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07/05/1973 | CANADA | N°[1973]_R.C.S._756

Canada | Wood, Wire & Metal Lathers’ International Union et al. c. United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America et al., [1973] R.C.S. 756 (7 mai 1973)


Cour suprême du Canada

Wood, Wire & Metal Lathers’ Int. Union et al. c. United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America et al., [1973] R.C.S. 756

Date: 1973-05-07

Wood, Wire & Metal Lathers’ International Union, Wood, Wire & Metal Lathers’ International Union, Local 207, et Tom Pennington, poursuivant en son nom et au nom de tous les autres membres dudit «Local 207» (Demandeurs) Appelants;

et

United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America et George Bengough, poursuivi personnellement et à titre de représentant de tous l

es autres membres de United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, et United ...

Cour suprême du Canada

Wood, Wire & Metal Lathers’ Int. Union et al. c. United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America et al., [1973] R.C.S. 756

Date: 1973-05-07

Wood, Wire & Metal Lathers’ International Union, Wood, Wire & Metal Lathers’ International Union, Local 207, et Tom Pennington, poursuivant en son nom et au nom de tous les autres membres dudit «Local 207» (Demandeurs) Appelants;

et

United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America et George Bengough, poursuivi personnellement et à titre de représentant de tous les autres membres de United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, et United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, Local 452, poursuivie personnellement et à titre de représentante de tous les syndicats locaux membres du Council of Carpenters de la Colombie-Britannique, et Construction Labour Relations Association of British Columbia (Défendeurs) Intimés.

1973: les 19 et 20 mars; 1973: le 7 mai.

Présents: Les Juges Abbott, Martland, Ritchie, Spence et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[1], confirmant un jugement du Juge Macdonald. Appel rejeté, le Juge Laskin étant dissident.

John Laxton, pour les demandeurs, appelants.

H.E. Hutcheon, c.r., et R.R. Holmes, pour les défendeurs, intimés.

Le jugement des Juges Abbott, Martland, Ritchie et Spence a été rendu par

LE JUGE SPENCE — Il s’agit d’un pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique prononcé le 10 janvier 1972. Par cet arrêt, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique rejetait un appel du jugement de M. le Juge Macdonald, prononcé le 9 juillet 1971 (la minute de l’ordonnance porte la date du 12 juillet 1971). M. le Juge Macdonald rejetait l’action des demandeurs.

Le 15 août 1970, l’intimé, le Local 452 des charpentiers et menuisiers d’Amérique, concluait une convention collective avec Construction Labour Relations Association (association des relations ouvrières de la construction) of British Columbia. La clause 14.01 de cette convention se lit comme suit:

[TRADUCTION] CLAUSE 14 — RECONNAISSANCE DE COMPÉTENCE

14.01 Le domaine de travail spécifique suivant est reconnu comme étant de la compétence de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique (United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America).

Les travaux connexes à l’installation, l’érection et (ou) l’application de tous les matériaux et éléments de construction de murs et cloisons, sans égard à la composition des matériaux ou à la méthode ou façon

[Page 759]

de les installer, poser, ou assembler, y inclus, mais de façon non limitative, les suivants: tous les coulisseaux de plancher et de plafond, montants, raidisseurs, croisillons, profilés paraflamme souples, profilés pour fourrure, portes et fenêtres et leurs cadres, boiseries d’encadrement, moulures, boiseries accessoires, panneaux de revêtement mural sec, panneaux de plâtre lamellé pour sous-couche, panneaux de finition, l’ignifugation des poutres et des poteaux, l’ignifugation des conduits, les matériaux d’insonorisation et de calorifugeage, les dispositifs de fixation des appareils d’éclairage et leur mise en place, la préparation des ouvertures pour l’éclairage, pour les bouches d’air et pour d’autres fins, et tous les travaux nécessaires ou connexes y afférents.

Lorsque le pourvoi est venu pour audition en cette Cour, on a produit la preuve qu’une autre convention est maintenant en vigueur, ayant été signée le 3 août 1972, nous a-t-on dit. Ces conventions renferment une clause 14.01 couchée exactement dans les mêmes termes. En dépit du fait que la convention collective initiale est périmée depuis longtemps, et vu qu’aucun pourvoi ne pourrait être interjeté en cette Cour avant l’expiration de la convention collective habituelle, cette Cour a entendu le pourvoi, adoptant le principe énoncé par M. le Juge Cartwright, alors juge puîné, dans International Brotherhood of Electrical Workers, Local Union 2085 c. Winnipeg Builders’ Exchange[2], aux pp. 636 et 637.

C’est la signature d’une convention renfermant cette clause 14.01 que les demandeurs allèguent comme cause d’action dans la présente action.

Les appelants et l’intimée, la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique, et d’autres syndicats, constituent le Département des métiers de la construction de la FAT-COI (Building and Construction Trades Department of the AFL-CIO). Le Département et l’association d’employeurs des entrepreneurs participants ont conclu une convention détaillée intitulée [TRADUCTION] «Plan de règlement des conflits de compétence à l’échelle nationale et à l’échelle locale». Ce plan fut produit au procès

[Page 760]

comme pièce et on l’a appelé tout au long le «Livre vert». L’essentiel du plan est énoncé à l’art. II, s. 1, dans les termes suivants:

[TRADUCTION] Section 1. Comité conjoint. — Sera constitué un Comité conjoint national pour le règlement des conflits de compétence dans l’industrie de la construction.

La section 4 dudit art. II stipule:

[TRADUCTION] Section 4. Il est du devoir du Comité conjoint d’examiner et de juger les affaires de conflit de compétence dans l’industrie de la construction, lesquelles peuvent lui être soumises par tout syndicat international engagé dans le conflit, ou par un employeur directement touché par le conflit dans les travaux dans lesquels il est engagé, ou par un organisme participant représentant un tel employeur.

L’article III, s. 9 du Livre vert stipule:

[TRADUCTION] Section 9. Commet une infraction à la présente convention tout syndicat local, syndicat international, employeur ou association d’employeurs qui passe une convention, résolution ou stipulation qui tente d’établir une compétence s’écartant de l’esprit et de l’intention des Convention et Règles de procédure du Plan de Comité conjoint.

Lorsque le Comité conjoint reçoit une protestation relative à une infraction alléguée d’un syndicat international, d’un employeur ou d’une association d’employeurs, il doit entreprendre de rendre une décision et de déterminer les mesures correctives à adopter compatibles avec les obligations juridiques applicables des parties.

L’omission des parties d’accepter la décision du Comité conjoint sous le régime de cet alinéa doit être traitée de la même manière qu’un refus de se conformer à une décision de chantier.

Il est prévu à l’art. II, 1 du Livre vert que le président et le Comité conjoint ont compétence pour établir les règles de procédure et l’administration efficace de la convention, avec l’approbation du comité mixte de négociation, pourvu que ces règles et pratiques soient compatibles avec les dispositions expresses de la convention. En vertu de ce pouvoir fut établi un document intitulé [TRADUCTION] «Règles et règlements de procédure du Comité conjoint national visant le règlement par lui des conflits de compétence, et Procédure des commissions d’appel». Un exemplaire de ce document fut produit

[Page 761]

comme Pièce 2 au procès, qu’on a appelée tout au long le «Livre bleu». Je cite une partie de ces règles de procédure:

[TRADUCTION] RESPONSABILITÉS DE L’ENTREPRENEUR

1. Les entrepreneurs qui concèdent des travaux à des sous-traitants doivent stipuler que les sous-traitants sont liés par la convention établissant le Comité conjoint national et les règles de procédure de ce dernier dans l’attribution des tâches.

2. L’entrepreneur responsable de l’exécution et de l’installation doit faire une attribution spécifique des tâches. Par exemple, si l’entrepreneur A concède certains travaux à l’entrepreneur B, ce dernier a alors la responsabilité d’attribuer spécifiquement les tâches prévues à son contrat. Si l’entrepreneur B à son tour concède certains travaux à l’entrepreneur C, celui-ci a alors la responsabilité d’attribuer spécifiquement les tâches prévues à son contrat. C’est une infraction au Plan, de la part de l’entrepreneur, que de retarder l’exécution des tâches en litige ou de fermer un chantier à cause d’un conflit de compétence.

3. L’attribution à faire par l’entrepreneur doit se faire sur la base suivante:

a) Lorsqu’une décision consignée s’applique aux tâches en litige, ou lorsqu’une convention consignée intervenue entre les syndicats de métier en conflit s’applique aux tâches en litige, l’entrepreneur doit attribuer les tâches en conformité de cette convention ou décision consignée. Les conventions et décisions consignées sont rapportées dans le «Livre vert» publié par le Département des métiers de la construction, FAT-COI (Conventions et décisions rendues touchant l’industrie de la construction). Lorsque s’applique une convention nationale entre les syndicats de métier en conflit qui a été produite au Comité conjoint et attestée par le président, même si elle n’a pas été consignée, l’entrepreneur doit attribuer les tâches conformément à telle convention. En négociant semblables conventions nationales entre les syndicats internationaux, la consultation auprès des groupes gestionnaires appropriés au sujet de la conclusion de conventions entre les syndicats internationaux est souhaitable et devrait être effectuée.

Les décisions consignées s’appliquent à tous les syndicats de métier. Les conventions consignées s’appliquent seulement à leurs parties signataires.

b) Lorsqu’aucune décision ou convention prévue à l’al. a) s’applique, l’entrepreneur doit attribuer les

[Page 762]

tâches en litige conformément à la pratique qui prévaut dans la localité. La localité aux fins de déterminer la pratique qui prévaut, doit ordinairement être définie comme étant la circonscription géographique du conseil local des métiers de la construction où se trouve le chantier.

c) Si un conflit a pris naissance avant l’attribution spécifique des tâches lorsqu’aucune décision ou convention prévue à l’al. a) ne s’applique, ou lorsqu’il n’y a pas de pratique prédominante dans la localité, l’entrepreneur doit néanmoins faire une attribution spécifique au meilleur de sa connaissance après avoir consulté les représentants des syndicats de métier en conflit et avoir pris en considération les arguments et les faits que les syndicats de métier ont bien voulu faire valoir relativement aux décisions ou conventions consignées applicables, ou à la pratique dans la localité. L’entrepreneur doit aussi consulter les associations locales d’entrepreneurs dans la localité à l’égard de la pratique établie.

4. Lorsqu’un entrepreneur a fait une attribution de tâches, il doit maintenir l’attribution sans modification, sauf indication contraire du Comité conjoint ou convention intervenue entre les syndicats internationaux en cause.

a) (Non pertinent)

b) Le commencement de travaux par des hommes de métier, sans une attribution spécifique de l’entrepreneur responsable, n’est pas considéré comme une attribution initiale à ces hommes de métier, pourvu que l’entrepreneur responsable ou son mandataire autorisé, sans délai et en tout état de cause dans les huit heures ouvrables qui suivent le début des travaux, prenne des mesures positives pour arrêter l’exécution non autorisée des travaux par ces hommes de métier.

5. Advenant un débrayage, ou une menace de débrayage, ou une cessation de travaux, découlant d’un conflit de compétence à la suite d’une attribution de tâches, l’entrepreneur est tenu d’aviser immédiatement le président du Comité conjoint, 815 16th Street, N.W., Washington, D.C. 20006.

(Suit une disposition portant sur le contenu de l’avis.)

Vient ensuite une section intitulée [traduction] «Responsabilités du syndicat» et j’en cite les pars. 1 et 2:

[TRADUCTION] 1. La convention stipule (Art. V, section 1) que «Dans l’attente d’une décision du Comité, ou d’une convention intervenue par l’intermédiaire du

[Page 763]

bureau du président du Comité conjoint, il ne doit pas y avoir de débrayage à cause d’un conflit de compétence.

2. Lorsqu’un entrepreneur a fait une attribution spécifique de tâches, tous les syndicats doivent demeurer au travail et soumettre toute plainte relative à un conflit de compétence conformément à la procédure établie aux présentes par le Comité conjoint. Tout syndicat qui fait une protestation selon laquelle un entrepreneur a omis d’attribuer des tâches conformément à la procédure énoncée ci-dessus, doit demeurer au travail et soumettre sa plainte par l’intermédiaire de son bureau international. Il est interdit au Comité conjoint de prendre des mesures à l’égard de protestations émanant directement de syndicats locaux ou de conseils locaux des métiers de la construction.

Il semble que le syndicat appelant aussi bien que le syndicat intimé se soient pleinement prévalus du droit que donne le Livre vert de soumettre les conflits de compétence au Comité conjoint. Le Comité conjoint s’est rendu compte qu’il était complètement entravé par une abondance de tels conflits. Conséquemment, au mois de mai 1965 les présidents des deux syndicats industriels ont conclu ce qu’on a appelé tout au long des procédures la «convention de statu quo» du différend portant sur l’installation de plafonds suspendus et de montants métalliques pour recevoir le revêtement en panneaux secs. Cette convention de statu quo est intervenue sans formalités. Le président de chacun des deux syndicats a envoyé un télégramme au Comité conjoint national. Le télégramme du président du syndicat appelant, M. Sal Maso, est rédigé dans les termes suivants:

[TRADUCTION]

RÈGLEMENT DES CONFLITS DE COMPETENCE 815 SIXTEENTH STREET NW WASHINGTON DC

SUITE DISCUSSION TÉLÉPHONIQUE AUJOURD’HUI AVEC PRÉSIDENT HUTCHESON DES CHARPENTIERS NOUS AVONS CONVENU ENTRE NOUS DE NOMMER COMITÉS DE TROIS DE CHAQUE ORGANISATION POUR ESSAYER RÈGLER NOS DIFFÉRENDS VISANT PLAFONDS ET MONTANTS MÉTALLIQUES POUVANT ÊTRE CLOUÉS OU VISSÉS POUR RECEVOIR REVÊTEMENT EN PANNEAUX SECS. NOUS AVONS AUSSI CONVENU QUE NOS POSITIONS SUR CES DEUX POINTS

[Page 764]

DEMEURERONT STATU QUO DANS ATTENTE RÉSULTATS POURPARLERS PRÉSIDENT HUTCHESON DOIT VOUS TÉLÉGRAPHIER AUSSI APPRÉCIERAIS QUE VOUS LE CONFIRMIEZ COPIE DU PRÉSENT TÉLÉGRAMME EST ENVOYÉE AU PRÉSIDENT HUTCHESON

«MASO»

Et le président du syndicat intimé a envoyé un télégramme au même effet, rédigé dans les termes suivants:

[TRADUCTION]

WESTERN UNION TELEGRAM

12 mai, 1965

National Joint Board

815 Sixteenth Street NW

Washington DC

ATTN WM Cour

Suite discussion téléphonique aujourd’hui avec président Maso des latteurs internationaux, nous avons convenu entre nous de nommer comité de trois de chaque organisation pour essayer régler nos différends visant plafonds et montants métalliques. Nous avons aussi convenu que le travail visé par ces deux points demeurera statu quo dans attente résultats pourparlers ou décision par un jury de revision. Président Maso vous télégraphiera aussi et j’apprécierais que vous le confirmiez. Copie de ce télégramme est envoyée au président Maso.

MAH:em M.A. HUTCHESON

PRÉSIDENT GÉNÉRAL

La brièveté de ces deux télégrammes a été considérablement compensée par une lettre écrite par William J. Cour, président du Comité conjoint national, et adressée aux deux présidents susdits; cette lettre, datée du 10 juin 1965 dans un cas et du 11 juin 1965 dans l’autre, se lit comme suit:

Le 10 juin 1965 «11 juin 1965»

M. Maurice A. Hutcheson, président général

Fraternité unie des charpentiers et menuisiers

101 Constitution Avenue, N.W.

Washington, D.C. 20001

Mon cher Maurice,

La présente lettre a trait à la réunion tenue avec vous et le président Maso dans les bureaux du Comité conjoint le 9 juin 1965, au cours de laquelle

[Page 765]

nous avons discuté certaines questions de compétence entre vos syndicats internationaux respectifs.

Je comprends que suite à cette réunion il est clairement entendu que la déclaration sur le statu quo que mentionne votre télégramme du 12 mai 1965 est applicable à tous vos syndicats locaux affiliés, y compris ceux qui se trouvent dans des zones relevant de la compétence de comités locaux reconnus. Mon interprétation de votre déclaration sur le statu quo, c’est que les travaux se poursuivront conformément à l’attribution de l’entrepreneur et que ni votre syndicat, ni l’Union internationale des latteurs ne traiteront d’affaires où il est question de montants métalliques, coulisseaux de plafond et de plancher compris, destinés à recevoir des revêtements en panneaux secs, ou d’affaires où il est question de plafonds suspendus, devant le Comité conjoint national, les comités locaux ou la commission nationale des relations de travail pendant que vos comités respectifs seront saisis de ces conflits de compétence et tenteront de les régler.

J’espère sincèrement que les efforts de vos comités respectifs seront couronnés de succès. Si je puis vous être utile, je vous prie de me le faire savoir.

Sincèrement vôtre

Le président,

WILLIAM J COUR

WJC/lp

c.c. M. Sal Maso — Latteurs

Commission d’appel

M. le Juge d’appel Tysoe, dans les motifs qu’il a rédigés au nom de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, a signalé que les parties ont convenu que l’interprétation donnée à la «convention de statu quo» par M. William J. Cour dans cette lettre-là est une interprétation juste de ladite convention.

C’est la prétention de l’appelante que l’application de la clause 14.01 de la convention collective précitée contrevient à la convention de statu quo parce qu’elle ne permet pas aux entrepreneurs d’agir conformément à une attribution par un entrepreneur, c’est-à-dire conformément à la responsabilité de l’entrepreneur suivant les règles de procédure que j’ai déjà citées, et qu’il y a donc eu contravention non seulement de la convention de statu quo mais aussi de la s. 9 de l’art. III du Livre vert, que j’ai également citée.

[Page 766]

Les appelants ont lancé un bref dans lequel ils ont réclamé des dommages-intérêts pour violation de contrat, des dommages-intérêts pour contrainte et intimidation à l’égard des entrepreneurs dans le but de persuader ou de tenter de persuader les entrepreneurs et les sous-traitants de ne pas attribuer de tâches aux demandeurs, et une injonction ordonnant aux défendeurs et à chacun d’eux de s’abstenir de contraindre et d’intimider les entrepreneurs en les persuadant ou en tentant de les persuader de ne pas attribuer de tâches aux demandeurs. Le bref n’a pas été signifié à la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique, ni à George Bengough, et les dommages-intérêts ont été réclamés seulement contre la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique, Local 452.

M. le Juge Macdonald, à la suite du procès, a rejeté l’action en concluant avec l’énoncé suivant:

[TRADUCTION] A mon avis, les documents ne comprennent ni n’englobent aucun contrat par lequel les syndicats défendeurs s’engagent à ne pas conclure de convention qui tente d’établir une compétence s’écartant de l’esprit et de l’intention des convention et règles de procédure. Le contrat, en des termes bien précis, stipule autre chose, soit qu’une telle conduite constituera une violation de la convention du Livre vert, rendant le syndicat responsable sujet à des conséquences prescrites. La Convention de statu quo, quand on l’ajoute au Livre vert et au Livre bleu et qu’on l’interprète en regard de ces livres, ne sert en rien à étayer une conclusion qu’il y a dans le contrat la stipulation de ne pas faire qui est essentielle à la cause des demandeurs. Ce qu’elle fait, c’est de rendre l’attribution du sous-traitant encore plus importante, parce que les parties conviennent qu’elle subsistera sans appel au Comité conjoint.

En Cour d’appel, M. le Juge Davey, Juge en chef de la Colombie-Britannique, aurait accueilli l’appel en partie et accordé aux demandeurs des dommages-intérêts s’élevant à la somme de $1,000, sur laquelle les parties s’étaient entendues avant le procès comme étant le juste montant des dommages. Le Juge en chef aurait rejeté la demande d’injonction.

[Page 767]

En énonçant ses motifs au nom de la majorité de la Cour d’appel, M. le Juge Tysoe a dit:

[TRADUCTION] La première question à trancher est de déterminer si, comme le soutient l’intimée, cette action en justice est prématurée parce que les appelants n’ont fait aucune tentative d’épuiser les recours internes accessibles à l’intérieur du Département des métiers de la construction de la FAT-COI. Il est établi que semblable tentative n’a pas été faite. Les appelants allèguent qu’ils n’ont pas l’obligation de se prévaloir d’abord de ces recours. Ainsi, affirment les appelants, leur action est susceptible d’être accueillie.

Terminant un jugement circonstancié et très soigneusement étayé, M. le Juge d’appel Tysoe a dit:

[TRADUCTION] Je suis aussi d’avis que les appelants ont stipulé et convenu que semblable conflit devait être réglé et résolu conformément au Plan établi par ledit Département et exposé dans le Livre vert. De plus, ils ont convenu de ne pas entamer de procédures judiciaires concernant ledit conflit de compétence sans avoir d’abord épuisé les recours internes qui leur sont accessibles en vertu dudit Plan. Je suis en outre d’avis qu’un droit de protester devant le Comité conjoint national est à la disposition des appelants et que le Comité a compétence pour connaître de cette protestation et pour prescrire les effets qui s’ensuivront s’il est fait droit à la protestation dans le cadre, évidemment, des pouvoirs conférés au Comité par les dispositions du Livre vert ou du Livre bleu. Il s’ensuit que, les appelants n’ayant pas tenté de faire valoir leur droit de protestation, la présente action a été intentée prématurément et les cours ne peuvent connaître de la demande.

Je rejetterais l’appel.

M. le Juge d’appel MacLean a signifié son assentiment au rejet de l’appel pour les motifs énoncés par M. le Juge d’appel Tysoe.

Considérons d’abord l’interprétation et l’application de la convention de statu quo et, à cette fin, utilisons la lettre de M. Cour, président du Comité conjoint, adressée aux présidents du syndicat appelant et du syndicat intimé et datée des 10 et 11 juin 1965, puisque les parties se sont mises d’accord pour reconnaître que cette lettre interprète correctement la convention de statu quo et constitue un contrat entre le syndi-

[Page 768]

cat appelant et le syndicat intimé. J’en reproduis un extrait:

[TRADUCTION] Mon interprétation de votre déclaration sur le statu quo, c’est que les travaux se poursuivront conformément à l’attribution de l’entrepreneur et que ni votre syndicat, ni l’Union internationale des latteurs ne traiteront d’affaires où il est question de montants métalliques, coulisseaux de plafond et de plancher compris, destinés à recevoir des revêtements en panneaux secs, ou d’affaires où il est question de plafonds suspendus, devant le Comité conjoint national, les comités locaux ou la commission nationale des relations de travail pendant que vos comités respectifs seront saisis de ces conflits de compétence et tenteront de les régler.

Le conflit fut réglé pour ce qui est des plafonds mais le comité n’est pas encore arrivé à une décision en ce qui a trait aux montants métalliques et au revêtement mural sec, et les parties sont d’accord que tout ce que prévoit la convention de statu quo est toujours en vigueur. Les circonstances dans lesquelles cette convention est intervenue doivent être prises en considération en l’interprétant. Je l’ai déjà souligné, le Comité conjoint national était inondé, et même entravé, par une surabondance de conflits de chantier, c’est-à-dire de conflits dans lesquels un syndicat contestait l’attribution à un autre syndicat de tâches prévues dans un contrat. Je suis arrivé à la ferme conclusion qu’une telle situation était la seule visée par la convention de statu quo, de sorte que cette série de protestations portant sur l’attribution à des syndicats ou à d’autres de tâches prévues dans un contrat devait être tenue en suspens jusqu’à ce qu’une politique générale soit élaborée. Je souligne que ce n’est pas cette question qui est en litige entre les syndicats appelant et intimé, mais plutôt la question de savoir si les intimés ont violé les dispositions de la convention principale contenue dans le Livre bleu et le Livre vert et, aussi, la Constitution du Département des métiers de la construction FAT-COI. Ce dernier document a été produit au procès comme pièce 38 et tout au long des procédures on l’a appelé le «Livre jaune». Pour mes propres fins, il est nécessaire de citer des parties seulement des articles II, X et XI comme suit:

[Page 769]

[TRADUCTION]

ARTICLE II

Buts et Principes

Les buts et les principes de l’organisme sont:

6. Assurer le règlement pratique de conflits de compétence et de métiers surgissant de temps à autre dans l’industrie des métiers de la construction; et de telles décisions sont finales et lient tous les syndicats nationaux et internationaux affiliés et leurs syndicats locaux affiliés.

8. Promouvoir la paix industrielle et faire naître une entente plus harmonieuse entre employeurs et salariés.

12. Protéger les syndicats nationaux et internationaux affiliés au Département, relativement à la compétence professionnelle qui est établie en leur faveur dans l’industrie des métiers de la construction, et qui leur est accordée et conférée depuis toujours par l’American Federation of Labor et qu’ils exercent traditionnellement.

ARTICLE X

Conflits de compétence

Tous les conflits de compétence entre ou parmi les syndicats nationaux et internationaux affiliés et leurs syndicats locaux affiliés et les employeurs sont réglés et résolus d’après le plan actuel établi par le Département des métiers de la construction, ou tout autre plan ou mode de procédure adopté à l’avenir par le Département pour régler les conflits de compétence. Ledit plan actuel ou tout autre plan adopté à l’avenir est tenu pour final et comme liant le Département et tous les syndicats nationaux ou internationaux affiliés et leurs syndicats locaux affiliés.

ARTICLE XI

Épuisement des recours et des appels

Section 1. Aucun syndicat national ou international affilié ou syndicat local y affilié, conseil local ou d’État des métiers de la construction, ne doit, pour ce qui est d’une question relevant de la compétence du Département, recourir à des procédures judiciaires contre le Département ou un syndicat national ou international affilié ou un syndicat local y affilié, sans avoir préalablement épuisé les recours internes accessibles dans le Département. Les syndicats nationaux et internationaux affiliés, et les conseils locaux ou d’État des métiers de la construction doivent s’en tenir à la procédure suivante:

[Page 770]

A. Les appels d’une mesure quelconque prise par tout conseil d’État ou local des métiers de la construction peuvent être interjetés auprès du président du Département.

B. Les appels de toute décision du président du Département peuvent être interjetés dans les trente (30) jours auprès du conseil exécutif.

C. Les appels de toute décision du conseil exécutif peuvent être interjetés au prochain congrès et doivent être déposés auprès du Département au plus tard soixante (60) jours après la décision du conseil exécutif.

Il est manifeste que l’un des buts et principes énoncés à l’art. II, s. 6, est d’assurer le règlement pratique des conflits de métiers et de compétence dans l’industrie de la construction… et que l’art. X prévoit que tous les conflits de compétence entre ou parmi les syndicats nationaux et internationaux affiliés et leurs syndicats locaux affiliés et les employeurs doivent se régler conformément au plan actuel établi par le Département des métiers de la construction, ou à tout autre plan ou mode de procédure adopté à l’avenir. Je pense comme M. le Juge d’appel Tysoe que le «plan actuel» était celui qui est exposé dans le Livre vert et que le «plan futur» comprenait celui qui est exposé dans le Livre bleu. L’article XI renferme un code complet des étapes de la procédure et prévoit un engagement clair de ne pas recourir à des procédures judiciaires sans avoir au préalable épuisé tous les recours internes accessibles dans le Département, c’est-à-dire, les recours dont j’ai fait mention. Les appelants n’ont pas tenté d’agir conformément aux dispositions de la Constitution, du Livre bleu ou du Livre vert, mais ont intenté une action devant les tribunaux ordinaires de la Colombie-Britannique, cherchant seulement à utiliser le Livre vert et le Livre bleu comme fondement de leur cause d’action.

Le Comité judiciaire du Conseil privé, dans l’affaire White v. Kuzych[3], a eu à se prononcer sur un pourvoi interjeté depuis la Cour d’appel de la Colombie-Britannique et concernant des

[Page 771]

syndicats ouvriers. L’intimé, qui avait été membre du syndicat ouvrier appelant, avait été trouvé coupable par un comité du syndicat de certaines infractions et, à l’assemblée générale du syndicat, avait été expulsé. L’intimé, sans avoir au préalable interjeté appel à la fédération des conclusions du rapport et de la résolution d’expulsion, entama une action par laquelle il réclamait une déclaration qu’il n’avait pas été expulsé validement des effectifs du syndicat. Le Comité judiciaire a statué que l’intimé était tenu de prendre diverses mesures prévues par la constitution du syndicat en vue de l’appel de la décision du comité et de l’assemblée générale et que, ayant omis de ce faire, son action était prématurée. Le pourvoi fut donc accueilli et l’action rejetée. Comme l’a fait M. le Juge d’appel Tysoe, je cite l’avant-dernier alinéa de ce jugement.

[TRADUCTION] Leurs Seigneuries sont donc contraintes de décider que la conclusion tirée par le comité général était sujette à appel. Et elles doivent respectueusement désavouer à la fois la justesse et la pertinence de l’opinion qu’il eût été inutile que l’intimé interjetât appel parce que la fédération aurait indubitablement décidé contre lui. Elles ne voient pas pourquoi la fédération, si elle est saisie de l’appel, doit être présumée incapable d’accorder son attention honnête à une plainte d’injustice ou de sévérité excessive, et de s’efforcer d’arriver à la décision finale juste. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un appel que, de par son contrat, l’intimé était tenu de poursuivre avant de pouvoir intenter sa demande en justice. Il ne l’a pas fait, et pour ce motif leurs Seigneuries recommanderont humblement à Sa Majesté l’accueil du pourvoi.

Selon moi, la décision dans White c. Kuzych et les nombreuses autres décisions rendues dans le même sens s’appliquent avec une égale force à la situation qui oppose les appelants et les intimés. Je suis d’accord avec M. le Juge d’appel Tysoe que les syndicats peuvent légalement s’obliger dans une convention stipulant que, dans le cas d’un conflit de compétence s’élevant entre eux, le litige doit être déféré au Comité conjoint national et ils n’auront pas recours aux tribunaux.

[Page 772]

Les appelants prétendent ne pas être tenus d’épuiser les recours Internes avant de recourir aux tribunaux ordinaires pour le motif que la réparation obtenue dans les tribunaux internes ne pourrait aller au delà d’une déclaration favorable à leur prétention et que le Comité conjoint international ne pourrait pas accorder de dommanges-intérêts ni d’injonction. Je fais mienne la brève réponse donnée à cette prétention par M. le Juge d’appel Tysoe, savoir, que si les sanctions sont sans effet, elles sont les sanctions auxquelles les deux syndicats ont souscrit et ceux-ci sont tenus de donner suite à leur convention. Je sais qu’il y a une série de causes dans lesquelles les tribunaux ordinaires ont reçu et considéré des litiges soumis par des parties à des conventions semblables à celle qui est en cause, alors que la partie qui avait soumis le litige avait omis de franchir toutes les étapes de procédure prescrites dans la convention. De toutes ces affaires, la plus importante pour les fins qui nous occupent est peut-être celle de Orchard c. Tunney[4]. Dans cette affaire-là, M. le Juge en chef Williams, de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, avait accueilli l’action de l’intimé qui réclamait une déclaration énonçant qu’il était encore membre d’un syndicat local malgré sa suspension dudit syndicat, décrétée en des termes qui équivalaient à une expulsion. La Cour d’appel du Manitoba, dans son jugement rapporté à (1955) 15 W.W.R. 49, a rejeté l’appel, et M. le Juge Adamson, Juge en chef du Manitoba, a décidé la question d’omission d’épuisement des voies de recours internes en examinant les dispositions portant sur ces recours internes et la façon dont le syndicat avait traité l’affaire, et il a dit à la page 59:

[TRADUCTION] Je conclus que les dispositions relatives aux appels sont déraisonnables, impraticables et inefficaces. Je conclus aussi que l’exécutif général du syndicat n’a pas pris de dispositions raisonnables en vue de l’audition et de la décision de l’appel. Le demandeur n’avait, en fait, aucun moyen d’obtenir un redressement si ce n’est par voie de poursuites judiciaires.

[Page 773]

En cette Cour, la question de la nécessité d’épuiser les voies de recours interne fut traitée quelque peu différemment. M. le Juge Rand dit, à la p. 439:

[TRADUCTION] L’effet de l’article 45, c’est que la conclusion du comité demeure conditionnelle jusqu’à ce que, par ratification, elle devienne accomplie. En vertu de l’art. XVIII, section 20, des règles internationales, on peut interjeter appel de la «décision du comité exécutif local» devant le comité exécutif général. En l’absence de confirmation, il n’y a pas eu de décision et la condition d’interjeter ou permettre un appel n’est pas intervenue.

Le jugement de la Cour d’appel du Manitoba ne fut modifié que pour en retrancher l’adjudication faite contre les appelants en leur qualité de représentants, mais il fut confirmé quant au reste.

Dans Bimson v. Johnston[5], M. le Juge Thompson a rendu jugement en faveur du demandeur dans une affaire de conflit syndical en dépit de l’omission de ce dernier d’épuiser les voies de recours internes conformément à la constitution, jugeant que la suspension du demandeur allait à l’encontre du principe de la justice naturelle et qu’elle était ultra vires et que, par conséquent, dire que le demandeur avait omis d’épuiser les voies de recours sous le régime des règles de l’association ne constituait pas un moyen de défense. M. le Juge Thompson a ajouté, à la p. 541:

[TRADUCTION] Quel que soit le résultat des affaires antérieures à la lumière de la décision finale dans l’affaire Tunney, il est maintenant établi que dans les causes où la décision d’un tribunal de compétence de première instance est nulle ou est non avenue par défaut de compétence ou est ultra vires, de façon à ne rien avoir d’une véritable décision, généralement parlant les conditions visant l’épuisement des droits et des recours prévus par la réglementation interne sont inefficaces pour prévenir le recours aux tribunaux. Il en va de même a fortiori lorsque les dispositions relatives aux recours internes sont simplement habilitantes.

Si l’on applique ce raisonnement à la présente affaire, le moyen de défense fondé sur la prématurité doit être écarté.

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Le jugement de la Cour d’appel est publié à (1958), 12 D.L.R. (2d) 379. Dans ses motifs, M. le Juge Porter, Juge en chef de l’Ontario, a dit ne pas être certain que les responsables du syndicat défendeur aient agi de mauvaise foi, mais il a conclu:

[TRADUCTION] Puisqu’ils ont outrepassé leurs pouvoirs, même s’ils peuvent avoir agi de bonne foi, le demandeur a droit à ce que jugement soit rendu en sa faveur.

Dans Gee v. Freeman et al.[6], M. le Juge Wilson, en Cour suprême de la Colombie‑Britannique, a refusé de rejeter pour cause de recours non épuisés l’action d’un demandeur, pour le motif que les dispositions de la constitution du syndicat quant à l’appel étaient impraticables et inefficaces. Je pense comme M. le Juge d’appel Tysoe qu’aucun des arrêts cités, ou des autres arrêts qui ont décidé dans le même sens, s’applique en la présente espèce. Personne n’a prétendu que le droit de protester auprès du Comité conjoint national est déraisonnable et impraticable, et il n’y a pas eu d’allégation que le tribunal interne a agi inconstitutionnellement, puisque ce tribunal, n’ayant pas été appelé à trancher le litige, n’a pas agi du tout. Je suis donc d’avis que les appelants étaient obligés de par leurs conventions contenues dans le Livre vert, le Livre bleu et le Livre jaune d’épuiser au préalable leurs recours au tribunal interne, et que, tant qu’ils n’épuisaient pas ces recours, ils étaient empêchés de recourir aux tribunaux ordinaires. Je pense donc que l’action des appelants est prématurée.

Je suis d’avis de rejeter le pourvoi et de confirmer le jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique. Les intimés ont droit à leurs dépens dans toutes les Cours.

LE JUGE LASKIN (dissident) — Les questions en litige dans le présent pourvoi, telles que plaidées devant cette Cour, opposent l’appelant, le local 207 de l’Union internationale des latteurs (Wood, Wire & Metal Lathers, International Union) et l’intimé, le local 452 de la

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Fraternité Unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique (United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America). Dans l’intitulé de cause en l’instance, laquelle a commencé le 31 juillet 1970, on voit, entre autres, les syndicats internationaux respectifs figurant comme parties distinctes ainsi que la Construction Labour Relations Association de la Colombie‑Britannique, une organisation d’entrepreneurs en construction. Cette dernière fut d’abord exclue des procédures, puis plus tard de nouveau jointe à l’instance à titre de défenderesse, mais elle fut dispensée de participer sur engagement de sa part de se soumettre à tout jugement pouvant la toucher en sa qualité de partie à une convention collective du 14 août 1970 conclue avec le British Columbia Provincial Council of Carpenters, dont le Local 452 est un membre. Il est admis que le Local 452 était lié par cette convention collective comme partie à ladite convention.

En dépit des ramifications du litige entre les deux locaux concurrents, illustrées par des demandes interlocutoires d’injonction et de suspension d’action (levée lors d’un appel) et passées en revue en première instance et en appel sur le fond, il y a, à mon avis, seulement trois questions à examiner. Ce sont: premièrement, celle de savoir si le local 452 a enfreint ce qu’on a appelé une convention de statu quo du 10 juin 1965, que les deux locaux admettent être toujours en vigueur; deuxièmement, celle de savoir si, advenant qu’il y ait eu infraction, le recours aux tribunaux pour remédier à la situation fut prématuré pour cause d’obligation de recourir initialement à des procédures internes; et, troisièmement, si le recours aux procédures internes n’était pas requis, celle de savoir si, outre ses dommages-intérêts fixés d’un commun accord à la somme symbolique de $1,000, le Local 207 avait droit à une injonction en vue de faire cesser l’infraction alléguée et de faire cesser toute infraction en cours ou infraction future. Je tiens cette troisième question pour le seul point douteux pour le Local 207 appelant, à cause des allégations du Local 452 intimé concernant un certain comportement privatif de droits de la part du Local 207 et de son syndicat central.

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L’entente visant le statu quo découle d’une longue tradition de concurrence entre les deux syndicats internationaux et leurs divers locaux en ce qui a trait à leurs sphères individuelles de travail. L’exposé en a été fait dans les jugements des cours d’instance inférieure et point n’est besoin de le répéter. Il suffit de dire que les deux syndicats internationaux, de même que d’autres syndicats de métier dans l’industrie de la construction, tous affiliés à la FAT-COI aux États-Unis, ont instauré un régime auquel ont souscrit diverses associations d’entrepreneurs-employeurs, en vertu duquel les conflits de compétence, c’est-à-dire les conflits entre et parmi ces syndicats relativement aux tâches qu’ils revendiquent dans l’industrie pour leurs membres respectifs, doivent être soumis pour décision à un Comité conjoint national, avec droit d’appel à une commission d’appel qui a pouvoir discrétionnaire de déterminer quelles causes elle accepte de reviser. En vertu de ce régime, les conventions délimitant les sphères de compétence sont encouragées, et deviennent affaires consignées qui ont force maîtresse selon leurs termes. La principale tâche du Comité conjoint national, autant que la portée du régime sur la présente affaire est concernée, est de rendre des décisions de chantier. L’article III, section 1, al. b) du Livre vert (ainsi qu’on l’a appelé chaque fois qu’il en a été fait mention en la présente affaire), qui contient le plan de règlement des conflits de compétence (avec le Livre bleu qui spécifie les règles de procédure), se lit comme suit:

[TRADUCTION] Si le Comité conjoint juge qu’un conflit n’est pas visé par une décision ou une convention consignée, il rend une décision de chantier dans laquelle le Comité doit prendre en considération la pratique établie dans le métier et la pratique qui prévaut dans la localité, et semblable décision de chantier n’a d’effet que dans le chantier même où le conflit se produit.

Outre les conflits de chantier locaux, le régime embrasse les conflits exigeant une décision nationale dont pourrait finalement être saisi un jury d’audition. Il n’y a pas d’appel de la

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décision d’un jury d’audition. Un conflit qui se reproduit souvent et qui est présenté devant le Comité conjoint national peut aussi devenir matière à une décision nationale d’un jury d’audition.

Les employeurs et les associations d’employeurs ont le droit de faire appel à la juridiction du Comité conjoint national. Le plan de règlement expose à l’art. VI, s. 1, que dans l’attente d’une décision portant sur un conflit de compétence ou du règlement d’un tel conflit, il ne doit pas y avoir de débrayage. Cette section stipule aussi que les «entrepreneurs et sous-traitants doivent attribuer les tâches conformément aux Responsabilités de l’entrepreneur telles qu’énoncées dans le (Livre bleu)». Les prescriptions du Livre bleu touchant les responsabilités de l’entrepreneur revêtent une importance considérable en l’instance et j’en cite en entier les parties pertinentes:

[TRADUCTION] 1. Les entrepreneurs qui concèdent des travaux à des sous-traitants doivent stipuler que les sous-traitants sont liés par la convention établissant le Comité conjoint national et les règles de procédure de ce dernier dans l’attribution des tâches.

2. L’entrepreneur responsable de l’exécution et de l’installation doit faire une attribution spécifique des tâches. Par exemple, si l’entrepreneur A concède certains travaux à l’entrepreneur B, ce dernier a alors la responsabilité d’attribuer spécifiquement les tâches prévues à son contrat. Si l’entrepreneur B à son tour concède certains travaux à l’entrepreneur C, celui-ci a alors la responsabilité d’attribuer spécifiquement les tâches prévues à son contrat. C’est une infraction au Plan, de la part de l’entrepreneur, que de retarder l’exécution des tâches en litige ou de fermer un chantier à cause d’un conflit de compétence.

3. L’attribution à faire par l’entrepreneur doit se faire sur la base suivante:

a) Lorsqu’une décision consignée s’applique aux tâches en litige, ou lorsqu’une convention consignée intervenue entre les syndicats de métier en conflit s’applique aux tâches en litige, l’entrepreneur doit attribuer les tâches en conformité de cette convention ou décision consignée….

b) Lorsqu’aucune décision ou convention prévue à l’al. a) s’applique, l’entrepreneur doit attribuer les tâches en litige conformément à la pratique qui prévaut dans la localité. La localité aux fins de

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déterminer la pratique qui prévaut, doit ordinairement être définie comme étant la circonscription géographique du conseil local des métiers de la construction où se trouve le chantier.

c) Si un conflit a pris naissance avant l’attribution spécifique des tâches lorsqu’aucune décision ou convention prévue à l’al. a) ne s’applique, ou lorsqu’il n’y a pas de pratique prédominante dans la localité, l’entrepreneur doit néanmoins faire une attribution spécifique au meilleur de sa connaissance après avoir consulté les représentants des syndicats de métier en conflit et avoir pris en considération les arguments et les faits que les syndicats de métier ont bien voulu faire valoir relativement aux décisions ou conventions consignées applicables, ou à la pratique dans la localité. L’entrepreneur doit aussi consulter les associations locales d’entrepreneurs dans la localité à l’égard de la pratique établie.

4. Lorsqu’un entrepreneur a fait une attribution de tâches, il doit maintenir l’attribution sans modification, sauf indication contraire du Comité conjoint ou convention intervenue entre les syndicats internationaux en cause.

Le Livre bleu définit également les responsabilités d’un syndicat, dans les termes suivants:

[TRADUCTION] 2. Lorsqu’un entrepreneur a fait une attribution spécifique de tâches, tous les syndicats doivent demeurer au travail et soumettre les plaintes relatives à un conflit de compétence conformément à la procédure établie aux présentes par le Comité conjoint. Tout syndicat qui fait une protestation selon laquelle un entrepreneur a omis d’attribuer des tâches conformément à la procédure énoncée ci-dessus, doit demeurer au travail et soumettre sa plainte par l’intermédiaire de son bureau international. Il est interdit au Comité conjoint de prendre des mesures à l’égard de protestations émanant directement de syndicats locaux ou de conseils locaux des métiers de la construction.

Une autre clause du Plan de règlement des conflits de compétence doit être prise en considération pour les fins de la présente affaire. La section 9 de l’art. III du Livre vert est rédigée dans les termes suivants:

[TRADUCTION] Commet une infraction à la présente convention tout syndicat local, syndicat international, employeur ou association d’employeurs qui passe une convention, résolution ou stipulation qui tente d’établir une compétence s’écartant de l’esprit

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et de l’intention des Conventions et Règles de procédure du Plan de Comité conjoint.

Lorsque le Comité conjoint reçoit une protestation relative à une infraction alléguée d’un syndicat international, d’un employeur ou d’une association d’employeurs, il doit entreprendre de rendre une décision et de déterminer les mesures correctives à adopter compatibles avec les obligations juridiques applicables des parties….

Je souligne que cette clause fut insérée dans le Livre vert en 1970, longtemps après que fut conclue la convention de statu quo.

La convention de statu quo découle de deux télégrammes de même teneur que les présidents respectifs des deux syndicats internationaux ont envoyés au président du Comité conjoint national à la suite d’une réunion tenue dans les bureaux du Comité conjoint en vue de discuter certaines questions de compétence entre les syndicats. Les deux télégrammes parlent d’un accord en vue de nommer des comités de trois membres de chaque organisation, chargés d’essayer de régler des différends portant sur les plafonds et les montants métalliques. En outre, il est convenu que la position des parties sur ces deux points doit demeurer dans le statu quo en attendant l’issue de discussions entre les comités. Le Local 207 et le Local 452 ont convenu qu’une lettre du président du Comité conjoint, datée du 10 juin 1965 et adressée au président général des latteurs, interprète correctement l’entente à laquelle les deux présidents généraux sont arrivés au nom de leur syndicats, et que les syndicats locaux autant que les syndicats internationaux y sont liés comme parties. Le passage important de cette lettre est dans les termes suivants:

[TRADUCTION] Je comprends que suite à cette réunion il est clairement entendu que la déclaration sur le statu quo que mentionne votre télégramme du 13 mai 1965 est applicable à tous vos syndicats locaux affiliés, y compris ceux qui se trouvent dans des zones relevant de la compétence de comités locaux reconnus. Mon interprétation de votre déclaration sur le statu quo, c’est que les travaux se poursuivront conformément à l’attribution de l’entrepreneur et que ni votre syndicat, ni l’Union internationale des latteurs ne traiteront d’affaires où il est question de montants métalliques, coulisseaux de plafond et de plancher

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compris, destinés à recevoir des revêtements en panneaux secs, ou d’affaires où il est question de plafonds suspendus, devant le Comité conjoint national, les comités locaux ou la commission nationale des relations de travail pendant que vos comités respectifs seront saisis de ces conflits de compétence et tenteront de les régler.

Il semble que le conflit entre les syndicats internationaux respectifs et leur locaux ait été résolu quant aux plafonds suspendus, semble-t-il par une décision d’un jury d’audition rendue au début de 1968 après qu’on eut invoqué l’art. III, s. 5 du Livre vert (qui traite des conflits qui se reproduisent souvent) à l’époque où fut conclue la convention de statu quo, ou vers ladite époque. Ledit règlement ne vient en aide ni ne nuit à qui que ce soit en l’instance mais, en fin de compte, seuls les montants métalliques font l’objet de la convention de statu quo.

Le 15 août 1970, ou vers cette date, le conseil provincial des charpentiers (Council of Carpenters) de la Colombie-Britannique, auquel est affilié le Local 452, a conclu avec la Construction Labour Relations Association (association des relations ouvrières de la construction) of British Colombia une convention collective devant s’appliquer du 1er mai 1970 jusqu’au 31 mars 1972. C’est à cause de la signature imminente de cette convention, qui engageait le Local 452 en qualité de partie, que le Local 207 a, le 31 juillet 1970, entamé des poursuites dans le but d’obtenir une injonction interlocutoire à l’encontre de la convention imminente et, plus tard, de sa mise à exécution. Je considérerai, le temps venu, la prétention de l’avocat du Local 452 selon laquelle, parce que la convention collective a pris fin le 31 mars 1972 (après le jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique mais avant l’audition en cette Cour), il n’y a plus lieu à redressement par voie d’injonction, même si cette convention fut remplacée par une autre rédigée à toutes fins pratiques dans les mêmes termes.

Le fondement des procédures instituées par le Local 207, c’est que la convention collective précitée constituait une violation par le Local 452 de la convention de statu quo. On a pré-

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tendu que l’infraction avait sa source dans les art. 3.02 et 14.01 de la convention collective, qui se lisent comme suit:

[TRADUCTION] 3.02 L’employeur signataire de la présente Convention ne concédera pas les tâches relevant de la compétence de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique qui doivent être exécutées au chantier, excepté à un entrepreneur qui a conclu une convention avec le conseil provincial des charpentiers de la Colombie-Britannique. La présente clause ne s’applique pas aux sous-contrats en cours le 30 avril 1970.

14.01 Le domaine de travail spécifique suivant est reconnu comme étant de la compétence de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique.

Les travaux connexes à l’installation, l’érection et [ou] l’application de tous les matériaux et éléments de construction de murs et cloisons, sans égard à la composition des matériaux ou à la méthode ou façon de les installer, poser, ou assembler, y inclus, mais de façon non limitative, les suivants: tous les coulisseaux de plancher et de plafond, montants, raidisseurs, croisillons, profilés paraflamme souples, profilés pour fourrure, portes et fenêtres et leurs cadres, boiseries d’encadrement, moulures, boiseries accessoires, panneaux de revêtement mural sec, panneaux de plâtre lamellé pour sous‑couche, panneaux de finition, l’ignifugation des poutres et des poteaux, l’ignifugation des conduits, les matériaux d’insonorisation et de calorifugeage, les dispositifs de fixation des appareils d’éclairage et leur mise en place, la préparation des ouvertures pour l’éclairage, pour les bouches d’air et pour d’autres fins, et tous les travaux nécessaires ou connexes y afférents.

Il ne fait pas de doute que l’application des matériaux de revêtement mural sec aux montants de métal, étant ce sur quoi porte la convention de statu quo, fait partie de la compétence de travail énoncée à l’art. 14.01. La preuve renforce ce point s’il est besoin de ce faire. L’article 3.02 a pour effet d’obliger les entrepreneurs, à titre de parties à la convention collective par l’intermédiaire de leur association, d’exiger de tout sous-traitant engagé pour des travaux énumérés dans l’art. 14.01 qu’il exécute les travaux sous le régime d’une convention passée avec un local de l’union des charpentiers. Je ne m’arrête pas à l’effet coercitif de cette clause à la lumière des dispositions de la législation provinciale en matière de relations de tra-

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vail qui protègent la liberté des employés de choisir un agent négociateur et interdisent aux employeurs de s’immiscer dans ce choix. Ce que fait l’art. 3.02, c’est de forcer les sous‑traitants, s’ils acceptent du travail d’un des membres de la Construction Labour Relations Association de la Colombie-Britannique, à s’engager à l’avance à confier le travail relatif aux montants de métal à des charpentiers.

Cela va-t-il directement à l’encontre de la convention de statu quo, qui prévoit que «les travaux se poursuivront conformément à l’attribution de l’entrepreneur et que ni l’un ni l’autre [des syndicats] ne traitera d’affaires où il est question de montants métalliques… destinés à recevoir des revêtements en panneaux secs… devant le Comité conjoint national»? La réponse doit sûrement être «oui» si l’on veut donner une interprétation qui a du sens à cette disposition, à la lumière des circonstances dont elle a découlé. Je dis ceci en me fondant sur la convention de statu quo vue dans sa forme actuelle, et vue aussi comme englobant ces dispositions du Livre bleu qui exposent les responsabilités de l’entrepreneur, lorsqu’il n’y a pas de décision ou convention consignée pour restreindre le droit et le devoir qu’a l’entrepreneur de faire une attribution de tâches que son contrat l’oblige à exécuter. La convention collective, à son art. 3.02, exclut un choix conforme à la pratique prédominante de la localité ou, s’il n’y en a pas, conforme à un jugement formé au meilleur de sa connaissance après consultation avec les représentants des métiers en conflit.

Je n’ai pas à m’occuper ici de décider si la convention de statu quo garantit la liberté de faire une nouvelle attribution aussi bien qu’une attribution initiale sans s’exposer à une protestation auprès du Comité conjoint national. L’avocat du Local 207 appelant n’a pas fait valoir que de nouvelles attributions ne seraient pas moins à l’abri de protestations que les attributions initiales, étant donné que seules des attributions initiales ont été mises en question.

L’avocat du Local 452 intimé a nié qu’une infraction quelconque à la convention de statu quo résulterait de la mise à exécution de la

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convention collective. Sa prétention principale est que la convention de statu quo éliminait les protestations seulement quant aux attributions initiales de tâches; qu’elle ne disait rien de ce qui se produit avant qu’une attribution soit faite par un entrepreneur, et qu’il était donc loisible au Local 452 (aussi bien qu’à son syndicat central) de devancer toute la question des attributions de tâches initiales en privant au préalable l’entrepreneur de la liberté de choix. C’est une prétention qui équivaut à dire qu’une répudiation globale est permise alors qu’une seule infraction ne l’est pas. Cette prétention est complètement insoutenable.

Le Local 452 intimé a soumis une prétention subsidiaire selon laquelle, en vertu de l’art. 13 de la convention collective, tout ce qui dans cette convention peut enfreindre la convention de statu quo a été enlevé. L’article 13 se lit comme suit:

[TRADUCTION] 13.01 Dans le cas de conflits de compétence portant sur l’attribution de tâches, les entrepreneurs doivent toujours faire l’attribution en conformité des conventions internationales entre syndicats ou en conformité des décisions consignées ou des conventions consignées énoncées dans la brochure intitulée [TRADUCTION] «Plan de règlement des conflits de compétence à l’échelle nationale et à l’échelle locale, élaboré par le Département des métiers de la construction, FAT-COI». Il n’y aura pas de débrayages pourvu que ces règles soient suivies.

13.02 S’il n’existe pas de convention internationale, ou si aucune convention consignée ou décision consignée n’est applicable aux tâches, l’employeur les attribue en se conformant aux «Règles de procédure du Comité conjoint national visant le règlement des conflits de compétence». Le syndicat de métier lésé peut alors demander au Comité conjoint national pour le règlement des conflits de compétence, de décider de quel métier les tâches relèvent, et la décision du Comité conjoint national pour le règlement des conflits de compétence est finale et obligatoire. L’entrepreneur est tenu de s’assurer que tous les sous-traitants attribuent les tâches de façon strictement conforme à la méthode susdite, et d’appliquer les décisions en matière de compétence qui peuvent être rendues selon cette méthode.

13.03 Les entrepreneurs et les sous-traitants doivent attribuer les tâches à remplir dans les quarante-huit (48) heures qui suivent une demande par écrit, ou

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toute période plus longue fixée de consentement mutuel. Les entrepreneurs sont tenus de s’assurer que tous les sous-traitants attribuent les tâches à remplir de façon strictement conforme à ce qui est dit ci-dessus.

13.04 Lorsqu’un entrepreneur, un sous-traitant ou un propriétaire omet d’attribuer les tâches lorsque la demande lui en est faite comme il est dit ci-dessus, ou omet d’appliquer une décision de chantier du Comité conjoint national lorsqu’une telle décision a été rendue, ne constitue pas une infraction à la présente convention le fait pour le syndicat de retirer ses membres du chantier après avoir au préalable donné vingt-quatre (24) heures d’avis de son intention de ce faire.

Cet article, selon la prétention du Local 452 intimé, fut inséré pour se conformer à une exigence de l’art. IX, s. 4 de la Constitution du Département des métiers de la construction de la FAT-COI dont le syndicat central du Local 452 est un membre, exigence aussi obligatoire pour le Local 452 que pour son syndicat central. Il n’est pas une reproduction stricte de cette exigence mais il en traduit la signification. Je ne puis cependant pas considérer l’art. 13 comme ayant une portée de convention collective quelconque à l’encontre de l’art. 3.02 dans la mesure ou les entrepreneurs et sous-traitants dont il y est question sont concernés. Je ne vois pas comment les entrepreneurs et les sous-traitants peuvent dans un même temps être tenus de s’engager à l’avance à attribuer aux charpentiers les travaux relatifs aux montants métalliques et cependant avoir la liberté de faire une attribution à un syndicat concurrent.

A mon avis, l’inclusion de l’art. 13 dans la convention collective a pour seul effet de reconnaître la compétence du Comité conjoint national advenant qu’une protestation soit déposée par un syndicat concurrent ou peut-être par un sous-traitant déçu. Il ne met pas à exécution l’engagement pris en vertu de la convention de statu quo de laisser aux entrepreneurs et sous-traitants la liberté de faire des attributions sans risque de protestation auprès du Comité conjoint national. Je souligne que M. le Juge Davey, alors Juge en chef de la Colombie-Britannique, a exprimé l’avis, dans ses motifs en Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, qu’il faut interpré-

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ter l’art. 13 comme se rapportant aux conflits portant sur des tâches non visées par l’art. 14. Cela constitue en fait une négation de sa portée de convention collective d’un autre point de vue.

Je dois ajouter que la preuve montre que le Local 452 a appliqué l’art. 3.02 à l’encontre de sous-traitants qui avaient antérieurement eu des conventions collectives avec des locaux du syndicat des latteurs, et, en fin de compte, les latteurs ont perdu du travail avec, c’est un fait reconnu, des effets désastreux pour le Local 207 dont les effectifs ont beaucoup diminué. Cette preuve montre que l’art. 13 n’a qu’une force illusoire à l’égard des arts. 3.02 et 14.

Passons à la seconde question à l’étude, à savoir, si le local 207 doit au préalable épuiser les recours internes avant de se pourvoir devant les tribunaux. Dans les procédures interlocutoires d’injonction initiales, M. le Juge Aikins a non seulement refusé d’accorder une injonction, mais il a aussi ordonné la suspension de l’action à la suite d’une requête à cette fin. Sur appel de son jugement, le refus d’accorder une injonction interlocutoire fut confirmé, mais la suspension fut levée et cette Cour a rejeté une requête pour permission d’appeler de l’ordonnance infirmant la suspension. A la suite du procès portant sur le fond du litige, un appel du rejet de l’action par M. le Juge Macdonald a été interjeté et la Cour d’appel, à la majorité, dans les motifs rédigés par M. le Juge Tysoe, a conclu que l’action était prématurée parce que le litige portait sur un conflit de compétence entre des syndicats concurrents tenus l’un envers l’autre de le soumettre en premier lieu à la procédure de règlement interne du Livre vert. C’était l’opinion de M. le Juge d’appel Tysoe que, nonobstant la convention de statu quo, le Local 207 avait un droit de protestation effective auprès du Comité conjoint national.

Je ne puis adopter cette façon de voir la question. Ma conclusion sur ce point est celle de M. le Juge en chef Davey de la Colombie-Britannique qui a décidé que l’action ne pouvait être jugée irrecevable pour cause d’obligation de recourir au préalable au Comité conjoint natio-

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nal. A mon avis, la prétention en faveur du recours préalable au Comité conjoint national, qu’elle soit fondée sur le Livre vert, le Livre bleu ou la Constitution du Département des métiers de la construction de la FAT-COI, tourne en rond et, à mon sens, il n’est possible de s’en dégager que si la convention de statu quo outrepasse la compétence des parties. Cette convention exclut expressément le recours au Comité conjoint national à l’égard de l’attribution par un contracteur de tâches relatives aux montants métalliques, en attendant que les différends entre les deux syndicats soient résolus par leurs deux Comités. Le factum et la plaidoirie de l’avocat du Local 452 intimé en cette Cour l’ont reconnu, mais celui-ci prétend (et je répète ce que j’ai dit plus tôt dans mes motifs) que la liberté des entrepreneurs de faire des attributions (sous réserve de respecter la pratique prédominante dans la localité ou, s’il n’y en a pas, de se servir de leur jugement après consultation avec les représentants des syndicats de métier concurrents) peut être contrôlée au moyen d’une convention collective qui l’écarte, avant toute attribution de tâches relatives à l’installation des montants métalliques. Je ne vois pas le bien-fondé de cette prétention, particulièrement quand l’avocat du Local 452 a admis que la convention de statu quo était toujours en vigueur et liait ledit local.

La majorité de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a fondé sa conclusion de prématurité sur la Constitution du Département des métiers de la Construction de la FAT-COI de même que sur les Livres vert et bleu. Cette façon de fonder leur conclusion ne fait pas avancer l’affaire parce que l’art. X de la Constitution, portant sur les conflits de compétence, ne fait que renvoyer aux Livres vert et bleu. M’étant déjà répété sur un point, je le fais sur celui-ci en réitérant que l’argument du recours obligatoire au Comité conjoint national n’est soutenable, si l’on veut éviter de tourner en rond, que si l’on prétend que la convention de statu quo est nulle. Le Local 452 n’a pas adopté cette position. S’il est lié par cette convention, comme il a admis l’être, il est lié par la convention tout entière et non par une version de la

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convention qui est tronquée à la base. A mon avis, il n’y a donc pas, en cette affaire et entre ces locaux, de procédure interne de règlement qu’il faut épuiser avant de pouvoir recourir aux tribunaux.

Dans ces conditions, l’appel doit être accueilli au moins dans la mesure où l’appelant a droit aux dommages convenus de $1,000. La dernière question à trancher est celle de savoir si l’appelant a droit à un redressement par voie d’injonction. Le point principal sur cet aspect de l’affaire n’est pas de déterminer si la convention de statu quo renferme, expressément ou implicitement, un engagement de ne pas faire, qui serait exécutoire comme tel, ou si cette convention se prête à une mise à exécution par voie d’injonction pour en prévenir la violation (dans un cas comme dans l’autre les dommages-intérêts étant insuffisants), mais de déterminer si le Local 207 a perdu le droit à ce redressement discrétionnaire à cause des circonstances exposées ci-après.

On a dit que l’une des circonstances privatives de droit réside dans le fait que la convention collective en cause dans l’action était expirée. Ce moyen de défense n’est pas acceptable quand c’est un fait connu que la convention a été remplacée par une autre contenant les mêmes dispositions incriminées. On a dit ensuite que le Local 207 s’était privé par sa conduite, ou par une conduite qu’on lui a reprochée, du droit à une injonction. M. le Juge en chef Davey s’est appuyé sur cette théorie des «mains nettes» pour refuser un redressement par voie d’injonction. Pour les motifs qui suivent j’en viens à la même conclusion.

Je suis d’accord avec l’avocat du Local 207 lorsqu’il allègue que la conduite privative de droit doit avoir un rapport avec la question en litige elle-même, mais à mon sens cette question n’est pas, comme l’a soutenu l’avocat, la convention collective attaquée; c’est, plutôt, celle de l’observation de la convention de statu quo. Trois facteurs privatifs de droit furent avancés par l’avocat du Local 452. Premièrement, que le Local 207 avait recherché la conclusion d’une convention avec les entrepreneurs, dans laquelle

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on proposait d’insérer une clause similaire à celle de l’art. 3.02; deuxièmement, que même si le Local avait décrété une grève quand la loi le lui permettait, c’était dans le but de forcer les entrepreneurs à consentir à une clause 3.02; et, troisièmement, qu’un local frère, le Local 566, avait conclu avec les entrepreneurs une convention collective qui renfermait une clause semblable.

Le Local 207 n’a pas réussi à obtenir une clause 3.02 et il a prétendu que la grève avait pour but de persuader les entrepreneurs et les sous-traitants de ne pas mettre à exécution la convention collective attaquée. Même si l’on suppose que la grève et le piquetage subséquent ne découlaient pas du refus des entrepreneurs d’accepter une clause 3.02, le but que le Local 207 a allégué ne le place pas en meilleure position pour demander une injonction. La prétention relative au but qu’il visait équivaut à un aveu que le Local tentait de provoquer une infraction à une convention collective par des parties à ladite convention qui n’étaient pas parties à la convention de statu quo. A moins que cette prétention s’assortisse, ce qui n’est pas le cas, d’une prétention démontrable que les entrepreneurs qui ont signé la convention collective avec le Local 452 s’étaient associés en toute connaissance de cause avec ledit local pour enfreindre la convention de statu quo, le résultat est qu’il y a eu grève et piquetage pour un motif abusif. En vérité, le piquetage avait lieu au moment même où était instruite l’action intentée en la présente affaire, une action dans laquelle le Local 207 cherchait à obtenir le redressement même qu’il cherchait en même temps à appliquer, ainsi qu’il l’admet lui-même, par le recours à la grève et au piquetage. Bien que le Local 566 n’ait pas été partie à l’action, l’Union internationale, syndicat central des deux locaux, l’était. C’est par l’entremise de l’Union internationale que la convention de statu quo a lié ses syndicats locaux, et il n’a pas été démontré qu’elle a réprouvé le Local 566 ou s’en est désolidarisée en obtenant le même avantage que celui qui fait l’objet de l’action. A la lumière de ce qui précède, je ne crois pas qu’une injonction serait justifiée.

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Même si je ne suis pas disposé à accorder une injonction, le Local 452 a réussi à prouver une infraction à la convention de statu quo et un droit à des dommages-intérêts. Il a ainsi essentiellement triomphé même s’il n’a pas obtenu le redressement souhaité. J’accueillerais donc son pourvoi avec dépens en cette Cour et dans les Cours d’instance inférieure.

Appel rejeté avec dépens, le JUGE LASKIN étant dissident.

Procureurs des demandeurs, appelants: Laxton & Co., Vancouver.

Procureurs des défendeurs, intimés: Guild, Yule, Schmitt, Lane, Hutcheon, Vancouver.

[1] [1972] 2 W.W.R. 641, 24 D.L.R. (3d) 50.

[2] [1967] R.C.S. 628.

[3] [1951] A.C. 585.

[4] [1957] R.C.S. 436.

[5] [1957] O.R. 519.

[6] (1958), 26 W.W.R. 546, 16 D.L.R. (2d) 65.


Synthèse
Référence neutre : [1973] R.C.S. 756 ?
Date de la décision : 07/05/1973
Sens de l'arrêt : L’appel doit être rejeté, le juge laskin étant dissident

Analyses

Travail - Syndicat ouvrier - Entente en vue de soumettre les conflits de compétence à un comité conjoint national - Convention de statu quo - Violations alléguées - Aucun recours aux tribunaux ordinaires avant d’épuiser le recours au tribunal interne - Action prématurée.

Le Département des métiers de la construction FAT-COI et l’association d’employeurs des entrepreneurs participants ont conclu une convention intitulée «Plan de règlement des conflits de compétence à l’échelle nationale et à l’échelle locale» (appelé le Livre vert). Le Livre vert stipule qu’un Comité conjoint national pour le règlement des conflits de compétence sera constitué. En vertu du pouvoir donné par le Livre vert fut établi un document intitulé «Règles et règlements de procédure du Comité conjoint national visant le règlement par lui des conflits de compétence, et Procédure des commissions d’appel» (appelé le Livre bleu).

Le syndicat appelant et le syndicat intimé, qui, avec d’autres syndicats, constituent le Département des métiers de la construction FAT-COI, se sont

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pleinement prévalus du droit que donne le Livre vert de soumettre les conflits de compétence au Comité conjoint. Ce comité s’est rendu compte qu’il était complètement entravé par une abondance de tels conflits. Conséquemment, les présidents des deux syndicats industriels ont conclu une convention de statu quo visant le règlement du différend portant sur l’installation de plafonds suspendus et de montants métalliques pour recevoir le revêtement en panneaux secs.

Quelques années plus tard, le local intimé concluait une convention collective avec Construction Labour Relations Association of British Columbia. Selon la clause 14.01 de cette convention, les travaux connexes à l’installation, l’érection et (ou) l’application de tous les matériaux et éléments de construction de murs et cloisons sont reconnus comme étant de la compétence de United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America.

Les appelants prétendent que l’application de la clause 14.01 de la convention collective contrevient à la convention de statu quo et aussi à un article du Livre vert. L’action lancée par les appelants dans laquelle ils ont réclamé des dommages-intérêts et un redressement par voie d’injonction, a été rejetée en première instance. Un appel a été rejeté par la Cour d’appel. Les appelants se sont pourvus devant cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être rejeté, le Juge Laskin étant dissident.

Les Juges Abbott, Martland, Ritchie et Spence: Les appelants étaient obligés de par leurs conventions contenues dans le Livre vert, le Livre bleu et la Constitution du Département des métiers de la construction FAT-COI, d’épuiser au préalable leurs recours au tribunal interne, et tant qu’ils n’épuisaient pas ces recours, ils étaient empêchés de recourir aux tribunaux ordinaires. L’action des appelants était prématurée.

Le Juge Laskin, dissident: Le conflit quant aux plafonds suspendus avait été résolu et, en fin de compte, seuls les montants métalliques font l’objet de la convention de statu quo. Cette convention, qui, selon l’admission du local intimé, est toujours en vigueur et lie le local, exclut expressément le recours au Comité conjoint national à l’égard de l’attribution par un contracteur de tâches relatives aux montants métalliques, en attendant que les différends entre les deux syndicats soient résolus par leurs deux Comités. Il n’y a donc pas de procédure interne de règlement qu’il fallait épuiser avant de pouvoir avoir recours aux tribunaux.

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[Arrêt suivi: White v. Kuzych, [1951] A.C. 585. Distinction faite avec les arrêts: Orchard v. Tunney, [1957] R.C.S. 436; Bimson v. Johnston, [1957] O.R. 519, confirmé par 12 D.L.R. (2d) 379; Gee v. Freeman (1958), 26 W.W.R. 546.]


Parties
Demandeurs : Wood, Wire & Metal Lathers’ International Union et al.
Défendeurs : United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America et al.
Proposition de citation de la décision: Wood, Wire & Metal Lathers’ International Union et al. c. United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America et al., [1973] R.C.S. 756 (7 mai 1973)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1973-05-07;.1973..r.c.s..756 ?
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