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19/12/1974 | CANADA | N°[1976]_1_R.C.S._286

Canada | Western Assurance Co. c. Desgagnés, [1976] 1 R.C.S. 286 (19 décembre 1974)


Cour suprême du Canada

Western Assurance Co. c. Desgagnés, [1976] 1 R.C.S. 286

Date: 1974-12-19

The Western Assurance Company (Défenderesse) Appelante;

et

Jean-Paul Desgagnés (Demandeur) Intimé.

1974: le 10 octobre; 1974: le 19 décembre.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Pigeon, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec, confirmant un jugement de la Cour supérieure. Appel rejeté.

R.G. Chauvin, c.r

., pour la défenderesse, appelante.

R. Gaudreault, pour le demandeur, intimé.

Le jugement de la Cour a été rendu par

L...

Cour suprême du Canada

Western Assurance Co. c. Desgagnés, [1976] 1 R.C.S. 286

Date: 1974-12-19

The Western Assurance Company (Défenderesse) Appelante;

et

Jean-Paul Desgagnés (Demandeur) Intimé.

1974: le 10 octobre; 1974: le 19 décembre.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Pigeon, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec, confirmant un jugement de la Cour supérieure. Appel rejeté.

R.G. Chauvin, c.r., pour la défenderesse, appelante.

R. Gaudreault, pour le demandeur, intimé.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE DE GRANDPRÉ — Par son action, fondée sur un contrat d’assurance maritime, l’intimé demande à l’appelante (Western) de l’indemniser d’une condamnation prononcée contre lui en qualité de voiturier dans les procédures intentées par l’expéditeur, Canada Steamship Lines Ltd. (C.S.L.). Le jugement dans l’affaire Canada Steamship Lines Ltd. c. Desgagnés est rapporté à [1967] 2 R.C. de l’E. 234.

Pour les fins du litige, il suffit de rappeler les faits suivants:

— le contrat de transport entre Desgagnés et la C.S.L. était verbal;

— ce contrat portait sur 152 pièces de métal;

— ces pièces furent chargées sur le pont du navire Fort Carillon par les employés de la C.S.L.;

— le 12 septembre 1961, vers 20.55 heures, le navire quitta Montréal pour Lauzon et quelques heures plus tard, près de Contrecœur, alors que le navire naviguait en eaux calmes, il donna de la bande et 148 des pièces tombèrent à la mer;

— cette perte doit être attribuée à l’instabilité du navire, résultant d’un chargement trop pesant sur le pont par rapport à la cargaison dans les cales.

Dès le 20 juillet 1962, l’assureur refusa d’indemniser son assuré en s’exprimant comme suit:

[TRADUCTION] Il est établi à notre satisfaction que la perte n’en est pas une visée par la couverture que prévoit notre police. Vous n’êtes pas sans savoir que la police prévoit que la cargaison transportée en pontée est transportée ainsi au risque de l’expéditeur. Nous ne voyons rien dans la situation présente qui soit de nature à obvier à cette partie de la police …

[Page 288]

Dans sa défense écrite à l’action de l’intimé, l’assureur appelant a réaffirmé sa position. La clause sur laquelle il s’appuie est la suivante:

[TRADUCTION] TRANSPORT DE CARGAISON

Il est entendu et convenu que la responsabilité en vertu des présentes sera limitée à celle qui existerait s’il y avait charte-partie, connaissement ou contrat d’affrètement contenant

(a) une disposition prévoyant que les envois sont assujettis soit au Harter Act 1893 ou au Carriage of Goods by Sea Act (U.S.A.) 1936 s’ils sont d’un port des États‑Unis, soit à la Loi (canadienne) sur le transport des marchandises par eau, 1936, s’ils sont d’un port canadien, et également aux évaluations minimum par colis ou unité de fret et à toutes les exonérations de responsabilité permises per lesdites lois;

(b) Une clause Négligence-avaries communes se lisant comme suit: «Advenant accident, danger, dommage, ou désastre avant ou après le commencement du voyage, résultant de quelque cause que ce soit, due à la négligence ou non, et pour laquelle, ou pour les conséquences de laquelle, le propriétaire du navire n’est pas responsable, en vertu d’une loi ou d’un contrat ou autrement, les expéditeurs, cosignataires ou propriétaires de la cargaison contribueront avec le propriétaire du navire en avaries communes au paiement de tout sacrifice, toute perte ou haute dépenses d’avaries communes qui pourront avoir été faits ou encourus et paieront les frais de sauvetage et frais spéciaux encourus relativement à la cargaison»;

(c) Une disposition prévoyant que la cargaison sera au risque de l’expéditeur si elle est arrimée en pontée;

(d) Une clause prévoyant que l’Assuré et le navire nommé aux présentes bénéficieront de toutes les limitations et exonérations statutaires de responsabilité permises en faveur des propriétaires de navires;

(e) Une Liberties Clause communément utilisée dans le commerce dans lequel le navire est engagé;

(f) Les clauses que la loi peut exiger que l’on y insère;

C’est cette clause qui fut étudiée par la Cour supérieure et par la Cour d’appel à la lumière des faits contenus dans les admissions signées par les parties, document qu’il n’est pas nécessaire de reproduire pour l’intelligence de cet appel. Cette étude a amené les tribunaux du Québec à conclure en faveur de l’intimé et je dirai tout de suite que je

[Page 289]

partage cette conclusion, tout en ne pouvant me rallier à plusieurs des motifs exprimés par la Cour supérieure et par la Cour d’appel.

La seule clause de la convention que l’assureur peut invoquer est l’al. (c) qui traite du transport en pontée. Il a choisi de circonscrire ses obligations en stipulant ce que sera censé contenir tout contrat de transport et dans cette stipulation il a énoncé, de façon particulière à l’al. (c), ce que le contrat de transport doit être censé contenir quant aux marchandises sur le pont. Il ne peut donc pas prétendre que l’al. (a) impose pour ce même genre de transport une clause plus extensive que cette disposition particulière.

La responsabilité de l’assureur est donc restreinte à certains cas précis. L’assuré et ses clients peuvent faire toutes les conventions légales qui leur plaisent mais, entre l’assuré et l’assureur, la responsabilité de ce dernier doit être examinée à la lumière de ce qu’aurait été la situation de l’assuré s’il avait émis le document prescrit par la clause précitée. En l’espèce, l’unique question à résoudre est donc la suivante: La responsabilité de Desgagnés dans les circonstances de l’événement aurait-elle été engagée envers la C.S.L. si un contrat écrit de transport avait stipulé que les pièces de métal seraient transportées en pontée et qu’elles seraient au risque de l’expéditeur? J’ai déjà indiqué que cette question doit recevoir une réponse affirmative. L’appelante nous a soumis qu’elle ne saurait être appelée à indemniser Desgagnés parce que celui-ci avait à sa disposition une formule de connaissement dans laquelle on retrouve la stipulation suivante:

CARGAISON EN PONTÉE: — Les marchandises couvertes par ce connaissement peuvent être arrimées sur ou sous le pont à la discrétion du Voiturier; et lorsqu’elles sont chargées en pontée elles sont, en vertu de cette disposition, censées être déclarées comme étant ainsi chargées en pontée, et ceci même si aucune mention spécifique à cet effet n’appert à la face de ce connaissement. Relativement à cette cargaison en pontée, le Voiturier n’assume aucune responsabilité quant aux pertes, avaries ou aux retards résultant de toutes causes que ce soit, y compris la négligence ou le mauvais état de navigabilité au départ ou n’importe quel moment du voyage.

[Page 290]

Je ne crois pas que la responsabilité de la Western doive être examinée à la lumière d’un connaissement contenant une stipulation générale de non responsabilité pour toute cargaison en pontée, «y compris la négligence ou le mauvais état de navigabilité». Ce n’est pas là la convention d’assurance entre les parties. Cette convention va beaucoup moins loin et l’assureur, d’après ses termes, est responsable envers son assuré chaque fois que celui-ci serait lui-même responsable envers l’expéditeur si le contrat de transport avait contenu une stipulation mettant au risque de l’expéditeur la cargaison en pontée.

En d’autres termes, l’assureur n’a jamais dit à son assuré que le contrat d’assurance ne l’indemniserait en aucun cas d’un dommage à la cargaison transportée en pontée. Au contraire, par le jeu du texte, il lui a affirmé qu’une indemnité lui serait versée pour tous les dommages non exclus par un connaissement «au risque de l’expéditeur».

Cette expression a un sens bien défini et elle n’écarte pas la responsabilité du transporteur envers l’expéditeur pour le mauvais état de navigabilité du navire. Sur ce point, il suffit de référer à l’opinion émise par Lord Wright dans le Svenssons Travaruaktiebolag c. Cliffe Steamship Company[1], où il affirme ce qui suit à la p. 498:

[TRADUCTION] Il est très clair, à mon avis, d’après l’état actuel de la jurisprudence, que les mots «au risque des affréteurs», pris isolément et indépendamment de toute autre exception dans la charte-partie, n’excusent pas le propriétaire de navire en cas de perte due à la violation de la garantie de bon état de navigabilité. Cela, si tant est qu’il faille un précédent, est clairement formulé par la Cour d’appel dans l’affaire The Galileo [1914] P. 9, et je ne vois aucune raison d’atténuer cette conclusion par ce que j’ai pu trouver dans la décision rendue par la Chambre des Lords dans la même affaire, [1915] A.C. 199.

Le jugé dans l’affaire Galileo, [1914] P. 9 est le suivant:

[TRADUCTION] que les défendeurs étaient tenus d’indemniser les demandeurs pour la perte qu’ils avaient subie par suite de l’engloutissement du chaland à cause d’un mauvais état de navigabilité, la question étant une question d’interprétation du connaissement direct, et que

[Page 291]

les mots «au risque de l’expéditeur» se rapportaient à d’autres risques que celui d’une violation de l’obligation fondamentale du propriétaire de navire relativement à la navigabilité.

Si l’assureur avait voulu aller plus loin, il aurait pu imposer dans son contrat d’assurance la stipulation qu’il désirait voir insérer dans tous les contrats de transports, ainsi qu’il l’a fait dans l’al. (b) de la clause précitée. Toutefois, tel n’est pas le cas et l’obligation de l’assureur doit être décidée à la lumière de la convention que l’on retrouve dans la police.

Pour toutes ces raisons, je conclurais comme la Cour d’appel et confirmerais la condamnation de l’appelante, le tout avec dépens.

Appel rejeté avec dépens.

Procureurs de la défenderesse, appelante: Chauvin & Dion, Montréal.

Procureurs du demandeur, intimé: Langlois, Drouin & Laflamme, Québec.

[1] 41 Ll. L. Rep. 262, [1932] 1 K.B. 490.


Synthèse
Référence neutre : [1976] 1 R.C.S. 286 ?
Date de la décision : 19/12/1974
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être rejeté

Analyses

Assurance - Assurance maritime de voiturier - Clause de responsabilité en cas de transport de cargaison en pontée au risque de l’expéditeur - Contrat verbal entre expéditeur et voiturier - Voiturier serait responsable en cas de contrat écrit mettant cargaison en pontée au risque de l’expéditeur - Responsabilité de l’assureur.

L’intimé a été condamné en qualité de voiturier dans les procédures intentées contre lui par l’expéditeur à la suite d’une perte attribuée à l’instabilité du navire résultant d’un chargement trop pesant sur le pont par rapport à la cargaison dans les cales. Le contrat de transport entre le voiturier et l’expéditeur était verbal. L’intimé, invoquant un contrat d’assurance maritime, a demandé à l’appelante de l’indemniser. La compagnie appelante a refusé en affirmant que la perte n’était pas visée par la couverture de la police, celle-ci excluant toute responsabilité à l’égard d’une cargaison en pontée. Les Cours inférieures ont condamné l’appelante à indemniser l’intimé. D’où le pourvoi à cette Cour.

Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.

La convention d’assurance stipule que la responsabilité de l’assureur sera limitée à celle qui existerait s’il y avait un connaissement prévoyant que la cargaison sera au risque de l’expéditeur si elle est arrimée en pontée. L’expression «au risque de l’expéditeur» n’écarte pas la responsabilité du transporteur envers l’expéditeur pour le mauvais état de navigabilité du navire. L’instabilité prouvée en l’espèce constituait mauvais état de navigabilité et l’assureur doit être condamné.

L’appelante ne peut échapper à sa responsabilité parce que l’intimé avait à sa disposition une formule de connaissement qui lui aurait permis de contester victorieusement la réclamation de l’expéditeur, ce connaissement écartant tout recours fondé sur le mauvais état de navigabilité. L’emploi de cette formule n’a pas été imposé à l’assuré par la police d’assurance.

[Page 287]

Arrêt mentionné: Svenssons Travaruaktiebolag c. Cliffe Steamship Company, 41 Ll. L. Rep. 262; [1932] 1K.B. 490.


Parties
Demandeurs : Western Assurance Co.
Défendeurs : Desgagnés
Proposition de citation de la décision: Western Assurance Co. c. Desgagnés, [1976] 1 R.C.S. 286 (19 décembre 1974)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1974-12-19;.1976..1.r.c.s..286 ?
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