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20/05/1975 | CANADA | N°[1976]_2_R.C.S._324

Canada | Red Deer College c. Michaels, [1976] 2 R.C.S. 324 (20 mai 1975)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Red Deer College c. Michaels, [1976] 2 R.C.S. 324

Date : 1975-05-20

Red Deer College (Défendeur) Appelant; et

Marion Rose Michaels et William Francis Finn (Demandeurs) Intimés.

1974: les 4, 5 et 6 décembre; 1975: le 20 mai.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Spence, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA DIVISION D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME DE L’ALBERTA

COUR SUPRÊME DU CANADA

Red Deer College c. Michaels, [1976] 2 R.C.S. 324

Date : 1975-05-20

Red Deer College (Défendeur) Appelant; et

Marion Rose Michaels et William Francis Finn (Demandeurs) Intimés.

1974: les 4, 5 et 6 décembre; 1975: le 20 mai.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Spence, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA DIVISION D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME DE L’ALBERTA


Synthèse
Référence neutre : [1976] 2 R.C.S. 324 ?
Date de la décision : 20/05/1975
Sens de l'arrêt : Le pourvoi et le pourvoi incident doivent être rejetés

Analyses

Employeur et employés - Renvoi non motivé d’ensei­gnants - Dommages - Obligation de les minimiser - Obligation de prouver si les employés licenciés ont pris ou non des mesures raisonnables pour obtenir un autre emploi.

Collèges et universités - Licenciement du corps ensei­gnant - Renvoi injustifié d’enseignants sous contrat pour l’année suivante par l’administrateur du collège - La procédure décrite dans la convention collective n’a pas été suivie - Revendication de permanence - L’em­ployeur pouvait-il légalement mettre fin à l’emploi? - Quantum des dommages-intérêts - The Colleges Act, R.S.A. 1970, c. 56, art. 47 - The Department of Advanced Education Act, 1972 (Alb.), c. 28, art. 7 - The Regulations Act, R.S.A. 1970, c. 318, art. 2(2) - Inapplication du Alberta Bill of Rights, 1972 (Alb.), c. 1.

La Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta a accueilli l’appel des intimés quant aux dommages-inté­rêts et leur a accordé l’équivalent, non pas de cinq mois de salaire que leur avait alloué le juge de première instance, mais de douze mois, période estimée raisonna­ble en guise de préavis de licenciement comme membres du, corps enseignant du collège appelant. Ce dernier a interjeté un pourvoi à l’encontre de l’adjudication des dommages-intérêts et a demandé le rétablissement du jugement de première instance pour le motif que la Division d’appel a commis une erreur de droit sur la question de mitigation des dommages-intérêts, particu­lièrement en ce qui a trait au fardeau de la preuve qui, selon la prétention de l’appelant, incombait aux deman­deurs intimés. Le pourvoi incident interjeté par les demandeurs se fondait sur les prétentions suivantes: (1) L’administrateur désigné du collège, qui a renvoyé les demandeurs, a été irrégulièrement nommé à son poste eu égard au Regulations Act, R.S.A. 1970, c. 318, donc les demandeurs n’ont jamais été renvoyés. (2) Subsidiai­rement, le renvoi n’a pas été effectué conformément à la procédure décrite à la convention collective conclue

[Page 325]

entre le collège et l’association de la faculté, et d’après les principes émis dans Ridge v. Baldwin [1964] A.C. 40, il n’y a jamais eu résiliation des droits contractuels, ni même résiliation illégale. (3) En tout état de cause, il s’agit en l’espèce d’un renvoi injustifié auquel il faut remédier par voie d’injonction interdisant au collège de le mettre à exécution. (4) Le renvoi contrevient à l’Al­berta Bill of Rights, 1972 (Alb.), c. 1. (5) Advenant qu’un recours en dommages-intérêts soit le seul recours possible, les dommages-intérêts adjugés sont insuffisants étant donné que les demandeurs avaient été embauchés pour une période indéterminée (en raison du caractère permanent de leur emploi) et non simplement embau­chés indéfiniment.

Arrêt: Le pourvoi et le pourvoi incident doivent être rejetés.

Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Spence et Beetz: Dans une action pour renvoi injustifié, il incombe au demandeur lésé de prouver par la prépondé­rance des probabilités la perte qu’il a essuyée. Dans une affaire d’inexécution contractuelle, la règle fondamen­tale qu’un demandeur lésé a le droit d’être mis dans une position aussi favorable que s’il y avait eu exécution régulière de la part du défendeur, est sujette à la réserve que le défendeur ne peut être appelé à défrayer toute perte évitable qui résulterait en une augmentation du quantun des dommages-intérêts payables au demandeur. C’est ce sens qu’il faut donner à l’«obligation» de minimiser qui incombe au demandeur.

Dans le cours ordinaire d’une action pour renvoi injustifié, un demandeur, en faisant la preuve de ses dommages, doit être en mesure de prouver la perte qu’il prétend avoir subie en raison du renvoi. Il peut avoir obtenu un autre emploi dont la rémunération était moin­dre ou plus élevée qu’auparavant, ce qui influerait sur ses dommages. Il peut ne pas avoir obtenu un autre emploi, et la question de savoir s’il a paressé ou s’il a vainement cherché un autre emploi aurait aussi une incidence sur la question des dommages. Si le défendeur prétend que le demandeur aurait pu raisonnablement minimiser la perte alléguée, il incombe au défendeur d’en faire la preuve, à moins que ce dernier ne se contente de laisser au juge de première instance le soin de trancher cette question à la lumière de son évaluation de la preuve des conséquences évitables fournie par le demandeur.

La preuve qu’ont fournie les demandeurs en l’espèce justifie les dommages-intérêts que leur a adjugée la Division d’appel, et il n’y a rien au dossier qui puisse permettre de conclure que l’adjudication devrait être réduite en raison de la preuve fournie par le défendeur.

[Page 326]

Quant au pourvoi incident, toutes les prétentions à l’origine de ce dernier ont été rejetées.

Le juge de Grandpré: Dans le cas d’un renvoi non motivé où, tel qu’en l’espèce, le délai de préavis est de toute évidence trop court, l’employeur en défaut a l’obli­gation d’établir si l’employé renvoyé a fait ou non des efforts raisonnables pour se trouver un autre emploi. C’est à bon droit que la Cour d’appel a tiré la conclusion que la preuve ne démontre pas que d’autres emplois, dont les appelants auraient raisonnablement dû profiter, étaient disponibles. Quant à l’adjudication, il n’y a aucun fondement à l’allégation que le montant des dommages-intérêts adjugés est trop élevé.

Le pourvoi incident est sans fondement. Les intimés ne jouissaient pas d’une permanence dans le sens de permanence d’emploi puisque les contrats de travail entre eux et l’appelant devaient être renouvelés de temps à autre. Par conséquent, la Cour d’appel avait raison de considérer qu’il s’agissait d’un litige portant sur un délai raisonnable de préavis et, selon les faits de la présente affaire, les intimés ne peuvent demander l’exécution même d’un lien de service.

L’Alberta Bill of Rights est inapplicable puisque les parties aux contrats de travail ont eu l’occasion de se faire entendre devant les tribunaux et de bénéficier de la protection offerte par les règles applicables.

[Distinction faite avec les arrêts: Ridge v. Baldwin, [1964] A.C. 40; Placsko v. Board of Humboldt School Unit No. 47 of Saskatchewan (1971), 18 D.L.R. (3d) 374; Zeller’s (Western) Ltd. c. Retail, Wholesale & Department Store Union, Local 955 et al., [1975] 1 R.C.S. 376; arrêts mentionnés: Cockburn c. Trusts and Guarantee Co. (1917), 55 R.C.S. 264; Cemco Electrical Manufacturing Co. Ltd. c. Van Snellenburg, [1947] R.C.S. 121; Canadian Ice Machine Co. c. Sinclair, [1955] R.C.S. 777; British Westinghouse Electric & Manufacturing Cc., Ltd. v. Underground Electric Railways Co. of London, Ltd., [1912] A.C. 673; Dunkirk Colliery Co. v. Lever (1878), 9 Ch. D. 20; Yetton v. Eastwoods Froy Ltd., [1967] 1 W.L.R. 104.]

POURVOI et POURVOI INCIDENT interje­tés à l’encontre d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta[1]. Pourvoi et pourvoi incident rejetés.

J. W. Beames, c.r., et L. R. Lizee, pour le défendeur, appelant.

[Page 327]

G. S. D. Wright et J. Robb, pour les deman­deurs, intimés.

Le jugement du juge en chef Laskin et des juges Martland, Spence et Beetz a été rendu par

LE JUGE EN CHEF — Le présent pourvoi est interjeté à l’encontre d’un arrêt de la Division d’appel de l’Alberta qui a accueilli l’appel des demandeurs quant aux dommages-intérêts et leur a accordé l’équivalent, non’ pas de cinq mois de salaire que leur avait alloué le juge de première instance, mais de 12 mois, période estimée raison­nable en guise de préavis de licenciement comme membres du corps enseignant de l’appelant Red Deer College. Toutes les autres questions litigieu­ses soulevées devant la Division d’appel de l’Al­berta ont été tranchées à l’encontre des de­mandeurs.

Red Deer College se pourvoit à l’encontre de l’adjudication des dommages-intérêts et demande à cette Cour de rétablir le jugement de première instance pour le motif que la Division d’appel de l’Alberta a commis une erreur de droit sur la question de mitigation des dommages-intérêts, par­ticulièrement en ce qui a trait au fardeau de la preuve qui, selon la prétention du présent appelant, incombait aux demandeurs intimés. Le pourvoi a été interjeté de piano, mais il a été admis en cette Cour que la différence entre le montant accordé en appel et en première instance est inférieure à $10,000 dans le cas de chaque demandeur. Les deux demandeurs, en tant qu’intimés au présent pourvoi, ont interjeté un pourvoi incident à l’égard de certaines questions litigieuses que les cours d’instance inférieure ont tranchées en leur défa­veur. Le pourvoi incident a été formé dans les délais prescrits aux Règles de cette Cour pour un tel pourvoi, mais non dans les délais prescrits pour un pourvoi ordinaire. L’appelant a demandé l’auto­risation d’appeler, et cette Cour a remis le pro­noncé de la décision concernant sa demande et les conséquences de celle-ci sur le pourvoi incident, et elle a entendu au fond le pourvoi et le pourvoi incident. Nous sommes d’avis que l’autorisation doit être accordé nunc pro tunc et que le pourvoi incident doit par conséquent être de la même façon tranché au fond.

[Page 328]

Je traite tout d’abord du pourvoi qui ne soulève que la question de savoir si la Division d’appel de l’Alberta a correctement considéré la question de mitigation des dommages au regard du fardeau de la preuve qui, selon les prétentions, incombait aux demandeurs sous ce rapport. S’exprimant au nom de la Cour, le juge d’appel Sinclair a traité de la question en ces termes:

[TRADUCTION] Concernant l’obligation des appelants de minimiser les dommages, la preuve ne démontre pas que d’autres emplois, dont les appelants auraient raison­nablement dû profiter, étaient disponibles.

L’appelant prétend que certaines décisions anté­rieures de cette Cour ont imposé aux demandeurs lésés, sinon expressément du moins implicitement, l’obligation de démontrer qu’ils ont agi raisonna­blement de façon à minimiser les dommages découlant de la rupture illicite du contrat par le défendeur, soit en l’espèce un renvoi injustifié. Cette obligation, soutient l’appelant, n’a pas été satisfaite et, par conséquent, les dommages-inté­rêts accordés par la Division d’appel de l’Alberta ne peuvent être maintenus. Les décisions de cette Cour invoquées par l’appelant sont Cockburn c. Trusts and Guarantee Co.[2]; Cemco Electrical Manufacturing Co. Ltd. c. Van Snellenberg[3], et Canadian Ice Machine Co. Ltd. c. Sinclair[4].

Dans l’affaire Cockburn, les juges Duff et Anglin citent les propos du lord juge James dans Dunkirk Colliery Co. v. Lever[5], à la p. 25, que cite également lord Haldane dans British Westinghouse Electric & Manufacturing Co., Ltd. v. Underground Electric Railways Co. of London Ltd.[6], à la p. 689. Ces deux causes traitent de vente de marchandises et lord Haldane s’est exprimé en ces termes sur la question des dommages-intérêts:

[TRADUCTION] Le principe fondamental est donc la compensation des pertes pécuniaires découlant naturellement de l’inexécution; mais ce principe est limité par un second qui impose au demandeur l’obligation de prendre toutes les mesures raisonnables pour miniser [sic] la perte résultant de l’inexécution et qui l’empêche de réclamer

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tout dommage né de sa négligence face à de telles mesures. Comme dit le lord juge James dans Dunkirk Colliery Co. v. Lever, «Le fait que les demandeurs n’aient pas agi en hommes raisonnables et ne se soient pas soumis à l’obligation de faire ce que prescrit le cours normal des affaires n’expose pas la personne qui a rompu le contrat à des frais supplémentaires.»

Comme le souligne le lord juge James, ce second principe n’oblige pas le demandeur à faire ce qu’un homme prudent et raisonnable ne ferait ordinairement pas dans le cours de ses affaires. Mais lorsqu’il a pris, dans le cours de ses affaires, certaines mesures relatives à la transaction qui ont eu pour effet de diminuer sa perte, on peut tenir compte de cette diminution même s’il n’était pas tenu de prendre ces mesures.

L’affaire Cemco traite de licenciement et les motifs de la majorité rédigés par le juge Kerwin, alors juge puîné, renvoient à l’affaire British Westinghouse Electric Co. où est énoncée la proposition que [TRADUCTION] «le véritable critère consiste cependant à déterminer si le demandeur a pris toutes les mesures raisonnables pour minimi­ser la perte résultant de la rupture», ce à quoi le juge Kerwin ajoute (à la p. 127 du R.C.S.) [TRA­DUCTION] «La compagnie ayant rompu le contrat, le demandeur n’était pas en droit de considérer que ledit contrat subsistait toujours.» Seul le juge Rand est dissident et il traite de la question des domma­ges en ces termes (à la p. 128):

[TRADUCTION] Le principe de mitigation est un corol­laire nécessaire du concept de dommages-intérêts, c’est-à-dire que ces derniers découlent, au sens juridique, de la violation d’un droit. Sous-jacente à cette affirma­tion il y a le postulat qu’une personne se doit de veiller à son propre intérêt si elle désire que la loi assure l’exécu­tion de ses obligations civiles. Dans un contrat de travail, la rémunération est offerte en retour d’un travail effec­tué ou d’un engagement à effectuer un travail. Lorsqu’il y a licenciement, c’est-à-dire répudiation de l’obligation d’accepter l’un ou l’autre, et puisqu’on ne peut recourir à une action en exécution même de l’obligation, l’employé est dorénavant libre de mettre à profit, comme il l’entend, sa capacité de travailler. Il peut choisir de la gaspiller ou il peut demander à l’employeur de compen­ser son plein rendement. Dans cette alternative, l’em­ployé doit raisonnablement chercher à mettre à profit sa capacité comme il le ferait ou l’aurait fait s’il n’avait pas été embauché. Le fondement de sa réclamation doit être la perte de revenu découlant du déni du droit de mettre

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à profit sa capacité de travailler, et puisqu’il doit prouver les dommages qu’il a subis, il doit être clair qu’ils découlent de la violation du contrat.

Dans l’affaire Sinclair, qui traite également d’une perte d’emploi, le juge en chef Kerwin con­clut le passage suivant de ses motifs par un renvoi aux affaires British Westinghouse Electric Co. et Cemco (à la p. 778 du R.C.S.):

[TRADUCTION] A mon avis, l’intimé devait fournir, en vertu de ce contrat, les services qui y sont décrits lorsque l’appelante le lui demandait. L’intimé n’était tenu que d’être prêt à répondre aux demandes de l’ap­pelante “compatibles avec les loisirs et le repos qui meublent ordinairement une retraite du monde des affaires” et d’accepter les autres postes qui pouvaient lui être offerts. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait de sorte qu’il s’est conformé à la règle suivant laquelle une personne dans cette situation doit prendre toutes les mesures nécessaires pour minimiser sa perte.

Le juge Kellock dans l’affaire Sinclair se reporte également à l’affaire Cemco, mais il s’est inspiré des motifs du juge Rand comme l’illustre le passage suivant:

[TRADUCTION] Par conséquent, la seule façon pour l’intimé de minimiser sa perte découlant du refus de l’appelante de continuer à le payer était de mettre à profit le temps dont il disposait en raison du refus de l’appelante de continuer à la consulter.

Aucune de ces trois décisions rendues par cette Cour ne tranche, à mon avis, la question du far­deau de la preuve soulevée dans une action en dommages-intérêts pour renvoi injustifié et reliée à la question de mitigation des dommages-intérêts. Naturellement, il incombe au demandeur lésé de prouver le dommage subi et, par conséquent, de prouver par la prépondérance des probabilités la perte qu’il a essuyée. Des principes juridiques régissent les paramètres d’une perte. Dans une affaire d’inexécution contractuelle, la règle fondamentale qu’un demandeur lésé a le droit d’être mis dans une position aussi favorable que s’il y avait eu exécution régulière de la part du défendeur, est sujette à la réserve que le défendeur ne peut être appelé à défrayer toute perte évitable qui résulterait en une augmentation du quantum des domma­ges-intérêts payables au demandeur. C’est dans ce sens que doit être interprétée l’expression «obliga­tion» de minimiser dont fait état la jurisprudence.

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En deux mots, un demandeur lésé a droit de recouvrer des dommages-intérêts pour les pertes qu’il a subies, mais l’étendue de ces pertes peut dépendre de la question de savoir s’il a ou non pris des mesures raisonnables pour éviter qu’elles s’ac­croissent immodérément. Dans Payzu, Ltd. v. Saunders[7], à la p. 589, le lord juge Scrutton explicite cette question en ces termes:

[TRADUCTION] Peu importe qu’il soit plus correct de dire qu’un demandeur doit minimiser ses dommages ou de dire qu’il ne peut recouvrer plus que ce qu’il aurait subi s’il avait agi raisonnablement, parce que le dommage supplémentaire n’est pas dû à la rupture du con­trat par le défendeur, le résultat est le même.

Dans le cours ordinaire d’une action pour renvoi injustifié, un demandeur, en faisant la preuve de ses dommages, doit être en mesure de prouver la perte qu’il prétend avoir subie en raison du renvoi. Il peut avoir obtenu un autre emploi dont la rémunération était moindre ou plus élevée qu’au­paravant, ce qui influerait sur ses dommages. Il peut ne pas avoir obtenu un autre emploi, et la question de savoir s’il a paressé ou s’il a vainement cherché un autre emploi aurait aussi une incidence sur la question des dommages. Si le défendeur prétend que le demandeur aurait pu raisonnablement minimiser la perte alléguée, il incombe au défendeur d’en faire la preuve, à moins que ce dernier ne se contente de laisser au juge de pre­mière instance le soin de trancher cette question à la lumière de son évaluation de la preuve des conséquences évitables fournie par le demandeur. C’est là mon interprétation des lectures que j’ai faites sur la question dans des traités qui font autorité sur le sujet comme Cheshire and Fifoot’s, Law of Contract, 8e éd. (1972), à la p, 599, et Corbin, Contracts, vol. 5 (1964), à la p. 248. La question est posée comme suit dans les deux passa­ges suivants tirés de Williston on Contracts, vol. 11, 3e éd. (1968), aux pp. 302 et 312:

[TRADUCTION] La règle des conséquences évitables est fréquemment appliquée ici. L’inexécution a pour effet de priver l’employé du salaire promis tout en le laissant cependant libre de son temps. Si l’employé doit forcément rester sans travail, sa perte salariale n’est alors aucunement réduite. Cependant, si l’employé peut obtenir un autre emploi, il peut ainsi éviter tout au

[Page 332]

moins une partie de ces dommages. Par conséquent, dans une action intentée par l’employé contre son employeur pour renvoi injustifié, la mesure ordinaire de l’étendue des dommages s’obtient en soustrayant le salaire net qu’il a gagné ou qu’il aurait pu raisonnablement gagner en effectuant un travail de nature sembla­ble, du montant qu’il aurait reçu s’il n’y avait pas eu inexécution.

Il semble que l’on ait généralement accepté la règle voulant qu’il incombe au défendeur de prouver que le demandeur a trouvé un autre emploi semblable et appro­prié à ses talents ou qu’il aurait pu trouver un tel emploi s’il avait déployé l’effort nécessaire, et qu’en l’absence de cette preuve le demandeur a droit de recouvrer le salaire prévu au contrat.

Cheshire et Fifoot, précité, expriment avec plus de concision leur opinion sur la question:

[TRADUCTION] Mais l’obligation qui incombe au défendeur de prouver que le demandeur a négligé son devoir de minimiser les dommages n’est certes rien de facile car il s’agit d’une situation où une partie, déjà coupable d’inexécution, demande à l’autre partie, qui souvent n’a rien à se reprocher, d’accomplir des gestes concrets.

A mon avis, l’obiter qu’a formulé le juge d’appel MacDonald dans John East Iron Works, Ltd. v. Labour Relations Board of Saskatchewan[8], à la p. 57, suivant lequel [TRADUCTION] «il incombe à l’employé de prouver qu’il a vainement tenté, par des moyens raisonnables, de trouver un autre emploi», n’est pas exact en droit. J’oppose cette remarque à celle que formule le juge Blain dans Yetton v. Eastwoods Froy Ltd.[9], une affaire de renvoi injustifié, où il dit (à la p. 115) [TRADUC­TION] «s’il peut minimiser sa perte en agissant raisonnablement, il doit le faire, bien qu’il incombe au défendeur en faute de prouver qu’il pourrait le faire ou qu’il aurait pu le faire et qu’il ne le fait pas ou ne l’a pas fait».

A mon avis, la preuve qu’ont fournie les deman­deurs en l’espèce justifie les dommages-intérêts que leur a adjugés la Division d’appel de l’Alberta et je ne vois rien au dossier qui puisse permettre de conclure que l’adjudication devrait être réduite en

[Page 333]

raison de la preuve fournie par le défendeur. Je suis donc d’avis de rejeter le pourvoi principal avec dépens.

Le pourvoi incident interjeté par les deman­deurs-intimés est fondé sur les prétentions que voici:

1. Le Dr Fast, l’administrateur désigné de Red Deer College, qui a renvoyé les demandeurs, a été irrégulièrement nommé à son poste eu égard au Regulations Act, R.S.A. 1970, c. 318, donc les demandeurs n’ont jamais été renvoyés.

2. Subsidiairement, le renvoi n’a pas été effectué conformément à la procédure décrite à la convention collective conclue entre le Collège et l’Association de la Faculté, et d’après les principes émis dans Ridge v. Baldwin[10] il n’y a jamais eu résiliation des droits contractuels, ni même résiliation illégale.

3. En tout état de cause, il s’agit en l’espèce d’un renvoi injustifié auquel il faut remédier par voie d’injonction interdisant au Collège de le mettre à exécution.

4. Le renvoi contrevient à The Alberta Bill of Rights, 1972 (Alb.), c. 1.

5. Outre ce qui précède, advenant qu’un recours en dommages-intérêts soit le seul recours pos­sible, les dommages-intérêts adjugés sont insuffisants étant donné que les demandeurs avaient été embauchés pour une période indé­terminée (en raison du caractère permanent de leur emploi) et non simplement embauchés indéfiniment.

Ces prétentions exigent que soient brièvement exposés certains faits. L’intimé par incidence Red Deer College est une institution existant en vertu du Colleges Act, maintenant R.S.A. 1970, c. 56. Parmi les dispositions pertinentes de cette Loi, il y a l’art. 47 dont voici le texte:

[TRADUCTION] 47. (1) Un conseil de collège peut embaucher les membres du corps professoral qu’il estime nécessaires pour satisfaire aux besoins du collège.

(2) Un conseil de collège et l’association des membres du corps professoral du collège doivent entamer des

[Page 334]

négociations dans le but de conclure une entente régis­sant les matières suivantes, soit

a) la durée et les conditions de l’emploi,

b) les tâches d’enseignement,

c) les vacances, les congés autorisés et les congés de maladie permis,

d) les salaires à verser et, à cette fin, la composition d’échelles de salaires,

e) la procédure de règlement des griefs, et

f) les conditions et la procédure régissant la réaffectation, la suspension et le congédiement par le conseil.

(3) Le conseil de collège et l’association des membres du corps professoral doivent entamer des négociations dans le but de conclure une entente portant sur la procédure de négociation ou de renégociation de toute entente conclue ou à conclure en vertu du paragraphe (2).

(4) Le conseil de collège et tous les membres du corps professoral sont liés par toute entente conclue aux termes du paragraphe (2).

En conformité de cet article, le Collège et l’Asso­ciation de la Faculté ont conclu, le 20 décembre 1971, une convention collective dont la date d’en­trée en vigueur était fixée au ler septembre 1970. Selon l’art. 1.2 de la convention collective, cette dernière devait rester [TRADUCTION] «en vigueur jusqu’au 30 juin 1972, et pour le temps après cette date et avec les changements et modifications que les parties à la présente pourront arrêter d’un commun accord». La convention collective avait donc une date définie d’expiration sans aucune disposition, statutaire ou autre, assurant la proro­gation partielle ou complète de son terme jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention ou d’une entente quelconque prévoyant la survie de la con­vention expirée, dans sa forme initiale ou dans sa forme modifiée par les parties. Les dispositions de l’Alberta Labour Act applicables à une telle situa­tion sont écartées par l’art. 46 du Colleges Act qui soustrait les membres du corps professoral à l’au­torité de l’Alberta Labour Act qui ne s’applique, selon cet article, qu’aux dirigeants et employés d’un collège autres que les membres du corps professoral.

Red Deer College étant aux prises avec certains problèmes dont la nature ne nous concerne pas, un administrateur a donc été nommé en conformité de

[Page 335]

l’art. 7 du Department of Advanced Education Act, 1972 (Alb.), c. 28. Cet administrateur a été investi de tous les pouvoirs du conseil de collège et en est devenu le seul membre pour la durée de son administration. Le D’ Fast a été ainsi nommé par un décret du conseil en date du 6 juin 1972, et l’on prétend que cette nomination est nulle parce que le décret du conseil n’a pas été déposé conformément au Regulations Act dont l’art. 3 prévoit le dépôt du décret comme condition préalable à sa validité.

A mon avis, cette prétention doit échouer. Elle est fondée sur l’assertion que la nomination du Dr Fast, bien qu’elle ne corresponde pas à la défini­tion d’un règlement que donne l’al. 2(1)f) de la Loi, doit quand même être considérée comme un règlement aux termes de cette définition parce qu’elle tombe sous l’empire du par. (2) de l’art. 2 dont voici la teneur:

[TRADUCTION] 2. (2) Lorsqu’un règlement, une règle, un décret ou un arrêté est adopté ou approuvé, en conformité d’une loi de la Législature, par le lieutenant-gouverneur en conseil, par un membre du conseil exécu­tif ou par tout conseil, toute commission, toute associa­tion ou toute institution semblable, du genre mentionné à l’alinéa J) du paragraphe (1), s’il prescrit, établit ou désigne,

a) un district, une région, une personne, un animal ou autre chose, ou

b) une période de temps,

à l’égard duquel ou de laquelle la Loi ou une de ses dispositions s’applique ou ne s’applique pas, en tout ou en partie, de manière générale ou restrictive, ou à l’égard duquel ou de laquelle la Loi prévoit que quelque chose mentionné dans la Loi peut ou ne peut pas être fait, doit ou ne doit pas être fait, le règlement, la règle, le décret ou l’arrêté est réputé un règlement défini à l’alinéa f) du paragraphe (1).

Je ne vois rien dans cette disposition qui puisse se rapporter à une simple nomination effectuée sous l’autorité d’une loi. Une telle nomination n’est pas visée par le renvoi aux décrets qui prescrivent, établissent ou désignent des régions, des personnes, des choses ou des périodes de temps à l’égard desquelles une loi ou une de ses dispositions doit ou ne doit pas s’appliquer, ou à l’égard desquelles quelque chose prévu à la loi doit ou ne doit pas être fait. Bref, le par. (2) de l’art. 2 prévoit l’élargissement ou le rétrécissement du champ d’application

[Page 336]

d’une loi; il ne couvre pas une simple nomination à un poste, bien que son effet soit de doter le titu­laire du poste de certains pouvoirs comme l’autorise la loi.

Dans une lettre datée du 31 juillet 1972, le Dr Fast a avisé les deux demandeurs de leur congédiement qui prenait effet le lendemain. Aucune con­vention collective n’était en vigueur à cette époque. Dans ses motifs, le juge Milvain, juge en chef de la Division de première instance, souligne que l’Asso­ciation de la Faculté avait avisé les demandeurs, le ler novembre 1972 ou vers .cette date, qu’ils n’étaient désormais plus membres. Le dossier révèle qu’après le procès (qui a débuté le 29 janvier 1973 pour se terminer le 2 février 1973), Red Deer College et l’Association de la Faculté ont conclu une nouvelle convention collective dont les nouvelles échelles de salaires sont entrées en vigueur le 1er juillet 1972. Le document au dossier attestant ce fait démontre que les avocats des parties se sont rendus auprès du juge de première instance le 23 mai 1973 afin d’examiner un certain nombre de questions avant le dépôt de son jugement rendu le 25 avril 1973. Le document, signé par les avocats des parties, renferme l’affirmation que [TRADUCTION] «l’avocat du défendeur a révélé au Juge que les termes de la nouvelle convention ne visent que les personnes à l’emploi du défendeur à l’époque de la signature de la convention». La nouvelle convention n’a pas été produite devant la Division d’appel de l’Alberta et elle ne l’est pas devant cette Cour, et je suis d’avis, particulièrement en raison des allégations des appelants par incidence, qu’elle n’a aucune influence sur le sort réservé au présent pourvoi.

La deuxième et la troisième allégation des appe­lants par incidence peuvent être examinées ensem­ble. Elles soulèvent la question de permanence et la question de savoir, advenant qu’il y ait effectivement permanence au sens d’emploi permanent» que lui attribue l’avocat, si l’intimé par incidence pouvait légalement mettre fin à cet emploi, compte tenu du fait que les procédures prévues à la con­vention collective n’ont pas été suivies.

La convention collective parle de permanence mais sans la définir. L’avocat des appelants pal incidence allègue que permanence signifie sécurité

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d’emploi jusqu’à l’âge de la retraite, sous réserve naturellement d’un renvoi pour cause suffisante ou pour cause de personnel excédentaire. En l’espèce, aucune de ces causes n’a été invoquée pour justi­fier les renvois. Le conseil de collège a accordé la permanence aux présents appelants par incidence par lettres en date du 31 mars 1971. La convention collective n’a été signée que plus tard, soit le 20 décembre 1971, mais, comme je l’ai déjà men­tionné, elle avait un effet rétroactif au 1er septem­bre 1970.

Les articles 6, 7 et 8 de la convention traitent de la permanence. En effet, sous réserve des disposi­tions de l’art. 3 prévoyant un stage pédagogique (soit du ler septembre de la première année de service au 31 janvier de la deuxième année), un membre du corps professoral obtient la perma­nence lorsqu’il est réembauché pour une troisième année académique à moins qu’il ne soit expressé­ment réembauché comme stagiaire. Ceci découle des art. 6.1 et 6.2 et des art. 4.1 et 4.2 qui, respectivement, sont libellés comme suit:

[TRADUCTION] 6.1 La permanence prend effet à compter du ler février de l’année au cours de laquelle elle est accordée.

6.2 Si un membre est réembauché pour une troisième année académique, à un titre autre que stagiaire, il acquiert automatiquement la permanence qui est répu­tée avoir pris effet le ler février de la deuxième année académique.

4.1 Au plus tard le ler février de chaque année, une lettre, en provenance du bureau du Président, doit être envoyée à tous les membres du corps professoral visés par la présente convention. Cette lettre doit, selon le cas, aviser le membre du renouvellement de son contrat pour l’année suivante et l’informer (s’il y a lieu) de son groupe académique et de son niveau au sein de ce groupe, ou aviser le membre que son contrat ne sera pas renouvelé pour l’année suivante.

4.2 L’omission d’aviser le membre avant cette date constitue un avis implicite du renouvellement de son contrat sans aucune perte d’avantage ou de promotion à l’échelle salariale.

La convention collective traite également du personnel excédentaire et du renvoi de membres permanents du corps professoral. En vertu de l’art. 7, un renvoi pour cause de personnel excédentaire doit être précédé de démarches visant la réaffectation,

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et si elles s’avèrent infructueuses, un préavis d’un an concernant son renvoi doit alors être donné par écrit au membre excédentaire. L’article 8 traite de suspension et de renvoi. Les appelants par incidence invoquent cet article et les procédures qui en découlent pour étayer leur prétention qu’ils n’ont pas été régulièrement renvoyés. Voici cet article 8:

[TRADUCTION]

8. SUSPENSION ET RENVOI

8.1 Suspension

8.1.1 Aucun membre ne doit être suspendu à moins que le Conseil n’adopte une résolution en ce sens et que, dans les 30 jours qui suivent cette suspen­sion, il ne rende, après examen, une décision concernant le renvoi du membre suspendu. Si ce membre n’est pas renvoyé par le Conseil dans les 30 jours qui suivent la suspension, celle-ci est considérée comme levée, et ce membre a alors droit au salaire et aux avantages réguliers accumulés depuis le premier jour de cette suspension.

8.1.2 Lorsqu’un membre est suspendu, le Conseil doit en aviser le membre et le comité de permanence avec motifs à l’appui.

8.2 Renvoi

8.2.1 Dans les 15 jours qui suivent la suspension d’un membre, le comité de per­manence doit se réunir dans le but de formuler au Conseil une recommanda­tion à l’égard de la suspension et du renvoi de ce membre, et les articles 6.4 et 6.5 doivent s’appliquer.

8.2.2 Dans les 15 jours qui suivent la réception par le Conseil de la recom­mandation du comité de permanence formulée en conformité de l’article 8.2.1, et, en tout état de cause, dans les 30 jours qui suivent la date de cette suspension, le Conseil doit rendre une décision concernant la suspension et le renvoi, et les articles 6.7 et 6.8 doivent s’appliquer, et le Conseil doit suivre les règles de justice naturelle.

8.2.3 Nul ne doit être renvoyé

[Page 339]

8.2.3.1 sauf les cas où le renvoi est justifié, ou

sauf les cas de condamnation à la suite d’une mise en accusation pour une infraction criminelle,

et sauf ce qui précède, aucun membre ne doit être renvoyé pour un acte ou une omission ne se rapportant pas à son emploi.

8.2.4 Si le Conseil renvoie un membre, ce dernier peut intenter une action pour renvoi injustifié devant tout tribunal compétent, et outre sa compétence pour adjuger des dommages-intérêts, le tribunal peut ordonner que ce membre soit réintégré dans ses fonctions.

8.2.5 La procédure de règlement des griefs prévue ci-après ne s’applique pas aux cas de renvoi mentionnés précédem­ment.

8.2.6 Au cours des procédures prévues à l’article 8.2, un membre a le droit d’être représenté par un avocat.

Voici la teneur des art. 6.4 et 6.5 mentionnés à l’art. 8.2.1:

[TRADUCTION]

6.4 Comité de permanence

6.4.1 Un comité, ci-après appelé ale comité de permanence», doit être formé dans le but d’examiner l’octroi de la perma­nence et la réaffectation ou le renvoi des membres permanents.

6.4.2 Le comité de permanence est com­posé de 2 membres choisis par le Con­seil, de 4 membres permanents choisis par l’Association et du Président du collège, ou en son absence son sup­pléant, qui préside le comité. Si un membre est incapable de remplir cette fonction, le Conseil ou l’Association, selon le cas, doit choisir un autre membre conformément à ce qui précède. Le supérieur immédiat d’un membre dont le dossier est examiné par le comité de permanence ne doit pas siéger sur ce comité.

6.5 Procédure au sein du comité

[Page 340]

6.5.1 Le président du comité de perma­nence n’a pas droit de vote.

6.5.2 Avant de formuler une recomman­dation, le comité de permanence doit tenir une audience à laquelle le membre qui en fait l’objet a le droit d’assister et de se faire entendre. Un avis écrit de l’audience doit être donné au membre en question au moins 2 jours avant la tenue de cette audience au cours de laquelle toute la preuve sera présentée et tous les témoins entendus.

6.5.3 Une recommandation du comité de permanence ne peut être formulée qu’à la suite d’un vote secret et exige la majorité des membres votants.

6.5.4 Le président doit communiquer au Conseil et au membre concerné la recommandation du comité de perma­nence et les motifs sur lesquels elle est fondée, ou le fait qu’une recommanda­tion n’a pu être formulée.

D’une certaine façon la convention collective donne au personnel enseignant permanent la sécu­rité d’emploi à l’instar de celle dont jouissent les membres d’un syndicat ouvrier qui, sous réserve des dispositions régissant les périodes d’essai et le licenciement, ne peuvent être renvoyés sans justifi­cation aux termes de leur convention collective. Mais en l’espèce, le comité de permanence tient lieu de mécanisme de règlement des griefs et ne possède qu’un pouvoir de recommandation, tandis que dans les conventions collectives types liant les parties patronale et syndicale, la question d’un renvoi justifié est soumise à l’arbitrage en vertu de la procédure de règlement des griefs. Il convient également de se demander si l’art. 4.1, cité précé­demment, qui prévoit le renouvellement annuel des contrats, peut se raccorder à la permanence qui est régie par d’autres dispositions de la convention collective. Cependant, je me contente de considérer cette clause comme se rapportant aux questions du groupe et du salaire, bien qu’il soit difficile de concilier cette opinion avec le libellé de l’art. 4.1, particulièrement avec cette partie de l’article où il est dit [TRADUCTION] «aviser le membre que son contrat ne sera pas renouvelé pour l’année suivante». Ceci pourrait être considéré comme redondant.

[Page 341]

De toute façon, conformément à l’art. 4.1, les demandeurs ont été avisés par lettre en date du 31 janvier 1972, qu’ils étaient réembauchés pour l’année académique 1972-73. Vu l’existence de cette lettre, envoyée par les autorités compétentes à cette époque, le renvoi des demandeurs était injus­tifié indépendamment de leur permanence.

Ayant été renvoyés à une époque où aucune convention collective n’était en vigueur, les appe­lants par incidence n’ont pu invoquer les disposi­tions de l’art. 8. Ils ont plutôt intenté une action qui, dans sa formulation initiale, ne visait que le recouvrement d’une somme due, comme si les demandeurs avaient accompli une tâche pour laquelle ils n’avaient pas été payés ou pour laquelle ils avaient droit d’être payés parce qu’ils étaient disposés et prêts à l’accomplir mais qu’ils en ont été indûment empêchés. Au cours du procès, l’avo­cat des demandeurs a obtenu la permission de modifier l’exposé de demande de façon à réclamer, subsidiairement, des dommages-intérêts pour cause de renvoi injustifié. C’est d’ailleurs à cette réclamation subsidiaire que les cours d’instance inférieure ont fait droit. Néanmoins, l’avocat des appelants par incidence allègue ici que, puisque les procédures prescrites n’ont pas été suivies lors de la suspension (qui, prétend-on, devait s’opérer d’abord) et du renvoi, Red Deer College ne peut légitimement affirmer que les appelants par inci­dence ne sont plus membres du corps professoral.

Si les procédures étaient applicables et avaient été invoquées, ou si des mesures légales avaient été prises afin d’imposer le recours à ces procédures, la question du statut des demandeurs aurait été soulevée dans un contexte complètement différent du contexte actuel. Les demandeurs n’ont pas invoqué ces prodédures [sic] qui, comme l’indique l’art. 8 cité précédemment, auraient entraîné l’intercession du comité de permanence et une recommandation de ce comité au conseil qui est obligé, en vertu des art. 6.7 et 6.8 de la convention collective, de tenir une autre audience avant de rendre sa décision. Je cite ici l’art. 6.8:

[TRADUCTION] 6.8 Après avoir examiné toute la preuve entendue et reçue et après avoir étudié la recom­mandation du comité de permanence, s’il y en a une, le Conseil doit rendre sa décision et celle-ci sera finale. Le président doit ensuite communiquer par écrit cette décision

[Page 342]

et, si le membre en fait la demande, les motifs de cette décision au membre concerné et au comité de permanence.

On n’a pas dit à cette Cour pourquoi les deman­deurs n’avaient pas eu recours aux procédures de l’art. 8. La réponse réside sans doute dans le fait que leur convention collective était échue à l’épo­que pertinente et qu’ils avaient perdu leur statut de membre au sein de l’Association de la Faculté, ou du moins qu’ils n’en avaient pas contesté la perte. De plus, comme l’a souligné la Division d’appel de l’Alberta, la nomination du Dr Fast comme admi­nistrateur a rendu inutile tout recours à ces procé­dures. En dehors de cela, je ne vois pas comment les demandeurs peuvent se plaindre que les procé­dures spéciales de renvoi prévues à l’art. 8 n’ont pas été suivies alors qu’eux-mêmes n’ont rien tenté pour les faire appliquer. Concernant la question de la régularité du renvoi, la convention collective ajoute à l’ambiguïté; en effet, elle prévoit que la décision du conseil en matière de renvoi est, d’une part, finale et, d’autre part, sujette à une action pour renvoi injustifié: les art. 6.8 et 8.2.4.

Ces dernières dispositions mettent en évidence l’irrégularité de la position du conseil de collège. Bien qu’il soit l’employeur, on exige qu’il tienne une audience et qu’il observe les principes de jus­tice naturelle lorsqu’il étudie une recommandation de renvoi. Néanmoins s’il renvoie, la convention collective prévoit comme moyen de contestation non pas une révision de la décision du conseil, comme si ce dernier était un tribunal déclaratif, mais plutôt une action pour renvoi injustifié. A mon avis, cela ne cadre pas avec une reconnais­sance de permanence dans le sens que lui donnent les appelants par incidence, à moins que le tribunal n’ait à se demander dans l’action si on était justifié de priver de son emploi (permanent» un membre permanent du corps professoral, en vue de fixer le quantum des dommages-intérêts advenant la con­clusion que le renvoi soit injustifié. (Je traiterai de cette question plus loin dans mes motifs.)

Il est certain que la disposition de la convention collective donnant au tribunal le pouvoir de réinté­grer dans ses fonctions un membre injustement renvoyé n’affecte aucunement la compétence du tribunal. Si une telle compétence existe, elle existe

[Page 343]

indépendamment de cette convention particulière. De plus, Ridge v. Baldwin[11], ne peut être invoqué. Cette affaire traite de l’exercice de pouvoirs statu­taires visant une charge statutaire ou publique et non de pouvoirs contractuels concernant une charge délimitée par une convention collective: voir lord Reid, aux pp. 65 et 66. Dans la mesure où des questions de justice naturelle ont été débattues dans cette affaire-là sous d’autres rapports, je ne leur trouve aucune application en l’espèce étant donné que, d’une part, les demandeurs n’ont pas invoqué ou réclamé la protection accordée par les procédures prévues à la convention collective, et, d’autre part, ces procédures aboutissent à une décision unilatérale du conseil, bien que ce dernier soit tenu d’observer les règles de justice naturelle. (Même s’il n’est pas nécessaire en l’espèce de décider si toutes les considérations applicables aux régimes statutaires d’emplois le sont également aux régimes consensuels, la distinction entre de tels régimes a également été établie à Vine v. National Dock Labour Board[12]; voir également Sanders v. Ernest A. Neale Ltd.[13])

Ni l’affaire Placsko v. Board of Humboldt School Unit No. 47 of Saskatchewan[14], ni la déci­sion de cette Cour dans Zeller’s (Western) Ltd. c. Union des employés de gros, de détail et de maga­sins à rayons, local 955 et al.[15], ne sont applica­bles en l’espèce. Dans l’affaire Placsko, le juge MacPherson de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan était aux prises avec des dispositions de permanence d’ordre statutaire: il s’agissait donc d’un litige de droit public ou administratif comme dans Ridge v. Baldwin. Dans l’affaire Zeller’s, cette Cour était aux prises avec une décision d’un tribunal d’arbitrage qui avait ordonné la réintégra­tion d’un employé congédié, et non avec une simple action contractuelle pour renvoi injustifié.

L’affaire Hill v. C.A. Parsons & Co. Ltd.[16] est invoquée devant cette Cour pour justifier l’exécu­tion d’un contrat de services personnels suite à

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l’interdiction imposée à un employeur de donner suite à un avis de cessation d’emploi invalide. Dans cette affaire-là, un employeur, en exécution d’une convention d’atelier fermé, avait signifié au demandeur un avis de congédiement d’un mois après que celui-ci eut refusé de se syndiquer. Le demandeur, dont le calcul de la pension était fondé sur la moyenne salariale de ses trois dernières années, n’était plus qu’à deux ans de sa retraite et son salaire devait être augmenté incessamment. L’action intentée par le demandeur dans le but d’obtenir une injonction et des dommages-intérêts a été rejetée en première instance, mais elle fut accueillie en appel par la majorité de la Cour d’appel d’Angleterre. Ce qu’elle a interdit à l’em­ployeur c’est de considérer l’avis de congédiement d’un mois comme ayant mis fin à l’emploi du demandeur, mais elle a bien sûr laissé à l’em­ployeur la liberté de licencier le demandeur dans un délai raisonnable, c’est-à-dire dans cette affaire, selon la suggestion de lord Denning, un délai d’au moins six mois ou peut-être même un an. Le lord juge Sachs a opiné que, dans cette affaire, l’avis devrait être d’au moins six mois vu que le demandeur comptait 35 ans de service.

La majorité a insisté sur le pouvoir de la Cour, dans un cas exceptionnel, d’ordonner ce qui consti­tue en fait l’exécution même d’un contrat de service. Elle a insisté sur le fait que cet ordre ne va à l’encontre d’aucune règle de droit, mais qu’il ne peut être donné qu’en présence de circonstances spéciales, comme la subsistance de la confiance personnelle entre l’employeur et l’employé, que l’on retrouve d’ailleurs dans l’affaire Hill and Parsons. Selon ces principes, il appert que la présente affaire se distingue de celle-là par l’absence en l’espèce du facteur de confiance personnelle; c’est pourquoi j’estime inutile, à la lumière des faits soumis à cette Cour, d’examiner davantage la question de réintégration.

Ce que j’ai dit jusqu’à présent tient également lieu de réponse à la prétention des appelants par incidence fondée sur The Alberta Bill of Rights, 1972 (Alb.), c. 1. Je ne vois aucune raison en l’espèce d’appliquer cette loi. Les précédents amé­ricains cités par l’avocat des appelants par inci­dence ne sont d’aucun secours. Parmi ceux-ci,

[Page 345]

notons Perry v. Sindermann[17]. Cette affaire-là, ainsi que son complément, l’affaire Board of Regents of State Colleges v. Roth[18], traitent de questions constitutionnelles portant sur l’atteinte à la liberté de parole et au droit à l’application régulière de la procédure. Ces questions litigieuses avaient été soulevées devant la cour fédérale par des professeurs congédiés qui appartenaient aux systèmes collégial et universitaire d’État. La ques­tion de l’application régulière de la procédure soulevée en l’espèce se fonde non pas sur une loi de l’Alberta, ce qui entraînerait l’application de l’Al­berta Bill of Rights, mais plutôt sur la convention collective. Dans la mesure où l’on invoque The Alberta Bill of Rights pour étayer la prétention que les renvois injustifiés effectués par le Dr Fast ont privé les appelants par incidence de la sécurité de la personne ou de la jouissance de leurs biens, ce point est mal fondé parce que les présentes procédures assurent aux appelants par incidence l’application régulière de la loi.

Il ne me reste plus maintenant qu’à traiter du dernier point soulevé par le pourvoi incident, soit le quantum des dommages-intérêts. Je ne doute pas qu’il y ait eu des cas où des dommages-intérêts ont été adjugés à la suite d’un licenciement injustifié. L’avocat des appelants par incidence a cité en exemple les affaires Cooke v. CKOY Ltd.[19]; Salt v. Power Plant Co. Ltd.[20], et Lucy v. Commonwealth[21]. La présente affaire pourrait s’apparenter à celles-là si (comme je l’ai souligné tantôt) les dispositions de la convention collective pouvaient s’appliquer de façon à protéger les mem­bres permanents du corps professoral de tout licen­ciement, à l’exception des licenciements justifiés ou pour cause de personnel excédentaire. Cepen­dant, les appelants par incidence ne peuvent se prévaloir de ces dispositions sur lesquelles ils n’ont même pas cherché à s’appuyer. Il est vrai que leurs allégations formulées devant cette Cour sont fon­dées sur l’application des dispositions de la conven­tion collective, mais ils n’ont pas cherché à se

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prévaloir de ces dispositions, et n’ont pas allégué que la permanence, dans le sens qu’ils lui attri­buent, existait indépendamment de la convention collective.

Le seul autre point soulevé en l’espèce se fonde sur les pièces 4 et 10; ce sont des lettres en date du 19 janvier 1972 adressées aux appelants par inci­dence les avisant qu’en conformité de l’entente conclue avec le corps professoral et en guise de compensation pour le raccourcissement de l’année contractuelle 1971-72, la durée de leur contrat de travail était prorogée de deux mois, soit jusqu’au 31 août de l’année au cours de laquelle ils ont cessé d’être à l’emploi de Red Deer College. Je n’ai pas l’intention de modifier la décision de la Division d’appel de l’Alberta à cause de ces lettres. Cette dernière Cour a, à bon droit, considéré cette ques­tion comme ayant trait à un délai raisonnable de préavis. Cette question ne doit pas être considérée à présent comme portant sur la réclamation d’une indemnité au regard d’un travail accompli jusqu’au 30 juin 1973.

Par conséquent, je suis d’avis de rejeter le pour­voi incident ainsi que le pouvoir principal avec dépens.

LE JUGE DE GRANDPRÉ — J’ai eu le bénéfice de lire les motifs du Juge en chef et je partage sa conclusion.

Le pourvoi principal soulève deux questions:

(1) dans le cas d’un renvoi non motivé où le délai de préavis est de toute évidence trop court, qui de l’employeur ou de l’employé a l’obligation d’établir si l’employé renvoyé a fait ou non des efforts raisonnables pour se trouver un autre emploi?

(2) dans les circonstances de l’espèce, le montant des dommages-intérêts adjugés est-il trop élevé?

Ces deux questions peuvent fort bien faire l’objet d’une seule réponse. A mon avis, le fardeau de la preuve incombe à l’employeur en défaut. Il n’est pas clair, à la lecture des motifs de M. le juge Sinclair, que telle est l’opinion de la Cour d’appel. Mais, naturellement, cette dernière Cour n’était pas vraiment tenue de trancher cette question. Il

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est inutile de parler de fardeau lorsque toute la preuve est contenue au dossier. En l’espèce, la preuve a été soigneusement pesée et elle suffit à étayer la conclusion que

[TRADUCTION] ... la preuve ne démontre pas que d’au­tres emplois, dont les appelants auraient raisonnablement dû profiter, étaient disponibles. [1974] 2 W.W.R. 416, à la p. 427.

Quand à l’adjudication, je ne vois aucun fondement à l’allégation que le montant des dommages-intérêts adjugés est trop élevé.

En ce qui a trait au pourvoi incident, je suis d’avis qu’il est sans fondement. J’expose briève­ment dans les paragraphes suivants les motifs de cette conclusion:

a) la nomination du Dr Fast comme administra­teur de l’appelant ne peut être considérée comme tombant sous le coup du Regulations Act, R.S.A. 1970, c. 318, et la prétention que cette nomination est nulle ne peut être accueillie;

b) les intimés ne jouissaient pas d’une perma­nence dans le sens de permanence d’emploi puisque les contrats de travail entre eux et l’appelant devaient être renouvelés de temps à autre; il suffit de se reporter à l’art. 4.3 de la Convention liant le Collège et l’Association de la Faculté, qui prévoit que

[TRADUCTION] ... la cessation d’emploi aux termes des articles 5, 6 et 7 prendra effet à compter du 31 août pour l’année contractuelle 1970-71 et à compter du 30 juin pour l’année contractuelle 1971-72

et de souligner que, l’art. 6 de la Convention traite de permanence;

c) par conséquent, la Cour d’appel avait raison de considérer qu’il s’agissait d’un litige portant sur un délai raisonnable de préavis et, selon les faits de la présente affaire, les intimés ne peuvent demander l’exécution du contrat d’emploi;

d) puisqu’en l’espèce nous n’avons pas affaire à la cessation injustifiée d’un emploi permanent, les dommages-intérêts ont été convenablement évalués par la Cour d’appel et je ne constate aucune erreur de droit qui pourrait justifier l’intervention de cette Cour;

[Page 348]

e) il n’y a, en l’espèce, aucune raison d’invoquer l’Alberta Bill of Rights, 1972 (Alta.) c. 1, les parties aux contrats de travail ayant eu l’occa­sion de se faire entendre devant les tribunaux et de bénéficier de la protection offerte par les règles applicables.

Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter le pourvoi principal et le pourvoi incident avec dépens.

Pourvoi et pourvoi incident rejetés avec dépens.

Procureurs du défendeur, appelant: Beames, Chapman, Red Deer.

Procureurs des demandeurs, intimés: Wright, Chivers, Worton, Pollock & McBean, Edmonton.

[1] [1974] 2 W.W.R. 416, 44 D.L.R. (3d) 447.

[2] (1917), 55 R.C.S. 264.

[3] [1947] R.C.S. 121.

[4] [1955] R.C.S. 777.

[5] (1878), 9 Ch. D. 20.

[6] [1912] A.C. 673.

[7] [1919] 2 K.B. 581.

[8] [1949] 3 D.L.R. 51.

[9] [1967] 1 W.L.R. 104.

[10] [1964] A.C. 40.

[11] [1964] A.C. 40.

[12] [1957] A.C. 488.

[13] [1974] 3 All E.R. 327.

[14] (1971), 18 D.L.R. (3d) 374.

[15] [1975] 1 R.C.S. 376.

[16] [1972] Ch. 305.

[17] (1972), 92 S. Ct. 2694.

[18] (1972), 92 S. Ct. 2701.

[19] [1963] 2 O.R. 257.

[20] [1936] 3 All E.R. 322.

[21] (1923), 33 C.L.R. 229.


Parties
Demandeurs : Red Deer College
Défendeurs : Michaels
Proposition de citation de la décision: Red Deer College c. Michaels, [1976] 2 R.C.S. 324 (20 mai 1975)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1975-05-20;.1976..2.r.c.s..324 ?
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