La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/1971 | CANADA | N°[1972]_R.C.S._409

Canada | R. c. McKenzie, [1972] R.C.S. 409 (5 octobre 1971)


Cour Suprême du Canada

R. c. McKenzie, [1972] R.C.S. 409

Date: 1971-10-05

Sa Majesté la Reine Appelante;

et

Richard Anthony McKenzie Intimé.

1971: le 18 mai; 1971: le 5 octobre.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Judson, Ritchie, Hall et Spence.

EN APPEL DE LA CHAMBRE D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

APPEL de la Couronne d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[1], rejetant la déclaration de culpabilité pour vol prononcée contre l’intimé. Appel accueilli.

G.L. Murray, c.r., po

ur l’appelante.

M.R.V. Storrow, pour l’intimé.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE RITCHIE — Il s’agit d’un p...

Cour Suprême du Canada

R. c. McKenzie, [1972] R.C.S. 409

Date: 1971-10-05

Sa Majesté la Reine Appelante;

et

Richard Anthony McKenzie Intimé.

1971: le 18 mai; 1971: le 5 octobre.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Judson, Ritchie, Hall et Spence.

EN APPEL DE LA CHAMBRE D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

APPEL de la Couronne d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[1], rejetant la déclaration de culpabilité pour vol prononcée contre l’intimé. Appel accueilli.

G.L. Murray, c.r., pour l’appelante.

M.R.V. Storrow, pour l’intimé.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE RITCHIE — Il s’agit d’un pourvoi interjeté par le procureur général de la Colombie‑Britannique, sous le régime de l’art. 598(1)(a) du Code criminel, à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel1 de cette province (M. le juge en chef Davey étant dissident) qui rejetait la déclaration de culpabilité pour vol prononcée contre l’intimé et ordonnait son acquittement.

Dans la nuit du 30 au 31 mars 1970, l’intimé, un chauffeur de taxi, était à l’emploi de Dominic Louis Christian aux fins de conduire un des taxis de ce dernier à des conditions qui lui donnaient le droit de retenir 45 pour cent des recettes journalières et qui l’obligeaient à rendre compte du reste et à payer à son employeur 55 pour cent des recettes globales, moins le coût de l’essence. La reddition de compte se faisait d’après ce qu’on a appelé une «feuille de voyages» où figurent le point de départ, la destination et le prix de la course, pour chaque voyage; y sont aussi notés le montant que retient le chauffeur, inscrit comme «salaire», le prix payé pour l’essence et l’huile et le «comptant net» dû au propriétaire.

Le 31 mars au matin, vers 3h 30, l’intimé avait conduit la voiture de Christian à l’aéroport où il prit en charge cinq passagers, deux à destination d’adresses dans la ville de Vancouver, deux pour

[Page 411]

West Vancouver et un autre pour North Vancouver. Les passagers à destination de Vancouver ont dû payer $4.50 et $4.75 respectivement, et les passagers allant à West Vancouver, $8.55 et $9.50 respectivement. La passagère pour North Vancouver, qui est descendue la dernière, n’a pas témoigné, mais je pense que le savant juge de première instance a eu raison d’exprimer l’espoir: [TRADUCTION] «qu’elle avait sur elle un portemonnaie bien garni».

En rendant compte de la course qui avait débuté à l’aéroport à 3h 30, l’intimé n’a inscrit qu’un voyage pour un seul passager, et un prix total de $6.35 comptant. Il est assez évident que, sans tenir compte de la passagère à destination de North Vancouver, l’intimé a reçu au moins $26.95 comptant pour l’usage de la voiture de Christian à l’occasion de ce voyage, et je pense comme le savant Juge provincial que la preuve étaye la conclusion que l’intimé a omis de rendre compte ou de faire le versement d’environ 16 dollars et cinquante cents à son employeur, montant dont il était tenu de rendre compte en vertu de ses conditions d’emploi.

L’intimé a été inculpé d’avoir:

[TRADUCTION] En la ville de Vancouver, le 31 mars 1970, illégalement volé une somme approximative de $16.50, propriété de Dominic Louis Christian, en contravention de la loi applicable en pareil cas.

Dans les motifs de jugement qu’il énonçait au nom de la majorité de la Cour d’appel, M. le Juge Tysoe a exprimé l’avis que l’accusation ainsi formulée omet d’énoncer les éléments essentiels d’une infraction aux termes de l’art. 276(1) du Code criminel, et il a conclu en disant:

[TRADUCTION] A mon avis, elle n’impute pas d’infraction aux termes de l’article 276 et ne peut étayer une déclaration de culpabilité pour une telle infraction. Le fait est que l’appelant n’a pas été accusé de l’infraction dont, selon la preuve, il pourrait peut-être s’être rendu coupable.

En concluant ainsi, la majorité de la Cour d’appel a sanctionné la prétention, exprimée au nom de l’intimé, qu’en cas de «vol», infraction que l’art. 269 décrit d’une façon et l’art. 276 d’une autre, un acte d’accusation ou dénonciation est invalide parce que non conforme à l’art. 492(3)

[Page 412]

s’il ne contient pas un énoncé de tous les éléments essentiels contenus dans l’article du Code qui décrit l’infraction révélée par la preuve.

A mon avis, la preuve en l’instance révèle la perpétration d’une infraction aux termes de l’art. 276(1), dont voici le texte:

276(1). Commet un vol quiconque, ayant reçu d’une personne une chose à des conditions qui l’astreignent à en rendre compte ou à la payer, ou à rendre compte ou faire le versement de la totalité ou d’une partie du produit à cette personne ou à une autre, frauduleusement omet d’en rendre compte ou de la payer, ou de rendre compte ou de faire le versement de la totalité ou partie du produit en conformité de ces conditions.

Il résulte de l’arrêt de la Cour d’appel que même si la dénonciation allègue qu’un «vol» a été commis en la ville de Vancouver à une date précise contre une personne désignée, elle ne renferme aucune allégation d’omission frauduleuse dé rendre compte et est par conséquent invalide du fait des dispositions suivantes de l’art. 492(3):

492(3). Un chef d’accusation doit contenir, à l’égard des circonstances de l’infraction alléguée, des détails suffisants pour renseigner raisonnablement le prévenu sur l’acte ou omission à prouver contre lui, et pour identifier l’affaire mentionnée, mais autrement l’absence ou insuffisance de détails ne vicie pas le chef d’accusation.

Dans ses motifs de dissidence, M. le Juge en chef Davey a signalé que le vol n’est pas la seule infraction qui se puisse commettre de plus d’une manière, selon les dispositions du Code criminel, et il a rappelé que l’art. 135 décrit quatre différents modes de comportement pouvant constituer le crime de «viol». Sur ce dernier point, il a cité l’affaire Regina v. LeBlanc non encore publiée à la date des présents motifs, dans laquelle l’acte d’accusation portait qu’à un certain moment et en un certain endroit LeBlanc [TRADUCTION] «a violé (une femme désignée) en contravention de la loi applicable en pareils cas»; dans ladite affaire, M. le Juge Lord, s’exprimant au nom de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, a dit:

[TRADUCTION] L’avocat a invoqué l’article 135 du Code, celui qui traite du viol, et il prétend que, étant donné que l’article décrit plus d’une sorte de rapports sexuels avec une personne du sexe féminin

[Page 413]

propre à constituer un viol, l’accusation aurait dû dire de quelle manière l’inculpé est censé avoir commis l’infraction. Était-ce en se faisant passer pour son époux ou par la crainte de lésions corporelles, ou suivant l’une ou l’autre des autres façons qui peuvent faire du viol une infraction? Comme l’a signalé mon collègue le juge Branca au cours des débats, il s’agit indubitablement d’un cas où des détails sont nécessaires.

Reconnaissant que ce passage s’applique à la principale question soulevée dans la présente affaire, M. le Juge en chef Davey a dit:

[TRADUCTION] Je suis respectueusement d’avis que ce genre d’argumentation s’applique tout aussi bien à une accusation de vol qu’à une accusation de viol, et le fait que les diverses façons de commettre un vol sont définies dans des articles distincts du Code plutôt que dans les paragraphes distincts d’un même article, n’est qu’une simple différence de détail et ne change rien au principe.

Je fais mien cet exposé du droit et il s’ensuit, comme on le verra, qu’à mon avis la décision de cette Cour dans La Reine c. Harder[2] a un rapport direct avec la question de la validité de la présente accusation.

Afin d’apprécier l’argument maintenant mis de l’avant au nom de l’appelante, il faut considérer les dispositions des par. (1) et (2) de l’art. 492, qui se lisent comme suit:

492(1). Chaque chef dans un acte d’accusation doit, en général, s’appliquer à une seule affaire; il doit contenir et il suffit qu’il contienne en substance une déclaration portant que l’accusé a commis un acte criminel y spécifié.

(2) La déclaration mentionnée au paragraphe (1) peut être faite

a) en langage populaire sans expressions techniques ni allégations de choses dont la preuve n’est pas essentielle;

b) dans les termes mêmes de la disposition qui décrit l’infraction ou déclare que le fait imputé est un acte criminel,… (les italiques sont de moi).

Bref, la thèse avancée au nom de l’appelante est que les dispositions de l’art. 492(b) doivent se lire de façon disjonctive et qu’elles présentent deux façons différentes d’énoncer l’acte d’accusation de manière à permettre de coucher l’accusa-

[Page 414]

tion soit «dans les termes mêmes de la disposition qui décrit l’infraction», ou dans les termes de celle qui «déclare que le fait imputé est un acte criminel».

L’infraction décrite à l’art. 276(1) est qualifiée de «vol» par l’article lui-même et les termes de la disposition déclarant que le vol est un acte criminel sont ceux de l’art. 280, qui se lit ainsi:

280. Sauf prescription contraire des lois, quiconque commet un vol est coupable d’un acte criminel…

Dans l’affaire La Reine c. Harder, dont j’ai déjà fait mention, l’accusé était inculpé d’avoir eu des rapports sexuels avec une femme qui n’était pas son épouse «sans le consentement de cette femme, en contravention de la loi applicable en pareil cas». La preuve a révélé que bien que l’accusé n’ait pas eu de rapports sexuels avec la femme, il avait aidé une autre personne à en avoir et s’était par conséquent rendu coupable de l’infraction d’après les dispositions de l’article du Code portant alors le numéro 69 (maintenant l’art. 21(2)), et Harder fut reconnu coupable au procès. La majorité de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique était néanmoins d’avis que, vu l’absence d’allégation portant qu’il avait aidé un autre à commettre l’acte criminel, l’acte d’accusation devait être considéré comme inculpant Harder d’avoir lui‑même effectivement violé la plaignante et que, vu l’absence de preuve à l’appui de l’acte d’accusation ainsi interprété, il fallait prononcer l’acquittement.

La dissidence qui a donné lieu au pourvoi en cette Cour est exposée dans les termes suivants par M. le Juge Kellock, à la p. 499:

[TRADUCTION] Que l’acte d’accusation inculpant l’accusé comme auteur de l’acte criminel suffisait, même s’il n’alléguait pas que l’inculpé avait aidé et incité Kie Singh à se livrer à des voies de fait sur la femme.

Cette Cour a accueilli l’appel conformément à la dissidence et M. le Juge Fauteux (alors juge puîné), qui s’exprimait également au nom de M. le Juge en chef Kerwin et de M. le Juge Taschereau (alors juge puîné), dit ce qui suit au sujet de l’acte d’accusation, à la p. 492:

[TRADUCTION] L’acte d’accusation. On ne peut correctement interpréter un acte d’accusation sans se

[Page 415]

référer à ces dispositions de fond et de procédure de la loi en matière criminelle qui régissent la nature et la forme de l’acte. Comme l’a affirmé le Juge Willes, avec l’accord de tous les juges qui conseillaient la Chambre des Lords et avec l’approbation de cette dernière, dans l’affaire Mulcahey v. The Queen (1868) L.R. 3 H.L. 306, à la p. 321:

[TRADUCTION] …un acte d’accusation énonce seulement le caractère juridique de l’infraction et n’a pas pour objet de fournir les détails et particularités de l’affaire. Les dépositions en révèlent les détails, comme le fait la pratique visant à informer l’accusé ou son avocat de toute preuve additionnelle que ne renferment pas les témoignages et qu’on peut se proposer de produire au procès. Donner plus de détails dans l’acte d’accusation ne ferait qu’encourager les objections quant à la forme fondées sur la divergence, pratique que le législateur a découragée à juste titre il n’y a pas si longtemps.

Je suis d’avis que l’accusation en l’espèce est conforme au Code criminel en ce qu’elle est conçue dans les termes de l’art. 280 qui déclare le «vol» un acte criminel, et l’omission de l’intimé de rendre compte à son employeur était, à mon avis, un «vol» au sens de l’art. 276(1). Il s’ensuit que je souscris à l’opinion dissidente de M. le Juge en chef Davey, qui a dit que c’était là «une accusation de vol régulière, sous le régime de cet article».

S’il avait existé un doute réel quant à la conduite visée par l’inculpation, on aurait pu, en vertu de l’art. 497(1)(f) du Code, demander que soient fournis d’autres détails décrivant les moyens par lesquels il est allégué que l’infraction a été commise, mais ce n’est pas la ligne de conduite qu’on a adoptée.

Ce qui s’est produit, c’est que lors de l’interpellation, l’intimé, qui n’était pas représenté par un avocat, a nié sa culpabilité et assumé sa propre défense le premier jour du procès, jour où le ministère public a appelé trois des passagers à témoigner. L’affaire fut alors renvoyée à plus d’un mois et, à la reprise d’audition, après avoir comparu pour l’intimé, M. Storrow a immédiatement demandé à «être mis au courant de l’article en vertu duquel l’accusation est portée». M. Bendrodt, le procureur de la Couronne, lui a répondu

[Page 416]

qu’il procédait selon l’accusation de vol contenue dans la dénonciation, sur quoi les propos suivants furent échangés:

[TRADUCTION] M. STORROW: Tout ce que je veux savoir, c’est de quel article il est question. Il s’agit d’une infraction en common law. Je présume que mon savant confrère a porté l’accusation sous le régime du Code criminel et je veux simplement savoir en vertu de quel article.

M. BENDRODT: Mon confrère n’a qu’à consuler la dénonciation qu’il a devant lui. Mon savant confrère dit-il que la dénonciation n’est pas régulière? Dit-il que la dénonciation ne contient pas les détails requis par la loi? En demande-t-il plus? Que veut-il? Mon savant confrère dit-il qu’il n’a pas eu suffisamment de détails? Il a la transcription des témoignages qui a été remise et j’ai souvenir de lui avoir donné non seulement les détails de cette preuve qui n’a pas encore été faite, mais je lui ai effectivement fait part du mieux que j’ai pu des faits que l’ai l’intention de prouver, sans compter les détails.

M. STORROW: Tout ce que mon confrère dit est juste, mais ma question est simple et tout ce que je veux savoir, c’est le numéro de l’article, à moins qu’il ne s’agisse d’une infraction en common law.

Le renseignement qu’il tentait d’obtenir du ministère public se faisait attendre et le savant Juge provincial a refusé d’en exiger la communication mais il ne peut, quant à moi, y avoir de doute que l’intimé et son avocat étaient pleinement au courant des circonstances qui ont donné lieu à l’accusation et M. Storrow doit avoir compris que la question en litige était de savoir si, vu les circonstances, il y avait eu vol aux termes du Code criminel.

En accueillant le pourvoi en Cour d’appel, M. le Juge Tysoe s’est appuyé sur une série de causes, notamment: Regina v. LeClair[3], The King v. Connors[4], The King v. Fraser[5] et Regina v. Trapoortan[6], Dans chacune de ces affaires, l’inculpation était rédigée «dans les termes mêmes

[Page 417]

de la disposition qui décrit l’infraction» et l’omission d’énoncer quelque élément essentiel de l’infraction imputée a été jugée fatale. Comme je l’ai déjà indiqué, diverses considérations entrent en jeu dans une affaire comme celle-ci où l’acte d’accusation est rédigé dans les termes qui décrètent que l’infraction imputée est un acte criminel. Je pense donc comme M. le Juge en chef Davey que les dernières affaires citées se distinguent nettement de la présente espèce et qu’elles n’ont pas de rapport avec la question qui se pose ici.

Je ferais également observer qu’il existe une différence fondamentale entre la présente affaire et celle de Brodie and Barnett c. le Roi[7], sur laquelle le procureur de l’intimé s’est beaucoup appuyé. Il s’agissait d’une affaire où l’inculpation alléguait que les deux accusés «avaient été parties à une conspiration séditieuse en complotant» avec certaines personnes désignées et avec d’autres personnes inconnues, mais il n’y avait aucune allégation se rapportant à ce dont les auteurs du complot avaient convenu. A la page 199, M. le Juge Rinfret (alors juge puîné), s’exprimant au nom de la Cour, a dit:

[TRADUCTION] …bien que la conspiration pour commettre un crime, étant en soi un acte criminel, puisse être imputée isolément dans un acte d’accusation et indépendamment du crime que l’on complote de commettre, il ne s’ensuit pas que le chef d’accusation qui porte sur la conspiration seulement, sans énoncer d’acte manifeste, ne doive pas la décrire de manière à renfermer en substance les éléments fondamentaux de l’entente précise qui est imputée, ou, en d’autres termes, de manière à spécifier, en substance, l’affaire précise dont on a l’intention de faire état contre l’accusé.

C’est là la raison pour laquelle l’inculpation a été jugée insuffisante et, selon moi, on ne saurait prétendre sérieusement ici que l’accusation ne spécifiait pas l’affaire précise dont on avait l’intention de faire état contre McKenzie, ou qu’il aurait pu avoir quelque doute sur le contenu de la plainte.

Dans ses motifs de dissidence, M. le Juge en chef Davey s’est reporté à la thèse avancée par le présent intimé, savoir que la preuve d’une in-

[Page 418]

fraction visée par l’art. 276(1) était insuffisante parce qu’elle démontrait que les fonds détournés appartenaient aux passagers et non au propriétaire de taxi qui était censé se les être fait voler.

Cette prétention se fonde sur l’existence d’un règlement municipal de Vancouver intitulé «Vehicles-for-Hire By-law», qui édicte ce qui suit:

[TRADUCTION] Nul chauffeur de taxi ne transportera une personne ou des personnes autres que la personne ou les personnes qui l’ont retenu en premier lieu. La réunion dans un même voyage de plus d’une course payante est interdite.

La prétention de l’intimé à ce sujet est que tout contrat qui oblige le chauffeur de taxi à rendre compte à son employeur de l’argent qu’il reçoit lorsqu’il réunit plus d’une course payante dans un même voyage, est illégal et nul parce qu’il contrevient au règlement, et que l’argent ainsi perçu n’est donc pas de l’argent dont McKenzie était tenu de rendre compte à Christian.

En ce qui a trait à cette prétention, je suis d’accord avec M. le Juge en chef Davey lorsqu’il dit:

[TRADUCTION] Si McKenzie a demandé un prix excessif à un passager, il l’a fait comme employé de Christian, et comme tel il devait rendre compte à Christian de tout l’argent perçu au cours de son emploi dans l’usage de la voiture. Christian, en qualité d’employeur de McKenzie, serait alors tenu de rembourser aux passagers, par l’entremise de Yellow Cab, tous les paiements en trop perçus par McKenzie. Donc en droit… les trop-perçus sont de l’argent dont McKenzie était tenu de rendre compte à Christian. La preuve de l’infraction imputée est complète.

Pour tous ces motifs, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et de rétablir la déclaration de culpabilité inscrite par le savant Juge provincial.

Appel accueilli et déclaration de culpabilité rétablie.

Procureur de l’appelante: G.L. Murray, Vancouver.

Procureur de l’intimé: M.R.V. Storrow, Vancouver.

[1] [1971] 2 C.C.C. (2d) 28, 14 C.R.N.S. 104, [1971] 2 W.W.R. 716.

[2] [1956] R.C.S. 489, 23 C.R. 295, 114 C.C.C. 129, 4 D.L.R. (2d) 150.

[3] (1956), 23 C.R. 216, [1956] O.W.N. 336, 115 C.C.C. 297.

[4] (1923), 51 N.B.R. 247.

[5] (1918), 40 D.L.R. 691, [1918] 2 W.W.R. 324, 30 C.C.C. 70.

[6] (1961), 31 C.C.C. 356, 37 C.R. 299.

[7] [1936] R.C.S. 188, 65 C.C.C. 289, [1936] 3 D.L.R. 81.


Sens de l'arrêt : L’appel doit être accueilli et la déclaration de culpabilité rétablie

Analyses

Droit criminel - Accusation de vol - Énoncé des éléments essentiels - Preuve d’omission de rendre compte - Accusation conforme au Code - Code criminel, 1 (Can.), c. 51, art. 269, 276, 280, 492, 497.

L’intimé était employé aux fins de conduire un des taxis de son employeur à des conditions qui lui donnaient le droit de retenir 45 pour cent des recettes journalières et qui l’obligeaient à rendre compte à son employeur du reste, moins le coût de l’essence et de l’huile. En rendant compte d’une course où il avait pris en charge cinq passagers allant à des adresses différentes, l’intimé n’a inscrit qu’un voyage pour un seul passager. Il a été inculpé d’avoir «…volé une somme approximative de $16.50, propriété de Dominic Louis Christian, en contravention de la loi applicable en pareil cas.» Il a été déclaré coupable de vol par le juge de première instance, mais acquitté par un jugement majoritaire de la Cour d’appel. La Cour a exprimé l’avis que l’accusation ainsi formulée omet d’énoncer les éléments essentiels d’une infraction aux termes de l’art. 276(1) du Code criminel. La Couronne a appelé à cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être accueilli et la déclaration de culpabilité rétablie.

Les dispositions de l’art. 492(2)(b) doivent se lire de façon disjonctive et présentent deux façons différentes d’énoncer l’acte d’accusation de manière à permettre de coucher l’accusation soit «dans les termes mêmes de la disposition qui décrit l’infraction», ou dans les termes de celle qui «déclare que le fait imputé est un acte criminel». L’accusation en l’espèce est conforme au Code criminel en ce qu’elle est conçue dans les termes de l’art. 280 qui déclare le «vol» un acte criminel. L’omission de l’intimé de rendre compte à son employeur était un «vol» au sens de l’art. 276(1). S’il avait existé un doute quant à la conduite visée par l’inculpation, on aurait pu, en vertu de l’art. 497(1)(f) du Code, demander que

[Page 410]

soient fournis d’autres détails décrivant les moyens par lesquels il est allégué que l’infraction a été commise.

On doit rejeter la thèse que les fonds détournés appartenaient aux passagers et non au propriétaire du taxi, parce que si l’intimé a demandé un prix excessif à un passager, il l’a fait comme employé du propriétaire du taxi, et comme tel il devait lui rendre compte de tout l’argent perçu au cours de son emploi dans l’usage de la voiture.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : McKenzie

Références :
Proposition de citation de la décision: R. c. McKenzie, [1972] R.C.S. 409 (5 octobre 1971)


Origine de la décision
Date de la décision : 05/10/1971
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1972] R.C.S. 409 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1971-10-05;.1972..r.c.s..409 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award