La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/1975 | CANADA | N°[1976]_1_R.C.S._363

Canada | Politzer c. Metropolitan Homes Ltd, [1976] 1 R.C.S. 363 (13 février 1975)


Cour suprême du Canada

Politzer c. Metropolitan Homes Ltd., [1976] 1 R.C.S. 363

Date: 1975-02-13

Edward James Politzer (Défendeur) Appelant;

et

Metropolitan Homes Ltd. (Demanderesse) Intimée.

1974: les 14 et 18 juin; 1975: le 13 février.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Pigeon, Dickson et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA

Cour suprême du Canada

Politzer c. Metropolitan Homes Ltd., [1976] 1 R.C.S. 363

Date: 1975-02-13

Edward James Politzer (Défendeur) Appelant;

et

Metropolitan Homes Ltd. (Demanderesse) Intimée.

1974: les 14 et 18 juin; 1975: le 13 février.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Pigeon, Dickson et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA


Synthèse
Référence neutre : [1976] 1 R.C.S. 363 ?
Date de la décision : 13/02/1975
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli

Analyses

Immeuble - Le document constitue-t-il une option d’achat ou une convention de vente et d’achat? - Aucune réciprocité d’obligations - Application de la règle contre la pérennité des droits contingents - L’acquéreur a-t-il le droit d’exiger l’exécution même de l’engagement du vendeur même si les droits sur le terrain créés par l’entente peuvent être attribués au-delà de la «perpetuity period»?.

Désireuse d’obtenir quelque 200 acres de terrain dans la ville de St-Vital pour fins de lotissement, l’intimée (M) a retenu les services d’une société immobilière pour faire l’acquisition d’options d’achat des propriétaires de terrains situés dans la zone en question. Le 2 mars 1966, l’appelant (P), un des propriétaires, a signé une entente dont la clause 3 est libellée comme suit: «Toutefois, ni l’acceptation de cette offre d’achat, ni le paiement de tout versement prévu par la présente n’oblige l’ACQUÉREUR à payer tout autre versement et il demeure libre d’annuler ou de résilier le contrat en retirant les versements déjà exécutés à l’égard dudit contrat, et advenant cette annulation, il ne sera tenu d’aucune façon responsable de tout autre paiement ou de dommages-intérêts résultant de l’inexécution du contrat».

L’entente prévoit également le paiement de 40 pour cent du prix d’achat (qui comprend le paiement relatif à l’option) dans un délai de 30 jours de la signature par l’acquéreur d’une entente d’aménagement conclue avec la ville de St-Vital. De plus, par cette entente l’acquéreur s’engage à hypothéquer en faveur du vendeur en règlement du solde du prix d’achat.

L’entente d’aménagement avec la municipalité n’a jamais été conclue, et le 5 juillet 1972, l’avocat de P a avisé par écrit M que l’option avait pris fin et il lui a demandé de retirer le caveat qui avait été déposé. Il y eut ensuite une lettre datée du 11 juillet qui annonçait que la propriété avait été vendue. Le 13 juillet, malgré que l’entente d’aménagement ne fût pas encore conclue, M a fait parvenir à P la somme à verser dans les 30

[Page 364]

jours de la signature d’une telle entente. Ce paiement fut refusé. P se présenta ensuite devant la Cour du Banc de la Reine pour faire annuler le caveat et M a réagi en intentant contre lui une action soit en exécution d’obligation ou en dommages-intérêts. Le juge de première instance a rejeté l’action. La Cour d’appel l’a accueillie. Un pourvoi a ensuite été interjeté devant cette Cour.

Arrêt: Le pourvoi doit être accueilli.

Le juge en chef Laskin et le juge Martland: Puisque l’intimée s’est régulièrement prévalue de son option d’achat, les parties en cause sont devenues respectivement vendeur et acquéreur en vertu d’une convention de vente et d’achat de terrains. Cependant, il n’y a aucun contrat obligatoire prévoyant une contrepartie dans une convention en vertu de laquelle l’acquéreur a le choix de l’exécuter ou non et ce, sans engager sa responsabilité s’il ne l’exécute pas. On ne peut certainement pas parler ici d’obligation réciproque; et sans nécessairement affirmer que ce caractère est nécessaire dans tous les cas pour demander l’exécution même de l’obligation, il est clair que l’acquéreur ne peut se prévaloir de pareil recours dans la présente affaire.

Les juges Pigeon, Dickson et de Grandpré: Compte tenu de l’ensemble du document, la clause 3 a pour seul but d’assurer à M le droit d’acheter le terrain de P sans y être obligée d’aucune façon. Il n’y a aucune réciprocité d’obligations, ni aucune réciprocité de recours. M n’est aucunement liée et n’assume aucune obligation quelle qu’elle soit. P était lié; M ne l’était pas. Il en découle donc que le document constitue une option et non un contrat de vente et d’achat.

Une option d’achat de terrain en retour d’une contrepartie désignée fait naître un droit en equity sur le terrain. Cependant, ce droit n’est pas attribué dé façon à échapper à la règle contre la pérennité si l’option est exercée au-delà de la «perpetuity period» qui, en l’espèce, est de 21 ans puisqu’aucune vie n’est spécifiée. M a obtenu un droit éventuel en equity, l’éventualité étant le choix d’exercer son droit d’achat sur les terrains de P en effectuant le paiement et en concluant l’hypothèque mentionnés dans l’entente dans les délais de 30 jours après avoir a) conclu une entente d’aménagement avec la ville de St-Vital, et b) obtenu les approbations gouvernementales nécessaires. Rien dans l’entente n’assurait que ce choix serait fait dans les limites de la «perpetuity period».

Concernant le corollaire, c.-à-d. si M peut demander l’exécution même de l’engagement de P même si les droits sur le terrain créés par cette entente peuvent être attribués au-delà de la «perpetuity period», dès qu’une

[Page 365]

clause d’option qui crée un droit sur un bien-fonds est déclarée nulle parce qu’elle enfreint la règle contre la pérennité des droits contingents, on ne retrouve en réalité dans l’entente aucun contrat personnel en vertu duquel une ordonnance d’exécution pourrait être rendue. L’option en cause représente une convention qui crée un droit sur le bien-fonds et qui est nulle parce qu’elle enfreint la règle contre la pérennité; elle ne constitue pas simplement un contrat personnel et, par conséquent, M n’a pas droit à une ordonnance enjoignant l’exécution même de l’obligation.

[Arrêts suivis: Frobisher Ltd. c. Canadian Pipelines & Petroleums Ltd. et al., [1960] R.C.S. 126; Canadian Long Island Petroleums Ltd. and Sadim Oil & Gas Co. Ltd. c. Irving Industries (Irving Wire Products Division) Ltd. et al., [1975] 2 R.C.S. 715; Harris c. Le ministre du Revenu national, [1966] R.C.S. 489; arrêts non suivis: South Eastern Railway Co. v. Associated Portland Cement Manufacturers (1900) Ltd., [1910] 1 Ch. 12; Hutton v. Watling, [1948] Ch. 26; Re Kennedy & Beaucage Mines Ltd., [1959] O.R. 625; arrêt mentionné: Prudential Trust Co. Ltd. c. Forseth, [1960] R.C.S. 210.]

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba[1] infirmant un jugement du juge Solomon. Pourvoi accueilli.

I.I. Cutler, pour le défendeur, appelant.

Y.M. Henteleff et M.W. Calof, pour la demanderesse, intimée.

Le jugement du juge en chef Laskin et du juge Martland a été rendu par

LE JUGE EN CHEF — Je suis d’accord avec mon collègue le juge Dickson pour accueillir le présent pourvoi, mais ma conclusion s’appuie sur des motifs différents, du moins quant à un de ceux-ci.

Les dispositions pertinentes de la convention intervenue entre l’intimée, à titre de mandant non inscrit, et l’appelant sont relatées dans les motifs de mon collègue le juge Dickson de sorte qu’il est inutile de les répéter. Puisque l’intimée s’est régulièrement prévalue de son option d’achat, je suis d’avis que les parties en cause sont devenues respectivement vendeur et acquéreur en vertu d’une convention de vente et d’achat de terrains. Le

[Page 366]

paragraphe 3 de la convention, sur lequel sont basés mes motifs relatifs au sort de ce pourvoi, n’offre aucune possibilité d’application à ses dispositions concernant l’option. Si l’option n’était pas exercée en conformité de la convention, ce qui implique le paiement d’un montant de $100 et puis de $900 (lesquels ont été effectués), il n’y aurait aucun fondement sur lequel pourrait s’appuyer l’examen de toute autre disposition de la convention.

Puisque l’art. 3 permet à l’acquéreur de se soustraire à toute obligation découlant de la convention de vente, et ce même après l’avoir approuvée, et qu’il lui permet également de se soustraire au paiement du tout versement ou de tout nouveau versement, et qu’il lui accorde le droit de résilier unilatéralement la convention tout en retirant les versements déjà exécutés s’il y en a et ce, sans être tenu de faire d’autres versements ou de payer des dommages-intérêts pour rupture de contrat, je considère cette convention de vente et d’achat comme étant illusoire. Je ne vois aucun contrat obligatoire prévoyant une contrepartie dans une convention en vertu de laquelle l’acquéreur a le choix de l’exécuter ou non et ce, sans engager sa responsabilité s’il ne l’exécute pas. On ne peut certainement pas parler ici d’obligation réciproque; et sans nécessairement affirmer que ce caractère est nécessaire dans tous les cas pour demander l’exécution même de l’obligation, il est clair que l’acquéreur ne peut se prévaloir de pareil recours dans la présente affaire.

Je n’ai pas oublié que, même si l’entente a été signée le 2 mars 1966 et que l’intimée a fait des démarches (qui se sont avérées infructueuses) pour convenir d’une entente d’aménagement, l’appelant a patienté quelques années, jusqu’en juillet 1972 alors qu’il a avisé l’intimée que la convention était annulée. C’est après que l’appelant eut institué des procédures visant à faire reconnaître ses droits relativement au caveat enregistré contre les terrains formant l’objet du contrat, que l’intimée a intenté, le 11 août 1972, une action en exécution même de l’obligation. Je ne crois pas que ces faits militent en faveur de ce recours en equity.

[Page 367]

Comme je l’ai déjà mentionné, je suis d’avis de disposer du pourvoi comme le propose mon collègue le juge Dickson.

Le jugement des juges Pigeon, Dickson et de Grandpré a été rendu par

LE JUGE DICKSON — Dans le présent pourvoi, la Cour doit décider si l’entente intervenue entre Edward James Politzer et Oldfield, Kirby & Gardner Limited constitue une convention de vente et d’achat de terrains ou simplement une option d’achat sur les terrains, et advenant l’éventualité d’une option, si la règle contre la pérennité des droits contingents peut être invoquée à l’encontre d’une action en exécution d’obligation intentée contre Politzer par Metropolitan Homes Ltd., le cessionnaire de Oldfield, Kirby et Gardner Limited. En première instance, le juge Solomon a rejeté l’action. La Cour d’appel du Manitoba a infirmé cette décision.

Voici les passages pertinents de ladite entente:

[TRADUCTION]

ENTENTE rédigée en double exemplaire, le 2 mars 1966.

ENTRE:

EDWARD JAMES POLITZER, résident de la province du Manitoba

(ci-après appelé «le VENDEUR»), DE PREMIÈRE PART,

— et —

OLDFIELD, KIRBY & GARDNER LIMITED, une compagnie dûment constituée en vertu des lois du Manitoba, ou son représentant,

(ci-après appelée «l’ACQUÉREUR») DE SECONDE PART.

ÉTANT TÉMOINS qu’en retour de la somme de CENT DOLLARS ($100.00) que paie maintenant l’ACQUÉREUR au VENDEUR (qui, par la présente, reconnaît avoir reçu ladite somme), le VENDEUR, par la présente, accorde à l’ACQUÉREUR une option d’achat, irrévocable dans les délais prévus aux présentes, sur les propriétés libres de toute charge, dont le certificat de titre porte le numéro 970517 et dont l’étendue couvre approx. 24 acres.

Cette option peut être acceptée au plus tard quatre-vingt-dix (90) jours à compter de ce jour et l’acceptation peut être signifiée par une lettre remise au VENDEUR

[Page 368]

ou par une lettre dûment affranchie, recommandée et adressée au VENDEUR au numéro 545 avenue Victoria, West Transcona, et l’option ainsi acceptée constituera un contrat de vente et d’achat pour la somme et selon les conditions énoncées ci-dessous:

1. Le prix d’achat desdits terrains est de $60,000.00 l’acre-suivant la superficie exacte mesurée par un [???] arpenteur géomètre du Manitoba, qui sera payé [???] comme suit:

a) en créditant la somme de $100.00 susmentionnée;

b) par le paiement d’une somme additionnelle de $900.00 du prix d’achat, au plus tard à la date d’acceptation de l’option par l’ACQUÉREUR;

c) par le paiement de 40% du prix d’achat (qui comprend le paiement relatif à l’option) dans un délai de 30 jours de la signature de l’entente d’aménagement mentionnée à la clause 9 de la présente entente;

d) par la garantie du solde du prix d’achat par une première hypothèque sur la garantie immobilière desdits terrains par l’ACQUÉREUR au VENDEUR et payable sur une période de cinq (5) ans à compter de la date de la signature de ladite entente d’aménagement, par des versements annuels égaux sur le capital et les intérêts, lesquels seront calculés au taux annuel de 6% à compter de la date en question. Le premier paiement sera exigible un an après le paiement mentionné à la clause 1 c) des présentes. L’ACQUÉREUR se réserve le droit de régler par anticipation la totalité ou une partie dudit solde en tout temps, sans avis ou boni.

2. Les sommes versées par l’ACQUÉREUR au VENDEUR en retour de ce droit d’option seront déductibles à titre d’acompte du prix d’achat susmentionné.

3. Toutefois, ni l’acceptation de cette offre d’achat, ni le paiement de tout versement prévu par la présente n’oblige l’ACQUÉREUR à payer tout autre versement et il demeure libre d’annuler ou de résilier le contrat en retirant les versements déjà exécutés à l’égard dudit contrat, et advenant cette annulation, il ne sera tenu d’aucune façon responsable de tout autre paiement ou de dommages-intérêts résultant de l’inexécution du contrat.

9. Dans un délai de trente (30) jours de la date à laquelle l’ACQUÉREUR conclut une entente avec la ville de St-Vital concernant le lotissement et l’aménagement pour fins commerciales et/ou résidentielles de la zone composée en partie des terrains du VENDEUR, et obtient l’approbation gouvernementale nécessaire du plan de lotissement commercial et/ou résidentiel, l’ACQUÉREUR convient de payer la

[Page 369]

tranche de 40% du prix d’achat mentionnée à la clause 1 c). À cette date, le VENDEUR transférera à l’ACQUÉREUR les terrains libres de toute charge quelle qu’elle soit, et l’ACQUÉREUR s’engage à hypothéquer en faveur du VENDEUR en règlement du solde dû conformément aux conditions établies à la clause 1 d).

Désireuse d’obtenir quelque deux cents acres de terrain dans la ville de St-Vital pour fins de lotissement, Metropolitan Homes a retenu les services des agents d’immeubles Oldfïeld, Kirby & Gardner pour faire l’acquisition d’options d’achat des propriétaires de terrain situé dans la zone en question. Politzer, un des propriétaires, a signé une des ces ententes et il a touché $100. Il a reçu une autre somme de $900 dans les délais de quatre-vingt-dix jours mentionnés à la clause 1 b) ainsi que la lettre portant sur l’exercice de l’option. Avant d’apposer sa signature, il signala que l’entente ne prévoyait aucun délai dans les limites duquel l’acquéreur devait conclure l’entente d’aménagement prévue à la clause 9, mais l’agent de Oldfield, Kirby & Gardner l’a assuré, comme le juge de première instance l’a constaté, que l’entente d’aménagement serait conclue dans un délai de deux ans.

Pour de nombreuses raisons, la conclusion de l’entente d’aménagement fut retardée pendant longtemps. En 1968, la municipalité métropolitaine de Winnipeg a dévoilé un plan directeur d’aménagement en vertu duquel certains terrains, y compris ceux de Politzer, ont été «gelés» en attendant l’aménagement de terrains situés au nord des siens. Le délai de deux ans mentionné par l’agent et une période additionnelle de quatre ans se sont écoulés, durant lesquels Politzer a payé les taxes foncières de même que $3,000 en capital et en intérêts sur une hypothèque qui grevait sa propriété. À quelques reprises, Politzer tenta vainement de faire modifier l’entente. Finalement, le 5 juillet 1972, son avocat a avisé par écrit Metropolitan Homes que l’option avait pris fin et il lui a demandé de retirer le caveat déposé auprès du Bureau des titres de biens-fonds de Winnipeg. Il y eut ensuite une lettre datée du 11 juillet qui annonçait que la propriété avait été vendue. Le 13 juillet, malgré que l’entente d’aménagement ne fût pas encore conclue, Metropolitan Homes a fait parvenir à Politzer la somme de $23,000 en règle-

[Page 370]

ment du paiement prévu à la clause 1 c) de leur entente. Ce paiement fut refusé. Politzer se présenta ensuite devant la Cour du Banc de la Reine pour faire annuler le caveat et Metropolitan Homes a réagi en intentant contre lui une action soit en exécution d’obligation ou soit en dommages-intérêts.

En Cour d’appel du Manitoba, le juge en chef Freedman, qui a prononcé le jugement de la Cour, était d’avis que le document du 2 mars 1966, qui a donné lieu au litige, était originellement une option mais que cette option avait été dûment acceptée et exercée dans le délai prescrit de quatre-vingt-dix jours de sorte que le document est ainsi devenu, selon ses propres termes, [TRADUCTION] «une convention obligatoire de vente et d’achat», et selon le juge en chef, conclure différemment [TRADUCTION] «équivaudrait à fermer volontairement les yeux sur la clarté et la précision des termes du document». On a conclu à l’inapplication de la règle contre la pérennité des droits contingents. Je conviens que si le document était une convention valide de vente et d’achat de terrains, cela conférerait à Metropolitan Homes des droits en equity sur les terrains et la règle contre la pérennité serait alors inapplicable, mais avec tout le respect pour l’opinion d’un très éminent juriste, je ne crois pas que le document constitue une convention de vente et d’achat. Le titre que les parties décernent à un acte juridique ne détermine pas nécessairement sa nature. Un acte peut être une option même si on y indique qu’il s’agit d’une convention de vente, et vice versa. L’essence du document, extraite de son ensemble plutôt que de sa forme, doit en déterminer la nature. La différence entre un contrat de vente et d’achat et une option est qu’en vertu d’un contrat de vente et d’achat une partie est tenue de vendre et l’autre d’acheter, tandis qu’une option ne donne que le droit d’acheter sans qu’on y soit obligé. Avec respect, il me semble que la Cour d’appel n’a pas accordé suffisamment d’importance à la clause 3 de l’entente; l’arrêt rendu par la Cour n’en fait même pas mention. À mon avis, cette clause est fondamentale et son effet est néfaste à la prétention de l’avocat de l’intimée que l’entente est une convention obligatoire de vente et d’achat. Compte tenu de l’ensemble du document, cette clause a pour seul but d’assurer à Metropoli-

[Page 371]

tan Homes le droit d’acheter le terrain de Politzer sans y être obligée d’aucune façon. Comment un contrat de vente et d’achat peut-il exister si personne n’est tenue d’acheter? Où y a-t-il réciprocité d’obligations? Quel recours aurait Politzer si Metropolitan Homes, agissant en vertu de la clause 3, décidait de ne pas conclure la transaction? Où y a-t-il réciprocité de recours? Une lecture attentive de tout le document révèle que Metropolitan Homes n’est aucunement liée et n’assume aucune obligation quelle qu’elle soit. Politzer était lié; Metropolitan Homes ne l’était pas. Il en découle donc, selon moi, que le document constitue une option et non un contrat de vente et d’achat.

Nous devons décider maintenant si le privilège enfreint la règle contre la pérennité. En corollaire, nous devons décider si Metropolitan Homes peut demander l’exécution même de l’engagement de Politzer même si les droits sur le terrain créés par cette entente peuvent être attribués au-delà de la «perpetuity period». Depuis la décision rendue par le juge Judson au nom de la majorité de la Cour dans l’affaire Frobisher Ltd. c. Canadian Pipelines & Petroleums Ltd. et al.[2], il semble bien établi au Canada qu’une option d’achat de terrain en retour d’une contrepartie désignée fait naître un droit en equity sur le terrain. Cependant, ce droit n’est pas attribué de façon à échapper à la règle contre la pérennité si l’option est exercée au-delà de la «perpetuity period» qui, en l’espèce, est de 21 ans puisqu’aucune vie n’est spécifiée. Dans une récente décision de cette Cour dans Canadian Long Island Petroleums and Sadim Oil & Gas Ltd. c. Irving Industries (Irving Wire Products Division) Ltd. et al.[3], le juge Martland était d’avis que le principe était très bien exposé dans cet extrait de Morris et Leach, The Rule Against Perpetuities, 2e éd., p. 219:

[TRADUCTION] Le raisonnement qui a conduit à cette conclusion a été le suivant. Une option d’acheter un bien-fonds est une obligation dont on peut exiger l’exécution même. Cela donne au détenteur de l’option un droit en equity sur le bien-fonds, droit qui dépend du choix de ce détenteur de lever l’option. Les droits éven-

[Page 372]

tuels sur le bien-fonds sont nuls à moins qu’ils puissent être dévolus (si la dévolution est possible) dans les limites de la «perpetuity period». Par conséquent, une option d’achat qui peut être levée au-delà de la «perpetuity period» est nulle dans la mesure où elle crée un droit sur le bien-fonds.

Metropolitan Homes a obtenu un droit éventuel en equity, l’éventualité étant le choix d’exercer son droit d’achat sur les terrains de Politzer en effectuant le paiement et en concluant l’hypothèque mentionnés aux clauses 1 c) et d) dans les délais de trente jours après avoir a) conclu une entente avec la ville de St-Vital en vue du lotissement et de l’aménagement résidentiel et/ou commercial de la zone que composent en partie les terrains de Politzer et b) obtenu les approbations gouvernementales nécessaires au plan de lotissement résidentiel et/ou commercial. Jusqu’à ce que soit fait le choix que j’ai mentionné plus haut, Politzer ne pouvait savoir s’il serait jamais obligé de céder le terrain. Rien dans l’entente ne lui assurait que ce choix serait fait dans les limites de la «perpetuity period». De fait, Metropolitan Homes a résisté avec acharnement à chaque tentative de Politzer de faire modifier l’entente pour y inclure une date limite. Selon le juge Solomon, l’entente avait pour effet d’obliger Politzer à conserver le terrain pour Metropolitan Homes à perpétuité ou jusqu’à ce que Metropolitan Homes et la ville de St-Vital soient prêtes à conclure une entente d’aménagement. Même s’il était fort probable que l’entente d’aménagement serait conclue dans un délai de deux à 15 ans de la date de la signature de l’option, la règle contre la pérennité s’intéresse à la certitude d’une dévolution de droits et non à sa probabilité. Nous savons tous, au Canada, que l’attitude expectante n’est consacrée par aucune règle: un droit doit être valide dès sa création.

Concernant le corollaire, la Cour d’appel du Manitoba a conclu à l’inapplication de la règle contre la pérennité dans une action en exécution d’obligation intentée contre la partie contractante elle-même. Il a été allégué devant nous que même si l’entente porte sur une option qui crée un droit sur le terrain et même si ce droit est manifestement nul en raison de l’éloignement de la dévolution, la Cour doit accueillir l’action en exécution d’obligation vu l’engagement personnel de la partie

[Page 373]

contractante, le vendeur en l’espèce. Cette thèse s’appuierait sur les décisions suivantes: South Eastern Railway Co. v. Associated Portland Cement Manufacturers (1900) Ltd.[4]; Hutton v. Watling[5]; Re Kennedy & Beaucage Mines Ltd.[6]; et sur les dicta contenus dans deux décisions rendues par cette Cour: l’affaire Frobisher, précitée, et Prudential Trust Co. Ltd. c. Forseth[7]. Cette thèse est énoncée dans 29 Hals., 3e éd., à la p. 297, où l’on cite l’affaire dite Cernent Company’s à l’appui du passage souligné:

[TRADUCTION] Un contrat concernant un droit futur en equity sur un bien-fonds peut avoir comme seul objet de grever le terrain, et en pareil cas, si la charge doit subsister au-delà de la «perpetuity period», le contrat est alors absolument nul et non exécutoire; ou le contrat peut, selon son interprétation véritable, n’être qu’un contrat personnel, et, dans un tel cas, la règle ne s’y applique pas; ou il peut, selon son interprétation véritable, être, en ce qui concerne la partie contractante originale, à la fois un contrat personnel et un contrat visant à créer une charge lointaine. En pareil cas, la charge sera nulle pour cause de pérennité, mais le contrat personnel sera exécutoire, si on n’y prévoit pas autrement, contre le promettant en exécution d’obligation ou en dommages-intérêts, ou contre ses représentants personnels en dommages-intérêts ou, peut-être, en exécution d’obligation.

Morris et Leach justifient cette thèse comme suit à la p. 215:

[TRADUCTION] Cette conclusion vient du fait que le pouvoir d’ordonner l’exécution de l’obligation découle non pas du droit en equity sur le bien-fonds que le contrat confère à l’acquéreur, mais du fait que les dommages-intérêts ne constituent pas un redressement approprié: «en d’autres termes, le recours en exécution d’obligation constitue simplement une façon équitable de rendre exécutoire une obligation personnelle avec laquelle la règle contre la pérennité n’a rien à voir». (Le juge Jenkins dans Hutton v. Watling, (1948) Ch. 26, p. 36)

J’aurais cru que la décision de cette Cour dans Harris c. Le ministre du Revenu national[8], aurait réglé le sort d’une telle proposition. L’affaire

[Page 374]

Harris portait sur une convention de louage et d’option d’achat en vertu de laquelle l’appelant avait obtenu un bail sur une station-service pour une période de 200 ans à l’expiration de laquelle il avait une option d’achat. La Cour a décidé que la clause qui accordait à l’appelant une option d’achat sur la propriété à la fin du terme de 200 ans allait à l’encontre de la règle contre la pérennité et était nulle. Dans cette affaire-là, comme dans celle-ci, l’avocat de l’appelant a allégué que même si la clause était invalide dans la mesure où elle grevait l’immeuble, elle attestait également un contrat personnel qui n’était pas touché par la règle contre la pérennité et qui était exécutoire contre la partie contractante. En rejetant cette prétention, le juge Cartwright, alors juge puîné, a été d’avis qu’une convention purement personnelle qui ne créait pas de droit sur le bien-fonds n’est pas assujettie à la règle contre le pérennité. Cependant, il a conclu que lé dictum du juge Cozens-Hardy, maître des rôles, dans l’affaire dite Cement Company’s, selon lequel un engagement personnel peut être exécuté contre la partie contractante originale même si le droit sur le bien-fonds créé par la convention est nul, était fondé sur une mauvaise interprétation des propos du juge Jessel, maître des rôles, dans London and South Western Railway Co. v. Gomm.[9] Le juge Cartwright était d’avis que les causes Hutton v. Watling et Re Kennedy & Beaucage Mines Ltd. n’avaient pas été décidées à bon droit et ne devaient pas être suivies; et que les dicta dans Frobisher et Forseth — où était cité et approuvé un extrait de Halsbury, précité — n’obligeait pas la Cour à accepter l’extrait ou à approuver la décision rendue dans l’affaire dite Cement Company’s. Il semble que la principale difficulté réside dans le fait qu’on ne peut facilement considérer un contrat comme étant à la fois «purement personnel» et créateur d’un droit en equity sur un bien-fonds. Dès qu’une clause d’option qui crée un droit sur un bien-fonds est déclarée nulle parce qu’elle enfreint la règle contre la pérennité, on ne retrouve en réalité dans l’entente aucun contrat personnel en vertu duquel une ordonnance d’exécution pourrait être rendue. Comme l’a souligné le juge Cartwright, l’expression «une convention purement personnelle» telle

[Page 375]

qu’elle a été employée par le lord juge Farwell dans l’affaire dite Cement Company’s, signifie tout simplement une convention qui ne crée pas un droit sur le bien-fonds. Bref, l’option en cause représente une convention qui crée un droit sur le bien-fonds et qui est nulle parce qu’elle enfreint la règle contre la pérennité; elle ne constitue pas simplement un contrat personnel et, par conséquent, Metropolitan Homes n’a pas droit à une ordonnance enjoignant l’exécution même de l’obligation.

Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel du Manitoba et de rétablir le jugement du juge Solomon, avec dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureur du défendeur, appelant: Irwin I. Cutler, Winnipeg.

Procureurs de la demanderesse, intimée: Buchwald, Asper, Henteleff, Zitzerman, Goodwin, Greene & Shead, Winnipeg.

[1] [1973] 6 W.W.R. 307, 39 D.L.R. (3d) 438.

[2] [1960] R.C.S. 126.

[3] [1975] 2 R.C.S. 715.

[4] [1910] 1 Ch. 12.

[5] [1948] Ch. 26.

[6] [1959] O.R. 625.

[7] [1960] R.C.S. 210.

[8] [1966] R.C.S. 489.

[9] (1882), 20 Ch. D. 562.


Parties
Demandeurs : Politzer
Défendeurs : Metropolitan Homes Ltd
Proposition de citation de la décision: Politzer c. Metropolitan Homes Ltd, [1976] 1 R.C.S. 363 (13 février 1975)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1975-02-13;.1976..1.r.c.s..363 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award