La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/1971 | CANADA | N°[1971]_R.C.S._1026

Canada | Stolberg c. Pearl Assurance Company Ltd., [1971] R.C.S. 1026 (27 avril 1971)


Cour Suprême du Canada

Stolberg c. Pearl Assurance Company Ltd., [1971] R.C.S. 1026

Date: 1971-04-27

John Stolberg (Demandeur) Appelant;

et

Pearl Assurance Company Limited (Défenderesse) Intimée.

1971: le 16 mars; 1971: le 27 avril.

Présents: Les Juges Martland, Ritchie, Hall, Spence et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[1], rejetant un appel d’un jugement du Juge en Chef Wilson de la Cour suprême qui avait rejeté la demande

d’indemnisation faite par l’appelant en vertu d’une police d’assurance de responsabilité. Appel accueilli.

A.D. Mc...

Cour Suprême du Canada

Stolberg c. Pearl Assurance Company Ltd., [1971] R.C.S. 1026

Date: 1971-04-27

John Stolberg (Demandeur) Appelant;

et

Pearl Assurance Company Limited (Défenderesse) Intimée.

1971: le 16 mars; 1971: le 27 avril.

Présents: Les Juges Martland, Ritchie, Hall, Spence et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[1], rejetant un appel d’un jugement du Juge en Chef Wilson de la Cour suprême qui avait rejeté la demande d’indemnisation faite par l’appelant en vertu d’une police d’assurance de responsabilité. Appel accueilli.

A.D. McEachern, pour le demandeur, appelant.

J.P. van der Hoop, pour la défenderesse, intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE HALL — Le 31 décembre 1963, l’intimée a émis une police d’assurance de responsabilité globale au nom de Stolberg Mill Construction Ltd. et(ou) Stolberg Construction (1957) Ltd. et(ou) Stolberg Installation Ltd., trois compagnies liées faisant affaires à Richmond, dans la province de la Colombie-Britannique.

La garantie qu’offre le contrat d’assurance, dans la mesure où elle importe dans le présent litige, se lit comme suit:

[TRADUCTION] GARANTIE A — RESPONSABILITÉ CIVILE POUR BLESSURES CORPORELLES.

[Page 1028]

Payer pour le compte de l’Assuré toutes les sommes que l’Assuré aura l’obligation de payer par suite de la responsabilité à lui imposée par la loi ou assumée par lui en vertu de tout accord tel que ci-après décrit, pour dommages-intérêts, y compris les dommages-intérêts pour soins et perte de services, à cause de blessures, d’une maladie ou d’une affection, y compris la mort qui en résulte à quelque époque que ce soit, subies ou contractées par quiconque pendant la période d’assurance.

Le 31 décembre 1964, la police a été renouvelée pour une année, et l’avenant suivant a été ajouté:

[TRADUCTION] IL EST PAR LES PRÉSENTES ENTENDU ET CONVENU que le nom de l’Assuré figurant sur la police à laquelle est joint le présent avenant est comme suit et non plus tel qu’antérieurement inscrit.

«STOLBERG MILL CONSTRUCTION LTD. et (ou) STOLBERG CONSTRUCTION (1957) LTD. et(ou) STOLBERG INSTALLATION LTD. et(ou) JOHN STOLBERG, selon leur intérêt.»

Il est en outre entendu et convenu que cette police assure JOHN STOLBERG uniquement à l’égard d’une responsabilité découlant des opérations de STOLBERG MILL CONSTRUCTION LTD. et (ou) STOLBERG CONSTRUCTION (1957) LTD. et (ou) STOLBERG INSTALLATION LTD.

Le présent avenant entrera en vigueur le 31 décembre 1964, et prendra fin à l’expiration de la police.

Rien aux présentes ne doit s’interpréter comme modifiant, changeant, abandonnant ou étendant des termes, conditions, conventions ou restrictions quels qu’ils soient de la police ci-après mentionnée, sauf tel que stipulé ci-dessus. Le présent avenant, lorsqu’il aura été contresigné par un représentant dûment autorisé de la Compagnie ci-dessous mentionnée et joint à la police n° 5-19506 émise au nom de STOLBERG MILL CONSTRUCTION LTD. et autres, de Richmond (C.-B.), sera valide et fera partie de ladite police.

L’avenant avait pour effet d’ajouter l’appelant, John Stolberg, à titre personnel, comme un des assurés couverts par la police. Durant toute la période à l’étude, Stolberg était président de Stolberg Mill Construction Ltd. et fonctionnaire et administrateur de Stolberg Construction (1957) Ltd. et de Stolberg Installation Ltd.

[Page 1029]

Stolberg Mill Construction Ltd. s’était engagée par contrat à construire un entrepôt pour MacMillan Bloedel Powell River Ltd. et l’appelant surveillait la construction de l’entrepôt pour le compte de Stolberg Mill Construction Ltd. Le 7 avril 1965, l’entrepôt s’est écroulé, entraînant la mort d’Arnold Frederick King, un employé de Stolberg Mill Construction Ltd. La veuve de King a poursuivi Stolberg pour négligence et le jugement prononcé en l’instance a condamné ce dernier à payer $75,000 en dommages-intérêts généraux, $113.13 en dommages-intérêts spéciaux et les dépens. Il a aussi été condamné aux dépens d’un appel interjeté de ce jugement-là à la Cour d’appel de la Colombie-Britannique.

Se voyant l’objet de poursuites, Stolberg a fait une demande d’indemnisation en vertu de la police en question. L’intimée a décliné toute obligation envers Stolberg; elle a refusé d’assurer sa défense dans l’action intentée par Mme King et refusé de l’indemniser des dommages-intérêts adjugés contre lui en faveur de cette dernière; l’intimée a aussi refusé de payer ou d’assumer les dépens quels qu’ils soient adjugés contre lui et les frais engagés par lui dans ce litige.

La position de l’intimée est que la police ne couvre pas les blessures ni la mort de King. Elle se fonde sur l’Exclusion n° 6 du contrat d’assurance dont voici les termes:

[TRADUCTION] La présente police n’assure pas contre une responsabilité:

EN VERTU DE LA GARANTIE «A»

découlant:

6. De blessures, d’une maladie ou d’une affection, y compris la mort qui en résulte à quelque époque que ce soit, subies ou contractées par tout employé de l’Assuré dans l’exercice de ses fonctions comme tel, autre qu’une responsabilité assumée en vertu de tout accord, tel que ci-après décrit.

Il est admis de part et d’autre qu’au moment de sa mort King n’était pas un employé de l’appelant, John Stolberg, mais de Stolberg Mill Construction Ltd.

La question unique et importante à trancher est de savoir si les mots «par tout employé de l’Assuré» excluent de la garantie toute réclamation contre Stolberg par suite de la mort de King, qui

[Page 1030]

était employé par un autre assuré désigné dans la police. Les avocats des parties conviennent que la description des assurés désignés dans l’avenant du 31 décembre 1964 doit s’interpréter comme visant tous les assurés, ou l’un ou plusieurs d’entre eux. La position de l’intimée est que l’expression «tout employé de l’Assuré» signifie un employé de n’importe lequel des quatre assurés désignés, même s’il n’est pas un employé de l’assuré faisant la demande d’indemnité. Quant à l’appelant, il prétend que la clause était destinée à exclure uniquement les réclamations d’un employé contre son propre employeur et que, King n’étant pas un employé de l’appelant, la clause d’exclusion n’entre pas en jeu dans les circonstances de la présente espèce.

En première instance, M. le Juge en chef Wilson de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a décidé que l’appelant tombait sous le coup de la clause d’exclusion et il a rejeté son action avec dépens. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé le jugement de M. le Juge en chef Wilson, M. le Juge en chef Davey étant dissident.

Dans sa dissidence, M. le Juge en chef Davey dit:

[TRADUCTION] Le savant Juge en chef a rejeté l’interprétation de l’appelant parce qu’il ne voyait aucun motif raisonnable de limiter ainsi la portée de la clause d’exclusion et il a pensé que c’était forcer le sens des mots que de les interpréter comme signifiant: tout employé de celui qui demande l’indemnité, au lieu de tout employé de l’assuré.

En toute déférence, je suis d’avis que, suivant les moyens reconnus d’interprétation, rien ne permet de penser que l’interprétation de l’intimée est plus en accord avec le but recherché par les parties que celle de l’appelant. S’il m’était permis de conjecturer, je pourrais trouver des raisons pour lesquelles il faudrait garantir Stolberg contre les réclamations de tout employé d’un autre assuré désigné.

Je suis d’accord avec le savant Juge en chef que la prétention de l’appelant tend à interpréter la clause d’exclusion comme visant les employés de celui qui demande l’indemnité mais, en toute déférence, je ne puis convenir qu’on force par là le sens des mots. De fait, je pense que cette interprétation est légèrement préférable, bien qu’il n’y ait guère de différence entre les divers sens. Je préfère l’interprétation de l’appelant pour deux motifs. Pre-

[Page 1031]

mièrement, l’avenant ajoute les mots «selon leur intérêt» après la désignation des assurés, de sorte que les assurés sont Stolberg Mill Construction Ltd., Stolberg Construction (1957) Ltd., Stolberg Installation Ltd. et John Stolberg, ou l’un ou plusieurs d’entre eux, selon leur intérêt. Quels que soient les autres sens que peuvent avoir ces mots, ils indiquent que les assurés désignés dont les intérêts sont en cause dans une réclamation sont les assurés à l’égard de cette réclamation-là, ce qui revient à dire que la personne qui demande l’indemnité est l’assuré en ce qui a trait à cette réclamation en particulier. Si tel est le cas, cette personne est aussi l’assuré en ce qui concerne la clause d’exclusion, et seule sa responsabilité envers un employé à elle est exclue.

Je souscris à l’avis du savant Juge en chef de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique. Pour refuser l’indemnité à l’appelant il faudrait, à mon sens, interpréter l’expression «subies ou contractées par tout employé de l’assuré» comme si elle se lisait «subies ou contractées par tout employé de l’un quelconque des assurés». L’«Assuré», en vertu de la police modifiée par l’avenant, est l’une ou plusieurs des quatre personnes désignées dans l’avenant. La police garantit l’assuré contre une responsabilité que la loi impose à 1’«Assuré», c.-à-d. à l’une ou plusieurs des quatre personnes.

Dans la présente affaire, 1’«Assuré» à qui la loi impose une responsabilité est l’appelant et lui seul. La loi n’en impose aucune à l’une des trois autres personnes, par suite de la mort de King.

L’exception, à l’égard de toute demande d’indemnisation en vertu de la police, doit s’interpréter de la même manière que la clause de garantie à l’égard de cette demande d’indemnisation, puisqu’il s’agit d’une exception à la garantie. L’«Assuré», pour les fins de cette exception, doit, en ce qui a trait à la demande d’indemnisation, être le même «Assuré» que celui ou ceux qui comptent sur la garantie. En ce qui a trait à la présente demande d’indemnisation seulement l’appelant est l’«Assuré» qui a droit à la garantie offerte par la police. Par conséquent, quant à cette demande, c’est lui «l’Assuré» dont il est question à la clause d’exception et, cela étant, l’exception ne doit jouer que si l’indemnité que demande une personne assurée est à l’égard d’une responsa-

[Page 1032]

bilité qu’elle doit assumer par suite d’une réclamation faite par son employé pour blessures subies dans l’exercice de ses fonctions comme tel. Ce n’est pas le cas ici.

Je suis donc d’avis d’accueillir l’appel avec dépens en cette Cour et dans les Cours d’instance inférieure, et de statuer que l’appelant avait le droit d’être indemnisé par l’intimée à l’égard de la condamnation pécuniaire prononcée contre lui en faveur de la veuve de King, et pour les dépens adjugés contre lui dans ce litige-là, y compris les frais engagés par l’appelant pour se défendre contre l’action de Mme King et pour interjeter appel dans ladite action.

Appel accueilli avec dépens.

Procureurs du demandeur, appelant: Russell & DuMoulin, Vancouver.

Procureurs de la défenderesse, intimée: Harper & Company, Vancouver.

[1] (1970), 74 W.W.R. 721, 13 D.L.R. (3d) 215.


Sens de l'arrêt : L’appel doit être accueilli

Analyses

Assurance - Police de responsabilité globale - Appelant étant un de quatre assurés désignés - Jugement contre l’appelant obtenu par la veuve d’un employé d’un des autres assurés désignés - Demande d’indemnisation - Exclusion de responsabilité découlant de blessures, y compris la mort qui en résulte, subies «par tout employé de l’assuré».

Le 31 décembre 1963, l’intimée a émis une police d’assurance de responsabilité globale au nom de trois compagnies liées. Le 31 décembre 1964, la police a été renouvelée pour une année, et un avenant, ayant pour effet d’ajouter l’appelant à titre personnel comme un des assurés couverts par la police, a été ajouté.

Une des compagnies assurées (Stolberg Mill Construction Ltd.) s’était engagée par contrat à construire un entrepôt et l’appelant surveillait la construction pour le compte de la compagnie. Le 7 avril 1965, l’entrepôt s’est écroulé, entraînant la mort de K, un employé de ladite compagnie. La veuve de K a poursuivi l’appelant pour négligence et le jugement prononcé en l’instance a condamné ce dernier à payer $75,000 et les dépens.

L’appelant a fait une demande d’indemnisation en vertu de la police. L’intimée a décliné toute obligation pour le motif qu’une clause d’exclusion entrait en jeu. En première instance, l’action a été rejetée et ce rejet a été confirmé par un jugement majoritaire de la Cour d’appel. Un appel a été interjeté à cette Cour.

La question unique à trancher est de savoir si les mots «pour tout employé de l’Assuré» dans la clause d’exclusion excluent de la garantie toute réclamation contre l’appelant par suite de la mort de K, qui était employé par un autre assuré désigné dans la police.

Arrêt: L’appel doit être accueilli.

[Page 1027]

Pour refuser l’indemnité à l’appelant il faudrait interpréter l’expression «subies par tout employé de l’Assuré» comme si elle se lisait «subies par tout employé de l’un quelconque des Assurés».

L’exception, à l’égard de toute demande d’indemnisation en vertu de la police, doit s’interpréter de la même manière que la clause de garantie à l’égard de cette demande d’indemnisation, puisqu’il s’agit d’une exception à la garantie. L’«Assuré» pour les fins de cette exception, doit, en ce qui a trait à la demande d’indemnisation, être le même «Assuré» que celui ou ceux qui comptent sur la garantie. En ce qui a trait à la présente demande d’indemnisation seulement l’appelant est «l’Assuré» qui a droit à la garantie offerte par la police. Par conséquent, quant à cette demande, c’est lui «l’Assuré» dont il est question à la clause d’exception et, cela étant, l’exception ne doit jouer que si l’indemnité que demande une personne assurée est à l’égard d’une responsabilité qu’elle doit assumer par suite d’une réclamation faite par son employé pour blessures subies dans l’exercice de ses fonctions comme tel. Ce n’est pas le cas ici.


Parties
Demandeurs : Stolberg
Défendeurs : Pearl Assurance Company Ltd.

Références :
Proposition de citation de la décision: Stolberg c. Pearl Assurance Company Ltd., [1971] R.C.S. 1026 (27 avril 1971)


Origine de la décision
Date de la décision : 27/04/1971
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1971] R.C.S. 1026 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1971-04-27;.1971..r.c.s..1026 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award