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18/10/1972 | CANADA | N°[1973]_R.C.S._735

Canada | Commission des Écoles Catholiques de Pointe-Claire et Beaconsfield c. Tétrault Frères Ltée, [1973] R.C.S. 735 (18 octobre 1972)


Cour suprême du Canada

Commission des Écoles Catholiques de Pointe-Claire et Beaconsfield c. Tétrault Frères Ltée, [1973] R.C.S. 735

Date: 1972-10-18

La Commission des Écoles Catholiques de Pointe-Claire et Beaconsfield (Défenderesse) Appelante;

et

Tétrault Frères Ltée (Demanderesse) Intimée.

1972: le 7 juin; 1972: le 18 octobre.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Martland, Pigeon et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc de
r>[Page 736]

la reine[1], province de Québec, confirmant un jugement du Juge Puddicombe. Appel accueilli.

Marc Beauregar...

Cour suprême du Canada

Commission des Écoles Catholiques de Pointe-Claire et Beaconsfield c. Tétrault Frères Ltée, [1973] R.C.S. 735

Date: 1972-10-18

La Commission des Écoles Catholiques de Pointe-Claire et Beaconsfield (Défenderesse) Appelante;

et

Tétrault Frères Ltée (Demanderesse) Intimée.

1972: le 7 juin; 1972: le 18 octobre.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Martland, Pigeon et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc de

[Page 736]

la reine[1], province de Québec, confirmant un jugement du Juge Puddicombe. Appel accueilli.

Marc Beauregard et Jacques Viau, c.r., pour la défenderesse, appelante.

J.E. Mullaly, c.r., pour la demanderesse, intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE EN CHEF — Par convention intervenue entre les parties le 15 juillet 1963, l’intimée s’engageait envers l’appelante à lui construire une école à Pointe-Claire et à terminer tous les travaux prévus à ces fins au plus tard le 29 janvier 1964. Advenant cette date, les travaux n’étaient pas terminés. Plusieurs fois, mais vainement, l’appelante mit-elle l’intimée en demeure de satisfaire à ses obligations et parfaire l’exécution du contrat. De guerre lasse, elle lui expédia, le 7 août 1964, une lettre lui ordonnant de cesser tout travail sur le chantier.

Par son action en justice, l’intimée réclama à l’appelante la somme de $100,663.32, éventuellement réduite à $54,000, qui lui serait due pour les travaux exécutés. A cette action, l’appelante opposa en défense que les travaux n’avaient été exécutés qu’en partie et de façon non conforme aux plans et devis; et se portant demanderesse reconventionnelle, l’appelante réclama de l’intimée la somme de $113,315.40 à titre de dommages-intérêts lui résultant du retard dans l’exécution des travaux, des malfaçons, défauts et vices cachés et du coût des travaux prévus au contrat et non exécutés.

En Cour supérieure, M. le Juge Puddicombe jugea que par cette lettre du 7 août 1964, l’appelante avait résilié ce contrat à forfait, selon que le permet l’art. 1691 C.C., et qu’en conséquence, elle ne pouvait réclamer pour inexécution des travaux et le savant juge rejeta, en conséquence, la demande reconventionnelle.

[Page 737]

Portée en appel, cette décision fut confirmée sans qu’on ait ajouté aux raisons données en Cour supérieure.

De là l’appel à cette Cour.

L’art. 1691 C.C. statue que:

1691. Le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait pour la construction d’un édifice ou autre ouvrage, quoique l’ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l’entrepreneur de ses dépenses actuelles et de ses travaux et lui payant des dommages-intérêts suivant les circonstances.

Ainsi donc, comme le dit Mignault, Droit civil canadien, tome 7, p. 416:

…à la différence des autres contrats synallagmatiques qui ne peuvent se résilier par la volonté de l’une des parties, le maître peut, par sa seule volonté, mettre fin au contrat de construction d’un édifice ou autre ouvrage.

Cet article, poursuit-il,

…vient au secours du propriétaire, en lui permettant de se désister d’une construction qu’il n’aurait peut-être point les moyens de payer.

Telle n’est pas la situation dans le cas qui nous occupe. Alors que sous l’art. 1691 le maître n’a pas à indiquer à l’entrepreneur les motifs qui peuvent le porter à résilier le marché à forfait, dans l’espèce, la raison qui a porté l’appelante à enjoindre à l’entrepreneur de cesser tout travail, c’est le défaut de celui-ci de satisfaire à ses obligations et c’est ce qui a porté l’appelante à le congédier et à faire parachever les travaux par un autre entrepreneur. Les lettres suivantes en attestent:

La Commission des Écoles Catholiques de Pointe-Claire & Beaconsfield

Catholic School Commission

Pointe-Claire, P.Q. le 23 juin 1964.

RECOMMANDÉE Tétreault Frères Limitée, 1200 avenue de l’Église, Verdun, P. Qué.

Attention: M. Gérard Tétreault, Président.

Sujet: Construction d’école élémentaire — Pointe-Claire.

[Page 738]

Cher Monsieur:

La présente est pour vous souligner que la marche des travaux au projet de construction plus haut mentionné est extrêmement lente et que si un nombre adéquat d’ouvriers spécialisés, tels que menuisiers, finisseurs de ciment, peintres etc., n’est pas au travail de façon continue à partir de vendredi, le 26 courant, force nous sera de recourir à des mesures drastiques sans autre avis ni délai.

Ce contrat, qui est déjà à peu près un an en retard, menace de s’éterniser et c’est notre ferme intention de voir à ce que cet édifice soit à notre disposition, complètement fini et accepté par l’architecte le 15 juillet au plus tard.

La Commission Scolaire est d’avis que ce laps de temps est plus que raisonnable pour parfaire le travail.

Votre tout dévoué,

GÉRARD LEPAGE

GL:ms Surintendant.

La Commission des Écoles Catholiques de Pointe-Claire & Beaconsfield

Catholic School Commission

Pointe-Claire, P.Q. le 10 juillet 1964.

RECOMMANDÉE Tétreault & Frères Limitée, 1200 avenue de l’Église, Verdun, P.Q.

Attention: Monsieur Gérard Tétrault — Président.

Sujet: École élémentaire de Pointe-Claire.

Cher Monsieur:

La présente est pour vous faire part que, tel que discuté entre vous-même, l’architecte du projet et moi-même, la Commission Scolaire de Pointe-Claire et Beaconsfield vous alloue jusqu’au 27 juillet de l’année courante pour parfaire les travaux du projet ci-haut mentionné selon les plans et devis et à la satisfaction de l’architecte.

La partie du contrat qui ne sera pas terminée le 27 juillet 1964, le sera par d’autres que vous-même, mais à vos frais et dépens.

C’est après maintes discussions, plaintes et même menaces que nous en venons à cette décision et soyez assuré qu’elle est irrévocable et qu’elle sera mise en force; le laps de temps alloué est d’ailleurs

[Page 739]

raisonnable, selon les trahisons de votre propre langage.

Soyez donc assez aimable de vous gouverner en conséquence, pour le plus grand bien de tous.

Votre tout dévoué,

GÉRARD LEPAGE

GL:ms Surintendant

La Commission des Écoles Catholiques de Pointe-Claire & Beaconsfield

Catholic School Commission

Pointe-Claire, P.Q. le 7 août 1964.

Tétreault & Frères Limitée, 1200 avenue de l’Église, Verdun, P.Q.

Attention: Monsieur Gérard Tétreault, président.

Sujet: École élémentaire de Pointe‑Claire.

Cher monsieur:

Pour faire suite à nos lettres recommandées des 23 juin et 10 juillet de l’année courante, la Commission des Écoles Catholiques de Pointe-Claire et Beaconsfield vous enjoint, par la présente, de cesser de faire tout travail sur le chantier du projet d’école plus haut mentionné à compter de samedi le 8 août 1964: la Commission vous enjoint également de voir à ne garder aucun ouvrier, spécialisé ou non, sur les lieux du dit chantier à compter de la même date.

L’architecte du projet ainsi que les ingénieurs-conseil feront l’évaluation de l’ouvrage, à compter de lundi matin, le 10 août.

Votre tout dévoué,

GÉRARD LEPAGE

GL:ms Surintendant.

L’intimée a admis, au cours du témoignage de son président, qu’elle ne s’était pas conformée à la lettre du 7 août 1964 et que lorsque, plus tard, elle a quitté les lieux le 24 août 1964, il restait encore des travaux à faire alors que le contrat fixait la date de livraison de l’école au 29 janvier 1964.

En tout respect pour l’opinion contraire, je suis d’avis que l’art. 1691 C.C. n’a pas d’appli-

[Page 740]

cation mais que le cas est régi par les dispositions ci-après de l’art. 1065 C.C.:

1065. Toute obligation rend le débiteur passible de dommage en cas de contravention de sa part; dans les cas qui le permettent, le créancier peut aussi demander l’exécution de l’obligation même, et l’autorisation de la faire exécuter aux dépens du débiteur, ou la résolution du contrat d’où naît l’obligation; sauf les exceptions contenues dans ce code et sans préjudice à son recours pour les dommages-intérêts dans tous les cas.

Il s’ensuit que l’appel doit être accueilli. Il est impossible, cependant, pour cette Cour de disposer complètement du litige étant donné que le jugement de la Cour supérieure est silencieux sur le fond de la demande reconventionnelle et l’appréciation des témoignages rendus relativement à cette demande. Dans cette situation, les procureurs des parties ont été informés qu’à moins d’un accord sur les montants qui peuvent être dus sur la demande principale et la demande reconventionnelle, il faudra référer l’affaire à la Cour supérieure. La Cour est maintenant informée que les parties n’ont pu s’entendre.

Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel, infirmerais le jugement de la Cour supérieure et celui de la Cour d’appel avec dépens en cette Cour et en Cour d’appel; je référerais l’affaire à la Cour supérieure pour que soient déterminés les montants qui peuvent être dus sur la demande principale et la demande reconventionnelle et réserverais à la Cour supérieure l’adjudication quant aux dépens relatifs à la demande principale et la demande reconventionnelle.

Appel accueilli avec dépens.

Procureurs de la défenderesse, appelante: Lacroix, Viau, Bélanger, Pagé, Hébert et Mailloux, Montréal.

Procureur de la demanderesse, intimée: James E. Mullally, Montréal.

[1] [1971] C.A. 18.


Synthèse
Référence neutre : [1973] R.C.S. 735 ?
Date de la décision : 18/10/1972
Sens de l'arrêt : L’appel doit être accueilli

Analyses

Contrat - Construction - Défaut de l’entrepreneur de satisfaire à ses obligations - Retard dans l’exécution des travaux - Résiliation du contrat et parachèvement des travaux par un autre entrepreneur - Code civil art. 1691 et 1065.

L’intimée s’était engagée envers l’appelante à exécuter et terminer des travaux de construction avant une date prévue à la convention. Les travaux n’étant pas terminés à cette date, l’appelante, après avoir vainement mis l’intimée en demeure de satisfaire à ses obligations, lui ordonna de cesser tout travail sur le chantier et fit parachever les travaux par un autre entrepreneur. L’intimée réclama en justice la somme qui lui était due pour les travaux exécutés et l’appelante se portant demanderesse reconventionnelle réclama des dommages-intérêts pour le retard dans l’exécution des travaux, les malfaçons, les défauts cachés et le coût des travaux prévus au contrat et non exécutés. Se basant sur l’art. 1691 du Code civil, la Cour supérieure rejeta la demande reconventionnelle et cette décision fut confirmée par la Cour d’appel. D’où le pourvoi à cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être accueilli.

La raison qui a porté l’appelante à enjoindre à l’entrepreneur de cesser tout travail est le défaut de ce dernier à satisfaire à ses obligations. Le présent cas n’est donc pas régi par les dispositions de l’art. 1691 du Code civil mais par celles de l’art. 1065. Il s’ensuit que l’appel doit être accueilli et l’affaire référée à la Cour supérieure pour détermination des montants dus et adjudication des dépens relatifs à la demande principale et la demande reconventionnelle.


Parties
Demandeurs : Commission des Écoles Catholiques de Pointe-Claire et Beaconsfield
Défendeurs : Tétrault Frères Ltée
Proposition de citation de la décision: Commission des Écoles Catholiques de Pointe-Claire et Beaconsfield c. Tétrault Frères Ltée, [1973] R.C.S. 735 (18 octobre 1972)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1972-10-18;.1973..r.c.s..735 ?
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