La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/1972 | CANADA | N°[1973]_R.C.S._751

Canada | Ledlev Corporation Ltd. c. New York Underwriters Insurance Co., [1973] R.C.S. 751 (18 octobre 1972)


Cour suprême du Canada

Ledlev Corporation Ltd. c. New York Underwriters Insurance Co., [1973] R.C.S. 751

Date: 1972-10-18

Ledlev Corporation Ltd. (Demanderesse) Appelante;

et

New York Underwriters Insurance Company (Défenderesse) Intimée.

1972: les 13 et 14 mai; 1972: le 18 octobre.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Hall, Spence et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la reine[1], province de Québec, infirmant un jugement du Juge C

aron. Appel accueilli.

I.J. Halperin, pour la demanderesse, appelante.

P. Casgrain, c.r., pour la défendere...

Cour suprême du Canada

Ledlev Corporation Ltd. c. New York Underwriters Insurance Co., [1973] R.C.S. 751

Date: 1972-10-18

Ledlev Corporation Ltd. (Demanderesse) Appelante;

et

New York Underwriters Insurance Company (Défenderesse) Intimée.

1972: les 13 et 14 mai; 1972: le 18 octobre.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Hall, Spence et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la reine[1], province de Québec, infirmant un jugement du Juge Caron. Appel accueilli.

I.J. Halperin, pour la demanderesse, appelante.

P. Casgrain, c.r., pour la défenderesse, intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE ABBOTT — L’appelante réclame le montant de $23,226.62, ce qui est, allègue-t-on, la part de responsabilité de l’intimée dans le sinistre en vertu d’une police conjointe d’assurance-incendie — genre de police en vertu duquel plusieurs assureurs se partagent le risque.

Les faits essentiels sont les suivants. Le 4 juillet 1958, l’appelante a acheté à Sherburn Investment Corporation un grand immeuble, rue Parthenais, à Montréal, contenant un certain nombre d’établissements manufacturiers loués à divers locataires. A l’époque de son acquisition par l’appelante, l’immeuble était assuré contre l’incendie en vertu d’une police conjointe souscrite par dix-sept assureurs, dont l’intimée. Émise le 6 février 1958 par l’intermédiaire de l’agence Jennens & Dennis, qui a été remplacée par Jennens, Dennis & Weigens Inc., cette police a été transportée à l’appelante à l’époque où elle a acquis la propriété. Avant l’expiration de la police, l’appelante a communiqué avec la firme Jennens dans le but d’obtenir un renouvellement de la protection contre l’incendie sur ledit immeuble. En temps voulu, une police conjointe de renouvellement a été émise pour une période de trois ans à compter du 6 février 1961. Jennens, Dennis & Weigens (ci-après appelée Jennens) a signé la police au nom de six des treize participants, y compris l’intimée, New

[Page 753]

York Underwriters Insurance Company. Des sept participants restants, six assureurs ont signé la police, chacun en son propre nom, et J.E. Clement Inc. l’a signée probablement à titre de mandataire du septième. L’exemplaire de la police de renouvellement délivré à l’appelante indiquait au recto qu’elle remplaçait la police qui avait expiré le 6 février 1961. L’appelante a payé à la firme Jennens les primes exigibles tant en vertu de la police initiale que de la police de renouvellement.

Un incendie a détruit la propriété assurée le 25 mai 1963, quelque deux ans après l’émission de la police de renouvellement. L’évaluation du sinistre a été faite par une firme d’évaluateurs de Montréal et tous les assureurs participants, sauf l’intimée, ont versé l’indemnité correspondant à leur part respective du risque. Environ six mois après le sinistre, à la suite de lettres échangées avec les évaluateurs, l’intimée a décliné toute responsabilité en invoquant le motif que Jennens n’avait pas été autorisée à la lier en tant que participante à la police conjointe de renouvellement.

Le dossier n’indique pas quelle autorisation, s’il en est, Jennens avait, avant le 16 octobre 1959, de signer des polices conjointes au nom de l’intimée, mais à cette date-là, l’intimée a écrit à Jennens la lettre suivante:

[TRADUCTION] NEW YORK UNDERWRITERS

Insurance Company

Succursale du Québec 410, rue St-Nicolas

Montréal 1

S.T. Doyle

Gérant de la succursale Victor 4-2841

Montréal, le 16 octobre 1959

MM. Jennens & Dennis

43, avenue Westminster-nord

Montréal-ouest (Québec)

Messieurs: Objet: POLICES D’ASSURANCE CONJOINTES

Nous certifions par les présentes que la présente lettre constitue notre approbation quant à la pleine compétence qu’a votre bureau pour signer en notre nom toute police d’assurance conjointe couvrant tout risque, ou tous risques, que nous avons pu autoriser.

[Page 754]

Il est entendu que, en aucun cas, vous ne signerez de police d’assurance conjointe sans, au préalable, nous en avoir soumis les termes et avoir demandé une autorisation.

Recevez, Messieurs, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Le gérant de la succursale,

STD:AML S.T. Doyle

La teneur de cette lettre, écrite environ quinze mois avant l’émission de la police de renouvellement, n’a pas été portée à la connaissance de l’appelante.

L’appelante a obtenu gain de cause au procès, mais un arrêt unanime de la Cour d’appel a infirmé ce jugement.

Le juge de première instance était d’avis que l’appelante n’avait pas réussi à prouver que Jennens avait réellement l’autorisation de signer le contrat de renouvellement, mais il a jugé que les dispositions de l’art. 1730 du Code civil s’appliquaient et a accueilli l’action. La Cour d’appel a convenu que l’appelante n’avait pas réussi à prouver l’autorisation réelle, mais elle est allée plus loin et elle a conclu que la preuve établissait que Jennens n’avait pas l’autorisation de signer au nom de l’intimée, parce que cette dernière avait refusé le risque. Certains éléments de preuve étayent cette conclusion. La Cour d’appel a aussi conclu que l’art. 1730 C.C. ne s’appliquait pas; elle a accueilli l’appel et rejeté l’action.

En ce qui me concerne, voici la seule question en litige devant nous: l’art. 1730 s’applique-t-il dans les circonstances présentes? Cet article se lit comme suit:

1730. Le mandant est responsable envers les tiers qui contractent de bonne foi avec une personne qu’ils croient son mandataire, tandis qu’elle ne l’est pas, si le mandant a donné des motifs raisonnables de la croire.

Les termes de l’article sont clairs. Son application à un cas donné dépend de la détermination de questions qui sont essentiellement des questions de fait.

[Page 755]

Le juge de première instance a conclu que l’appelante a agi de bonne foi et cette conclusion sur les faits était pleinement justifiée. Quant à la seconde condition étudiée, savoir, si l’intimée a donné à l’appelante des motifs raisonnables de croire que Jennens était autorisée à engager la responsabilité de l’intimée en vertu de la police de renouvellement, je pense comme le juge de première instance qu’il faut répondre oui à cette question.

Il faut se rappeler que la police d’assurance en litige ici était le renouvellement d’une police existante et non une nouvelle police au sujet de laquelle des considérations différentes pourraient bien s’appliquer. Il est admis de part et d’autre — et chacun le sait même — qu’un grand nombre de contrats d’assurance de ce genre sont conclus par des agents ou des courtiers qui agissent au nom des deux parties au contrat. En effet, le contrat et la lettre du 16 octobre 1959 montrent qu’il arrive fréquemment que des polices conjointes de ce genre soient signées au nom de l’assureur par un agent ou courtier. En l’espèce, cinq assureurs, autres que l’intimée, paraissent avoir autorisé Jennens à signer le contrat de renouvellement en leur nom. La police initiale et la police de renouvellement portent toutes deux au recto la mention qu’elles ont été émises par l’entremise de l’agence Jennens, qui agissait pour le compte de l’intimée avant l’émission de la police de renouvellement et qui a continué de le faire par la suite.

Comme je l’ai déjà dit, je conviens avec le juge de première instance que l’art. 1730 C.C. s’applique et je suis d’avis d’accueillir l’appel avec dépens en toutes les Cours et de rétablir le jugement de première instance.

Appel accueilli avec dépens.

Procureurs de la demanderesse, appelante: Halperin & Morris, Montréal.

Procureurs de la défenderesse, intimée: Byers, McDougall, Casgrain & Stewart, Montréal.

[1] [1971] C.A. 736.


Sens de l'arrêt : L’appel doit être maintenu

Analyses

Assurance - Incendie - Responsabilité - Police conjointe émise par l’entremise d’une agence - Renouvellement - Refus de paiement de la part de l’un des assureurs - Autorité de l’agence à lier l’assureur - Code civil, art. 1730.

L’appelante a acheté un immeuble qui, au moment de l’acquisition était assuré contre l’incendie en vertu d’une police conjointe souscrite par dix-sept assureurs, dont l’intimée. Cette police émise par l’intermédiaire de l’agence J a été transportée à l’appelante qui, avant son expiration, a demandé et obtenu une police conjointe de renouvellement pour trois ans. Cette police a été signée par l’agence J au nom de six des participants, dont l’intimée, les autres ayant signé chacun en son propre nom. Une lettre adressée par l’intimée à l’agence J quinze mois avant l’émission de la police de renouvellement et autorisant l’agence à signer au nom de l’intimée toute police d’assurance conjointe après lui avoir soumis les termes et demandé une autorisation, n’a pas été portée à la connaissance de l’appelante.

Deux ans après l’émission de cette police de renouvellement, un incendie a détruit la propriété de l’appelante et chacun des assureurs participants a versé l’indemnité correspondant à sa part respective du risque, à l’exception de l’intimée qui a décliné toute responsabilité en invoquant que l’agence J n’avait pas été autorisée à la lier en tant que participante. L’appelante a obtenu gain de cause au procès mais un arrêt de la Cour d’appel a infirmé ce jugement concluant que l’agence n’avait pas l’autorisation de signer au nom de l’intimée et que l’art. 1730 du Code civil ne s’appliquait pas. D’où le pourvoi à cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être maintenu.

Les dispositions de l’art. 1730 du Code civil s’appliquent dans les circonstances présentes. De plus il faut se rappeler que la police d’assurance en litige était le

[Page 752]

renouvellement d’une police existante, et qu’elles portent toutes deux la mention qu’elles ont été émises par l’entremise de l’agence J qui agissait pour le compte de l’intimée avant l’émission de la police de renouvellement et qui a continué de le faire par la suite.


Parties
Demandeurs : Ledlev Corporation Ltd.
Défendeurs : New York Underwriters Insurance Co.

Références :
Proposition de citation de la décision: Ledlev Corporation Ltd. c. New York Underwriters Insurance Co., [1973] R.C.S. 751 (18 octobre 1972)


Origine de la décision
Date de la décision : 18/10/1972
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1973] R.C.S. 751 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1972-10-18;.1973..r.c.s..751 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award