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01/10/1974 | CANADA | N°[1975]_2_R.C.S._465

Canada | Calgary Power Ltd. c. Ville de Camrose, [1975] 2 R.C.S. 465 (1 octobre 1974)


Cour suprême du Canada

Calgary Power Ltd. c. Ville de Camrose, [1975] 2 R.C.S. 465

Date: 1974-10-01

Calgary Power Ltd. Appelante;

et

La Ville de Camrose Intimée.

1974: les 28 et 29 mars; 1974: le 1er octobre.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Spence, Dickson et de Grandpré.

EN APPEL DE LA DIVISION D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME DE L’ALBERTA

APPEL et APPEL INCIDENT à l’encontre d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta.[1]

J.H. Laycraft, c.r., pour l’appelante.

A.O. Ackroy

d, c.r., pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE MARTLAND — Il s’agit d’un appel et d’un appel incident à l’en...

Cour suprême du Canada

Calgary Power Ltd. c. Ville de Camrose, [1975] 2 R.C.S. 465

Date: 1974-10-01

Calgary Power Ltd. Appelante;

et

La Ville de Camrose Intimée.

1974: les 28 et 29 mars; 1974: le 1er octobre.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Spence, Dickson et de Grandpré.

EN APPEL DE LA DIVISION D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME DE L’ALBERTA

APPEL et APPEL INCIDENT à l’encontre d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta.[1]

J.H. Laycraft, c.r., pour l’appelante.

A.O. Ackroyd, c.r., pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE MARTLAND — Il s’agit d’un appel et d’un appel incident à l’encontre d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta qui traitait d’un appel et d’un appel incident de certaines parties des décisions rendues par la Commission des services publics de l’Alberta, ci-après appelé «la Commission».

L’appelante, ci-après appelée «la Compagnie», est propriétaire, depuis 1929, d’un sys-

[Page 467]

tème d’aqueduc qu’elle exploite depuis cette date en vertu de divers contrats de concession avec la Ville intimée, ci-après appelée «la Ville». Le dernier de ces contrats est en date du 3 juin 1958 et était pour une période de 10 ans. La clause 29 du contrat de concession prévoit que le contrat doit s’interpréter compte tenu de l’art. 410 de The City Act, R.S.A. 1955, c. 42, (abrogé depuis et remplacé par The Municipal Government Act, R.S.A. 1970, c. 246, art. 272). L’article 272 de The Municipal Government Act prévoit qu’à l’expiration de la durée du contrat de concession la Ville doit avoir le droit d’acheter [TRADUCTION] «tous les droits de l’entrepreneur dans toutes matières faisant l’objet du contrat et dans tout équipement et tous biens utilisés aux fins dudit contrat…» La disposition stipule que si les parties sont incapables de s’entendre sur le prix et les conditions d’achat, alors l’achat s’effectue [TRADUCTION] «moyennant le prix que pourra fixer la Commission des services publics et aux conditions qu’elle pourra déterminer…»

Le contrat de concession n’a pas été renouvelé et la Ville a demandé à la Commission de fixer le prix du système d’aqueduc, les parties étant incapables de se mettre d’accord sur certains éléments concernant le prix.

La Commission a rendu une décision établissant le prix à $1,250,000, sauf à déduire les «contributions de clients» et «avances de construction» qui seraient applicables à l’époque où la Ville demanderait formellement l’approbation d’acheter le système de la Compagnie.

Les parties ont ensuite convenu qu’il serait désirable qu’un prix d’achat définitif soit établi avant que la Ville ne décide si oui ou non elle se porterait acquéreur du système, et par conséquent la Commission s’est réunie de nouveau afin d’entendre une preuve additionnelle sur la question des déductions mentionnées ci-dessus.

Le contrat de concession prévoit que la compagnie est obligée [TRADUCTION] «de fournir à la Ville et à sa population, conformément aux

[Page 468]

conditions du contrat, un approvisionnement en eau suffisant pour subvenir aux fins domestiques, commerciales et publiques de la ville et de sa population, dans les limites de ladite ville.» La Compagnie n’est obligée de prolonger son système de distribution que si:

[TRADUCTION]a) le raccordement du service actuel jusqu’aux locaux d’un client ou de clients est à la charge de ce ou ces clients, qui acceptent de payer pour l’approvisionnement en eau durant une période de trois ans ou plus; et

b) la longueur du prolongement ne dépasse pas 140 pieds par client; et

c) la partie du coût de construction qui dépasse le chiffre de $150 par client, calculé sur la base de tuyaux de 4 po de diamètre, a été payée par le ou les clients…

Il y a lieu à des «avances de construction» lorsqu’il n’y a pas de client requérant le service; par exemple, lorsqu’un promoteur immobilier désire lotir un terrain et y construire des maisons qu’il vendra plus tard. Il n’y a pas alors de «clients» désirant le service et la Compagnie n’a pas d’obligation d’engager des fonds pour prolonger son réseau. En de telles circonstances, la Compagnie a conclu des ententes avec les promoteurs en vertu desquelles le promoteur avance tous les coûts de construction. La Compagnie par la suite rembourse le promoteur à mesure que les maisons sont vendues.

Il y a lieu à des «contributions de clients» lorsqu’il y a un «client» disponible et désirant le service et que le coût d’installation pour fournir le service dépasse $150 par client. Pour être alimenté en eau aux taux réguliers offerts par la Compagnie, le client paie en retour à la Compagnie une somme d’argent qui est utilisée pour défrayer cette partie du coût des installations excédant ce qui est économiquement rentable. Les installations, dont une partie du coût a été payée par le client, deviennent la propriété de la Compagnie. Si subséquemment d’autres clients sont rattachés au prolongement original, une partie, ou peut‑être en fin de compte la totalité, des contributions payés par le client pour le prolongement sera remboursée.

[Page 469]

En date du 31 décembre 1968, la Compagnie détenait des «avances de construction» remboursables s’élevant à $23,732.25. Elle détenait aussi des «avances de construction» non remboursables s’élevant à $36,112.14. À la même date, la Compagnie détenait des «contributions de clients» totalisant $35,793.92.

La Commission a énoncé, dans le passage suivant de sa décision, les principes à suivre en fixant le prix que la Ville devait payer à la Compagnie:

[TRADUCTION] Les principes à suivre en fixant le prix que la ville doit payer si elle veut se porter acquéreur de «tous les droits dans toutes matières faisant l’objet du contrat et dans tout équipement et tous biens utilisés aux fins dudit contrat» ont été établis par la Commission dans l’affaire de City of Grande Prairie c. Northland Utilities Limited, décision n° 27014 (confirmée en appel par la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta, (1966) 56 W.W.R. 613). Dans cette décision-là la Commission renvoyait aux autorités suivantes:

Town of Berlin c. Berlin and Waterloo Street Railway Company

(1909)42 R.C.S. 581.

West Canadian Hydro Electric Corporation Limited

(1950)3 D.L.R. 321.

Edinburgh Street Tramway Company v. The Lord Provost of Edinburgh

(1894) A.C. 456.

Hamilton Gas Company v. Hamilton

(1910) A.C. 300.

International Railway Company v. Niagara Parks Commission

(1937)3 D.L.R. 305.

La Commission disait ensuite:

«… il semble à la Commission qu’il s’agit d’un cas où l’acquisition ne vise que les installations physiques du système, sans la concession, sans les pouvoirs législativement conférés à l’exploitant, et sans les autres choses nécessaires à la capacité de gain, et par conséquent le coût de remplacement est le critère d’évaluation et on doit faire abstraction des facteurs relatifs aux gains.»

[Page 470]

En mentionnant le coût de remplacement en neuf la Commission, dans cette décision, disait:

«… en déterminant «le coût de remplacement en neuf». Selon ce concept, on présuppose que les installations existantes disparaissent instantanément et qu’à la date de l’évaluation un entrepreneur est prêt à reconstruire, et capable de reconstruire, un système identique à celui qui existait, du point de vue de la grandeur, de la qualité et du rendement.

Par conséquent, le coût des matériaux serait le prix qu’on paierait à la date de l’évaluation pour des quantités suffisantes à la reconstruction du système à ce moment‑là.»

En arrivant à sa première décision de fixer le prix total du système d’aqueduc à $1,250,000, un des éléments pris en considération par la Commission a été que si le système devait être reconstruit aujourd’hui il serait, en fait, nécessaire de briser et refaire le pavage dans les endroits touchés, même si, selon la preuve présentée à la Commission, le pavage dont on tenait compte n’existait pas historiquement à l’époque où différentes parties du réseau d’aqueduc ont été originairement installées. Après avoir entendu la preuve des deux parties, la Commission a fixé à $300,000 la somme allouée pour ce facteur. La Compagnie avait réclamé un montant additionnel de $194,584 sous ce chef.

Dans la seconde décision rendue par la Commission, celle-ci a décidé qu’aucun montant ne devrait être déduit du total de $1,250,000 par suite de «contributions de clients» ou d’ «avances de construction».

Aux auditions tenues devant la Commission, la Compagnie a aussi réclamé une indemnité de $65,000 pour frais préliminaires et d’organisation, frais de sollicitation de clientèle et coût des livres et dossiers. La Commission a rejeté cette réclamation.

Avec l’autorisation nécessaire la Ville a interjeté appel de certaines parties de la décision de la Commission et la Compagnie a interjeté appel incident à l’encontre d’autres parties de la décision.

[Page 471]

Les questions soumises à la Division d’appel ont été énoncées par le juge d’appel Allen comme suit:

[TRADUCTION] a) Est-ce que la Commission des services publics (ci-après appelée «la Commission») a eu raison d’accorder la somme de $300, 000 pour ce qu’il en coûterait pour briser et refaire le pavage qui n’existait pas à l’époque où les conduites d’eau de Calgary Power Ltd. (ci-après appelée «la Compagnie») ont été originairement installées, pour le motif que cela constitue un élément qui doit entrer dans l’évaluation du système de la Compagnie, et, à cet égard, est-ce que la Commission a eu raison de refuser l’excédent de réclamation y afférent, soit la somme additionnelle de $194,584? La Ville en appelle de la décision l’obligeant à payer ladite somme de $300,000 et la Compagnie, par incident, en appelle du rejet de l’excédent de la réclamation faite sous ce chef.

b) Est-ce que la Commission a eu raison de refuser de déduire de l’évaluation du système d’aqueduc le montant des contributions de clients ainsi que les avances de construction payées par les promoteurs? La Ville en appelle de cette décision.

c) Est-ce que la Commission a eu raison de refuser d’accorder une indemnité pour les frais préliminaires d’organisation, les frais de sollicitation de clientèle et le coût d’établissement des livres et dossiers? La Compagnie a interjeté un appel incident à l’encontre de ce refus.

La Cour a tranché ces questions de la façon suivante:

a) Par une majorité de 2 contre 1, la Cour a rejeté l’appel de la Ville. L’appel incident de la Compagnie a été rejeté à l’unanimité.

b) Par une majorité de 2 contre 1 la Cour a accueilli l’appel de la Ville et renvoyé l’affaire à la Commission pour réexamen.

c) Par une majorité de 2 contre 1 la Cour a accueilli l’appel incident de la Compagnie et a renvoyé l’affaire à la Commission pour réexamen.

La Compagnie en appelle à cette Cour du rejet de son appel incident, sous l’al. a) ci-dessus, et à l’encontre de l’accueil de l’appel de la Ville sous l’al. b) ci-dessus. La Ville interjette un appel incident à l’encontre du rejet de son

[Page 472]

appel sous l’al. a) ci-dessus et à l’encontre de l’accueil de l’appel incident de la Compagnie sous l’al. c) ci-dessus.

A l’égard de la première question énoncée par le juge d’appel Allen, à l’al. a), je souscris aux motifs qu’ont donnés les juges d’appel Johnson et Allen pour décider que la Commission était bien fondée à inclure la somme de $300,000 mentionnée dans cet alinéa. Le juge d’appel Johnson, après avoir fait mention de la formule utilisée par la Commission pour fixer le prix, formule qui avait reçu l’approbation de la Division d’appel dans l’arrêt Northland Utilities, fait observer qu’elle exclut toute allocation pour la valeur du système à titre d’entreprise en exploitation, et continue en disant:

[TRADUCTION] Si cette formule est utilisée, elle doit être appliquée avec toutes ses implications. Contrairement aux commissions qui établissent le taux de rendement, la Commission des services publics, lorsqu’elle l’utilise dans les affaires d’acquisition forcée, ne peut tenir compte d’aucun élément non susceptible d’entrer dans le coût de reconstruction à neuf. Bien que ce qu’il en coûte pour briser et remplacer les trottoirs ne puisse pas être considéré comme une indemnité pour ces valeurs perdues, il est suggéré que lorsqu’on utilise un concept purement abstrait pour évaluer, on ne peut faire place à des considérations qui n’ont aucun lien avec ce concept. Celui-ci n’a rien à voir avec la question de savoir qui a construit le plan originaire et suivant quelles considérations. L’unique préoccupation est le coût actuel de remplacement. En faisant un retour aux conditions qui existaient lorsque la conduite a été originairement installée, on n’applique pas cette formule mais on utilise plutôt celle que Bonbright appelle «le coût de replacement historique». A mon avis, le coupage et le remplacement des trottoirs fait partie du coût de la reconstruction actuelle du système et a été, à juste titre, inclus par la Commission.

Le juge d’appel Allen déclare:

[TRADUCTION] Bien que je ne puisse trouver d’énoncé spécifique en ce sens dans aucun arrêt, il me semble qu’il y a une différence dans le concept des valeurs en de tels cas. Dans les affaires de taux, l’arbitre doit déterminer un taux raisonnable de rendement pour la compagnie de services publics, lequel est un pourcentage qu’on applique à la base de tarif pour obtenir «le salaire du capital» (Priest — Public Utility Regulation Vol. 1 p. 191). La base de tarif qui

[Page 473]

peut fonder le rendement alloué est le montant des biens «utilisés et utiles» au moment de la recherche du taux, en rendant une source d’adduction (Priest au vol. 1, p. 139 et arrêts cités).

Dans les affaires d’acquisition, ce qui est dûment pris en considération en déterminant la valeur, c’est le coût d’une reconstruction à neuf moins la dépréciation, dans l’hypothèse que les installations actuelles existantes disparaissent instantanément et qu’à la date de l’évaluation un entrepreneur est prêt à reconstruire, et capable de reconstruire, un système identique à celui qui existait, du point de vue de la grandeur, de la qualité et du rendement.

La position de la Ville, qui n’a pas été acceptée par le juge d’appel McDermid, était que l’octroi d’une indemnité sous ce chef n’était pas justifiable parce qu’il ne s’agissait pas de déboursés réels effectués par la Compagnie lorsque le système avait été construit. Cette position ne peut se fonder que sur la théorie suivant laquelle la Compagnie a seulement le droit d’obtenir le remboursement de son coût de construction historique. Le coût historique est important en établissant une base de tarif. Le par. (3) de l’art. 81 de The Public Utilities Board Act, R.S.A. 1970, c. 302, prévoit ceci:

[TRADUCTION] (3) En déterminant une base de tarif conformément au paragraphe (2), la Commission doit prendre en considération

a) le coût des biens lorsqu’ils ont été initialement mis à l’usage du public, le coût judicieux d’acquisition pour le propriétaire, moins la dépréciation, l’amortissement ou la diminution à l’égard de chacun, et

b) le capital nécessaire d’exploitation.

Cependant, il ne s’agit pas en l’espèce d’établir une base de tarif. Il s’agit de fixer un prix conformément à une formule qui a reçu l’approbation des tribunaux. La question n’est pas de savoir ce que le système a coûté à la Compagnie mais de déterminer ce qu’il en coûterait à la Ville pour reconstruire un système identique, du point de vue de la grandeur, de la qualité et du rendement, à celui que l’on veut acquérir, et toutes les dépenses nécessaires à cette fin doivent être prises en considération en établissant le prix à payer pour le système existant.

[Page 474]

Je souscris à l’opinion de la majorité de la Division d’appel sur ce point.

A l’égard de la seconde question soulevée par la Compagnie, mentionnée dans l’al. a), c.-à-d. la diminution par la Commission du montant réclamé par la Compagnie sous ce chef, je ne vois aucun motif de modifier la décision unanime de la Division d’appel.

Passant à l’al. b) et au chef de réclamation «avances de construction», j’adopterais le point de vue qu’exprime ainsi le juge d’appel Johnson:

[TRADUCTION] Après tout, les biens achetés à l’aide de ces avances sont les biens de l’intimée et il n’y a pas de raison pour laquelle on ne devrait pas en payer le coût. La Commission a décidé qu’il s’agissait là de contrats de nature privée entre le promoteur et l’intimée et qu’elle n’était pas compétente à cet égard. L’intimée a toujours des obligations envers les lots qui n’ont pas encore le service d’eau et l’intimée ne peut pas s’y soustraire même si l’appelante assume cette responsabilité.

Je ne vois pas comment le prix que la Ville doit payer pour un élément d’actif de la Compagnie devrait être modifié en raison de la provenance des fonds obtenus par la Compagnie pour le payer.

A l’égard des «contributions de clients», la Commission a décidé que celles-ci avaient pour but de fournir les fonds nécessaires pour suppléer au manque de revenu qu’entraîne la construction d’un prolongement qui, aux taux établis conformément à la concession, ne rapportera pas de quoi payer ce qu’il en coûte pour approvisionner en eau de tels clients.

Je souscris à l’opinion exprimée sur ce point de façon suivante par le juge d’appel Johnson:

[TRADUCTION] En concluant que ces sommes étaient un revenu, la Commission a tranché une question de fait. Il y avait preuve sur laquelle la Commission pouvait fonder sa décision et il lui appartient de juger de la suffisance de cette preuve. Nous n’avons pas le pouvoir d’ordonner à la Commission d’exiger une preuve additionnelle. Même si l’intimée a, dans ses livres, traité ces sommes de façon différente, elle n’est pas empêchée de montrer qu’il s’agissait en fait d’un revenu.

[Page 475]

La question soulevée dans l’al. c) est relative au droit de la Compagnie de réclamer de la Ville la somme de $65,000 pour:

Frais préliminaires et d’organisation.....................................................

$ 24,000

Frais de sollicitation de clientèle

26,000

Coût des livres et dossiers......................................................................

15,000

$ 65,000

Le droit d’acheter que possède la Ville, tel qu’il se trouve défini par le texte législatif, et l’obligation qu’a la Ville de payer, a trait à «tous les droits de l’entrepreneur (Compagnie) dans toutes matières faisant l’objet du contrat et dans tout équipement et tous biens utilisés aux fins dudit contrat». Les droits conférés par le contrat de concession étaient, en bref, un droit exclusif, pour une période de dix ans, d’installer des tuyaux et conduites principales et secondaires pour la distribution des eaux dans la ville, de construire, maintenir, réparer et exploiter un système d’aqueduc, de vendre et de distribuer l’eau, avec privilège d’accès aux rues et ruelles de la ville pour l’installation des tuyaux.

Ce sont là les droits dont parle le texte législatif lorsqu’il confère le pouvoir d’acquisition. Dans ce contexte, je suis d’avis que le mot «biens», qui est juxtaposé avec le mot «équipement», vise des objets matériels et n’inclut pas les chefs pour lesquels cette réclamation est faite. (Voir Lord Macnaghten dans Kingston Light, Heat & Power Company v. Corporation of Kingston[2].

Ce fut là l’avis de la Commission, qui a fait les commentaires suivants au sujet de cette réclamation:

[TRADUCTION] Il n’y a pas de doute que si la Ville décide d’acheter le système elle sera dans l’obligation d’établir des livres et des dossiers et d’y faire les inscriptions relatives à l’exploitation du système; elle devra passer des contrats avec les usagers et faire les autres dépenses nécessaires à l’établissement du service d’eau. Ces dépenses, selon la Commission, sont des dépenses habituellement associées à l’exploitation

[Page 476]

des services d’une entreprise en marche et pour lesquelles C.P., dans une procédure de cette nature, n’a pas droit à une indemnité. Les droits dans toutes matières faisant l’objet du contrat, tels qu’envisagés par le texte législatif, doivent de toute évidence être afférents au privilège accordé par la Ville à C.P., qui comprend, entres autres, le droit, pour une période de dix ans, d’installer des tuyaux dans les rues et les ruelles de la ville et dans ce but de procéder à des excavations, etc. A la fin de la période prévue au contrat de concession, à moins qu’un renouvellement ne soit accordé, ces droits prennent fin et n’ont plus de valeur pour C.P. Les chefs réclamés par C.P., pour un total de $65,000, sont des chefs reliés à l’exploitation des droits conférés par la Ville en vertu de son contrat avec C.P. et qui, à l’expiration du contrat, ont peu de valeur pour C.P. Par conséquent, la Commission en est venue à la conclusion que la somme de $65,000 réclamée par C.P. a trait à des chefs de réclamation qui ne devraient pas être pris en considération en fixant le prix que la Ville doit payer pour l’acquisition du système à l’expiration du contrat de concession.

De plus, comme le fait remarquer le juge d’appel Johnson, ces chefs de réclamation ne cadrent pas avec la formule approuvée visant à indemniser d’après le coût d’une reconstruction à neuf.

Je n’accepterais pas cette réclamation.

En définitive, je suis d’avis que la décision de la Commission des services publics doit être rétablie. L’appel et l’appel incident, dans la mesure où ils demandent le rétablissement de cette décision, doivent être accueillis. Les autres conclusions de l’appel et de l’appel incident doivent être rejetées. Comme l’appel et l’appel incident n’ont tous deux été accueillis qu’en partie, je suis d’avis de ne pas adjuger de dépens à l’une ou l’autre des parties.

Jugement en conséquence.

Procureurs de l’appelante: Saucier, Jones, Peacock, Black, Gain, Stratton & Laycraft, Calgary.

Procureurs de l’intimée: Liden, Ackroyd, Bradley, Philion, Piasta, Neuman & Elgert, Edmonton.

[1] [1973] 1 W.W.R. 126, 33 D.L.R. (3d) 66.

[2] (1904), 20 T.L.R. 448.


Synthèse
Référence neutre : [1975] 2 R.C.S. 465 ?
Date de la décision : 01/10/1974
Sens de l'arrêt : La décision de la Commission des services publics doit être rétablie. L’appel et l’appel incident, dans la mesure où ils demandent le rétablissement de cette décision, doivent être accueillis. Les autres conclusions de l’appel et de l’appel incident doivent être rejetées

Analyses

Services publics - Système d’aqueduc de la municipalité, propriété de la compagnie - Demande à la Commission des services publics de fixer le prix - Formule d’évaluation - Éléments à considérer - The Municipal Government Act, R.S.A. 1970, c. 246, art. 272.

La compagnie appelante est propriétaire, depuis 1929, d’un système d’aqueduc qu’elle exploite depuis cette date en vertu de divers contrats de concession avec la ville intimée. Le dernier de ces contrats, en date du 3 juin 1958, était pour une période de 10 ans et n’a pas été renouvelé. Avant de décider d’exercer ou non son droit de racheter le système, la ville a demandé, comme cela était aussi son droit, à la Commission des services publics de fixer le prix, les parties étant incapables de se mettre d’accord sur certains éléments relatifs à celui‑ci. En déterminant le prix à payer, la Commission a appliqué la formule reconnue de «coût de remplacement en neuf», un concept en vertu duquel on présuppose que les installations existantes disparaissent instantanément et qu’à la date de l’évaluation un entrepreneur est prêt à reconstruire, et capable de reconstruire, un système identique à celui qui existait, du point de vue de la grandeur, de la qualité et du rendement.

Un appel à la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta à l’encontre de la décision du conseil a soulevé les questions suivantes: (a) est-ce que la Commission a eu raison d’accorder la somme de $300,000 pour ce qu’il en coûterait pour briser et refaire le pavage dans les endroits touchés, même si, selon la preuve présentée à la Commission, le pavage dont on tenait compte n’existait pas historiquement à l’époque où les différentes parties du réseau d’aqueduc ont été originairement installées. La compagnie avait réclamé un montant additionnel de $194,584 sous ce chef; (b) est-ce que la Commission a eu raison de refuser de déduire de l’évaluation du système d’aqueduc le montant des «contributions des clients» (dans les cas où il y a un «client» qui désire

[Page 466]

des services et où le coût d’installation dépasse $150 par client) et «les avances de construction» (dans les cas où il n’y a pas de client requérant le service; par exemple, lorsqu’un promoteur immobilier désire lotir un terrain et construire des maisons qu’il vendra plus tard); (c) est-ce que la Commission a eu raison de refuser d’accorder une indemnité pour les frais préliminaires d’organisation, les frais de sollicitation de clientèle et le coût d’établissement des livres et dossiers.

À l’égard de l’alinéa (a), la Cour, par une majorité de 2 contre 1, a rejeté l’appel de la ville. L’appel incident de la compagnie a été rejeté à l’unanimité. À l’égard de l’al. (b) la Cour, par une majorité de 2 contre 1, a accueilli l’appel de la ville et renvoyé l’affaire à la Commission pour réexamen. À l’égard de l’alinéa (c), la Cour, par une majorité de 2 contre 1, a acceuilli l’appel incident de la compagnie et a renvoyé l’affaire à la Commission pour réexamen.

La compagnie en a appelé à cette Cour contre le rejet de son appel incident sous l’al. (a), et à l’encontre de l’accueil de l’appel de la ville sous l’al. (b). La ville a interjeté un appel incident à l’encontre du rejet de son appel sous l’al. (a) et à l’encontre de l’accueil de l’appel incident de la compagnie sous l’al. (c).

Arrêt: La décision de la Commission des services publics doit être rétablie. L’appel et l’appel incident, dans la mesure où ils demandent le rétablissement de cette décision, doivent être accueillis. Les autres conclusions de l’appel et de l’appel incident doivent être rejetées.


Parties
Demandeurs : Calgary Power Ltd.
Défendeurs : Ville de Camrose
Proposition de citation de la décision: Calgary Power Ltd. c. Ville de Camrose, [1975] 2 R.C.S. 465 (1 octobre 1974)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1974-10-01;.1975..2.r.c.s..465 ?
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