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30/03/1972 | CANADA | N°[1974]_R.C.S._730

Canada | Ministre du Revenu National c. Allarco Developments Ltd., [1974] R.C.S. 730 (30 mars 1972)


Cour suprême du Canada

Ministre du Revenu National c. Allarco Developments Ltd., [1974] R.C.S. 730

Date: 1972-03-30

Le ministre du Revenu national Appelant;

et

Allarco Developments Ltd. (antérieurement Paris Investments Ltd.) Intimée.

1971: le 10 juin; 1972: le 30 mars.

Présents: Les Juges Abbott, Martland, Ritchie, Pigeon et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA

APPEL d’un jugement de la Cour de l’Échiquier du Canada renvoyant pour nouvelle évaluation la cotisation portée en appel. Appel accueilli avec

dépens, le Juge Pigeon étant dissident.

G.W. Ainslie, c.r., et H.A. Buckman, pour l’appelant.

Maurice Régnier, p...

Cour suprême du Canada

Ministre du Revenu National c. Allarco Developments Ltd., [1974] R.C.S. 730

Date: 1972-03-30

Le ministre du Revenu national Appelant;

et

Allarco Developments Ltd. (antérieurement Paris Investments Ltd.) Intimée.

1971: le 10 juin; 1972: le 30 mars.

Présents: Les Juges Abbott, Martland, Ritchie, Pigeon et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA

APPEL d’un jugement de la Cour de l’Échiquier du Canada renvoyant pour nouvelle évaluation la cotisation portée en appel. Appel accueilli avec dépens, le Juge Pigeon étant dissident.

G.W. Ainslie, c.r., et H.A. Buckman, pour l’appelant.

Maurice Régnier, pour l’intimée.

Le jugement des Juges Abbott, Martland, Ritchie et Laskin a été rendu par

LE JUGE MARTLAND — Dans le présent appel, il s’agit de déterminer si un montant de $1,000,000 payé à l’intimée en octobre 1964 représentait un revenu reçu par elle dans le cours de ses opérations commerciales.

L’intimée a été constituée en 1954 en vertu des dispositions du Alberta Companies Act. Un des objets déclarés dans son acte constitutif de société était le suivant:

[TRADUCTION] a) D’acheter ou autrement acquérir, et de détenir ou autrement en faire le commerce, des droits mobiliers et immobiliers et des biens meubles et immeubles et, en particulier, des biens-fonds, bâtiments, biens transmissibles par succession, affaires et entreprises industrielles et commerciales, hypothèques, charges, contrats, concessions, privilèges, rentes, brevets, licences, valeurs mobilières, polices, créances comptables et tous intérêts dans des biens meubles ou immeubles.

Elle s’est livrée à une grande variété d’activités commerciales, fréquemment par l’entremise de filiales. Ces activités comprenaient des concessions dans la vente d’automobiles, la propriété d’immeubles de rapport, des intérêts dans des compagnies de construction, des services de fiducie, les hypothèques et les prêts, l’assurance générale, la propriété d’hôtels, la propriété d’une station radiophonique, l’imprimerie, et l’acquisition, l’aménagement et la vente de terrains.

[Page 733]

Dans le cours de ses activités immobilières, elle a acheté à un certain M. Greniuk un intérêt en equity dans environ 503 acres de terre dans la partie sud-ouest d’Edmonton, sur la rivière Saskatchewan. Le prix d’achat a été fixé à $700,000; une somme de $90,000 a été payée à la signature du contrat de vente, le solde devant être payé sur une période de dix ans. Ces terrains ont été achetés sous réserve d’une entente entre Greniuk et la Ville d’Edmonton, ci‑après appelée la «Ville», en vertu de laquelle Greniuk avait convenu de vendre environ 130 acres à la Ville au prix de $600 l’acre en vue de l’aménagement de parcs. Le reste du terrain avait été loti et l’intimée l’avait acheté dans le but de l’aménager et de vendre des lots aux acheteurs. Dans le jugement rendu en première instance, ces terrains ont été décrits comme des «terrains commerciaux» et des «marchandises de son commerce».

Peu de temps après l’acquisition de ce terrain par l’intimée, la Ville a établi un nouveau règlement de zonage en vertu duquel 420 acres des 503 acres devaient être utilisées comme parcs, ce qui empêchait leur utilisation projetée comme propriétés domiciliaires. L’intimée n’a pas réussi à convaincre la Ville de modifier le zonage pour lui permettre d’utiliser ces terrains comme propriétés domiciliaires. Elle n’a pas réussi non plus à convaincre la Ville d’acheter la totalité des 503 acres.

Devant cet état de choses, l’intimée a ensuite étudié la possibilité d’acquérir un terrain appartenant à la Ville, au centre-ville de préférence, en échange de terrains achetés à Greniuk. Finalement, l’intimée a réussi à conclure un accord visant l’achat d’une parcelle de 1.23 acre de terrain appartenant à la Ville et située sur une colline du nom de Bellamy Hill dominant la vallée de la rivière Saskatchewan, dans le district du centre des affaires d’Edmonton, à un coin de rue au sud de l’intersection de l’avenue Jasper et de la 101e rue, endroit considéré comme le centre financier de la Ville, et à deux coins de rue au sud du centre du quartier commercial. L’utilisation de ce terrain central était limitée par le fait qu’il consistait en une colline

[Page 734]

assez escarpée, mais l’intimée a conçu l’idée d’y construire un garage de stationnement dont l’entrée serait située sur le sommet de la colline et au-dessus duquel serait érigé un hôtel de 23 étages.

Selon l’entente finalement conclue, la Ville devait échanger ce terrain de la Ville contre 215 des 503 acres appartenant à l’intimée, et aussi acheter à l’intimée une autre étendue de 217.14 acres au prix de $1,000 l’acre. Avant que la Ville ne cède l’emplacement de Bellamy Hill, l’intimée a dû fournir à la Ville une preuve satisfaisante qu’elle était prête, disposée et apte à procéder au moins à la construction du garage de stationnement.

Avant la signature de l’entente en forme définitive avec la Ville le 17 juillet 1964, l’intimée avait cherché à conclure des accords pour le financement de la construction projetée. Finalement, un accord a été conclu avec la Great-West Life Assurance Company, ci-après appelée la «Great-West», et a fait l’objet de deux ententes sous forme de lettres, chacune en date du 7 juillet 1964. L’une de ces ententes stipulait l’achat par cette compagnie, à l’intimée, de l’emplacement Bellamy Hill pour la somme de $1,000,000. Elle prévoyait aussi un bail, faisant partie intégrante de l’achat du terrain et devant être consenti par la Great-West à une compagnie à être formée, en vertu duquel le locataire s’engageait à apporter des améliorations au terrain par la construction d’un garage de stationnement de 13 mi-étages, et d’un hôtel de 23 étages. Le bail devait avoir une durée de 99 ans et stipulait un loyer annuel de $70,000 pour les 25 premières années, et il renfermait également une disposition prévoyant la possibilité d’une révision du loyer à la fin de la 25e année et à la fin de la 50e année, selon l’évaluation du terrain à cette époque-là. Il prévoyait en plus un loyer supplémentaire de 25 pour cent des revenus nets de toutes sources dans l’immeuble abritant le garage de stationnement et l’hôtel. L’achat était assujetti à la condition que le locataire passe un contrat pour les travaux d’amélioration stipulés et à la présentation d’une preuve satis-

[Page 735]

faisante que les améliorations seraient exécutées.

Selon l’autre entente, la compagnie d’assurance consentait à l’intimée un prêt de 5 millions de dollars, à un intérêt de 7½ pour cent sur les premiers $4,000,000 et de 8 pour cent sur le dernier million, à être remboursé sur une période de 25 ans par paiements mensuels combinant l’intérêt et le principal. Ce prêt devait être garanti par une première hypothèque sur la tenure à bail de l’intimée et par une hypothèque mobilière sur les meubles, accessoires et autre matériel.

Le prix d’achat de $1,000,000 a été déterminé sur la foi d’un rapport d’évaluation préparé pour la compagnie d’assurance et dont le but déclaré était [TRADUCTION] «d’estimer la valeur à la date de l’évaluation, à titre de garantie d’un prêt sur première hypothèque». Le rapport étudiait les possibilités économiques du projet. Il déclarait que:

[TRADUCTION] Votre estimateur soussigné est d’avis que, compte tenu des possibilités uniques de cet emplacement, l’hôtel et le garage de stationnement projetés constitueront l’usage le plus rémunérateur et le plus rationnel de l’emplacement.

L’estimateur a considéré que la méthode du culcul de la valeur résiduelle du terrain était la méthode d’évaluation appropriée et, selon cette méthode, il a évalué le terrain à $1,000,000.

La Ville a cédé le terrain directement à la Great-West le 18 août 1964. Cette compagnie a versé $1,000,000 à l’intimée en octobre 1964. Cet argent a servi, en partie, à rembourser à une filiale de l’intimée le montant qu’elle avait payé à Greniuk pour l’achat des 503 acres. Le solde a été affecté aux fins de l’intimée.

L’état des profits et pertes de l’intimée pour l’année se terminant le 31 octobre 1964 indiquait sous la rubrique «Opérations immobilières»: [TRADUCTION] «Profit net sur cession de terrain $735,025,00».

[Page 736]

Dans le calcul du revenu imposable de l’intimée aux fins de la cotisation pour l’année d’imposition 1964, l’appelant a inclus le profit provenant de la cession du terrain, que l’intimée avait exclu. L’appelant a inclus dans le revenu de l’intimée la somme de $669,900 calculée comme suit:

Vente de la propriété de Bellamy Hill à la Great West Life Assurance Company......................................................................

$ 1,000,000

Coût du terrain (215 acres) échangé contre la propriété de Bellamy Hill......................................................................................

$272,600

Provision pour perte sur terrain sous option à la Ville d’Edmonton: 217 acres à $265.....................................................

$ 57,500

$ 330,100

Bénéfice sur la vente

$ 669,900

L’intimée a interjeté un appel à l’encontre de cette cotisation. L’appelant a justifié la cotisation dans sa réponse en alléguant que la somme de $669,900 constituait un gain provenant de la vente de l’emplacement Bellamy Hill et représentant un revenu imposable. Il a déclaré que l’intimée avait pris des dispositions pour acquérir ce terrain en vue d’en faire le commerce, d’en faire une affaire ou d’en retirer un profit, que le profit s’y rapportant constituait un revenu tiré d’une entreprise ou d’une initiative de nature commerciale et que l’intimée, au moment de l’achat de cette propriété, avait envisagé de la revendre à la Great-West.

L’appelant a par la suite modifié sa réponse comme suit:

[TRADUCTION] L’intimé (l’appelant en cette Cour) affirme subsidiairement que l’échange de terrains avec la Ville d’Edmonton, par lequel l’appelante (l’intimée en cette Cour) a acquis la propriété de Bellamy Hill en échange d’une partie de la parcelle de 503 acres mentionnée ci-dessus à l’alinéa 5(i), (terrain que l’appelante avait l’intention de lotir et de vendre, dans le cours des opérations de son commerce), constituait pour l’appelante une vente ou une réalisation de cette partie de ladite parcelle de 503 acres; il affirme également que pour prix de cette vente ou réalisation, l’appelante a reçu la propriété de Bellamy Hill, dont la juste valeur marchande était d’au moins

[Page 737]

$1,000,000, et qu’en conséquence cette somme de $1,000,000 juste valeur marchande de la propriété de Bellamy Hill ou produit de sa réalisation, doit être incluse dans le calcul du revenu de 1964 de l’appelante, à titre de produit de la vente d’éléments d’inventaire.

En guise de réponse, l’intimée a modifié son avis d’appel en alléguant que:

[TRADUCTION] a) le profit provenant de la vente était de $727,400 et non de $669,900 et que la somme de $727,400 était un gain de capital qui ne devait pas être inclus dans le calcul du revenu de l’intimée; et

b) la perte de $58,200 résultant de la vente des 217.14 acres était une perte relative aux éléments d’inventaire et déductible dans le calcul de son revenu.

Le savant juge de première instance, relativement à la position prise par l’appelant, avant la modification de sa réponse à l’avis d’appel, a conclu comme suit:

[TRADUCTION] D’après les témoignages, je conclus que l’appelante (l’intimée en cette Cour) a acheté le terrain de Bellamy Hill dans le seul dessein d’y créer quelque chose qui lui procurerait un revenu, qu’elle a réalisé cette intention, et que la vente à la Great‑West Life faisait partie intégrante du plan de financement élaboré à cette fin par la Great-West pour répondre à la méthode préférée de Great-West pour financer une telle opération. Vu sous un autre angle, l’achat à la municipalité et la revente à la Great-West n’étaient qu’une partie d’une série d’opérations par lesquelles l’appelante a acquis un bien productif de revenu consistant dans la location pour 99 années, d’un garage et d’un hôtel. Ces opérations, manifestement, n’entraient pas dans le champ de l’activité commerciale habituelle de l’appelante. En conséquence, je rejette le point de vue de l’intimé (l’appelant en cette Cour) tel qu’exprimé dans la réponse originale.

Relativement à la question soulevée dans la réponse modifiée, il a dit, en partie:

[TRADUCTION] Ma conclusion sur cet aspect de l’affaire est qu’il s’agissait, dans la transaction avec la municipalité, de l’aliénation par l’appelante, en 1964, d’une partie des 503 acres de terrain qu’elle avait acquis en 1961 à titre de ce qu’on pourrait définir comme terrains commerciaux. Tout bénéfice ou perte ressortissant à cette aliénation doivent, à mon avis, être pris en compte pour déterminer le bénéfice de

[Page 738]

l’appelante au regard de la Partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1964. Je ne suis cependant pas en mesure de déterminer, d’après les preuves rapportées devant moi, s’il y a eu bénéfice ou perte.

Je ne me propose pas de rechercher quelle est, dans cet appel, l’opération précise donnant ouverture à ce bénéfice ou à cette perte éventuelle. Il se peut, comme le prétend l’alinéa 6A de la réponse à l’avis d’appel, qu’il y ait eu «échange» d’un quelconque terrain contre la propriété de Bellamy Hill, et qu’un tel échange ait été une opération entrant dans le cadre des opérations commerciales de l’appelante. Je ne suis pas sûr que ce soit là la façon correcte d’envisager l’affaire. Tout d’abord, je ne pense pas que les transactions passablement compliquées avec la municipalité puissent être décomposées et je ne pense pas qu’il n’y ait eu qu’un simple échange. En second lieu, la transaction avec la municipalité n’était qu’un maillon seulement d’une chaîne de transactions au moyen desquelles l’appelante est parvenue à s’assurer une location à long terme dans le complexe hôtel-garage actuellement existant; ce n’était donc pas du tout une opération réalisée dans le cadre des transactions commerciales habituelles de l’appelante. La meilleure explication, à mon avis, est que l’appelante a en effet retranché les espaces verts en question de l’inventaire des marchandises de son commerce, afin de les utiliser pour acheter le terrain en vue de la construction de l’hôtel et du garage; ce faisant, elle était obligée, pour calculer les bénéfices retirés de l’affaire commerciale, d’y inclure la juste valeur marchande des terrains ainsi soustraits. Je pense qu’il s’agit là d’un cas assimilable à celui d’un agent immobilier qui prélèverait, en vue d’en faire son domicile privé, une maison figurant à son inventaire commercial; et je ne vois aucune différence entre le commerçant qui prélève ainsi des marchandises sur son inventaire commercial, pour s’en faire un capital producteur de revenu, et celui qui procède de même en vue de l’acquisition de biens destinés au même usage.

Ce qui précède n’est cependant qu’une simple vue de l’esprit car je ne pense pas pouvoir aller plus loin que de conclure à l’existence, en l’espèce, d’une opération se rattachant à l’activité commerciale dont il faut tenir compte.

J’en conclus que l’intimé a eu tort de considérer la somme additionnelle contestée comme un bénéfice, mais que les témoignages établissant cette erreur montrent aussi la possibilité de bénéfices ou de pertes d’une autre nature dont on aurait dû tenir compte et

[Page 739]

que l’on a omis. Je ne peux pas, cependant, corriger la cotisation en supprimant purement et simplement la somme contestée.

Je reconnais qu’il ressort des débats que l’appelante peut penser ne pas avoir été dûment avertie du choix s’offrant à elle. Je lui ai offert, au cours des débats, l’occasion de choisir une nouvelle date d’audience, mais, après réflexion, elle a décidé de s’en tenir là.

À mon avis, vu les circonstances, le jugement doit accueillir l’appel avec dépens, et renvoyer la cotisation dont il est fait appel, pour nouvelle évaluation, en tenant compte du fait que la somme de $669,900.00 a été retenue à tort dans le calcul du revenu de l’année d’imposition 1964 de l’appelante, mais qu’il convient aussi de rechercher si l’aliénation d’une partie de la parcelle de 503 acres acquise par l’appelante en 1961 a procuré un bénéfice ou une perte et de l’inclure le cas échéant.

Le présent appel est interjeté à l’encontre de ce jugement.

En ce qui me concerne, le fait important en l’espèce est que l’intimée a effectivement reçu de la Great-West un paiement comptant de $1,000,000 contre cession de la propriété absolue de l’emplacement Bellamy Hill. Cette somme a servi, en partie, à payer Greniuk et le solde a été affecté aux fins de la compagnie intimée. Elle a pu obtenir cette cession et la contrepartie s’y rapportant en transférant à la Ville, en échange, 215 des acres de terrain achetés à Greniuk, que l’on a justement décrites comme «terrains commerciaux», et en s’engageant par la même occasion à vendre à la Ville 217.14 acres supplémentaires à un prix moins élevé que celui qu’elle avait payé.

Le savant juge de première instance a conclu que l’intimée avait acquis l’emplacement Bellamy Hill dans le but unique d’y créer un bien producteur de revenu. Cependant, il faut remarquer que le but premier de l’intimée était l’échange du terrain acheté à Greniuk contre un lopin de terre appartenant à la Ville et situé de préférence dans le centre-ville. La cession de l’emplacement Bellamy Hill ne pouvait être obtenue sans un engagement à y construire au moins un garage de stationnement, mais quand l’intimée a conclu avec la Ville l’entente relative

[Page 740]

à l’échange de terrain, elle savait qu’elle avait les fonds nécessaires pour remplir cet engagement et elle savait aussi qu’elle recevrait $1,000,000 pour le droit de propriété absolue s’y rattachant. Elle n’a pas acquis ce droit de propriété dans le but d’en retirer un revenu. Elle a obtenu le droit de propriété absolue pour le revendre immédiatement à la Great-West. Le bien producteur de revenu était une tenure à bail consentie par la Great-West à la filiale de l’intimée.

Il est tout à fait exact que la cession du droit de propriété absolue à la Great-West faisait partie intégrante de l’accord en vue du financement de la construction, par l’intimée, du garage de stationnement et de l’hôtel, et que c’est la Great-West qui avait proposé cet accord de financement; mais cela ne change en rien le fait que selon l’accord l’intimée devait vendre comptant à la Great-West un terrain qu’elle avait obtenu en échange de ses terrains commerciaux.

L’intimée prétend que la Great-West a fixé le prix de $1,000,000 en se basant sur le revenu annuel de la propriété et qu’on n’avait pas tenu compte de la juste valeur marchande de celle‑ci. Cependant, cette prétention ne tient pas compte du fait qu’une évaluation a été effectuée pour le compte de la Great-West. La valeur du terrain a été déterminée au moyen de la «méthode du calcul de la valeur résiduelle des terrains», méthode d’évaluation des terrains qui est reconnue et qui s’applique dans les cas où il n’est pas possible de déterminer la valeur d’après les ventes de propriétés comparables. La propriété a été évaluée à $1,000,000 et la Great-West a payé cette somme afin d’en devenir le propriétaire.

En vertu de l’accord de financement passé avec la Great-West, l’intimée a reçu la somme de $6,000,000 soit $5,000,000 à titre de prêt avec intérêt payable à la Great-West et $1,000,000 à titre de paiement pour le terrain, sans intérêt payable à la Great-West. La Great-West n’avait aucun intérêt financier à fixer la valeur du terrain plus haut que ce qui est tenu pour être la juste valeur marchande du terrain.

[Page 741]

À la lumière de toutes les circonstances, j’en arrive aux conclusions suivantes: désireuse de récupérer son investissement dans les terrains qu’elle avait achetés à Greniuk et que la Ville avait réservés comme terrains de parc en vertu d’un nouveau règlement de zonage, l’intimée a réussi à conclure une entente avec la Ville pour l’échange d’une partie de ses terrains contre l’emplacement Bellamy Hill. Cet échange était subordonné à la condition que l’intimée affecte le terrain acquis à des travaux de construction déterminés. Grâce à l’accord de financement conclu avec la Great-West, l’intimée a été en mesure de remplir cette condition et d’exécuter l’échange. Les terrains cédés à la Ville étaient des terrains commerciaux. D’après l’accord, l’intimée devait vendre l’emplacement Bellamy Hill à la Great-West au prix de $1,000,000 dont l’intimée a reçu paiement. Ce prix représentait la valeur de l’emplacement Bellamy Hill selon l’évaluation faite par la Great-West. En fin de compte, en échangeant ses terrains commerciaux, l’intimée a obtenu un terrain qu’elle a pu vendre au prix comptant de $1,000,000 soit la valeur attribuée au terrain par l’acheteur. Le fait que cette vente faisait partie de l’accord intervenu avec la Great-West relativement au financement de la construction du garage de stationnement et de l’hôtel ne change pas la nature des sommes reçues par l’intimée, qui provenaient d’une opération commerciale et qui ne constituaient pas la réalisation d’un capital.

À mon avis, il y a lieu d’accueillir l’appel avec dépens en cette Cour et en Cour de l’Échiquier et de rétablir la cotisation.

LE JUGE PIGEON (dissident) — Les faits de la présente affaire sont relatés dans les motifs de mon collègue le Juge Martland. En toute déférence, je ne puis admettre que le fait essentiel en l’espèce ce soit que l’intimée, la «compagnie», a effectivement reçu de la Great-West un paiement comptant de $1,000,000 contre la cession du droit de propriété absolue sur l’emplacement Bellamy Hill. L’impôt dont il est question ici frappe le revenu et non les recettes ou les gains de toute nature. Par conséquent, l’essentiel est d’établir la véritable nature de l’opéra-

[Page 742]

tion au cours de laquelle la somme qu’on cherche à imposer à été reçue ou est devenue payable.

En l’espèce, la compagnie s’est vue empêchée, par un acte de l’autorité municipale, de disposer comme elle le voulait de terrains acquis pour fins commerciales. Pour se tirer d’affaire, elle a échangé avec la Ville d’Edmonton une partie de ces terrains, les terrains de parc, contre un terrain du centre-ville afin d’y construire un important hôtel surmontant un garage de stationnement pour 757 voitures. Ce complexe hôtelier allait manifestement constituer un placement permanent, et non une opération commerciale comme l’acquisition des terrains de parc. La Great-West n’était pas disposée à prêter toute la somme de $6,000,000 dont la compagnie avait besoin dans cette entreprise; elle a accepté de prêter seulement $5,000,000 sur première hypothèque et elle a exigé que le terrain du centre-ville lui soit vendu et soit repris à bail pour le solde de $1,000,000.

Le ministre a cotisé la compagnie comme si la somme provenant de cette vente était le produit de la vente des terrains de parc échangés contre l’emplacement de l’hôtel. À mon avis, ce n’est pas là une analyse équitable de l’opération. Bien que les divers marchés aient été liés entre eux par entente préalable, le financement du projet du centre-ville était une opération complètement distincte de l’aliénation des terrains de parc. Le complexe hôtelier constituait un placement tandis que le transfert des terrains de parc constituait un échange commercial. Je ne puis souscrire à la «vue de l’esprit» du juge de première instance que l’opération pourrait être traitée, aux fins de l’impôt sur le revenu, comme si la compagnie avait affecté les terrains de parc à des fins de placement permanent. L’échange constituait une aliénation de ces terrains dans une opération commerciale, mais il comportait aussi l’acquisition d’un bien de nature capitale à des fins de placement permanent. Il est donc nécessaire de déterminer la valeur de l’emplacement du centre-ville au jour de l’opération commerciale, parce que cette valeur représente la recette commerciale imposable.

[Page 743]

Il est clair que la vente de l’emplacement de l’hôtel à la Great-West, sous réserve du bail subséquent de 99 ans consenti à la compagnie, ne constitue avec l’hypothèque de $5,000,000 qu’une seule opération. Cette opération ne peut d’aucune façon être considérée comme la réalisation ou l’aliénation d’un bien par la compagnie. Au contraire, son but précis était de permettre à la compagnie de mettre à profit l’emplacement du centre-ville comme placement producteur de revenu et le but général était d’obtenir les fonds requis à cette fin. Pour obtenir ces fonds, la compagnie a dû céder le droit de propriété et reprendre le fonds à bail pour 99 ans. Si elle avait cédé le droit de propriété et conservé la faculté de rachat, l’opération n’aurait pu être considérée comme une aliénation quoique, en vertu des lois de 1’Alberta, le créancier hypothécaire n’aurait pas eu le droit de poursuivre sur le contrat, mais seulement le droit de saisir. En l’espèce, afin de s’assurer qu’elle obtiendrait un remboursement en argent sur l’avance de $1,000,000 faite à la compagnie, la Great-West a exigé que le docteur Allard s’engage personnellement à racheter le terrain si la construction n’était pas achevée tel que promis. Malheureusement, les comptables de la compagnie ont presque invité le ministre à cotiser celle-ci comme si la somme de $1,000,000 était le produit d’une aliénation quand, dans les comptes de ladite compagnie, ils ont décrit l’excédent de cette somme sur le coût des terrains de parc comme un [TRADUCTION] «profit net sur cession de terrain». Cela ne pouvait empêcher la compagnie de prouver, comme elle l’a fait, la véritable nature de la somme reçue.

La situation n’aurait pas été la même si, quelques jours après avoir échangé les terrains contre l’emplacement de l’hôtel, la compagnie avait vendu ce dernier pour s’en défaire et réaliser un profit. En fait, la compagnie n’a pas cédé sa propriété. Au contraire, elle s’est engagée à l’aménager comme un placement permanent. Elle n’a pas obtenu la somme de $1,000,000 sans s’obliger. Au contraire, elle a dû accepter une méthode de financement beaucoup plus onéreuse que le financement par hypothèque. Elle a dû s’engager à payer, en plus de ce que

[Page 744]

l’on appelle un «loyer net net» analogue à un intérêt sur un prêt sujet à relèvement périodique éventuel, 25 pour cent du revenu provenant des améliorations qu’elle s’est engagée à effectuer.

Au début du procès, les plaidoiries ont été modifiées et l’avocat du ministre a allégué subsidiairement que la somme de $1,000,000 devrait être considérée comme étant la juste valeur marchande de l’emplacement de l’hôtel. À mon avis, c’est sous cet angle que la question devrait être envisagée. En vertu de son entente avec la Ville, la compagnie a aliéné un bien de son commerce. En fait, elle a cessé d’exercer une partie de son commerce, l’exploitation des terrains de parc, et elle a aliéné la majeure partie de son «inventaire» de terrains détenus à des fins commerciales. Si cette aliénation de biens ne devait pas autrement être considérée comme une opération commerciale pour cette année-là, elle le serait en vertu de l’art. 85E de la Loi de l’impôt sur le revenu. Cependant, vu que les terrains de parc ont été échangés contre un autre terrain et non contre une somme d’argent, il faut déterminer la juste valeur marchande de la chose qui a été obtenue.

J’ai déjà donné la raison pour laquelle il ne me paraît pas que la somme de $1,000,000 provenant de l’accord de vente et de location en retour conclu avec la Great-West devrait être tenue pour le produit d’une aliénation. Cependant, devrait-on considérer ce montant comme une preuve de la juste valeur marchande? Au soutien de cette prétention, on a beaucoup insisté sur l’évaluation faite par un certain G. Lawrie dans le but déclaré [TRADUCTION] «d’estimer la valeur à la date de l’évaluation, à titre de garantie d’un prêt sur première hypothèque». En ce qui concerne la valeur de l’emplacement, l’estimateur a déclaré ce qui suit:

[TRADUCTION] Terrain: Quant à la propriété en question, il s’agit d’une parcelle de terrain dont le mode d’acquisition, pour fins d’aménagement, ne saurait être conciliable avec les opérations de commerce courantes. Le terrain appartenait à la Ville d’Edmonton et il avait été réservé comme terrain de parc, du moins en partie, par un règlement de zonage. Les propriétaires actuels n’ont pu acquérir l’emplacement

[Page 745]

que récemment, par suite d’un plébiscite qui a approuvé l’échange de 415 acres appartenant aux propriétaires actuels et que la Ville voulait acquérir pour en faire des parcs.

Compte tenu des circonstances inusitées qui ont entouré l’acquisition de la propriété, de l’emplacement particulier et des caractéristiques physiques du terrain, sa valeur aujourd’hui doit s’apprécier en fonction des profits qui pourront, grâce à lui, être réalisés.

Par conséquent, votre estimateur considère que la méthode du calcul de la valeur résiduelle du terrain est la méthode d’évaluation indiquée.

Valeur du terrain au moyen de la méthode de la valeur résiduelle du terrain:

53,578,8 pi. car. à $18.66 le pi. car. = $1,000,000

Il est évident que la valeur ainsi calculée n’est pas la valeur de l’emplacement tel qu’il a été cédé par la Ville. C’est la valeur qui serait obtenue après l’achèvement de la construction projetée. Cela se déduit du fait que la Great-West a exigé que le docteur Allard s’engage personnellement à racheter le terrain si la construction n’était pas achevée. La compagnie qui prêtait l’argent a évidemment jugé cette garantie nécessaire afin de se protéger contre la possibilité de se retrouver avec une parcelle de terrain d’une valeur inférieure à la somme avancée si le projet n’était pas achevé.

Le dossier contient aussi une copie d’un rapport que les commissaires ont présenté au conseil de Ville le 11 mars 1963. Ce rapport, auquel le Conseil a souscrit, traite de l’échange projeté des terrains de parc contre l’emplacement de l’hôtel (qu’on appelait alors l’emplacement «Tower City») aux fins d’y ériger un immeuble de rapport et un garage de stationnement pour 100 voitures. Relativement à la valeur de ce terrain, il déclare:

[TRADUCTION] L’expert a estimé la valeur de l’emplacement Tower City à $440,000 eu égard à la nature du projet d’aménagement.

J’ai souligné les mots «eu égard à la nature du projet d’aménagement» parce qu’ils indiquent de quelle façon le genre du projet a influé sur la valeur de l’emplacement. À mon avis, il est parfaitement clair en l’espèce que la valeur de $1,000,000 n’était pas la juste valeur mar-

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chande, en ce sens qu’il ne s’agissait pas du montant que rapporterait la vente du terrain. C’est une valeur qui ne pouvait être atteinte que par l’engagement de dépenser plusieurs millions de dollars pour des travaux d’aménagement d’envergure. Ce n’était aucunement une valeur réalisable au moment où l’échange a été conclu avec la Ville; au contraire, elle était subordonnée à une dépense additionnelle considérable. Il ne s’agissait donc pas de la juste valeur marchande, mais d’une valeur éventuelle subordonnée à l’achèvement, à grands frais, du projet.

Finalement, il faut considérer ce qui s’est passé au procès en ce qui concerne la preuve relative à la valeur marchande. Voici ce qu’on peut lire dans la transcription, quelques pages après le début de la déposition du premier témoin, le docteur Allard, président de la compagnie:

[TRADUCTION] Me REGNIER (avocat de la compagnie): Je ne sais pas si de telles dispositions plairont à Votre Seigneurie; je voulais signaler que Votre Seigneurie — à la clôture de la preuve, probablement le meilleur moment pour cela — en supposant que Votre Seigneurie arrive à une conclusion après que mon savant collègue aura vaincu deux obstacles et qu’il aura établi une preuve prima facie quant à la valeur, alors, si Votre Seigneurie le juge à propos, nous aimerions que l’affaire soit simplement ajournée afin que je puisse, à une date ultérieure, faire une preuve par experts sur la valeur de Bellamy Hill.

LA COUR: Pourquoi ne — au lieu de faire cela, pourquoi ne pas tirer la conclusion qui vous est défavorable et renvoyer l’affaire pour nouvelle cotisation? Ensuite, vous pourrez décider si vous voulez en appeler sur la question de savoir s’il y a lieu oui ou non d’établir une cotisation sur cette base, et si en fin de compte vous n’avez pas gain de cause, alors, vous pourrez peut-être discuter la question de l’évaluation avec le ministère et interjeter un autre appel. Le coût ne serait pas plus élevé et les résultats probablement plus satisfaisants, car si vous devez produire certaines preuves relatives à la valeur, avant d’aller devant la Cour suprême, vous pourriez gaspiller beaucoup de…

[Page 747]

Me REGNIER: C’est là la question. Il s’agit essentiellement de la même façon de procéder, comme Votre Seigneurie se rappellera. C’est complètement…

LA COUR: Vous occupiez dans l’affaire où nous avons fait face à cette situation alors qu’il était question de l’échange d’une concession forestière?

Me REGNIER: Essentiellement la même façon de procéder.

LA COUR: L’affaire s’est-elle rendue en Cour suprême?

Me REGNIER: J’ai interjeté appel, mais nous y travaillons actuellement.

LA COUR: Ne passons pas à une autre affaire.

Me REGNIER: Nous discutons des valeurs, Votre Seigneurie.

LA COUR: Mais c’est la même chose.

Me BOWMAN (avocat du ministre): Je crois respectueusement que ce serait une bonne idée, Votre Seigneurie.

LA COUR: Bon, je vais laisser de côté la question des valeurs.

Me BOWMAN: Si Votre Seigneurie arrive à la conclusion, si, d’une manière ou d’une autre, la valeur est pertinente, et comme je vois l’affaire, il se peut que Votre Seigneurie conclue que la valeur ne pose vraiment pas de problème en l’espèce.

LA COUR: Même si vous avez gain de cause?

Me BOWMAN: Oui, oui.

LA COUR: C’est exact. Alors, je ne me préoccuperai pas de la valeur.

À cause des propos que je viens de citer, on n’a pas discuté davantage la question de la juste valeur marchande dans les témoignages au procès. Dans les circonstances, il me semble qu’on ne peut tirer de conclusion quant à la juste valeur marchande dans le présent appel. Bien que je ne souscrive pas à la «vue de l’esprit» du juge de première instance, il me paraît qu’en l’espèce il était fondé à renvoyer pour nouvelle évaluation la cotisation portée en appel. Cependant, je modifierais sa décision en y ajoutant: «ledit profit ou ladite perte à être déterminé en tenant compte de la juste valeur marchande de l’emplacement Bellamy Hill à la date de son échange contre une partie des 503 acres». Comme les parties ont chacune partielle-

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ment gain de cause, je n’adjugerais pas de dépens.

Appel accueilli avec dépens, le JUGE PIGEON étant dissident.

Procureur de l’appelant: D.S. Maxwell, Ottawa.

Procureurs de l’intimée: Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb, Montréal.


Sens de l'arrêt : L’appel doit être accueilli, le juge pigeon étant dissident

Analyses

Revenu - Cotisation - Terrain échangé - Terrain vendu contre $1,000,000 - Repris à bail avec obligation de bâtir - Est-il un revenu? - Nature de l’opérarion - Juste valeur marchande du terrain acquis - Méthode de la valeur résiduelle.

La compagnie intimée s’est vue empêchée, par un règlement de zonage de la ville d’Edmonton, de disposer comme elle le voulait de 503 acres de terrain qu’elle avait acquis pour fins commerciales et que la ville voulait aménager en parc. A la suite d’une entente conclue avec la ville, une partie de ce terrain fut achetée par cette dernière à raison de $1,000 l’acre et l’autre partie fut échangée contre un terrain appartenant à la ville et sur lequel l’intimée s’engageait à construire un garage de stationnement au-dessus duquel serait érigé un hôtel de 23 étages. Ce terrain fut cédé directement à la compagnie d’assurances «Great‑West» à la suite dé deux ententes survenues entre cette dernière et l’intimée en vertu desquelles 1) la «Great-West» payait à l’intimée $1,000,000 contre la cession du droit de propriété absolue sur l’emplacement du terrain et le cédait ensuite à bail à une filiale de l’intimée qui s’engageait à effectuer les travaux de construction du garage de stationnement et de l’hôtel; 2) la «Great-West» consentait à l’intimée un prêt à intérêt de $5,000,000. Le prix d’achat de $1,000,000 fut déterminé sur la foi d’un rapport d’évaluation préparé pour la compagnie d’assurances en se servant de la méthode du calcul de la valeur résiduelle du terrain. Dans le calcul du revenu imposable de l’intimée, l’appelant a inclus $669,900 comme profit provenant de la cession du terrain. En appel, la Cour de l’Échiquier a conclu que cette somme ne devait pas être considérée comme un bénéfice et a renvoyé la cotisation pour nouvelle évaluation. D’où le pourvoi à cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être accueilli, le Juge Pigeon étant dissident.

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Les Juges Abbott, Martland, Ritchie et Laskin: En échangeant ses terrains commerciaux, l’intimée a obtenu un terrain qu’elle a pu vendre au prix comptant de $1,000,000 soit la valeur attribuée au terrain par l’acheteur. Le fait que cette vente faisait partie de l’accord intervenu avec la «Great-West» relativement au financement de la construction du garage de stationnement et de l’hôtel ne change pas la nature des sommes reçues par l’intimée, qui provenaient d’une opération commerciale et qui ne constituaient pas la réalisation d’un capital.

Le Juge Pigeon, dissident: L’essentiel est d’établir la véritable nature de l’opération au cours de laquelle la somme qu’on cherche à imposer a été reçue ou est devenue payable. Le Ministre a cotisé la compagnie comme si la somme provenant de la vente à la «Great-West» était le produit de la vente des terrains de parc échangés contre l’emplacement de l’hôtel. Bien que les divers marchés aient été liés entre eux par une entente préalable, le financement du projet du centre-ville était une opération complètement distincte de l’aliénation des terrains de parc. Le complexe hôtelier constituait un placement tandis que le transfert des terrains de parc constituait un échange commercial. Il est donc nécessaire de déterminer la valeur de l’emplacement du centre-ville au jour de l’opération commerciale, parce que cette valeur représente la recette commerciale imposable.

La vente de l’emplacement de l’hôtel à la «Great-West» ne peut être considérée comme la réalisation ou l’aliénation d’un bien par la compagnie. En fait, la compagnie n’a pas cédé sa propriété. Au contraire, elle s’est engagée à l’aménager comme placement permanent et elle n’a pas obtenu la somme de $1,000,000 sans contracter des obligations et accepter une méthode de financement beaucoup plus onéreuse que le financement par hypothèque.

Vu que les terrains de parc ont été échangés contre un autre terrain et non contre une somme d’argent, il faut envisager la question sous l’angle de la juste valeur marchande de la chose qui a été obtenue. La somme de $1,000,000 calculée au moyen de la méthode de la valeur résiduelle n’est pas la valeur de l’emplacement tel qu’il a été cédé par la ville mais une valeur éventuelle subordonnée à l’achèvement, à grands frais de la construction projetée. Il ne s’agit donc pas de la juste valeur marchande ou de montant qu’a rapporté la vente du terrain. Et comme on n’a pas discuté la question de la juste valeur marchande dans les témoignages au procès, on ne peut tirer de conclusion quant à la juste valeur marchande dans le présent appel. Le juge de première instance était

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fondé à renvoyer pour nouvelle évaluation la cotisation portée en appel mais sa décision devrait être modifiée en ajoutant que le profit ou la perte devra être déterminée «en tenant compte de la juste valeur marchande de l’emplacement… à la date de son échange contre une partie des 503 acres.»


Parties
Demandeurs : Ministre du Revenu National
Défendeurs : Allarco Developments Ltd.

Références :
Proposition de citation de la décision: Ministre du Revenu National c. Allarco Developments Ltd., [1974] R.C.S. 730 (30 mars 1972)


Origine de la décision
Date de la décision : 30/03/1972
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1974] R.C.S. 730 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1972-03-30;.1974..r.c.s..730 ?
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