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28/06/1971 | CANADA | N°[1972]_R.C.S._160

Canada | Victoria, Ville de c. University of Victoria, [1972] R.C.S. 160 (28 juin 1971)


Cour Suprême du Canada

Victoria, Ville de c. University of Victoria, [1972] R.C.S. 160

Date: 1971-06-28

Corporation of the City of Victoria Appelante;

et

University of Victoria Intimée.

1971: les 26 et 27 mai; 1971: le 28 juin.

Présents: Les Juges Judson, Ritchie, Hall, Spence et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[1], rejetant un appel d’un jugement du Juge en Chef Wilson de la Cour suprême. Appel rejeté.

T.P. O’Grady

, c.r., pour l’appelante.

H.L. Henderson et R.M. McKay, pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE ...

Cour Suprême du Canada

Victoria, Ville de c. University of Victoria, [1972] R.C.S. 160

Date: 1971-06-28

Corporation of the City of Victoria Appelante;

et

University of Victoria Intimée.

1971: les 26 et 27 mai; 1971: le 28 juin.

Présents: Les Juges Judson, Ritchie, Hall, Spence et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[1], rejetant un appel d’un jugement du Juge en Chef Wilson de la Cour suprême. Appel rejeté.

T.P. O’Grady, c.r., pour l’appelante.

H.L. Henderson et R.M. McKay, pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE LASKIN — L’Université de Victoria a entamé des procédures par voie d’un avis de requête introductif d’instance pour que soit décidée la validité d’une demande d’exemption de taxes à laquelle elle prétend avoir droit relativement à un terrain qui lui appartient mais qui est loué à des locataires qui y exercent le commerce. L’affaire a été plaidée devant le Juge en chef Wilson de la Cour suprême après qu’il y eut entente sur l’exposé des faits et il a maintenu l’exemption en vertu de l’art. 40 du Universities Act, 1963 (B.C.), c. 52. En appel, son jugement a été confirmé par un arrêt fondé sur ses motifs et sur les jugements de première instance et d’appel dans Re Simon Fraser University[2], où on a fait droit à une semblable demande d’exemption. On nous demande maintenant de statuer que les cours de la Colombie-Britannique ont mal interprété la législation pertinente.

On peut citer brièvement les faits sur lesquels s’est fondée la décision de ce litige. Un testateur, décédé à la fin de 1962, a laissé un terrain à un fiduciaire pour cinq ans à charge de payer le revenu à des institutions de bienfaisance désignées et, ensuite, de le transférer au Victoria College ou à son successeur. L’Université de Victoria est devenue ce successeur en vertu de l’art. 89 du Universities Act. Le terrain lui a donc été transféré (il était grevé d’une hypothèque mais c’est sans importance ici) et un titre incommutable a été délivré en son nom le 10 janvier 1968. La moitié d’un édifice commercial était sise sur ce

[Page 162]

terrain et l’autre moitié sur un terrain contigu appartenant à des tiers, et l’édifice était occupé par divers locataires qui n’avaient aucun rapport avec l’université. Une société de fiducie administrait l’édifice, sis au centre des affaires de la ville, et le revenu était distribué conformément aux intérêts des propriétaires fonciers.

L’article 40 du Universities Act se lit comme suit:

[TRADUCTION] Les biens meubles et immeubles dévolus à une université sont des biens exonérés en vertu du Municipal Act, du Public School Act et du Taxation Act; et tout bien immeuble ainsi dévolu qui est cédé par bail à un collège affilié à l’université continue d’être un bien exonéré aux termes du présent article tant qu’il est possédé aux fins du collège.

On a soulevé deux questions principales relativement à cette disposition. L’appelante a prétendu que (1) le terrain en question n’était pas «dévolu» à l’université lorsqu’il était donné à bail à d’autres, et que (2) s’il était dévolu, l’exemption ne s’appliquait qu’à du terrain possédé aux fins de l’université et ce n’était pas le cas dans cette affaire. Sous ce deuxième rapport, on a aussi soutenu que l’université ne pouvait acquérir, voire posséder un terrain si ce n’est aux fins de l’université et on a ajouté à cela que seule la Victoria College Foundation pouvait posséder le terrain en vertu du Victoria College Foundation Act, 1954 (B.C.), c. 67, modifié par 1963 (B.C.), c. 61, et que, par conséquent, il serait imposable.

Au cours de l’audition, on a fait remarquer à l’avocat que l’argument qui s’attache à l‘ultra vires était insoutenable. De même, je ne puis voir de bien-fondé à la prétention qui invoque le Victoria College Foundation Act quand le titre du terrain en litige a été délivré au nom de l’université, comme l’autorisait cette loi. Il convient de noter que la prétention relative à la Victoria College Foundation était reliée à la prétention plus étendue concernant les deux principales questions susmentionnées dont je traiterai maintenant.

Que le terrain ait été, oui ou non, dévolu au collège (c’est ce qu’était l’institution à l’époque) au moment du décès du testateur, il est clair que le terme «dévolu» de l’art. 40 du Universities Act ex facie s’applique à la situation qui a résulté du

[Page 163]

transfert du terrain à l’université et de la délivrance à cette dernière du titre incommutable. L’argument à l’encontre d’une dévolution se fonde principalement sur des antécédents législatifs, en particulier, sur le British Columbia University Act, R.S.B.C. 1960, c. 38, et le Victoria College Act, 1955 (B.C.), c. 115, tous deux abrogés par l’adoption en 1963 du Universities Act régissant l’Université de la Colombie-Britannique, l’Université de Victoria et la nouvelle Université Simon Fraser. Dans Re Simon Fraser University, précitée, le Juge Dohm a fait l’historique de la législation. Cette dernière affaire se distingue de la présente en ce que les avocats y ont convenu, ce qui n’est pas le cas ici, que du terrain de l’université loué à d’autres demeurait néanmoins un bien dévolu. Je peux dire dans cette affaire que, à mon avis, il importe peu que des baux soient en vigueur à l’époque de la dévolution du terrain ou qu’ils soient faits postérieurement.

L’exemption fiscale conditionnelle applicable aux biens d’une université remonte au moins à 1908 (voir le jugement du Juge Dohm, susmentionné), mais, dans cette affaire, il suffit de noter les conditions d’exemption contenues dans l’art. 51 du British Columbia University Act abrogé, et dans l’art. 32 du Victoria College Act abrogé. Ces dispositions prévoient une exemption de taxes pour les biens d’une université ou d’un collège [TRADUCTION] «jusqu’à ce qu’il soit cédé par vente, par bail ou autrement». L’article 40 du Universities Act a omis les termes précités, et je ne puis admettre qu’on puisse considérer qu’ils y figurent de nouveau soit en modifiant le terme «dévolu» soit en se fondant sur la disposition de l’art. 40 qui parle de la cession par bail à un collège affilié. Cette disposition a son propre contexte historique comme le révèle l’examen du Juge Dohm; et, en fait, elle a été reportée à l’art. 40 après avoir été contenue dans l’art. 51 du British Columbia University Act, bien que les termes restrictifs plus généraux [TRADUCTION] («jusqu’à ce qu’il soit cédé par vente, par bail ou autrement») du même article aient été omis.

Accepter la thèse selon laquelle l’exemption serait restreinte aux biens servant aux fins de l’université exigerait une interprétation subtile de l’art. 40 que, dans son ensemble, le contexte du Universities Act ne permet pas. L’appelante allé-

[Page 164]

gue l’art. 35(1) qui prévoit que [TRADUCTION] «toute université peut acquérir par donation, par achat ou par tout autre moyen et posséder aux fins de l’université tout bien de quelque nature ou de quelque genre que ce soit»; et cette allégation est renforcée par le renvoi à l’art. 36, qui donne le pouvoir d’exproprier [TRADUCTION] «aux fins de l’université».

Ce sont là des indices pertinents pour ce qui est d’une interprétation restreinte de l’art. 40, mais je dois constater que la loi ne renferme aucune définition des «fins de l’université» (à moins qu’elles soient synonymes des fonctions décrites à l’art. 34, ce que je ne puis accepter); et, sans souscrire à la prétention de l’intimée que l’expression signifie simplement [TRADUCTION] «au profit de l’université», la loi contient d’autres dispositions qui semblent modifier l’art. 35 et qui mettent ainsi en garde contre son incorporation dans l’art. 40. Par exemple, je me réfère à l’art. 48, qui exige l’autorisation du gouvernement pour l’achat d’un terrain, et à l’art. 41 qui habilite une université à acquérir et posséder un terrain qui a été donné comme sûreté ou qui a été saisi ou cédé pour acquitter une dette. Il s’agit aussi de savoir si l’art. 35 est complètement limitatif, eu égard à l’opinion déjà exprimée que la prise de possession d’un terrain par l’Université de Victoria en qualité de légataire n’était pas un acte ultra vires; et, à cet égard, je me reporte aussi à l’art. 94 du Universities Act. Dans cette affaire, cette Cour n’est pas appelée à en arriver à une conclusion sur le sens et la portée des articles de la loi qui entourent l’art. 40, mais leur pésence, sans aucun point de référence explicite à l’art. 40, aide à l’interprétation de ce dernier.

Il peut sembler anormal de laisser une université retirer un revenu de baux commerciaux consentis sur des terrains acquis par legs sans qu’elle soit tenue au paiment des taxes, surtout lorsque, comme on nous l’a indiqué, il ne paraît y avoir aucune disposition permettant de taxer les locataires commerciaux. Cette anomalie est évidente quand on se reporte à d’autres lois relatives aux universités comme, par exemple, celles de l’Ontario, où il est prévu une exemption de taxes pour les biens immeubles d’une université dans la mesure seulement où ils sont effectivement utilisés et occupés aux fins de l’université:

[Page 165]

voir, par exemple, The Trent University Act, 1962-63 (Ont.), c. 192, art. 23; The University of Windsor Act, 1962-63 (Ont.), c. 194, art. 10; The York University Act, 1965 (Ont.), c. 143, art. 18. Si l’on estime nécessaire qu’il soit remédié à cet état de choses, il appartiendra au législateur de prendre les mesures voulues. Dans la présente loi, l’exemption est prévue en des termes larges qui n’autorisent pas les restrictions alléguées par l’appelante; et, il convient de tenir compte que sur une question essentiellement d’intérêt local en Colombie-Britannique, les juges de cette province qui ont entendu l’affaire ont été unanimes.

Je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.

Appel rejeté avec dépens.

Procureur de l’appelante: T.P. O’Grady, Victoria.

Procureurs de l’intimée: Harman & Co., Victoria.

[1] (1970), 14 D.L.R. (3d) 348n.

[2] (1968), 63 W.W.R. 513, 67 D.L.R. (2d) 638, confirmé 66 W.W.R. 684, 1 D.L.R. (3d) 427.


Synthèse
Référence neutre : [1972] R.C.S. 160 ?
Date de la décision : 28/06/1971
Sens de l'arrêt : L’appel doit être rejeté

Analyses

Revenu - Terrain appartenant à l’Université de Victoria mais loué à des locataires y exerçant le commerce - Validité d’une demande d’exemption de taxes - Universities Act, 1963 (B.C.), c. 52, art. 40.

Un testateur, décédé à la fin de 1962, a laissé un terrain à un fiduciaire pour cinq ans à charge de payer le revenu à des institutions de bienfaisance désignées et, ensuite, de le transférer au Victoria College ou à son successeur. L’Université de Victoria est devenue ce successeur en vertu de l’art. 89 du Universities Act, 1963 (B.C.), c. 52. Le terrain lui a donc été transféré et un titre incommutable a été délivré en son nom le 10 janvier 1968. La moitié d’un édifice commercial était sise sur ce terrain et l’autre moitié sur un terrain contigu appartenant à des tiers, et l’édifice était occupé par divers locataires qui n’avaient aucun rapport avec l’université. Une société de fiducie administrait l’édifice, sis au centre des affaires de la ville, et le revenu était distribué conformément aux intérêts des propriétaires fonciers.

L’article 40 du Universities Act se lit ainsi: «Les biens meubles et immeubles dévolus à une université sont des biens exonérés en vertu du Municipal Act, du Public School Act et du Taxation Act; et tout bien immeuble ainsi dévolu qui est cédé par bail à un collège affilié à l’université continue d’être un bien exonéré aux termes du présent article tant qu’il est possédé aux fins du collège.» L’université demande, en vertu de cet article, une exemption de taxes relativement à ce terrain qui lui appartient. Le juge de première instance et la Cour d’appel ont fait droit à cette demande d’exemption. La ville a appelé à cette Cour et ses prétentions principales sont que (1) le terrain en question n’était pas «dévolu» à l’université lorsqu’il était donné à bail à d’autres, et que (2) s’il était dévolu, l’exemption ne s’appliquait qu’à du terrain possédé aux fins de l’université et ce n’était pas le cas dans cette affaire.

Arrêt: L’appel doit être rejeté.

[Page 161]

Dans la présente loi, l’exemption est prévue en des termes larges qui n’autorisent pas les restrictions alléguées par l’appelante.


Parties
Demandeurs : Victoria, Ville de
Défendeurs : University of Victoria
Proposition de citation de la décision: Victoria, Ville de c. University of Victoria, [1972] R.C.S. 160 (28 juin 1971)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1971-06-28;.1972..r.c.s..160 ?
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