La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/01/1976 | CANADA | N°[1977]_1_R.C.S._25

Canada | Crump c. Toronto Dominion Centre Ltd., [1977] 1 R.C.S. 25 (30 janvier 1976)


Cour suprême du Canada

Crump c. Toronto Dominion Centre Ltd., [1977] 1 R.C.S. 25

Date: 1976-01-30

Crump Mechanical Contracting Limited (Plaignant) Appelante;

et

Toronto-Dominion Centre Limited (Défendeur) Intimée.

1975: le 4 novembre; 1976: le 30 janvier.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Judson, Spence, Pigeon et Dickson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

Cour suprême du Canada

Crump c. Toronto Dominion Centre Ltd., [1977] 1 R.C.S. 25

Date: 1976-01-30

Crump Mechanical Contracting Limited (Plaignant) Appelante;

et

Toronto-Dominion Centre Limited (Défendeur) Intimée.

1975: le 4 novembre; 1976: le 30 janvier.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Judson, Spence, Pigeon et Dickson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.


Synthèse
Référence neutre : [1977] 1 R.C.S. 25 ?
Date de la décision : 30/01/1976

Analyses

Contrat - Appel - Modification par la Cour d’appel d’une conclusion sur les faits tirée en première instance - La Cour d’appel est d’avis qu’aucune preuve ne justifiait l’octroi d’une indemnité en vertu d’un contrat - Modification par la Cour d’appel de la date d’interruption des travaux et diminution du montant de l’indemnité - La Cour suprême du Canada est d’avis que les conclusions du juge de première instance sont étayées par la preuve.

POURVOI et POURVOI INCIDENT à rencontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario qui a accueilli en partie l’appel d’un jugement du juge Hughes accordant des dommages-intérêts pour rupture de contrat. Pourvoi accueilli en partie avec dépens, les juges Judson et Dickson étant dissidents; pourvoi incident rejeté avec dépens.

Nelles Starr, c.r., et C.E. Woolcombe, c.r., pour l’appelante.

George Finlayson, c.r., et Tom Heintzman, pour l’intimée.

Le jugement du juge en chef Laskin et des juges Spence et Pigeon a été rendu par

LE JUGE SPENCE — Après avoir lu les motifs du juge Judson dans la présente affaire, je suis d’accord avec les faits qu’il a exposés et j’ajoute les commentaires suivants.

Je m’attache plus particulièrement à la question de savoir si l’appelante est en droit de recevoir la somme de $13,187 pour la préparation de l’estimation du prix plafond garanti, désigné dans l’appel par le sigle P.P.G. Cette somme a été accordée par le savant juge de première instance, mais refusée

[Page 26]

par la Cour d’appel parce qu’aucune preuve ne justifiait l’octroi d’une indemnité en vertu d’un contrat. Je conclus à l’existence d’une telle preuve à la lumière du témoignage de J.J. Pigott, président de la compagnie appelante et administrateur de Pigott Construction Company. On a produit en première instance une lettre datée du 25 mai 1967 qu’il avait adressée à L. Cianfarani, chef du projet pour les travaux mécaniques du Toronto-Dominion Centre. Il apparaît à la lecture de cette lettre qu’elle a été dictée le 24 mai 1967, bien que datée du 25 mai 1967, et elle mentionne une réunion prévue «le jour même» avec MM. E. Diamond et John Findlay, administrateurs de la compagnie intimée. Voici le texte du paragraphe 4 de la lettre:

[TRADUCTION] Lorsque nous aurons tous les renseignements nécessaires, nous soumettrons un prix estimatif afin d’établir le prix plafond garanti. Le propriétaire se réserve évidemment le droit de refuser de signer le contrat final avec nous s’il n’approuve pas le prix maximum garanti. Dans ce cas, il est entendu qu’il nous payera pour les travaux exécutés et nous versera un honoraire de cinq et demi pour cent (5½%). Bien sûr, ceci ne devrait pas se produire. Néanmoins, j’aimerais revoir avec vous le résumé de vos coûts estimatifs avant que nous le soumettions comme prix maximum garanti.

M. Pigott a reconnu cette lettre et, après l’avoir lue, l’avocat de l’appelante a poursuivi:

[TRADUCTION] …et cætera. Au paragraphe 4, vous parlez de — tous les renseignements nécessaires disponibles et de l’éventualité que vous n’obteniez pas le contrat — dans cette éventualité, on vous paierait évidemment pour tous les travaux exécutés, plus des honoraires de cinq et demi pour cent.

Q. Vous a-t-on dit ça?

R. Oui maître, MM. Findlay et Diamond ont accepté d’un commun accord de payer tous les frais plus des honoraires de cinq et demi pour cent.

Q. A quelle occasion?

R. Lors de la réunion du 24 mai. En fait, c’est moi qui l’ai suggéré, car j’estimais que le comité exécutif serait plus à l’aise s’il avait une porte de sortie, car s’il décidait de ne pas approuver il pourrait mettre fin au contrat en nous payant les frais engagés jusqu’à ce jour plus cinq et demi pour cent.

[Page 27]

M. Pigott nous a donc fourni une preuve manifeste que l’entente décrite au paragraphe 4 de la lettre a été conclue le 24 mai 1967 entre les représentants autorisés de l’appelante et l’intimée. Le savant juge de première instance, après avoir entendu ce témoignage, était en droit de l’accepter pour justifier une indemnité. A mon avis, c’est ce qu’il a fait lorsqu’il a déclaré:

[TRADUCTION] Sans tenir compte de la pratique, je crois que J.J. Pigott a été amené à croire que le Centre le défrayerait, peu importe que le contrat soit accordé, et que ces frais seraient à la charge du Centre.

Cet énoncé représente une conclusion de fait du savant juge de première instance et, avec déférence, j’estime que la Cour d’appel n’aurait pas dû la modifier.

J’accueille donc le pourvoi à la seule fin de rétablir le paragraphe 1 du jugement du savant juge de première instance, dont voici le texte:

[TRADUCTION] 1. LA COUR SUSDITE STATUE que la défenderesse est tenue de payer à la demanderesse la somme de $13,187.00 pour l’estimation du P.P.G.

Je ne modifie par le paragraphe 1(1), ordonnant un renvoi, ni le paragraphe 1(2), relatif à l’attribution des dépens, de l’arrêt de la Cour d’appel. La Cour n’étant pas unanime, je n’accorde à l’appelante que la moitié de ses dépens pour ce pourvoi. A l’instar de mon collègue le juge Judson, je rejette l’appel incident de l’intimée avec dépens.

Le jugement des juges Judson et Dickson a été rendu par

LE JUGE JUDSON (dissident) — La demanderesse, Crump Mechanical Contracting Limited, filiale à part entière de Pigott Construction Company Limited, poursuit la défenderesse, Toronto-Dominion Centre Limited, pour un montant de $97,236. Crump était l’entrepreneur en mécanique de la première tour du Toronto-Dominion Centre. Les travaux que vise la réclamation en l’espèce, portent uniquement sur une seconde tour prévue et pour laquelle Crump espérait obtenir le contrat d’exécution des travaux mécaniques. Ce ne fut pas le cas.

[Page 28]

Le fondement de la demande se trouve dans une lettre de Toronto-Dominion à Crump, datée du 6 juillet 1967. En voici le texte:

[TRADUCTION] Le 6 juillet 1967

Monsieur L. Cianfarani

Crump Mechanical Contracting Limited

C.P. 4057, succursale «A»

Toronto (Ontario)

Monsieur, SECONDE TOUR

Suite à notre discussion du 4 juillet, la présente confirme que vous devez commencer immédiatement le drainage souterrain de la seconde tour en conformité, bien sûr, des exigences et des délais d’exécution de l’entrepreneur général. Il est entendu également que votre Bureau des plans s’occupera de tous les travaux de la seconde tour, à partir des plans actuellement en votre possession aux fins de soumission. Par ailleurs, nous considérons que les frais généraux de la seconde tour commencent à s’accumuler à partir du 1er juillet 1967 et que les crédits, le cas échéant, résultant du chevauchement des travaux de la première et de la seconde tour seront fixés en conséquence et en temps voulu. En outre, il est entendu que la présente lettre ne constitue pas une lettre d’intention quant à la seconde tour et que si nous ne parvenons pas à un accord satisfaisant sur le contrat dans son ensemble pour cette dernière, les travaux exécutés en vertu des directives susmentionnées seront payés selon le taux et le coût convenus.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

(signature) John Findlay,

Vice-président

Je souligne qu’en raison de grèves, aucuns travaux relativement au drainage souterrain mentionné dans la première phrase de la lettre n’ont pas été exécutés. Il est inutile de s’étendre davantage sur ce sujet. De plus, lorsque la lettre a été écrite, Crump avait déjà retenu les services de F.C. Hume & Co., entreprise tiers, pour dresser les plans détaillés et avait convenu de la payer même si elle n’obtenait pas le contrat. Findlay ignorait ce fait lorsqu’il a rédigé sa lettre.

Après un très long procès, le jugement suivant a été rendu:

[TRADUCTION] 1. LA COUR SUSDITE STATUE que la défenderesse est tenue de payer à la demanderesse la somme de $13,187.00 pour l’estimation du P.P.G.

[Page 29]

2. LA COUR SUSDITE ORDONNE EN OUTRE le renvoi de l’affaire devant le conseiller‑maître de la présente Cour à Toronto afin qu’il étudie la question et statue sur le montant des frais indirects de la demanderesse, que la défenderesse doit lui payer pour la période du 1er juillet 1967 au 30 septembre 1967, conformément aux calculs établis dans les motifs du jugement de première instance, et sur le montant des frais de la demanderesse pour les plans et devis exécutés par F.C. Hume Limited relativement au projet de préfabrication et d’installation des conduits de la seconde tour. De plus, la défenderesse est tenue de payer à la demanderesse les montants déterminés par le conseiller-matre ainsi que des honoraires de 5.5%, sur confirmation du rapport de ce dernier.

Le premier paragraphe de ce jugement accordant $13,187 pour l’estimation du P.P.G. mérite une explication. P.P.G. désigne le prix plafond garanti, ce qui signifie que Toronto-Dominion ne paiera aucun montant excédant ce prix et pourra bénéficier de toute réduction du prix. La Cour d’appel a rejeté la décision accordant les $13,187 parce qu’aucune preuve ne justifiait l’octroi d’une indemnité en vertu d’un contrat pour la préparation de l’estimation et parce qu’il n’y avait aucun fondement à une indemnité pour enrichissement sans cause.

Après avoir rejeté l’indemnité de $13,187 du paragraphe 1 du jugement de première instance, la Cour d’appel n’avait plus qu’à examiner la question du renvoi. Elle a décidé ce qui suit:

[TRADUCTION] LA COUR SUSDITE ORDONNE le renvoi de l’affaire devant le conseiller-maître de la Cour à Toronto afin qu’il étudie la question et statue sur le montant des frais indirects de la demanderesse pour la période du 1er juillet 1967 au 31 août 1967, relativement à la Tour n° 2, calculés en fonction du prix de revient, plus les honoraires, tout en tenant compte, en faveur du propriétaire, du chevauchement des travaux; ces frais doivent comprendre, le cas échéant, les frais relatifs au personnel affecté exclusivement à la Tour n° 2, même si ce personnel n’y a pas effectivement travaillé. Il statuera aussi sur la partie de la somme de $51,741.55 engagée par la demanderesse pour les plans et devis réalisés avant le 31 août 1967; en outre, la défenderesse est tenue de payer à la demanderesse la totalité du montant déterminé par le conseiller-maître, plus des honoraires de 5.5%, sur confirmation du rapport de ce dernier.

[Page 30]

La seule différence entre le jugement de première instance et celui de la Cour d’appel est la date d’interruption des travaux. Le juge de première instance l’a fixée au 30 septembre 1967 et la Cour d’appel, au 31 août 1967. Il ne fait aucun doute que la date fixée par la Cour d’appel a pour effet de diminuer le montant de l’indemnité. Dans une lettre datée du 25 août 1967, Findlay, a, au nom de Toronto-Dominion, mis fin aux travaux:

[TRADUCTION] Suite à votre offre concernant les travaux mécaniques relatifs à la seconde tour, pour lesquels M. Cianfarani a déposé un devis à notre bureau le mardi 17 août, je dois vous aviser qu’après étude, nous avons décidé de prendre d’autres dispositions pour leur exécution.

C’est au motif qu’il jugeait l’estimation du prix plafond garanti excessive que Findlay a fait arrêter les travaux.

Le juge de première instance a estimé qu’il fallait à Crump et à son sous-traitant, F.C. Hume & Co. jusqu’au 30 septembre 1967 pour réorganiser leur personnel respectif. Telle n’est pas l’opinion de la Cour d’appel. Cette dernière a jugé qu’un ordre d’arrêt immédiat des travaux suffisait à Crump et à son sous-traitant. Elle s’est attardée au fait que Toronto-Dominion ignorait tout de l’embauche du sous-traitant, mais a également conclu, à juste titre à mon avis, que rien dans la lettre de Findlay du 6 juillet 1967 n’interdisait à Crump d’engager un tiers pour tirer les plans.

Je ne modifierai pas la décision de la Cour d’appel au sujet de la date d’interruption des travaux. Elle a reconnu que les deux dates étaient, dans un certain sens, arbitraires, mais elle a estimé que si Crump, sur réception de la lettre de Toronto-Dominion en date du 25 août 1967, n’avait pas aussitôt retiré son personnel ni celui de son sous-traitant, elle avait agi à ses propres risques.

En conséquence, je confirmerais l’arrêt de la Cour d’appel rejetant le montant de $13,187 et modifiant la date d’interruption et je rejetterais le pourvoi avec dépens.

[Page 31]

Toronto-Dominion a déposé et plaidé un appel incident devant la présente Cour demandant le rejet complet de l’action. Les conclusions du tribunal de première instance et de la Cour d’appel ne permettent pas de fonder un appel de ce genre. Toronto-Dominion s’est entendu avec Crump pour lui verser un certain montant qui doit être déterminé conformément au renvoi ordonné par la Cour d’appel. L’appel incident est rejeté avec dépens.

Pourvoi accueilli en partie avec dépens, les juges JUDSON et DICKSON dissidents; pourvoi incident rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Day, Wilson, Campbell, Toronto.

Procureurs de l’intimée: McCarthy & McCarthy, Toronto.


Parties
Demandeurs : Crump
Défendeurs : Toronto Dominion Centre Ltd.
Proposition de citation de la décision: Crump c. Toronto Dominion Centre Ltd., [1977] 1 R.C.S. 25 (30 janvier 1976)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1976-01-30;.1977..1.r.c.s..25 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award