payés aux provinces, mais avec une réserve: si une province élabore une méthode de calcul si large qu’elle réussit à percevoir plus d’impôts que ceux auxquels nous renonçons, la déduction ne sera pas de tous les impôts payés à la province mais seulement d’une partie équivalant à ceux auxquels nous avons renoncé.

A mon avis, c’est un bon énoncé de l’intention qu’exprime l’entente fédérale-provinciale quant aux impôts miniers.

Voyons maintenant si la province d’Ontario s’est limitée dans la perception des impôts miniers à ceux auxquels le gouvernement fédéral a renoncé. Il ne s’agit pas ici d’un pourcentage déterminé du revenu comme dans certaines ententes concernant l’impôt sur le revenu des particuliers. De fait, il s’agit d’une priorité fiscale, quel que soit le taux des impôts que la province décide de percevoir sur le «revenu découlant d’opérations minières» (clause 3.2). Il s’ensuit que ces impôts sont alloués «à titre de déduction dans le calcul du revenu en vertu de la Loi de i’impôt sur le revenu» (clause 3.3). Jusque-là dans l’entente conclue, il est parfaitement clair que «revenu découlant d’opérations minières» a exactement la même signification que celle que chacun lui reconnaît dans le règlement.

A ce stade, si l’on examine la dernière clause de l’entente fédérale-provinciale, on constate que la même expression y fait l’objet d’une définition détaillée. Généralement parlant, cette définition procède par exclusion, éliminant en premier Heu les profits découlant de sources «autres que les opérations minières et la transformation et la vente de minerai ou de ses sous-produits». Puis, vu qu’on n’a pas l’intention d’allouer une déduction à l’égard du revenu tiré de la transformation du minerai, mais qu’il arrive fréquemment qu’il soit impossible de déterminer ce revenu séparément, une disposition prévoit une allocation égale à 8 pour cent du coût des biens utilisés dans la transformation, sous réserve d’un maximum e d’un minimum.

La province d’Ontario a-t-elle assujetti les opérations minières à l’impôt selon une méthode qui

[Page 532]

lui permet de dépasser la portée de la définition «revenu tiré d’opérations minières»? Il est clair qu’elle ne l’a pas fait. Elle n’a pas frappé d’impôts les profits découlant de sources autres que les opérations minières ou la transformation du minerai et, pour éviter d’imposer le revenu tiré de la transformation, elle a prévu une allocation de 8 pour cent des biens utilisés dans la transformation, sous réserve du minimum et du maximum spécifiés. Cependant, le montant en dollars des «profits» frappés d’impôts miniers a dépassé celui du «revenu découlant d’opérations minières», parce que certaines déductions admises dans le calcul du «revenu» ne le sont pas dans le calcul des «profits» pour les fins des impôts miniers. Faut-il conclure qu’en agissant ainsi, la province d’Ontario a imposé des profits autres que ceux définis dans l’entente comme «revenu découlant d’opérations minières»? A mon avis, elle ne l’a évidemment pas fait, la taxe ainsi prélevée n’a pas été imposée sur le revenu découlant d’autres sources, l’impôt a été calculé selon une formule différente mais il n’a frappé que le revenu découlant d’opérations minières. Les impôts miniers dont il est ici question ont donc été entièrement payés à l’occasion du «revenu tiré d’opérations minières» et d’aucun autre revenu.

J’accueillerais le pourvoi avec dépens et j’infirmerais le jugement de la Cour de l’Échiquier, daté du 29 septembre 1966. J’accueillerais avec dépens l’appel interjeté par l’appelante en Cour de l’Échiquier à l’encontre d’une cotisation de Pronto Uranium Mines Limited (à laquelle l’appelante a succédé) pour l’année d’imposition 1960 et je déférerais la présente cotisation au ministre, en vue d’une nouvelle cotisation conforme aux motifs ci-dessus.

Appel rejeté avec dépens, les Juges Hall, Spence et Pigeon étant dissidents.

Procureurs de l’appelante: Fasken & Calvin, Toronto.

Procureur de l’intimé: D.S. Maxwell, Ottawa.

[1] [1967] 2 R.C. de l’É. 169, [1966] C.T.C. 570, 66 D.T.C. 5376.

[2] [1953] 2 R.C.S. 407, [1953] C.T.C. 325, [1953] D.T.C. 1214, [1953] 4 D.L.R. 741.

[3] [1967] 2 R.C. de l’É. 169, [1966] C.T.C. 570, 66 D.T.C. 5376.

[4] [1968] R.C.S. 676, 38 Fox Pat. C. 108, 55 C.P.R. 132, 68 D.L.R. (2d) 98.

[5] [1953] 2 R.C.S. 407, [1953] C.T.C. 325, [1953] D.T.C. 1214, [1953] 4 D.L.R. 741.

[6] [1952] Ex. C.R. 68, [1951] C.T.C. 358, [1952] D.T.C. 1030.


Synthèse
Référence neutre : [1970] R.C.S. 511 ?
Date de la décision : 27/01/1970
Sens de l'arrêt : L’appel doit être rejeté, les juges hall, spence et pigeon étant dissidents

Analyses

Revenu - Impôt sur le revenu - Déductions - Impôts miniers provinciaux - Formule prescrite - Méthode de calculer la déduction - Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 11(1)(p) - Règlements de l’impôt sur le revenu, art. 701.

[Page 512]

L’appelante, une société minière, a tenté de déduire, en vertu de l’art. 11(1)(p) de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148 et de l’art. 701(1)(b) des Règlements, le montant des impôts miniers qu’elle a payés à la province d’Ontario selon la loi dite Mining Tax Act de cette province. Le Ministre a interprété la formule du Règlement comme prescrivant que le numérateur de la fraction des impôts miniers prélevés par la province qu’il est permis de déduire était «le revenu minier calculé par le fisc fédéral» et que le dénominateur était «le revenu minier calculé par le fisc provincial». Dans la formule préconisée par l’appelante, le numérateur et le dénominateur de la fraction sont les mêmes et sont «le revenu minier calculé par le fisc fédéral». La Cour de l’Échiquier a accepté la formule du Ministre, et la société en a appelé à cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être rejeté, les Juges Hall, Spence et Pigeon étant dissidents.

Le Juge en Chef Cartwright: Le mot «revenu» dont on se sert pour établir le dénominateur n’est pas défini et on doit le prendre dans son sens ordinaire en tenant compte du contexte dans lequel on l’a inséré. Il faudrait des raisons péremptoires pour permettre à cette Cour de décider que le revenu «à l’occasion duquel certains impôts ont été payés» est un revenu autre que celui que l’autorité fiscale a défini et a établi comme base de calcul des impôts, savoir en l’instance, le revenu du contribuable calculé conformément au Mining Tax Act de l’Ontario. Il n’y a aucune raison valable de s’écarter de ce qui est considéré comme le sens clair et naturel des derniers mots de l’alinéa (b) de l’art. 701(1).

Les Juges Fauteux, Abbott, Martland, Judson et Ritchie: La formule du Ministre est la bonne. Les mots «revenu à l’occasion duquel les impôts ont été ainsi payés» dans l’art. 701(1)(b) des Règlements, étant les mots que l’on retrouve au dénominateur de la fraction, doivent nécessairement s’entendre des revenus calculés en conformité de la loi provinciale Mining Tax Act, puisque c’est seulement à l’égard de revenus calculés par la province que celle-ci perçoit des impôts. Toute autre interprétation aboutit à une anomalie puisque le contribuable peut alors déduire la totalité de l’impôt provincial bien que le Règlement précise que la déduction doit être la moindre de deux sommes: soit l’impôt réellement payé, soit une proportion de celui-ci. Une déduction en totalité conformément à la formule préconisée par l’appelante est contraire au sens et à l’esprit du Règlement.

[Page 513]

Les Juges Hall, Spence et Pigeon, dissidents: Il est clair que le numérateur de la fraction doit être déterminé et calculé selon la définition que le législateur fédéral a donnée du mot «revenu» pour les fins de l’impôt. Le même mot «revenu», lorsqu’il est utilisé pour déterminer le dénominateur doit s’interpréter ainsi. En employant le mot «revenu» pour déterminer le numérateur comme le dénominateur de la fraction, l’auteur des Règlements a voulu dire «revenu» au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu. L’interprétation littérale produit un résultat non seulement logique mais uniforme et elle donne plein effet à chaque mot employé. Elle évite de plus toute contradiction avec l’entente fiscale que le gouvernement du Canada et celui de la province d’Ontario ont conclue en 1957.


Parties
Demandeurs : Rio Algom Mines Limited
Défendeurs : Ministre du Revenu national
Proposition de citation de la décision: Rio Algom Mines Limited c. Ministre du Revenu national, [1970] R.C.S. 511 (27 janvier 1970)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1970-01-27;.1970..r.c.s..511 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award