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06/10/1971 | CANADA | N°[1972]_R.C.S._490

Canada | Alberta Natural Gas Company c. Ministre du Revenu national, [1972] R.C.S. 490 (6 octobre 1971)


Cour Suprême du Canada

Alberta Natural Gas Company c. Ministre du Revenu national, [1972] R.C.S. 490

Date: 1971-10-06

Alberta Natural Gas Company Appelante;

et

Le Ministre du Revenu national Intimé.

1971: les 15 et 16 juin; 1971: le 6 octobre.

Présents: Les Juges Abbott, Martland, Judson, Spence et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA

APPEL d’un jugement du Juge Sheppard de la Cour de l’Échiquier du Canada[1], en matière d’impôt sur le revenu. Appel rejeté.

W.L.N. Somerville, c.r., et J.A. Coa

tes, pour l’appelante.

G.W. Ainslie, c.r., et J.R. Power, pour l’intimé.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE ...

Cour Suprême du Canada

Alberta Natural Gas Company c. Ministre du Revenu national, [1972] R.C.S. 490

Date: 1971-10-06

Alberta Natural Gas Company Appelante;

et

Le Ministre du Revenu national Intimé.

1971: les 15 et 16 juin; 1971: le 6 octobre.

Présents: Les Juges Abbott, Martland, Judson, Spence et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA

APPEL d’un jugement du Juge Sheppard de la Cour de l’Échiquier du Canada[1], en matière d’impôt sur le revenu. Appel rejeté.

W.L.N. Somerville, c.r., et J.A. Coates, pour l’appelante.

G.W. Ainslie, c.r., et J.R. Power, pour l’intimé.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE MARTLAND — Le présent appel est à l’encontre d’un jugement de la Cour de l’Échiquier du Canada1 rejetant l’appel qu’avait interjeté l’appelante contre la cotisation relative à son impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1966. En calculant le montant de perte à reporter d’années antérieures, soit les années 1960 à 1962 inclusivement, l’intimé a ajouté certains montants au revenu de l’appelante pour les années 1963 à 1966 inclusivement, comme faisant partie du revenu provenant de l’entreprise de l’appelante. Ces montants représentent la prime du change quant à des dollars américains que l’appelante avait reçus en conformité des dispositions du contrat de transport de gaz qui sera décrit plus loin.

L’appelante possède et exploite un pipe-line servant au transport de gaz naturel à travers le coin sud-est de la Colombie-Britannique depuis les environs de Coleman, en Alberta, jusqu’à un endroit situé à la frontière entre le Canada et les États-Unis près de Kingsgate, en Colombie-Britannique. Le pipe-line qu’exploite l’appelante est relié au réseau de pipe-lines de la Alberta Gas Trunk Line Company Limited, qui recueille le gaz naturel extrait de divers gisements de gaz pour le livrer à l’appelante près de Coleman, en Alberta.

[Page 492]

L’appelante a conclu un contrat le 20 septembre 1960 avec la Alberta and Southern Gas Co. Ltd. et la Westcoast Transmission Company Limited, ci-après appelées «les expéditeurs», en vue de recevoir, de transporter et de livrer chaque jour une certaine quantité de gaz en conformité des conditions du contrat. En vertu de ce contrat, l’appelante a convenu de construire un pipe-line qui devait être terminé le 31 décembre 1961.

Dans la convention, l’appelante est appelée la «compagnie de pipe-line».

En vertu de cette convention, l’appelante devait être rémunérée, à l’égard du transport de gaz naturel pour le compte des expéditeurs, sur la base du «prix de revient de distribution», lequel comprenait les dépenses d’exploitation, la dépréciation, l’amortissement, les taxes et un profit au taux de 7½ pour cent l’an.

La convention prévoit des paiements mensuels, en monnaie légale du Canada. Cette convention a été modifiée par une convention modificative datée du 31 janvier 1961.

La convention, dans sa forme modifiée, ne renferme pas la disposition qui existait auparavant au sujet du paiement en monnaie canadienne mais elle renferme la clause suivante:

[TRADUCTION]

12. FACTURATION ET PAIEMENT

12.1 Facturation: Au plus tard le vingt (20) de chaque mois, la compagnie de pipe-line remettra à chaque expéditeur une facture détaillée indiquant le prix de revient de distribution mensuel, calculé à l’égard de cet expéditeur en conformité du paragraphe 13 pour le mois qui vient de s’écouler (ci-haut désigné comme étant le «mois de la facturation»).

12.2 Paiement partiel en dollars américains: Si la compagnie de pipe-line fait financer en tout ou en partie la construction dudit pipe-line, et (ou) des installations requises pour augmenter le rendement, par la vente, avant le 31 décembre 1964, de valeurs mobilières de la compagnie de pipe-line remboursables, pour le capital, la prime (s’il en est) et l’intérêt, en dollars américains (ces valeurs mobilières étant ci-après appelées «valeurs mobilières remboursables en argent américain»), chaque expéditeur, en payant la somme qui lui est facturée pour le prix de revient de distribution mensuel, substituera à un

[Page 493]

nombre égal de dollars canadiens, et la compagnie de pipe-line acceptera en remplacement, le nombre de dollars américains déterminé de la façon exposée ci-après, qui ne devra pas dépasser soixante-six pour cent (66%) de ladite somme facturée pour le prix de revient de distribution mensuel…

Le montant en dollars américains devant être ainsi payé mensuellement par chaque expéditeur sera égal à sa quote-part du douzième (1/12) du montant en dollars américains mentionné dans l’annexe dont il est question ci-dessus à l’alinéa (ii) pour l’année au cours de laquelle l’expéditeur doit effectuer le paiement;…

12.3 Paiement: Au plus tard le dernier jour du mois qui suit le mois de la facturation, chaque expéditeur paiera à la compagnie de pipe-line, au bureau de cette dernière, à Calgary, en Alberta, la partie de la somme facturée qui doit être payée en dollars canadiens, et à l’endroit désigné par la compagnie de pipe-line en conformité du paragraphe 12.2, la partie de la somme qui doit être payée en dollars américains.

L’appelante a financé la construction de son pipe-line en partie par un emprunt de 25 millions de dollars américains, lequel était garanti par des obligations série A de première hypothèque sur le pipe-line, portant intérêt au taux de 5¾ pour cent. En conformité du paragraphe 12.2 du contrat de transport de gaz dans sa forme modifiée, l’appelante a avisé les expéditeurs qu’elle désirait:

[TRADUCTION] recevoir, de la somme facturée pour le prix de revient de distribution mensuel dont fait mention ledit contrat de transport de gaz, cette partie qui doit être payée en dollars américains comme le stipule ledit contrat, au bureau de la Alberta Natural Gas Company, à Calgary, en Alberta.

A l’avis était jointe une annexe spécifiant la somme annuelle globale qui devait absolument être versée en dollars américains en vertu des conditions de l’emprunt contracté par l’appelante.

Chaque mois, l’appelante envoyait à chaque expéditeur une facture mentionnant le montant dû en raison du transport de gaz effectué pour le compte des expéditeurs, au cours du mois précédent, et mentionnant la fraction de ce montant qui devait être payée en dollars américains. Voici,

[Page 494]

à titre d’exemple, l’une de ces factures, celle du 14 août 1963, qui a été envoyée à la Alberta and Southern Gas Co. Ltd.:

[TRADUCTION] Prix de revient de distribution quant au transport de gaz pour le mois de juillet 1963, en vertu du contrat de transport de gaz daté du 20 septembre 1960, selon les annexes ci-jointes (A à A6 inclusivement)......................................

$289,703.61

Veuillez payer les montants et monnaies suivantes:

En dollars canadiens...............................................................

$167,421.61

En dollars américains..............................................................

122,282.00

$289,703.61

Conformément aux conditions du contrat de transport de gaz dans sa forme modifiée, l’appelante a reçu, partiellement en argent canadien et partiellement en argent américain, les montants qu’elle avait demandés dans les factures envoyées. Les dollars américains reçus par l’appelante ont été déposés au Canada dans un compte bancaire d’argent américain à la Banque Royale du Canada et à la Banque Canadienne Impériale de Commerce; ils ont été utilisés pour payer, à leur échéance, en dollars américains, le capital et les intérêts des obligations de première hypothèque sur le pipe-line qui portaient intérêt au taux de 5¾ pour cent.

Du mois de février 1962 au 31 décembre 1966, le dollar américain était au-dessus du pair par rapport au dollar canadien, la prime variant de 4 à 9 cents, en monnaie canadienne.

En imposant le revenu de l’appelante, l’intimé a inclus la prime, relative à ces dollars américains qu’avait reçue l’appelante et dont elle s’était servie pour rembourser le capital de son emprunt. La prime qu’elle avait reçue relativement aux dollars américains qui avaient servi à payer l’intérêt n’a pas été imposée, car il était reconnu que c’était là une dépense pouvant à juste titre être déduite.

Essentiellement, l’appelante soutient que la convention prévoyait le transport de gaz naturel moyennant paiements effectués en argent canadien et qu’elle renfermait également une entente sur

[Page 495]

le change à terme en vertu de laquelle l’appelante pouvait obtenir des expéditeurs, au pair, des dollars américains au lieu de dollars canadiens. Il a été soutenu que lorsqu’il y a pareille entente, selon les principes de comptabilité établis, les dollars américains doivent être évalués suivant ce qu’il en coûte à l’appelante. Il a en outre été soutenu que cette entente sur le change à terme servait à longue échéance de sauvegarde contre les pertes que l’appelante pourrait subir dans le service de sa dette envers les obligataires, qu’elle permettait de diminuer la perte possible en capital, et que, par conséquent, la prime du change ne constituait pas un revenu et ne donnait aucun revenu ou bénéfice aux fins de l’impôt sur le revenu.

L’intimé affirme que l’appelante a reçu les dollars américains à titre de paiement, par les expéditeurs, des services que l’appelante leur avait rendus, et que ces dollars faisaient donc partie du revenu de l’appelante aux fins de l’impôt sur le revenu.

Pour faire valoir son argument, l’appelante doit d’abord établir qu’en vertu des conditions de la convention, la somme à payer en contrepartie du transport du gaz naturel devait l’être en dollars canadiens. Le reste de ses prétentions dépend de cette proposition. Il est donc nécessaire d’examiner ce que stipule effectivement la convention que l’appelante a conclue avec les expéditeurs.

L’objet du contrat, c’était que l’appelante recevrait, transporterait et livrerait le gaz naturel des expéditeurs moyennant paiements effectués sur la base du prix de revient de distribution. La façon de déterminer ce prix de revient était exposée à la clause 13, qui énonce les divers facteurs dont il faut tenir compte dans le calcul.

Les dispositions relatives au paiement de la distribution se trouvent à la clause précédente, la clause 12, sous la rubrique «FACTURATION ET PAIEMENT». Les parties de cette clause qui nous intéressent ont déjà été citées.

La clause 12.2 de la convention stipulait initialement ce qui suit:

[TRADUCTION] 12.2 Paiement: Au plus tard le dernier jour du mois qui suit le mois de la facturation, chaque expéditeur paiera à la compagnie de

[Page 496]

pipe-line, en monnaie légale du Canada, au bureau de la compagnie de pipe-line, à Calgary, en Alberta, les sommes facturées par la compagnie de pipe-line en conformité du présent paragraphe 12 pour le mois de la facturation.

Cette clause a été abrogée au complet dans la convention modificative. La clause 12.2 de la convention, dans sa forme modifiée, est intitulée: «Paiement partiel en dollars américains». Alors que dans la convention initiale il était prévu que les services de l’appelante seraient payés en dollars canadiens, la nouvelle clause 12.2 stipule que si l’appelante finance la construction de son pipe-line en tout ou en partie au moyen de «valeurs mobilières remboursables en dollars américains» vendues avant le 31 décembre 1964, chaque expéditeur [TRADUCTION] «en payant la somme qui lui est facturée pour le prix de revient de distribution mensuel», remplacera les dollars canadiens par des dollars américains, à concurrence du montant stipulé dans la convention, ce montant ne devant pas dépasser 66 pour cent de la somme facturée pour le prix de revient de distribution mensuel.

La clause 12.3 de la convention modificative, intitulée «Paiement», stipule qu’au plus tard le dernier jour du mois qui suit celui de la facturation, chaque expéditeur paiera à l’appelante à son bureau de Calgary [TRADUCTION] «la partie de la somme facturée qui doit être payée en dollars canadiens», et, à l’endroit désigné par l’appelante, [TRADUCTION] «la partie de la somme facturée qui doit être payée en dollars américains».

L’appelante a effectivement, avant la date stipulée, vendu au montant de $25,000,000 en capital des valeurs mobilières remboursables en argent américain, aidant ainsi à financer la construction de son pipe-line.

L’objet de cette disposition est évident. Elle a pour but de permettre à l’appelante d’obtenir des dollars américains avec lesquels elle puisse effectuer les paiements requis en vertu des valeurs mobilières par elle émises remboursables en argent américain. Mais, selon moi, il est également clair que ces dollars américains, aux termes de la convention modificative, devaient être reçus

[Page 497]

par l’appelante à titre de partie du paiement des services qu’elle rendait en vertu du contrat. Une fois la convention modifiée les paiements mensuels devaient être effectués non pas globalement en argent canadien mais partiellement en argent canadien et partiellement en argent américain. Les dollars américains reçus par l’appelante en vertu de la convention faisaient partie de son revenu gagné. Il m’est impossible d’interpréter la convention comme stipulant que les paiements pour les services rendus par l’appelante seront effectués en argent canadien, et comme comportant une entente sur le change à terme en vue de l’achat par l’appelante, aux expéditeurs, de dollars américains.

Puisqu’il en est ainsi, je suis d’avis que l’appel n’est pas fondé et doit être rejeté avec dépens.

Appel rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Borden, Elliot, Kelley & Palmer, Toronto.

Procureur de l’intimé: D.S. Maxwell, Ottawa.

[1] [1969] C.T.C. 316, 69 D.T.C. 5230.


Synthèse
Référence neutre : [1972] R.C.S. 490 ?
Date de la décision : 06/10/1971
Sens de l'arrêt : L’appel doit être rejeté

Analyses

Revenu - Impôt sur le revenu - Prime du change - Compagnie de pipe-line - Emprunt remboursable en dollars américains - Partie du prix de revient de distribution payée par les expéditeurs de gaz en dollars américains - Entente sur le change à terme - La prime du change fait partie du revenu - Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 3, 4.

L’appelante possède et exploite un pipe-line servant au transport de gaz naturel de Coleman, en Alberta, jusqu’à un endroit situé à la frontière entre la Colombie-Britannique et les États-Unis. L’appelante a conclu un contrat avec certains distributeurs en vue de recevoir, de transporter et de livrer chaque jour une certaine quantité de gaz. La construction du pipe‑line a été financée en partie par un emprunt de dollars américains. L’emprunt devait être remboursé en dollars américains. La convention entre l’appellante et les expéditeurs prévoit que les paiements du prix de revient de distribution mensuel devaient être faits partiellement en argent canadien et partiellement en argent américain. Durant la période en question, le dollar américain était audessus du pair par rapport au dollar canadien. En imposant le revenu de l’appelante, le Ministre a inclus la prime qu’avait reçue l’appelante et dont elle s’était servie pour rembourser le capital de son emprunt. L’appelante soutient que la convention prévoyait le transport de gaz naturel moyennant paiements effectués en argent canadien et qu’elle renfermait également une entente sur le change à terme en vertu de laquelle l’appelante pouvait obtenir des expéditeurs, au pair, des dollars américains au lieu de dollars canadiens. La Cour de l’Échiquier a confirmé la cotisation du Ministre. La compagnie a appelé à cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être rejeté.

L’appelante a reçu les dollars américains à titre de paiement, par les expéditeurs, des services qu’elle leur avait rendus. Ces dollars faisaient donc partie

[Page 491]

du revenu de l’appelante aux fins de l’impôt sur le revenu. Il est impossible d’interpréter la convention comme stipulant que les paiements pour les services rendus par l’appelante seraient effectués en argent canadien, et comme comportant une entente sur le change à terme en vue de l’achat par l’appelante, aux expéditeurs, de dollars américains.


Parties
Demandeurs : Alberta Natural Gas Company
Défendeurs : Ministre du Revenu national
Proposition de citation de la décision: Alberta Natural Gas Company c. Ministre du Revenu national, [1972] R.C.S. 490 (6 octobre 1971)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1971-10-06;.1972..r.c.s..490 ?
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