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05/10/1971 | CANADA | N°[1972]_R.C.S._332

Canada | Ryan c. Smith, [1972] R.C.S. 332 (5 octobre 1971)


Cour suprême du Canada

Ryan c. Smith, [1972] R.C.S. 332

Date: 1971-10-05

Kathleen Ryan Appelante et intimée à l’appel incident;

et

Margaret Smith Intimée et appelante à l’appel incident;

et

Kathleen Ryan et Duncan A. Mcllraith, Exécuteurs testamentaires et fiduciaires en vertu du testament de Sylvester Francis Ryan (connu sous le nom de Frank Ryan) Intimés;

et

Terrence Kielty Intimé;

et

Maureen Ryan et Gary Ryan, enfants âgés de moins de vingt et un ans représentés par le Tuteur public Intimés et appe

lants à l’appel incident.

1971: le 11 mai; 1971: le 5 octobre.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Spence et Pigeon.
...

Cour suprême du Canada

Ryan c. Smith, [1972] R.C.S. 332

Date: 1971-10-05

Kathleen Ryan Appelante et intimée à l’appel incident;

et

Margaret Smith Intimée et appelante à l’appel incident;

et

Kathleen Ryan et Duncan A. Mcllraith, Exécuteurs testamentaires et fiduciaires en vertu du testament de Sylvester Francis Ryan (connu sous le nom de Frank Ryan) Intimés;

et

Terrence Kielty Intimé;

et

Maureen Ryan et Gary Ryan, enfants âgés de moins de vingt et un ans représentés par le Tuteur public Intimés et appelants à l’appel incident.

1971: le 11 mai; 1971: le 5 octobre.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Spence et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario[1], accueillant un appel d’un jugement du Juge Osler, relativement à l’interprétation d’un testament. Appel accueilli.

W.B. Williston, c.r., et W.A. Kelly, pour l’appelante, Kathleen Ryan.

W.T. Green, pour l’intimée, Margaret Smith.

[Page 335]

W.F. Prachter et H.G. Mylks, pour les exécuteurs testamentaires et les fiduciaires.

T. Sheard, c.r., et R.D. Sweet, c.r., pour l’intimé, Terrence Kielty.

L.W. Perry, c.r., pour le Tuteur public.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE JUDSON — Le présent appel est interjeté par Kathleen Ryan, veuve de Sylvester Francis Ryan, à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario interprétant un testament du 8 décembre 1960. Le testateur est décédé le 2 mars 1965 laissant comme parents les plus proches sa veuve, une sœur et les enfants de ses frères et sœurs prédécédés. Il a désigné sa veuve et son avocat comme exécuteurs testamentaires et fiduciaires.

Voici les clauses du testament qui présentent des difficultés:

[TRADUCTION] JE DONNE ET LÈGUE toutes actions et obligations immatriculées à mon nom personnel de même que toutes actions et obligations au porteur que je puis posséder et mon compte courant en banque, à ma dite épouse, Kathleen Ryan, en pleine propriété. LE RESTE ET RÉSIDU de ma succession, mobilière et immobilière, de toute nature et description, où qu’il se trouve, JE LE DONNE ET LEGUE à mes fiduciaires, pour les fins suivantes:

(1) Payer sur le capital de l’ensemble de ma succession ci-dessus léguée à mes fiduciaires, comme dette ordinaire de celle-ci, toutes mes justes dettes, frais funéraires et testamentaires, et tous droits de succession et taxes sur les biens transmis par décès…

(2) Payer et transférer à mon épouse, KATHLEEN RYAN, en propriété absolue, dix (quinze) pour cent (10%) (15%) des actions du capital actions de (l’actif) de Kilreen Company Limited (ci-devant CFRA Limited) que je posséderai à mon décès (à l’exclusion des actions privilégiées de (CFRA Broadcasting Limited.)

(3) Payer le revenu annuel net de tout le reste de ma succession à mon épouse, KATHLEEN RYAN, à titre viager, mes fiduciaires avant

[Page 336]

toute autorisation et toute capacité d’entamer, à leur discrétion, le capital dudit reste de ma succession en vue d’assurer au mieux la subsistance, l’entretien et les intérêts de mon épouse, de façon à lui permettre de maintenir et réaliser le niveau de vie auquel elle était habituée de mon vivant.

(4) Au décès de mon épouse, Kathleen Ryan;

(a) Céder ou faire céder à TERRENCE et s’il est à l’emploi de CFRA Broadcasting Limited KIELTY, s’il vit / quatre-vingt-dix pour privilégiées cent (90%) des, les actions / de CFRA Broadcasting / Limited que détient Kilreen Company Limited (les autres 10% déjà mentionnés ayant fait l’objet d’une disposition de cession en faveur de men épouse Kathleen Ryan) la compagnie en dernier lieu mentionnée étant ma propriété et sous mon contrôle, en pleine

et s’il n’est pas employé comme susdit propriété, et s’il ne vit pas / au moment de mon décès, à telle personne ou telles personnes que ma dite épouse pourra désigner par acte ou par testament et, à défaut de telle désignation, au prorata, aux détenteurs des actions ordinaires de CFRA Broadcasting Limited en proportion du nombre d’actions de CFRA Broadcasting Limited qu’ils détiendront au moment du décès de mon épouse comme susdit.

Diviser

(b) / céder ou faire céder le reste de l’actif de Kilreen Company Limited par parts égales entre les employés de CFRA Broadcasting Limited vivant au décès de mon épouse, au prorata et en proportion du nombre d’actions de ladite compagnie CFRA Broadcasting Limited qu’ils détiendront au décès de mon épouse comme susdit…»

Les difficultés découlent du legs de «toutes actions et obligations immatriculées à mon nom personnel» mentionné au premier alinéa, du legs à sa veuve de 15 pour cent de l’actif de Kilreen Company Limited et de la disposition des actions de CFRA Broadcasting Limited et du reste de l’actif de Kilreen Company Limited en vertu des paragraphes 4(a) et 4(b) précités.

Le testateur avait fondé et exploitait le poste CFRA, une station radiophonique importante

[Page 337]

d’Ottawa. A la date du testament et du décès du testateur, la station appartenait à CFRA Broadcasting Limited, la compagnie nommée au testament et dont 5,100 actions privilégiées comportant droit de vote et 4,900 actions ordinaires étaient émises et en circulation. Les 5,100 actions privilégiées comportant droit de vote donnaient le contrôle de la compagnie et appartenaient à Kilreen Company Limited. Les 4,900 actions ordinaires appartenaient à des employés de la station, sous réserve d’ententes en vigueur à la date du testament et du décès du testateur, lesquelles ententes prévoyaient la vente obligatoire aux autres employés des actions que détenait un employé à son décès, sa retraite ou son renvoi, et accordaient aux autres le droit d’acheter les actions de tout actionnaire qui quittait son emploi de lui‑même.

Kilreen Company Limited était une compagnie personnelle possédée en propriété exclusive dont le testateur détenait toutes les actions, encore qu’il y ait eu deux actions statutaires, l’une au nom de l’épouse du testateur et l’autre à celui de Terrence Kielty. De fait, ces actions appartenaient au testateur.

A la date du testament, le testateur détenait des valeurs de diverses sortes en outre des actions de Kilreen Company Limited, mais il les a toutes vendues ou cédées à Kilreen avant son décès. Les actions de Kilreen ont été évaluées pour les fins des droits de succession à $1,933,581.28. Les autres biens de la succession se chiffraient à environ $143,000.

La première question qui se pose est celle de savoir si le legs de «toutes actions et obligations immatriculées à mon nom personnel» en faveur de la veuve comprend les actions de Kilreen Company Limited. Tant le juge de première instance, le Juge Osler, que la Cour d’appel, à l’unanimité, ont statué que ces actions n’étaient pas comprises dans le legs. Je souscris à cette conclusion. Pris isolément, ces mots engloberaient les actions de Kilreen, mais il faut les considérer dans un contexte. Ils sont suivis d’une clause qui accorde à la veuve 15 pour cent de l’actif de Kilreen, à l’exclusion des actions privilégiées de CFRA Broadcasting Limited. Ils sont également suivis d’une disposition, dans des circonstances déterminées.

[Page 338]

de l’actif de Kilreen Company Limited au décès de la veuve. Ces dispositions subséquentes sont absolument incompatibles avec tout legs des actions de cette compagnie à la veuve, au début du testament.

La seconde question est celle de savoir si la disposition de 15 pour cent de l’actif de Kilreen Company Limited en faveur de la veuve est valable. Immédiatement avant la signature du testament, on a substitué cette disposition à une autre qui accordait à la veuve dix pour cent des actions. Encore là, le Juge Osler et la Cour d’appel ont convenu et statué que la clause était valable. Kilreen Company Limited était une compagnie personnelle dont le testateur détenait toutes les actions. Il considérait l’actif de Kilreen comme son propre actif. De son vivant, il était en mesure de liquider la compagnie et de procéder à une disposition entre vifs de son actif. Ses exécuteurs testamentaires sont dans la même situation.

La troisième question est celle de savoir si, en vertu du par. 4(a) précité, Terrence Kielty est devenu titulaire d’un droit acquis de substitution immédiate quant aux actions privilégiées de CFRA, au décès du testateur, ou si le droit dudit Terrence Kielty est subordonné à la condition qu’il survive à la veuve et qu’il soit à l’emploi de CFRA Broadcasting Limited à ce moment-là.

Il y a divergence d’opinions sur cette dernière question. Le Juge Osler a jugé que le droit est conditionnel, étant assujetti à la double condition que l’intéressé survive à la veuve et soit à l’emploi de CFRA Broadcasting Limited au décès de la veuve. La Cour d’appel a jugé que Kielty est devenu titulaire d’un droit acquis dans les actions privilégiées au décès du testateur et qu’il s’agit d’un droit futur devenant acquis au décès du testateur et dont la possession a été différée uniquement en raison du droit viager de la veuve.

Je suis d’avis que l’interprétation que donne le Juge Osler à cette clause est correcte et que pour s’en prévaloir, Kielty doit en remplir les conditions à la date du décès de la veuve. Dans ce cas-ci la cession n’est pas différée uniquement pour permettre à la veuve de bénéficier de son droit viager, mais pour des motifs qui touchent personnellement

[Page 339]

le légataire, soit qu’il prenne part à l’exploitation de la station du vivant de la veuve et qu’au décès de celle-ci, il doive être vivant et à l’emploi de la compagnie.

A mon avis, et je fais miens ses propres termes, le Juge Osler a correctement apprécié l’intention du testateur, en disant:

[TRADUCTION] On peut donc déduire du testament considéré dans son ensemble que le testateur a voulu mettre à la disposition de son épouse un capital dont elle serait propriétaire absolue et lui donner la jouissance complète, à titre viager, de tout le revenu du reste de sa succession, les fiduciaires étant autorisés à entamer le capital, si la chose est nécessaire pour qu’elle puisse maintenir un train de vie convenable. La valeur de ce revenu viager, cependant, fluctuerait selon la situation de l’entreprise de radiodiffusion dont s’occupait le testateur par l’entremise de CFRA Broadcasting Limited. Dans le double but d’encourager les employés, au service de l’entreprise au moment de son décès, à bien gérer celle-ci à l’avantage de sa veuve, et de récompenser ceux qui le feraient, il a prévu que tous les employés qui seraient demeurés actionnaires auraient une part du reste de sa succession et que l’un deux, Terrence Kielty, en plus de recevoir une part importante, acquerrait le contrôle de la compagnie au décès de l’usufruitière.

La question qui se pose maintenant porte sur l’effet du reste de la clause 4(a) en ce qui a trait à la création d’un pouvoir de désignation et sur les conséquences du défaut de désignation. La Cour d’appel n’a pas eu à résoudre cette question parce qu’elle a conclu que Kielty avait un droit acquis au décès du testateur. Toutefois, le Juge Osler a dû examiner la question après avoir conclu que le legs en faveur de Kielty était conditionnel. Il souligne que le pouvoir de désignation ne se présente que si Kielty ne «vit pas et [n’est] pas employé comme susdit» au décès du testateur. Kielty était de fait vivant et employé à ce moment-là. A mon avis, l’éventualité ou la condition spécifiée à la clause 4(a) concerne l’existence même du pouvoir, de sorte que celui-ci n’existe pas avant que l’événement ne se produise ou que la condition ne soit réalisée. Il ne s’agit pas simplement d’une restriction de l’exercice du pouvoir. Malgré qu’il ait conclu que le pouvoir de désignation n’a jamais

[Page 340]

existé, le Juge Osler a statué que la distribution serait réglée comme s’il y avait eu défaut de désignation. Les termes du testament sont les suivants:

[TRADUCTION] et, à défaut de telle désignation, au pro rata, aux détenteurs des actions ordinaires de CFRA Broadcasting Limited en proportion du nombre d’actions de CFRA Broadcasting Limited qu’ils détiendront au décès de mon épouse comme susdit.

La décision du Juge Osler sur ce point se trouve à l’alinéa suivant:

[TRADUCTION] Le pouvoir de désignation ne peut exister que si Kielty ne survit pas au testateur. Comme, de fait, il lui a survécu, l’occasion d’exercer ce pouvoir ne s’est pas présentée et la distribution est régie par les mots suivant l’expression «à défaut de telle désignation».

Ici, je crois respectueusement qu’il y a eu erreur. Puisque le pouvoir de désignation n’a jamais existé, il ne peut y avoir eu défaut de désignation et le legs subordonné à ce défaut est caduc.

Voici quelle est, à mon avis, la situation: Kielty n’est pas devenu titulaire d’un droit acquis dans les actions privilégiées de CFRA Broadcasting Limited au décès du testateur. Il ne peut satisfaire à la condition d’être un employé de la compagnie au décès de l’épouse. Le pouvoir de désignation n’a jamais existé. Il n’y a pas eu ni n’a pu y avoir défaut de désignation. De toute façon, ceux qui détenaient des actions ordinaires au décès du testateur ne pourront prétendre détenir de telles actions au décès de la veuve. Ils ont vendu leurs actions. Pour tous ces motifs, les actions privilégiées de CFRA Broadcasting Limited font partie de la succession ab intestat.

Quant au par. 4(b), soit la directive de répartir le reste de l’actif de Kilreen Company Limited entre les employés vivants au décès de l’épouse, au pro rata et en proportion du nombre d’actions qu’ils détiendront au décès de l’épouse, les conditions qu’elle renferme ne peuvent pas se réaliser. Le legs n’a pas été transmis au décès du testateur. Ils devaient être actionnaires à la date du décès de l’épouse, et ils ont vendu leurs actions.

Au décès du testateur, quatorze personnes étaient à la fois employés et actionnaires de CFRA

[Page 341]

Broadcasting, dont la veuve du testateur et Kielty. En 1969, seule Mme Ryan remplissait ces deux conditions par suite de la vente de la compagnie en 1966. On a soumis à cette Cour, au sujet de la vente de la compagnie, des éléments de preuve qu’on n’avait pas signalés aux tribunaux d’instance inférieure. Au début de 1966, une offre d’acquérir tout l’actif de CFRA Broadcasting Limited a été faite, laquelle offre comportait comme conditions la cession de tout l’actif à une nouvelle compagnie, Radio Station CFRA Limited, le consentement écrit de tous les actionnaires de CFRA Broadcasting Limited, dont celui de Kielty en tant qu’actionnaire et légataire en vertu du testament, et la désignation de Kielty comme gérant général de la station pour cinq ans, moyennant une rémunération minimum fixe. En mai 1966, Mme Ryan a acquis des actionnaires-employés, dont Kielty, toutes les actions ordinaires en circulation de CFRA Broadcasting au prix de $325 l’action. Tous les actionnaires ont signe le process‑verbal d’une assemblée tenue plus tard la même année et au cours de laquelle il a été résolu de vendre l’actif de CFRA à Radio Station CFRA Limited.

Je conclus qu’il y a succession ab intestat quant au reste de l’actif de Kilreen Company Limited, mentionné à la clause 4(b).

Voici les questions posées au Juge Osler et les réponses que j’y apporte:

[TRADUCTION] 1. Le sixième alinéa de la page 1 du testament constitue-t-il un legs valide, à la veuve du testateur, des actions de Kilreen Company Limited immatriculées au nom du testateur à la date de son décès?

Réponse: Non.

[TRADUCTION] 2(a) Si la réponse à la question 1 est non, le paragraphe 2 à la page 2 du testament constitue-t-il un legs valide, à ladite veuve, de 15 pour cent de l’actif de Kilreen Company Limited, à l’exclusion des actions privilégiées de CFRA Broadcasting Limited?

Réponse: Oui.

[TRADUCTION] 2(b) Terrence Kielty a-t-il acquis, conformément au paragraphe 4(a), à la page 2 du testament, un droit dans lesdites actions privilégiées, au décès du testateur?

Réponse: Non.

[Page 342]

[TRADUCTION] 2(c) Si la réponse à l’alinéa (b) ci-dessus est oui, la veuve du testateur a-t-elle droit au revenu desdites actions privilégiées à titre viager?

Réponse: Que la réponse à la question 2(b) soit oui ou non, la veuve y a droit.

[TRADUCTION] 3. Si la réponse à la question 2(b) est non, Terrence Kielty aura-t-il droit à ces actions privilégiées au décès de la veuve, indépendamment du fait qu’il soit ou non vivant et à l’emploi de CFRA Broadcasting Limited au décès de la veuve?

Réponse: Non.

[TRADUCTION] 4. Si la réponse à la question 3 est non, lesdites actions privilégiées sont-elles dévolues par succession ab intestat?

Réponse: Oui.

[TRADUCTION] 5. Le paragraphe 4(b), à la page 3 du testament, constitue-t-il une disposition valide du reste de l’actif de Kilreen Company Limited, à l’exclusion des actions privilégiées susdites?

Réponse: Non.

[TRADUCTION] 6. Si la réponse à la question 5 est oui, est-ce que seuls héritent ceux qui à la fois étaient vivants et employés et actionnaires de CFRA Broadcasting Limited au décès du testateur et qui seront vivants et employés et actionnaires de CFRA Broadcasting Limited au décès de la veuve?

Réponse: La question ne se pose pas.

[TRADUCTION] 7. Si la réponse à la question 6 est non, le reste de l’actif de Kilreen Company Limited autre que les actions privilégiées susdites, est-il dévolu par succession ab intestat?

Réponse: Comme s’il s’agissait d’une succession ab intestat.

Je suis d’avis d’accueillir l’appel et d’ordonner d’inscrire jugement conformément aux réponses ci-dessus. Dans les circonstances, je suis d’avis d’ordonner que les dépens de toutes les parties représentées aux fins de l’appel soient taxés et payés sur la masse successorale, avec un seul mémoire de dépens pour le Tuteur public, pour le compte de Margaret Ann Smith et des deux mineurs, qui avaient le même intérêt que l’appelante Kathleen Ryan.

[Page 343]

Appel accueilli.

Procureurs de l’appelante, Kathleen Ryan: Clark, Macdonald’ Connolly, Affleck, Brocklesby, Gorman & McLaughlin, Ottawa.

Procureurs de l’intimée, Margaret Smith: Green & Poulin, Ottawa.

Procureurs des Exécuteurs et Fiduciaires: Mcllraith & Mcllraith, Ottawa.

Procureurs de l’intimé, Terrence Kielty: Kennedy, Sweet & Ritchie, Ottawa.

E.M. Henry, c.r., Le Tuteur Public de la Province de l’Ontario, pour les intimés, Maureen et Gary Ryan.

[1] [1970] 2 O.R. 643, 11 D.L.R. (3d) 629, sub nom. Re Ryan.


Sens de l'arrêt : L’appel doit être accueilli

Analyses

Testaments - Interprétation - Clause du testament présentant des difficultés - Demande de directives aux tribunaux - Interprétation du testament.

[Page 333]

Le testateur avait fondé et exploité une station radiophonique qui appartenait, à la date du testament et du décès du testateur, à CFRA Broadcasting Ltd. Cinq mille cent actions privilégiées comportant droit de vote et 4,900 actions ordinaires de cette compagnie étaient émises et en circulation. Les 5,100 actions privilégiées comportant droit de vote donnaient le contrôle de la compagnie et appartenaient à K Co., une compagnie personnelle possédée en propriété exclusive par le testateur. Les 4,900 actions ordinaires appartenaient à des employés de la station, sous réserve d’ententes en vigueur à la date du testament et du décès du testateur, lesquelles ententes prévoyaient la vente obligatoire aux autres employés des actions que détenait un employé à son décès, sa retraite ou son renvoi, et accordaient aux autres le droit d’acheter les actions de tout actionnaire qui quittait son emploi de lui‑même.

Certaines clauses du testament ont présenté des difficultés et on a demandé des directives aux tribunaux. Le jugement du juge de première instance a été modifié par la Cour d’appel. La veuve du testateur a appelé à cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être accueilli.

La première question qui se pose est celle de savoir si le legs de «toutes actions et obligations immatriculées à mon nom personnel» en faveur de la veuve comprend les actions de K Co. Pris isolément, ces mots engloberaient les actions de K Co., mais il faut les considérer dans un contexte. Ils sont suivis d’une clause qui accorde à la veuve 15 pour cent de l’actif de K Co., à l’exclusion des actions privilégiées de CFRA. Ils sont également suivis d’une disposition, dans des circonstances déterminées, de l’actif de K Co. au décès de la veuve. Ces dispositions subséquentes sont absolument incompatibles avec tout legs des actions de cette compagnie à la veuve, au début du testament.

La seconde question est celle de savoir si la disposition de 15 pour cent de l’actif de K Co. en faveur de la veuve est valable. De son vivant, le testateur était en mesure de liquider la compagnie et de procéder à une disposition entre vifs de son actif. Ses exécuteurs testamentaires sont dans la même situation.

La troisième question est celle de savoir si, en vertu du par. 4(a), TK est devenu titulaire d’un droit acquis de substitution immédiate quant aux actions privilégiées de CFRA, au décès du testateur, ou si son droit est subordonné à la condition qu’il survive à la veuve et qu’il soit à l’emploi de CFRA

[Page 334]

à ce moment-là. Le droit est conditionnel, étant assujetti à la double condition que l’intéressé survive à la veuve et soit à l’emploi de CFRA au décès de la veuve. Pour s’en prévaloir, TK doit en remplir les conditions à la date du décès de la veuve. Dans ce cas-ci la cession n’est pas différée uniquement pour permettre à la veuve de bénéficier de son droit viager, mais pour des motifs qui touchent personnellement le légataire, soit qu’il prenne part à l’exploitation de la station du vivant de la veuve et qu’au décès de celle-ci, il doive être vivant et à l’emploi de la compagnie.

La question qui se pose maintenant porte sur l’effet du reste de la clause 4(a) en ce qui a trait à la création d’un pouvoir de désignation en faveur de l’épouse du testateur et sur les conséquences du défaut de désignation. Le pouvoir de désignation ne se présente que si TK ne «vit pas et n’est pas employé comme susdit» au décès du testateur. TK était de fait vivant et employé à ce moment-là. L’éventualité ou la condition spécifiée concerne l’existence même du pouvoir, de sorte que celui-ci n’existe pas avant que l’événement ne se produise ou que la condition ne soit réalisée. Puisque le pouvoir de désignation n’a jamais existé, il ne peut y avoir eu défaut de désignation et le legs subordonné à ce défaut est caduc.

Quant au par. 4(b), soit la directive de répartir le reste de l’actif de K Co. entre les employés vivants au décès de l’épouse, au pro rata et en proportion du nombre d’actions qu’ils détiendront au décès de l’épouse, les conditions qu’elle renferme ne peuvent pas se réaliser. Le legs n’a pas été transmis au décès du testateur. Les employés devaient être actionnaires à la date du décès de l’épouse, et ils ont vendu leurs actions. Après la mort du testateur, l’épouse a acquis toutes les actions ordinaires en circulation. Il y a donc eu succession ab intestat quant au reste de l’actif de K Co., mentionné à la clause 4(b).


Parties
Demandeurs : Ryan
Défendeurs : Smith

Références :
Proposition de citation de la décision: Ryan c. Smith, [1972] R.C.S. 332 (5 octobre 1971)


Origine de la décision
Date de la décision : 05/10/1971
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1972] R.C.S. 332 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1971-10-05;.1972..r.c.s..332 ?
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