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07/10/1975 | CANADA | N°[1977]_1_R.C.S._640

Canada | Brink’s Express Co. of Canada Ltd. c. Plaisance et al., [1977] 1 R.C.S. 640 (7 octobre 1975)


Cour suprême du Canada

Brink’s Express Co. of Canada Ltd. c. Plaisance et al., [1977] 1 R.C.S. 640

Date: 1975-10-07

Brink’s Express Co. of Canada Ltd. Appelante;

et

Claude Plaisance

et

La Ville de Montréal Intimés.

1975: le 15 juin; 1975: le 7 octobre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Judson, Pigeon, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

Cour suprême du Canada

Brink’s Express Co. of Canada Ltd. c. Plaisance et al., [1977] 1 R.C.S. 640

Date: 1975-10-07

Brink’s Express Co. of Canada Ltd. Appelante;

et

Claude Plaisance

et

La Ville de Montréal Intimés.

1975: le 15 juin; 1975: le 7 octobre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Judson, Pigeon, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC


Synthèse
Référence neutre : [1977] 1 R.C.S. 640 ?
Date de la décision : 07/10/1975
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être rejeté dans ses conclusions principales mais accueilli dans ses conclusions subsidiaires

Analyses

Accidents du travail - Recours de l’employé entre un tiers pour excédent - Responsabilité partagée entre le tiers et l’employeur - Absence de solidarité - Préséance du subrogeant sur le subrogé - Loi des accidents de travail, S.R.Q. 1964, c. 159, art. 7, 8 - Code civil, art. 1103, 1106, 1157.

L’intimé Plaisance, un pompier à l’emploi de l’intimée, la Ville de Montréal, a été blessé dans une collision entre le fourgon sur lequel il se trouvait et un camion de l’appelante. Il a opté pour la compensation prévue par la Loi des accidents du travail (une somme que les parties reconnaissent devoir dépasser légèrement $25,000) et réclamé de l’appelante, en vertu de ladite loi, la somme additionnelle requise pour former une indemnité équivalente à la perte subie. La Cour supérieure a statué que cette somme était de $25,200 et que Plaisance avait droit à la totalité du montant nonobstant que les chauffeurs de l’appelante et de l’intimée étaient également responsables. En Cour d’appel on n’a soulevé qu’une question: vu la division égale de la faute, l’appelante devrait-elle être condamnée à ne payer à l’intimé que la moitié des dommages additionnels de $25,200? La Cour d’appel, tout en statuant que l’appelante ne pouvait être tenue des dommages qu’en proportion de sa faute, a maintenu la condamnation à $25,200 pour le motif que cette somme représentait moins de la moitié du total des dommages subis.

Originairement, seule la demande de réduction des dommages payables à Plaisance avait été soumise à cette Cour. Toutefois avec la mise en cause de la Ville de Montréal ordonnée par cette Cour, celle-ci doit maintenant trancher les deux questions suivantes: 1) l’appelante dont le chauffeur n’a contribué que pour moitié à l’accident peut-elle être tenue de payer aux intimés un montant dépassant la moitié des dommages de droit

[Page 641]

commun? 2) cette moitié des dommages doit-elle être payée partie à la Ville, partie à l’intimé Plaisance ou doit-elle être payée en priorité à l’un des deux intimés? Cette dernière question fait l’objet des conclusions subsidiaires de l’appelante qui demande que si elle doit payer $25,200 le dit montant soit opposable à la Ville de Montréal.

Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté dans ses conclusions principales mais accueilli dans ses conclusions subsidiaires.

Sur la première question: l’appelante ne saurait être appelée à payer aux intimés plus que la partie des dommages qui correspond au pourcentage de la faute de son chauffeur. Il n’y a pas de solidarité entre Brink’s et la Ville quant aux dommages de l’intimé Plaisance; ce dernier n’ayant de recours de droit commun que contre le tiers (Brink’s), il ne peut avoir entre celui-ci et l’employeur (la Ville) de solidarité dans le cadre des art. 1103 et 1106 du Code civil. L’appelante ne saurait être appelée à payer plus que la partie des dommages qui correspond au pourcentage de la faute de son chauffeur.

Sur la deuxième question: l’appelante a tort de prétendre qu’elle ne devrait payer à chacun des intimés que la moitié de leurs dommages respectifs. Autrement, Plaisance, bien que n’ayant commis aucune faute, ne recevrait pas l’indemnité équivalente à la perte subie à laquelle la Loi des accidents du travail lui donne droit; sa réclamation est prioritaire. Les règles de la subrogation vont dans ce sens: le créancier qui ne reçoit qu’une partie de sa créance passe pour le reste avant le subrogé. Les règles de l’assurance vont aussi dans ce sens. Il faut lire dans son contexte le passage de la Loi des accidents du travail qui affirme que l’employeur est de plein droit subrogé aux droits de l’ouvrier; cela ne veut pas dire dans tous les droits de celui-ci. L’appelante qui doit payer $25,200 à Plaisance, soit moins de la moitié de l’ensemble des dommages, pourra opposer ladite somme à la demande de la Ville de Montréal.

Arrêts mentionnés: R. c. Nord-Deutsche et al., [1971] R.C.S. 849; Margrande Compania Naviera, S.A., et al. c. Les propriétaires du Leecliffe Hall, et al., [1970] R.C. de l’É. 871; The United Provinces Insurance Company c. Boulton et al., [1958] C.S. 433; Universal Pipe Line Welding Co. Ltd. c. McKay, [1969] B.R. 777; L’Abeille c. Veuve Gambin, D.C. 1944, 133; Mingarelli c. Montreal Tramways Company, [1950] R.C.S. 43; Adam et Schering Corporation Ltd. c. Dame Bouthillier, [1966] B.R. 6; Active Cartage Limited c. Commission des Accidents du Travail de Québec, [1967] B.R. 339; Henry c. McMahon Transport Limited, [1972] C.A. 66; Mussens et al. c. Côté et al.,

[Page 642]

[1973] R.C.S. 621; arrêt non suivi: Vachon c. Dion et al. (1893), 1 R. de J. 499; arrêt appliqué: Ledingham c. Ontario Hospital Services Commission, [1975] 1 R.C.S. 332.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Québec[1] qui a confirmé un jugement de la Cour supérieure. Pourvoi rejeté dans ses conclusions principales mais accueilli dans ses conclusions subsidiaires.

Paul Demers, pour l’appelante.

Gilles Poulin, pour l’intimé.

Luc Grammond et Jean Badeaux, c.r., pour l’intimée, la Ville de Montréal.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE DE GRANDPRÉ — L’intimé Plaisance, un pompier à l’emploi de la Ville de Montréal, était en service lorsque le fourgon sur lequel il se trouvait est entré en collision avec un camion de l’appelante. Blessé, il a opté pour la compensation prévue par la Loi des accidents du travail, S.R.Q. 1964, c. 159. De plus, s’appuyant sur l’art. 8 de la Loi, il a réclamé par son action «la somme additionnelle requise pour former, avec la susdite compensation, une indemnité équivalente à la perte réellement subie».

Le premier juge en est arrivé aux conclusions suivantes:

(1) l’accident a été causé par les fautes égales des deux chauffeurs;

(2) les dommages subis par l’intimé Plaisance au-delà de la compensation à laquelle il a droit en vertu de la Loi sont de $25,200;

(3) le demandeur a droit à la totalité de ce montant nonobstant le fait que la faute du chauffeur de l’appelante n’a contribué que pour moitié à l’accident.

Une deuxième action a été intentée à Brinks, cette fois par la Ville pour recouvrer la compensation due par elle à Plaisance. Cette action, du consentement des parties, a été tenue en suspens de sorte que ni la Cour supérieure, ni la Cour d’appel

[Page 643]

n’ont été appelées à se prononcer sur ces conclusions. Le montant exact de la compensation dont la Ville réclame le remboursement n’est pas devant nous mais il est acquis au débat qu’il dépasse légèrement les dommages de $25,200 accordés à l’intimé par les jugements dont appel.

Devant la Cour d’appel, l’appelante, nonobstant les termes de son inscription, n’a vraiment soumis qu’une proposition: vu la division égale de la faute, sa condamnation aurait dû être limitée à la moitié des dommages additionnels subis par l’intimé. La majorité en Cour d’appel a refusé d’accueillir cette prétention et a confirmé le jugement de première instance. D’où le présent pourvoi où ne sont pas mises en question les deux premières conclusions du jugement de première instance.

Dans son inscription, l’appelante nous demande, comme elle le faisait en Cour d’appel, de réduire à $12,600 la condamnation prononcée contre elle. Lorsque la cause a été appelée le 25 octobre 1974, nous avons ordonné que la Ville de Montréal soit mise en cause devant nous et l’audition a été remise à plus tard. En effet, ce pourvoi soulève deux questions:

(1) l’appelante dont le chauffeur a commis une faute égale à celle du chauffeur de la Ville peut-elle être tenue de payer aux intimés un montant total plus considérable que la moitié des dommages de droit commun?

(2) dans la négative, cette moitié des dommages doit-elle être payée partie à la Ville et partie à l’intimé Plaisance au pro-rata de leur intérêt, ou doit-elle être payée en priorité soit à Plaisance, soit à la Ville, seul le surplus, le cas échéant, étant payable à l’autre demandeur?

A l’audition, nous avons donc entendu non seulement l’appelante, mais les deux intimés. A la fin de l’audition, l’appelante, avec la permission du tribunal, a modifié son inscription en appel pour y ajouter les conclusions subsidiaires suivantes:

[TRADUCTION] Subsidiairement, et au cas où le présent pourvoi serait rejeté, que cette honorable Cour décide que la condamnation de $25,200, plus les intérêts, prononcée contre l’intimée soit opposable à l’intervenante, la ville de Montréal, dans sa réclamation dans l’affaire La ville de Montréal c. Brinks C.S.M. 724203.

[Page 644]

Le mot «intimée» dans ce texte est clairement une erreur, la condamnation ayant été prononcée contre l’appelante. Toutes les parties sont d’ailleurs d’accord pour que notre conclusion règle définitivement leurs droits respectifs.

Pour répondre à la première question, il faut déterminer si les règles de la solidarité entrent en jeu pour imposer de quelque façon à l’appelante l’obligation de payer plus que la moitié des dommages de droit commun. Je dirai immédiatement qu’à mon avis il n’y a pas solidarité entre Brinks et la Ville quant aux dommages de l’intimé Plaisance. A mes yeux, dans un accident comme le nôtre, causé à la fois par la faute d’un tiers et par celle d’un co-employé de la victime, aucune solidarité ne peut naître. Aux termes des articles pertinents de la Loi des accidents du travail, particulièrement les art. 3, 13 et 15, l’employé blessé à l’occasion de son travail n’a aucun recours de droit commun contre son employeur et l’art. 9 de la Loi étend cette prohibition à son co-employé; même lorsque l’employeur et le co-employé ont été négligents, le blessé ne peut invoquer les règles générales de la responsabilité civile. Son seul recours de droit commun existe contre le tiers dont la faute a pu causer l’accident ou y contribuer (art. 7 et 8 de la Loi). Dans de telles circonstances, l’art. 1103 C.c. qui prescrit les conditions de la naissance de la solidarité ne trouve pas son application et par voie de conséquence, l’art. 1106 C.c. ne peut non plus être invoqué contre le tiers responsable en partie de l’événement. S’il n’y a pas solidarité entre, d’une part, la Ville et, d’autre part, l’appelante, celle-ci ne saurait donc être appelée à payer plus que la partie des dommages qui correspond au pourcentage de la faute de son chauffeur.

C’est la première fois, à ma connaissance, que cette question de solidarité dans le contexte d’un accident de travail est soumise à la Cour suprême. Monsieur le juge Pigeon y avait fait allusion dans R. c. Nord-Deutsche et al.[2], particulièrement à la p. 879, mais les faits alors en litige n’exigeaient pas qu’il apporte une réponse. D’autres juges

[Page 645]

s’étaient aussi posé la même question sans qu’il leur soit nécessaire d’en arriver à une conclusion dans l’espèce qui leur était soumise; par exemple, M. le juge Noël dans Margrande Compania Naviera, S.A., et al. c. Les propriétaires du Leecliffe Hall, et al[3]. Par ailleurs, à deux reprises, M. le juge Brossard, une première fois alors qu’il siégeait en Cour supérieure dans The United Provinces Insurance Company c. Boulton et al.[4] et une deuxième fois en Cour d’appel dans Universal Pipe Line Welding Co. Ltd. c. McKay[5] a affirmé l’absence de solidarité dans un cas comme celui qui nous est soumis. Je ne peux faire mieux que d’adopter ses motifs.

Le vrai problème ici est de déterminer à qui appartient cette partie des dommages de droit commun que l’appelante doit payer à raison de la faute de son préposé. Comme je l’ai déjà souligné, l’appelante, dans ses conclusions principales, a soumis qu’elle devrait payer la moitié des dommages de Plaisance et la moitié des dommages de la Ville tandis que chacune de ces deux parties a soutenu pour sa part que son droit doit être reconnu prioritaire.

Si la proposition principale de l’appelante est acceptée, Plaisance, victime innocente de l’accident, ne reçoit pas pleine indemnité, savoir «une indemnité équivalente à la perte réellement subie» (art. 8) puisque sa compensation augmentée de la moitié de ses dommages additionnels ne lui donnerait qu’une indemnité totale dépassant à peine 75 p. cent de sa perte. Monsieur le juge Deschênes, dissident en Cour d’appel, a accepté cette proposition en soulignant que si, d’une part, la Loi protège l’employé en lui accordant toujours au moins une indemnité partielle quelles que soient les circonstances de l’accident, en retour l’employé doit accepter d’avance que dans certaines circonstances exceptionnelles, il ne recevra pas le plain remboursement de ses dommages bien que sa conduite ait été exempte de faute. Il s’agirait en somme d’appliquer à cette législation sociale la théorie du quid pro quo. Je ne puis me rendre à cette proposition. Pour l’accepter, il me faudrait trouver dans la Loi

[Page 646]

un texte très clair qui enlèverait à la victime exempte de faute le droit de recouvrer la totalité de ses dommages. Or, la Loi lue dans son ensemble et particulièrement ses articles 7 et 8, ne permet pas d’en arriver à la conclusion que le législateur, parce qu’il accorde certains bénéfices sociaux à l’employé, a voulu en même temps, dans certaines circonstances, lui enlever les droits que lui reconnaît la loi générale. Je ne puis donc accepter la proposition principale de l’appelante.

L’article 1157 C.c. me semble régler la question dans le sens que je viens d’indiquer:

La subrogation énoncée dans les articles précédents a effet tant contre les cautions que contre le débiteur principal. Elle ne peut préjudicier aux droits du créancier, lorsqu’il n’a reçu qu’une partie de sa créance; il peut, en ce cas, exercer ses droits pour tout ce qui lui reste dû, de préférence à celui dont il n’a reçu que partie de sa créance.

Il est vrai que plusieurs de nos auteurs, en particulier Mignault - Droit civil canadien, vol. 5, p. 571 - et Faribault - Traité de droit civil du Québec, vol. 8bis, n° 612 - refusent d’étendre cette règle aux créances chirographaires. Pour restreindre ainsi la portée de l’article, ils s’appuient sur une décision isolée de notre jurisprudence, Vachon c. Dion et al.[6], et sur l’opinion majoritaire de la doctrine française adoptée par la Cour de Cassation (Req., 1er août 1860, D.P. 1860.1.502; Req., 13 février 1899, D.P. 1899.1.246), notre texte étant à toutes fins pratiques semblable à l’art. 1252 du Code civil français.

Cette solution me paraît erronée. Comme le souligne la note d’André Besson qui commente l’arrêt de la Cour de Lyon, L’Abeille c. veuve Gambin[7], cette conclusion fait violence au texte même du Code et elle refuse de donner toute leur valeur aux travaux préparatoires du Code civil français. C’est sans hésitation que dans le cas qui nous occupe, je m’arrête à la conclusion que la préférence doit être accordée au subrogeant jusqu’au plein paiement de sa créance. Me plaît particulièrement la lecture simple et limpide de

[Page 647]

l’article que fait Langelier dans son Cours de droit civil, vol. 4, à la p. 110:

Ce qui est dit dans la deuxième phrase de l’article 1157 n’est que l’application d’une règle générale que nous verrons lorsque nous étudierons l’article 1986. Cette règle revient à dire ceci: lorsque le créancier ne reçoit qu’une partie de sa créance, il passe pour le reste avant le subrogé. La raison en est que, pour lui, le paiement avec subrogation n’en est pas moins un paiement, et par conséquent, pour lui, la partie de la dette qui a été payée avec subrogation est censée acquittée définitivement. Or s’il y avait eu paiement, il ne pourrait pas être question pour le créancier de subir un concours avec le tiers qui a payé.

Au même effet, Jean-Louis Beaudouin — Les Obligations — n° 531:

Extinction de l’obligation — Le paiement avec subrogation, comme d’ailleurs le paiement pur et simple, a pour effet principal d’éteindre le lien d’obligation qui existait entre le débiteur et le créancier. Si le créancier n’a été payé qu’en partie, il garde cependant ses droits pour l’autre partie de sa créance contre le débiteur originaire. Cependant, dans un tel cas, pour protéger le créancier contre la concurrence possible du solvens subrogé pour partie, la loi le préfère à ce dernier. En d’autres termes, le créancier doit avoir préséance sur le solvens et non pas venir en concours avec lui pour ce qui lui reste dû.

Au soutien de cette conclusion, il est permis d’établir une comparaison entre le régime d’indemnisation en cas d’accidents de travail et le droit des assurances. Or il ne fait pas de doute que dans ce dernier domaine si l’indemnité d’assurance ne représente qu’une partie de la perte réelle, l’assuré doit recevoir préséance si lui et son assureur s’adressent en même temps au responsable et que celui-ci n’a pas les moyens financiers de payer la totalité des dommages. Un arrêt récent de cette Cour, Ledingham c. Ontario Hospital Services Commission[8], le réaffirme. Bien qu’il s’agisse d’une cause venant d’une autre province, le principe, compte tenu du texte de notre Code, me semble parfaitement applicable à notre cas.

Vu ce qui précède, il va de soi que je ne saurais accepter la proposition de la Ville qui voudrait être remboursée complètement avant que la victime innocente de l’accident puisse recevoir la moindre

[Page 648]

indemnité du tiers responsable. Cette proposition, la Ville la fait reposer sur le par. 3 de l’art. 7 de la Loi qui affirme que l’employeur est «de plein droit subrogé(s) aux droits de l’ouvrier». C’est oublier que cette partie de phrase fait partie d’un ensemble et que la totalité des art. 7 et 8 de la Loi établit sans l’ombre d’un doute que cette subrogation n’est pas à tous les droits du blessé. C’est oublier aussi que cette Cour dans Mingarelli c. Montreal Tramways Company[9], a affirmé, par la voix de M. Le juge Abbott, à la p. 46:

[TRADUCTION] La subrogation prévue au paragraphe 3 de l’article 7 est une exception au droit général; une interprétation restrictive est donc de rigueur et, comme l’a souligné le juge Bissonnette dans La Commission des accidents du travail de Québec c. Collet Frères Limitée, [1958] B.R. 331, à la p. 334, la subrogation prévue à cet article n’est que partielle.

Il me reste à mentionner que les parties tout en reconnaissant n’avoir aucune autorité parfaitement au point à nous citer, se sont appuyées sur divers arrêts dont les suivants: Adam et Schering Corporation Ltd. c. Dame Bouthillier[10]; Active Cartage Limited c. Commission des Accidents du Travail de Québec[11]; Henry c. McMahon Transport Limited[12] et Mussens et al. c. Côté et al.[13]. A mon avis, aucune de ces décisions ne peut nous éclairer. Dans Adam, la responsabilité du tiers était totale. Dans Active Cartage et Henry, il s’agissait de responsabilité partagée entre la victime et le tiers. Dans Mussens, seul était en cause le sens exact de l’art. 3 de la Loi de l’indemnisation des victimes d’accidents d’automobile.

Je crois devoir ajouter que notre conclusion dans l’arrêt Mingarelli n’a pas toujours été lue correctement et que le cas échéant il faudra y revenir.

Pour toutes ces raisons, je rejetterais le pourvoi dans ses conclusions principales mais l’accueillerais dans ses conclusions subsidiaires. Dans les circonstances, j’accorderais à l’intimé Plaisance ses dépens dans toutes les cours et n’accorderais aucuns dépens à la Ville de Montréal.

[Page 649]

Pourvoi rejeté dans ses conclusions principales mais accueilli dans ses conclusions subsidiaires.

Procureurs de l’appelante: Leggat, Colby, Rioux, Flynn, Demers & Swift, Montréal.

Procureurs de l’intimé, Plaisance: Addessky, Kingstone, Zerbisias & Poulin, Montréal.

Procureurs de l’intimée, la Ville de Montréal: Côté, Péloquin & Bouchard, Montréal.

[1] [1973] C.A. 930.

[2] [1971] R.C.S. 849.

[3] [1970] R.C. de l’É. 871.

[4] [1958] C.S. 433.

[5] [1969] B.R. 777.

[6] (1893), 1 R. de J. 499.

[7] D.C. 1944. 133.

[8] [1975] 1 R.C.S. 332.

[9] [1959] R.C.S. 43.

[10] [1966] B.R. 6.

[11] [1967] B.R. 399.

[12] [1972] C.A. 66.

[13] [1973] R.C.S. 621.


Parties
Demandeurs : Brink’s Express Co. of Canada Ltd.
Défendeurs : Plaisance et al.
Proposition de citation de la décision: Brink’s Express Co. of Canada Ltd. c. Plaisance et al., [1977] 1 R.C.S. 640 (7 octobre 1975)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1975-10-07;.1977..1.r.c.s..640 ?
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