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29/06/1973 | CANADA | N°[1974]_R.C.S._1153

Canada | Distributions Éclair Ltée c. Société de Publication du Journal de Montréal, [1974] R.C.S. 1153 (29 juin 1973)


Cour suprême du Canada

Distributions Éclair Ltée c. Société de Publication du Journal de Montréal, [1974] R.C.S. 1153

Date: 1973-06-29

Les Distributions Éclair Ltée (Demanderesse) Appelante;

et

La Société de Publication du Journal de Montréal et autres (Défendeurs) Intimés.

1973: les 14 et 15 mai; 1973: le 29 juin.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Pigeon, Laskin et Dickson.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPELS de jugements de la Cour du banc de la reine, province de

Québec[1], infirmant les jugements de la Cour supérieure. Appels rejetés.

J.P. Ste-Marie, c.r., pour l’appelante.
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Cour suprême du Canada

Distributions Éclair Ltée c. Société de Publication du Journal de Montréal, [1974] R.C.S. 1153

Date: 1973-06-29

Les Distributions Éclair Ltée (Demanderesse) Appelante;

et

La Société de Publication du Journal de Montréal et autres (Défendeurs) Intimés.

1973: les 14 et 15 mai; 1973: le 29 juin.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Pigeon, Laskin et Dickson.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPELS de jugements de la Cour du banc de la reine, province de Québec[1], infirmant les jugements de la Cour supérieure. Appels rejetés.

J.P. Ste-Marie, c.r., pour l’appelante.

P.W. Gauthier, c.r., pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE EN CHEF — L’appelante opère un service de distribution de journaux à Montréal et ses environs. Au mois d’août 1965, elle s’occupait notamment, depuis plusieurs années, de la distribution de divers journaux, propriété des différentes sociétés intimées. Des conventions verbales liaient pour un temps indéterminé l’appelante et ces sociétés qui étaient contrôlées ou administrées par l’éditeur Pierre Péladeau, également intimé.

Le 17 août 1965, Péladeau adressa une lettre au président de l’appelante, par laquelle il l’informait de son intention de lancer sa propre maison de distribution et lui proposait certaines dates pour mettre fin aux relations contractuelles. Péladeau fit remarquer que ces dates n’étaient point des projections définitives et qu’il était prêt à considérer les objections du

[Page 1155]

président de l’appelante si ce dernier préférait les avancer ou les retarder. L’appelante répondit à cette lettre par l’entremise de son procureur, Me Ste-Marie, qui, le 18 août, fit parvenir une lettre à Péladeau l’informant que l’appelante exigeait un avis minimum de 60 jours et qu’elle retiendrait les sommes d’argent qu’elle devait aux sociétés intimées jusqu’à ce qu’un règlement ou un jugement intervienne sur le montant des dommages causés par la rupture des contrats de distribution. Les sommes ainsi retenues furent par la suite déterminées au montant de $85,336.12. Le jour suivant, 19 août 1965, le procureur de Péladeau adressa une lettre au procureur de l’appelante pour réclamer ce montant et l’informer que devant l’attitude de «Les Distributions Éclair Ltée», son client se voyait forcé de prendre immédiatement les mesures nécessaires à sa propre distribution. De fait et à compter de cette dernière date, Péladeau s’occupa lui-même de la distribution des publications des sociétés intimées.

A la suite de ces événements, huit actions en justice furent intentées. L’appelante, d’une part, institua une action en dommages à chacune des six sociétés intimées et dans chacune joignit Péladeau comme défendeur. Au soutien de ces actions, elle allégua, en substance, que la lettre de Péladeau, en date du 17 août 1965, constituait une rupture unilatérale des contrats de distribution et qu’en conséquence elle avait droit à une compensation égale aux revenus de 26 semaines d’opération moins cependant, en chacun des cas, la somme retenue et qu’elle devait sur la vente de chaque publication. De leur côté, les sociétés intimées intentèrent conjointement deux actions contre l’appelante réclamant dans l’une cette somme de $85,336.12 et dans l’autre, une reddition de comptes pour la période subséquente au 12 août 1965. A la première de ces deux actions fut joint un bref de saisie-conservatoire entre les mains du procureur de l’appelante alors dépositaire des argents retenus.

Éventuellement saisi de toutes ces actions vu la mise à retraite du juge qui avait présidé à l’enquête, M. le Juge en chef Challies jugea,

[Page 1156]

d’après le dossier, que les conventions de distribution entre les parties étaient de la nature d’un louage de services, que la lettre adressée par Péladeau le 17 août 1965 constituait une rupture injustifiée de ces conventions verbales et fixa à trois mois ou treize semaines le délai de l’avis qui aurait dû être donné pour y mettre fin. Le tribunal accueillit les actions intentées par l’appelante, condamna les sociétés intimées à payer les dommages résultant de la rupture, opéra la compensation avec les sommes retenues par l’appelante, et déclara terminés à toutes fins que de droit les contrats qui liaient celle-ci aux sociétés intimées. Dans une de ces actions, aucune somme ne fut allouée à titre de dommages, faute de preuve. Les six actions furent rejetées sans frais quant au défendeur Péladeau. Quant à la réclamation des sociétés intimées, elle fut accueillie en partie, pour la somme de $16,850.14, soit le montant provenant de la vente de «Le Journal de Montréal» qui vu l’absence de preuve de dommages résultant de la rupture de ce contrat particulier ne put être l’objet de compensation. Le bref de saisie-conservatoire fut cependant cassé et l’action en reddition de comptes fut rejetée.

Les intimées en appelèrent dans chacun des cas et la Cour d’appel leur donna raison.

Le jugement de la Cour fut rendu par M. le Juge en chef Tremblay qui exprima les motifs partagés par tous ses collègues et applicables à chacun des appels. Disons d’abord que tenant compte du fait que selon l’exécution de l’entente intervenue entre les parties, une grande latitude était laissée au distributeur — l’appelante — quant à la vente des publications, que notamment c’était lui qui décidait du nombre des exemplaires à imprimer, à mettre en vente, que c’était lui qui avec l’aide de ses propres vendeurs décidait des endroits de la mise en vente et qui percevait le prix de vente des publications de l’éditeur, la Cour statua que le contrat liant les parties ne constituait pas un louage de services mais un mandat et plus spécifiquement que le distributeur était un facteur au sens de l’art. 1736 du

[Page 1157]

Code civil. La Cour jugea de plus, après avoir minutieusement analysé la correspondance échangée, que contrairement aux vues du juge de première instance, ce n’était pas la lettre que Péladeau écrivit à l’appelante le 17 août qui constituait la rupture illégale des conventions de distribution mais que la rupture, devenue définitive par la lettre du 19 août adressée par le procureur des sociétés intimées, était parfaitement justifiée par la détermination de l’appelante de ne plus accomplir ses obligations et de retenir les argents qu’elle était tenue de remettre, ainsi qu’il appert de la lettre écrite le 18 août par son procureur. Aussi bien, la Cour, faisant droit aux appels, rejeta les six actions de l’appelante, accueillit l’action en réclamation et l’action en reddition de comptes des sociétés intimées et déclara bonne et valable la saisie‑conservatoire; le tout avec dépens dans chacun des cas.

D’où les huits pourvois de l’appelante à cette Cour.

Je suis respectueusement d’accord avec l’opinion et conclusions exprimées en Cour d’appel. Je ne vois rien qui puisse être utilement ajouté aux motifs exprimés par M. le Juge en chef Tremblay, sauf peut-être de signaler que dès qu’on adopte l’opinion que la rupture définitive des relations contractuelles était parfaitement justifiée par la détermination de l’appelante de ne plus accomplir ses obligations et de retenir les argents que les contrats l’obligeaient à remettre, la précision de la nature de ces contrats, aussi bien que la question du délai de l’avis auquel l’appelante aurait pu autrement avoir droit, deviennent des questions purement académiques.

Je rejetterais tous ces pourvois avec dépens limités à un seul pourvoi mais avec tous les déboursés dans chacun d’eux.

Appels rejetés avec dépens limités à un pourvoi.

Procureurs de la demanderesse, appelante: Ste-Marie & Giroux, Montréal.

[Page 1158]

Procureurs des défendeurs, intimés: Ogilvy, Cope, Porteous, Hansard, Marier, Montgomery & Renault, Montréal.

[1] [1972] C.A. 566.


Sens de l'arrêt : Les pourvois doivent être rejetés

Analyses

Contrat - Conventions verbales - Compagnie distributrice de journaux - Rupture unilatérale par sociétés propriétaires - Retenues de sommes par distributeur - Dommages subis par distributeur - Délai d’avis de rupture - Mandat - Rupture est-elle justifiée? - Code civil, art. 1736.

L’appelante, qui opère un service de distribution de journaux, était liée par des conventions verbales et pour un temps indéterminé aux sociétés intimées contrôlées et administrées par l’éditeur Pierre Péladeau, également intimé. Celui-ci adressa une lettre au président de l’appelante l’informant de son intention de lancer sa propre maison de distribution et lui proposant certaines dates pour mettre fin aux relations contractuelles. L’appelante informa l’intimé qu’elle exigeait un avis minimum de 60 jours et qu’elle retiendrait les sommes qu’elle devait aux sociétés intimées jusqu’à un règlement ou jusqu’à ce qu’un jugement intervienne sur le montant des dommages causés par la rupture des contrats. Subséquemment le procureur de l’intimé informa l’appelante que dorénavant il prenait les mesures nécessaires à sa propre distribution. L’appelante intenta alors une action en dommages à chacune des six sociétés intimées et dans chacune joignit Péladeau comme défendeur. De leur côté les sociétés intimées intentèrent conjointement deux actions contre l’appelante, dont une avec saisie-conservatoire, en réclamation du montant retenu par l’appelante, et l’autre en reddition de comptes. Le tribunal accueillit les actions de l’intimée contre les sociétés seulement, fixant à 13 semaines le délai de l’avis qui aurait dû être donné pour mettre fin aux contrats, qu’elle déclara terminés, et condamnant les sociétés intimées à payer les dommages, en tenant compte de la compensation avec les sommes retenues. L’action en réclamation des sociétés fut accueillie en partie seulement, pour un montant qui, vu l’absence de preuve de dommage résultant de la rupture d’un des contrats, ne peut être

[Page 1154]

l’objet de compensation. L’action en reddition de comptes fut rejetée. La Cour d’appel infirma la décision de la Cour supérieure. D’où le pourvoi à cette Cour.

Arrêt: Les pourvois doivent être rejetés.

Comme, selon l’exécution de l’entente intervenue entre les parties, une grande latitude était laissée au distributeur, l’appelante, le contrat liant les parties ne constituait pas un louage de services mais un mandat et plus spécifiquement le distributeur était un facteur au sens de l’art. 1736 du Code civil. La rupture, devenue définitive par la lettre du procureur de l’intimé, était parfaitement justifiée par la détermination de l’appelante de ne plus remplir ses obligations et de retenir les argents qu’elle était tenue de remettre. Dès lors la précision de la nature de ces contrats, aussi bien que la question de l’avis auquel l’appelante aurait pu avoir droit, deviennent questions purement académiques.


Parties
Demandeurs : Distributions Éclair Ltée
Défendeurs : Société de Publication du Journal de Montréal

Références :
Proposition de citation de la décision: Distributions Éclair Ltée c. Société de Publication du Journal de Montréal, [1974] R.C.S. 1153 (29 juin 1973)


Origine de la décision
Date de la décision : 29/06/1973
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1974] R.C.S. 1153 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1973-06-29;.1974..r.c.s..1153 ?
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