La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/1972 | CANADA | N°[1974]_R.C.S._233

Canada | R. c. McKenzie, [1974] R.C.S. 233 (30 mars 1972)


Cour suprême du Canada

R. c. McKenzie, [1974] R.C.S. 233

Date: 1972-03-30

Sa Majesté la Reine Appelante;

et

Jeanine McKenzie Intimée.

1971: les 13 et 14 décembre; 1972: le 30 mars.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall, Spence, Pigeon et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[1], écartant la déclaration de culpabilité enregistrée contre l’intimée pour possession de biens volés et ordonnant un nouveau procès. L

’intimée et un certain Patrick Benedict Graham ont été accusés conjointement, et les faits concernant le présent appel so...

Cour suprême du Canada

R. c. McKenzie, [1974] R.C.S. 233

Date: 1972-03-30

Sa Majesté la Reine Appelante;

et

Jeanine McKenzie Intimée.

1971: les 13 et 14 décembre; 1972: le 30 mars.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall, Spence, Pigeon et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[1], écartant la déclaration de culpabilité enregistrée contre l’intimée pour possession de biens volés et ordonnant un nouveau procès. L’intimée et un certain Patrick Benedict Graham ont été accusés conjointement, et les faits concernant le présent appel sont donnés dans l’affaire La Reine c. Graham, ante page 206. Appel accueilli et déclaration de culpabilité rétablie.

W.G. Burke-Robertson, c.r., pour l’appelante.

J.H. Cram, pour l’intimée.

Le jugement des Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall et Pigeon a été rendu par

LE JUGE RITCHIE — L’intimée et Patrick Benedict Graham ont été accusés conjointement d’avoir eu en leur possession une certaine quantité de bijoux d’une valeur supérieure à $50, sachant qu’ils avaient été obtenus par suite de la perpétration d’un acte criminel. En première instance, les deux prévenus ont été déclarés coupables; les appels interjetés par la Couronne contre l’arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique infirmant la déclaration de culpabilité ont été entendus l’un à la suite de l’autre en cette Cour, la permission d’appeler ayant été

[Page 234]

accordée dans les deux causes sur la question suivante:

[TRADUCTION] Les savants juges de la Cour d’appel ont-ils commis une erreur en concluant qu’une déclaration écrite de l’intimé Graham aurait dû être soumise en preuve parce que la Couronne s’était fondée sur la présomption découlant de la possession par l’intimée de biens récemment volés?

Il a été soutenu au nom de Mlle McKenzie que la déclaration écrite de Graham concordait en tous points avec son témoignage et que si elle avait été présentée au jury, elle aurait sans aucun doute donné plus de poids à sa preuve, de sorte que l’accusée a injustement subi un préjudice du fait que la déclaration n’a pas pu être soumise au jury. Dans les motifs qu’il a rendus en Cour d’appel, le Juge Bull a réglé comme suit cette prétention:

[TRADUCTION] Mais si la déclaration explicative de Graham avait été présentée au jury, comme elle aurait dû l’être, celui-ci aurait bien pu conclure (étant donné que la version sous serment de l’accusée concordait avec la déclaration que Graham avait faite après son arrestation, dix mois auparavant, et si l’on garde à l’esprit le témoignage de Mendelman, témoin de la Couronne) que la version de l’accusée pouvait raisonnablement être vraie. En réalité, le jury n’a eu à sa disposition que le témoignage de Mendelman quant à l’autorisation donnée à Graham; de Graham, pratiquement rien (en fait de témoignages ou d’aveux) n’indiquait que ce dernier avait agi par suite de cette autorisation. Dans les circonstances inusitées de l’espèce, il me semble que la déclaration écrite de Graham, que le jury n’avait pas à sa disposition, était presque aussi importante pour l’appelante McKenzie que pour l’appelant Graham.

Pour les motifs que j’ai donnés dans l’affaire Graham[2], je suis d’avis que c’est avec raison que cette déclaration n’a pas été admise en preuve au procès conjoint, mais d’autres motifs d’annuler la déclaration de culpabilité prononcée contre la présente intimée ont été invoqués pour son compte dans les plaidoiries en cette Cour.

L’intimée a d’abord soutenu que cette Cour n’était pas compétente pour entendre le présent appel en vertu de l’art. 621(1)b) du Code crimi-

[Page 235]

nel, parce que la décision quant à l’irrecevabilité de la déclaration de Graham ne mettait pas en jeu une question de droit uniquement, en ce sens qu’elle était fondée sur les circonstances particulières dans lesquelles la déclaration avait été faite.

Quant à cette prétention, il faut noter que la question de droit à l’égard de laquelle la permission d’appeler a été accordée en l’espèce est celle de savoir si, étant donné qu’elle se fonde sur la présomption de culpabilité découlant de la possession non expliquée de biens volés, la Couronne doit présenter en preuve une déclaration qui favorise un accusé et que ce dernier a faite plus de deux heures après la découverte des biens, et si pareille déclaration peut être introduite au cours du contre-interrogatoire de celui à qui elle a été faite.

Graham n’a pas témoigné en l’espèce, mais la déclaration qu’il a faite au moment où les biens ont été trouvés en sa possession a été dûment reconnue et on ne conteste pas le fait qu’il n’a donné aucune autre explication avant sa déclaration par écrit. Ainsi, il est clair que la question de droit à l’égard de laquelle la permission d’appeler a été accordée ne met en jeu aucune question contestée de fait.

Il a également été soutenu pour le compte de la présente intimée, comme il l’a été en Cour d’appel de la Colombie-Britannique, que même s’il était conclu que c’est avec raison que la déclaration de Graham n’a pas été admise, l’appel de l’intimée devrait néanmoins être accueilli parce que le juge de première instance avait commis une erreur en faisant des commentaires défavorables au sujet de la crédibilité de la partie du témoignage de l’intimée où cette dernière affirme avoir appris où se trouvaient les bijoux volés d’une personne qui lui aurait dit que les journaux mentionnaient Vancouver comme étant l’endroit où se trouvaient les bijoux. La partie de l’exposé du savant juge de première instance qui a fait l’objet d’une objection à cet égard est le commentaire suivant sur le témoignage de l’intimée:

[TRADUCTION] Lors du contre-interrogatoire, elle a dit que c’est le vendredi, 18 juillet, que Graham et elle se

[Page 236]

sont rendus dans le centre-ville et que c’est «à ce moment-là que j’ai appris de façon certaine que les bijoux se trouvaient à Vancouver et ceci, à cause d’un article découpé dans un journal de Calgary». Bien, peut-être allez-vous évaluer cette preuve avec soin. Il se peut, étant donné votre expérience de la vie, que vous considériez plutôt étrange qu’un article de journal mentionne l’endroit où se trouvent des bijoux volés. En général, la police cherche les bijoux volés. Il est peu probable que la police donne au Calgary Herald ou aux journaux de Calgary, pour qu’ils les publient, des renseignements sur l’endroit où seraient des bijoux volés.

Dans son témoignage, Mlle McKenzie a affirmé avoir appris par téléphone qu’il était rapporté dans un article de journal que la police croyait que les bijoux étaient en route pour Vancouver; il paraît qu’un article a, de fait, été publié par le Calgary Herald trois jours après l’arrivée de l’intimée à Vancouver, et qu’il mentionnait que les biens volés avaient [TRADUCTION] «été expédiés à Vancouver pour être distribués sur le marché noir».

À mon avis, les commentaires qui figurent dans l’extrait précité des directives du juge de première instance se rapportent exclusivement au témoignage de l’intimée sur la source du renseignement qu’elle avait obtenu quant à la présence de la marchandise à Vancouver et ils ne visent aucune autre partie de son témoignage; ils n’influent donc pas sur la question centrale de sa culpabilité ou de son innocence, laquelle dépendait uniquement de l’acceptation, par le jury, de ses explications quant au fait d’avoir été trouvée en possession de biens qu’elle savait avoir été récemment volés.

Selon Mlle McKenzie, elle avait obtenu la marchandise d’un homme, qui savait également qu’il s’agissait de biens volés, l’entente étant qu’il recevrait $1,000 de la part de M. Mendelman au moment où la marchandise serait remise à ce dernier. La version de son amie, Linda Petrus, qui l’avait accompagnée à Vancouver, est très différente; cette dernière affirme que le soir de son arrivée à Vancouver, Patrick Graham a envoyé les deux jeunes femmes à l’aéroport chercher une valise dans laquelle les bijoux volés ont par la suite été trouvés, et que Mlle

[Page 237]

McKenzie avait subséquemment essayé de les vendre à Vancouver mais n’avait pu obtenir aucune offre parce que la marchandise était «trop risquée».

La partie des directives qui fait l’objet de l’objection en cette Cour ne concernait nullement la très grande divergence entre ces deux versions.

Le jury avait tous ces éléments de preuve à sa disposition et, à mon avis, on ne peut prétendre qu’il n’a pas eu raison de rendre un verdict de culpabilité.

Pour tous ces motifs, je suis d’avis d’accueillir l’appel et de rétablir la déclaration de culpabilité inscrite en première instance.

LE JUGE SPENCE — Pour les motifs que j’ai exprimés dans la cause La Reine c. Patrick Benedict Graham[3], je suis d’avis que c’est avec raison que la déclaration de Graham a été exclue de la preuve de ce dernier au procès conjoint. Par conséquent, la présente intimée, Jeanine McKenzie, ne peut prétendre avoir le droit d’utiliser cette déclaration en défense.

Je souscris aux motifs que le Juge Ritchie a donnés pour rejeter les autres griefs invoqués par l’intimée devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, et que cette dernière cour n’a pas eu à examiner.

Je suis d’avis d’accueillir l’appel et de rétablir la déclaration de culpabilité.

LE JUGE LASKIN — Pour les motifs que j’ai donnés dans l’appel de Patrick Benedict Graham3, coaccusé de l’appelante Jeanine McKenzie, et avec qui il a conjointement subi son procès, l’explication écrite de Graham n’était pas plus recevable en faveur de la présente intimée qu’elle ne l’était en faveur de Graham. Quant aux autres questions invoquées en cette Cour, je partage l’avis de mon collègue le Juge Ritchie; par conséquent, je suis d’avis d’accueil-

[Page 238]

lir l’appel et de rétablir la déclaration de culpabilité.

Appel accueilli.

Procureur de l’appelante: J.A. Margach, Vancouver.

Procureurs de l’intimée, Moseley, Medland & Cram, Vancouver.

[1] [1971] 2 W.W.R. 45.

[2] Ante p. 206.

[3] Ante p. 206.



Analyses

Droit criminel — Preuve — Déclarations — Irrecevabilité — Biens volés — Possession récente — Explication écrite faite par coaccusé deux heures après son arrestation — La Couronne ne produit pas la déclaration — Le coaccusé ne témoigne pas — Déclaration régulièrement écartée.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : McKenzie

Références :
Proposition de citation de la décision: R. c. McKenzie, [1974] R.C.S. 233 (30 mars 1972)


Origine de la décision
Date de la décision : 30/03/1972
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1974] R.C.S. 233 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1972-03-30;.1974..r.c.s..233 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award