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30/01/1976 | CANADA | N°[1977]_2_R.C.S._179

Canada | Vadeboncoeur c. Landry, [1977] 2 R.C.S. 179 (30 janvier 1976)


Cour suprême du Canada

Vadeboncoeur c. Landry, [1977] 2 R.C.S. 179

Date: 1976-01-30

Armand Vadeboncœur Appelant;

et

Annette Landry Intimée;

et

Le procureur général du Canada, le procureur général de la province de Québec et le procureur général de la province d’Ontario Intervenants.

1975: le 28 avril; 1976: le 30 janvier.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

Cour suprême du Canada

Vadeboncoeur c. Landry, [1977] 2 R.C.S. 179

Date: 1976-01-30

Armand Vadeboncœur Appelant;

et

Annette Landry Intimée;

et

Le procureur général du Canada, le procureur général de la province de Québec et le procureur général de la province d’Ontario Intervenants.

1975: le 28 avril; 1976: le 30 janvier.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC


Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être rejeté

Analyses

Divorce - Ordonnance prévoyant des mesures accessoires - Silence des jugements conditionnel et irrévocable - Ordonnance provisoire - Requête présentée deux mois après le jugement irrévocable - Loi sur le divorce S.R.C. 1970, c. D-8, art. 11, Code civil, art. 212, 213.

Les parties étant en instance de divorce, l’intimée a obtenu, le 7 avril 1971, une ordonnance provisoire condamnant son mari, l’appelant, à lui payer une pension alimentaire de $60 par semaine. Toutefois, ni le jugement conditionnel de divorce en date du 21 mai 1971 ni le jugement irrévocable en date du 26 août 1971 ne fait mention de pension alimentaire. L’appelant ayant cessé, le 6 septembre 1971, de payer la pension conformément à l’ordonnance provisoire, l’intimée a saisi, le 26 octobre 1971, la Cour supérieure d’une requête pour pension alimentaire. Elle y allègue que son procureur et celui de son ex-conjoint ont convenu que les termes du jugement sur les mesures provisoires seraient reproduits dans le jugement conditionnel. Le juge de la Cour supérieure a décidé que, indépendamment de l’entente alléguée, l’art. 11 de la Loi sur le divorce lui permettait d’accueillir la requête et il a accordé à l’intimée une pension de $60 par semaine. La Cour d’appel, unanimement, a confirmé cette décision: deux des juges s’appuient à la fois sur l’art. 11 de la Loi sur le divorce et sur l’art. 212 C.c. mais le Juge en chef s’appuie exclusivement sur ce dernier article. L’appelant a obtenu la permission spéciale de cette Cour d’en appeler de cet arrêt de la Cour d’appel et d’attaquer la constitutionnalité des art. 212 et 213 du Code civil.

Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.

Il faut d’abord décider si la Cour supérieure pouvait, dans les circonstances, en vertu de l’art. 11 de la Loi sur le divorce, accorder une pension alimentaire à l’intimée, après les jugements conditionnel et irrévocable de

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divorce et vu leur silence sur ce sujet. Cette Cour a déjà rejeté la prétention selon laquelle une ordonnance fondée sur l’art. 11 doit nécessairement être rendue en même temps que le jugement conditionnel. Les premiers mots du par. (1) de l’art. 11 «En prononçant un jugement conditionnel de divorce» ne veulent pas dire que le tribunal ne peut statuer sur les mesures accessoires qu’au moment même où est prononcé le jugement conditionnel. Il ne s’agit pas en l’espèce d’un cas où la demande est fondée sur des besoins survenus après la dissolution du lien matrimonial, ni d’un cas où la demande de l’épouse aurait été considérée et rejetée parce que non fondée, lors du prononcé du jugement conditionnel, ni enfin d’un cas où la question de ses besoins et de son entretien n’aurait jamais été soulevée durant l’instance. Effectivement la question a été soulevée et tranchée en faveur de l’intimée, à titre provisoire, avant le jugement conditionnel et ce n’est que par inadvertance qu’elle n’a pas fait l’objet d’une adjudication lors du prononcé de ce jugement. La requête présentée par l’intimée, dans un délai raisonnable après le jugement irrévocable, avait pour but de combler cette lacune et la Cour supérieure avait juridiction pour l’accorder: cette juridiction prend sa source dans l’art. 11.

Les circonstances de cette cause ne permettent pas toutefois à la Cour de disposer du pourvoi sur une base beaucoup plus large, comme le demande le procureur général du Canada, savoir: la Constitution habilite-t-elle le Parlement du Canada à prescrire que l’obligation de secours survit indéfiniment à la dissolution du lien matrimonial, ce que le Parlement aurait fait dans la Loi sur le divorce. Ayant décidé que la Cour supérieure tirait sa compétence de l’art. 11 de la Loi sur le divorce, la Cour n’a pas non plus à répondre à la question relative à la constitutionnalité des art. 212 et 213 du Code civil. Il n’y a pas de raisons suffisantes pour que cette Cour donne son opinion sur une question qu’il ne s’avère pas finalement nécessaire de trancher.

Arrêts suivis: Jackson c. Jackson, [1973] R.C.S. 205; Zacks c. Zacks, [1973] R.C.S. 891; Nash c. Nash, [1975] 2 R.C.S. 507; Lapointe c. Klint, [1975] 2 R.C.S. 539; Ouimet c. Ouellet (1975), 7 N.R. 1.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel[1] qui a confirmé un jugement de la Cour supérieure accordant une requête pour pension alimentaire. Pourvoi rejeté.

Francine Massy-Roy et Normand Desy, pour l’appelant.

[Page 181]

Pierre Fournier, pour l’intimée.

P.M. Ollivier, c.r., pour le procureur général du Canada.

Robert Deblois et Roger Thibaudeau, c.r., pour le procureur général du Québec.

D. Mundell, c.r., et J. Polika, pour le procureur de l’Ontario.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE BEETZ — L’appelant et l’intimée étaient mari et femme. Leur mariage a été dissous, à la demande de l’appelant, sans contestation de la part de l’intimée, par un jugement conditionnel de divorce en date du 21 mai 1971 et par un jugement irrévocable en date du 26 août 1971. Ni l’un ni l’autre de ces jugements ne fait mention d’une pension alimentaire en faveur de l’intimée. Celle-ci avait obtenu, le 7 avril 1971, une ordonnance provisoire condamnant son mari à lui payer une pension alimentaire de $60 par semaine. L’appelant s’est acquitté de cette pension durant toute l’instance et même après, soit jusqu’au 6 septembre 1971. C’est alors qu’il invoque, pour justifier son refus de continuer ses paiements, le silence des jugements de divorce sur le droit de l’intimée à une pension.

Le 26 octobre 1971, l’intimée saisit la Cour supérieure de la procédure qui donne lieu au pourvoi, une requête pour pension alimentaire. Elle allègue principalement que les procureurs des ex-conjoints

avaient convenu que lorsque la requête en divorce serait présentée pour jugement conditionnel, les termes du jugement sur les mesures provisoires du 7 avril 1971 précité seraient reproduits dans le jugement conditionnel quant aux mesures accessoires.

Le procureur de l’appelant demande le rejet immédiat de cette requête pour le motif que, même si les faits allégués sont vrais, l’intimée a perdu tous ses droits.

La Cour supérieure ordonne néanmoins que l’on procède à l’enquête. Y témoignent les procureurs qui avaient occupé pour les parties durant les procédures en divorce. Leurs témoignages ne concordent pas. Le procureur de l’intimée atteste que

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l’entente alléguée par l’intimée a effectivement été conclue. Il n’était pas présent à l’audition qui a précédé le jugement conditionnel. Il n’a pas pris connaissance du procès-verbal mentionnant le jugement conditionnel. L’intimée lui a dit, une fois ce jugement rendu, qu’elle continuait de recevoir sa pension et il a présumé que tout était en règle. Il n’était pas présent lors de la présentation de la requête pour jugement irrévocable. Ce n’est qu’à son retour de vacances, en septembre 1971, qu’il a pris connaissance de ce jugement et qu’il a été informé que l’appelant cessait de payer. Le procureur de l’appelant à l’époque confirme qu’il y a eu des pourparlers mais nie qu’il y ait eu entente. En présentant la requête pour jugement conditionnel, il n’a pas attiré l’attention du président du tribunal sur le fait qu’il y avait eu une ordonnance provisoire accordant une pension à l’intimée parce que, dit-il, cette ordonnance se trouvait au dossier.

En Cour supérieure, M. le juge Desaulniers n’estime pas nécessaire de décider si l’entente alléguée par l’intimée avait bel et bien été conclue. Il tient par ailleurs que l’intimée avait, en obtenant une pension provisoire pendant l’instance en divorce, établi son droit à une pension alimentaire et que ce droit, en l’absence d’une preuve contraire, existait au moment où le jugement conditionnel a été rendu et aussi au moment où ce jugement conditionnel a été déclaré irrévocable. Il conclut que:

Si le droit n’a pas été exercé, ceci ne résulte que d’une omission de son procureur ou de celui de l’intimée ou encore d’un malentendu entre eux.

Il note en outre que, selon la preuve, l’intimée n’a d’aucune façon renoncé à ce droit. Il exprime l’avis que l’art. 11 de la Loi sur le divorce S.R.C. 1970, c. D-8, lui permet d’accorder une pension alimentaire dans ces circonstances, et il accorde à l’intimée une pension de $60 par semaine, dont le montant d’ailleurs n’était pas contesté.

La Cour d’appel du Québec confirme par un arrêt unanime; M. le juge en chef Tremblay s’appuie exclusivement sur l’art. 212 C.c.; l’appelant aurait voulu contester la constitutionnalité de cette disposition mais se trouvait empêché de le faire, l’avis requis par l’art. 95 C.p.c. n’ayant pas été

[Page 183]

donné; M. le juge Casey et M. le juge Turgeon s’appuient à la fois sur l’art. 212, C.c. et sur l’art. 11 de la Loi sur le divorce.

L’appelant a obtenu la permission spéciale de cette Cour d’en appeler de la décision de la Cour d’appel. Comme il désirait contester la constitutionnalité de l’art. 212 C.c., l’avis prévu à l’art. 18 des Règles de cette Cour a été donné. La question constitutionnelle est définie comme suit:

“Les Articles 212 et 213 du Code Civil de la Province de Québec, remplacées par l’Article 14 du Chapitre 74 des Lois du Québec de 1969 sont-ils ultra vires en tout où en partie?”

Les procureurs généraux du Canada, du Québec et de l’Ontario ont obtenu l’autorisation d’intervenir.

Le pourvoi soulève une et peut-être deux questions:

1. La Cour supérieure pouvait-elle, dans les circonstances, en vertu de l’art. 11 de la Loi sur le divorce, accorder une pension alimentaire à l’intimée, après les jugements conditionnel et irrévocable de divorce et vu leur silence absolu sur ce sujet?

2. Si l’art. 11 de la Loi sur le divorce ne confère pas ce pouvoir à la Cour supérieure, l’art. 212 C.c. le lui accorde-t-il?

Il n’est nécessaire de se prononcer sur la seconde question que si la réponse à la première est négative.

J’aborde donc sans plus la première question. Il importe de reproduire immédiatement le texte de l’art. 11 de la Loi sur le divorce:

11. (1) En prononçant un jugement conditionnel de divorce, le tribunal peut, s’il l’estime juste et approprié, compte tenu de la conduite des parties ainsi que de l’état et des facultés de chacune d’elles et des autres circonstances dans lesquelles elles se trouvent, rendre une ou plusieurs des ordonnances suivantes, savoir:

a) une ordonnance enjoignant au mari d’assurer l’obtention ou d’effectuer le paiement de la somme globale ou des sommes échelonnées que le tribunal estime raisonnables pour l’entretien

(i) de l’épouse,

(ii) des enfants du mariage ou

(iii) de l’épouse et des enfants du mariage;

[Page 184]

b) une ordonnance enjoignant à l’épouse d’assurer l’obtention ou d’effectuer le paiement de la somme globale ou des sommes échelonnées que le tribunal estime raisonnables pour l’entretien

(i) du mari,

(ii) des enfants du mariage, ou

(iii) du mari et des enfants du mariage; et

c) une ordonnance pourvoyant à la garde, à l’administration et à l’éducation des enfants du mariage.

(2) Une ordonnance rendue en conformité du présent article peut être modifiée à l’occasion ou révoquée par le tribunal qui l’a rendue s’il l’estime juste et approprié compte tenu de la conduite des parties depuis que l’ordonnance a été rendue ou de tout changement de l’état ou des facultés de l’une des parties ou des autres circonstances dans lesquelles elles se trouvent. 1967-68, c. 24, art. 11.

La constitutionnalité de cet article de même que celle des art. 10 et 12 de la Loi sur le divorce est maintenant établie: cette Cour a décidé que le pouvoir d’édicter ces dispositions est l’accessoire nécessaire de la compétence fédérale en matière de divorce: Jackson c. Jackson[2]; Zacks c. Zacks[3].

C’est dans ce dernier arrêt que s’est soulevée pour la première fois devant cette Cour la question du moment où une pension alimentaire peut être demandée et accordée suivant l’art. 11 de la Loi sur le divorce. On y rejette la prétention selon laquelle une ordonnance fondée sur le par. (1) de l’art. 11 doit nécessairement être rendue en même temps que le jugement conditionnel: les mots «En prononçant un jugement conditionnel de divorce» («Upon granting a decree nisi of divorce») ont trait au moment où le tribunal acquiert juridiction pour accorder des mesures accessoires; dans un passage d’ailleurs cité à l’appui de Nash c. Nash[4], M. le juge Martland, qui rend le jugement unanime de la Cour, s’exprime de la façon suivante sur la signification du mot «upon» tel qu’employé au par. (1) de l’art. 11:

La signification du mot, tel qu’il est utilisé à l’art. 11, par. (1), doit être déterminée en se basant sur le fait que la législation du Parlement concernant la pension alimentaire, l’entretien et la garde des enfants ne peut être

[Page 185]

du ressort du Parlement que si elle est liée à la législation concernant le divorce et en fait partie. Je suis d’avis que lorsqu’on a prévu que le tribunal pouvait statuer sur ces matières «en (upon) prononçant un jugement conditionnel de divorce», on voulait dire que ce n’est que quand un divorce est prononcé que le tribunal acquiert la compétence nécessaire pour statuer sur elles. Ces mots ne veulent pas dire que l’on ne peut statuer sur ces matières qu’au moment même, exactement où est prononcé le jugement conditionnel.

La Cour décide que, d’une part, un juge agit dans les limites de sa juridiction lorsqu’en prononçant le jugement conditionnel, il émet une ordonnance relative au droit à des allocations d’entretien seulement et qu’il renvoie en vertu des Règles de sa cour la question du montant au régistraire pour que celui-ci fasse sa recommandation et que, d’autre part, le tribunal de divorce a le pouvoir de fixer, après réception de la recommandation du régistraire, le montant approprié des allocations même si, entre temps, le jugement irrévocable de divorce a été prononcé.

La question est analysée une deuxième fois par cette Cour dans Lapointe c. Klint[5]. Cette affaire concerne une requête pour pension alimentaire présentée après le prononcé des jugements conditionnel et irrévocable de divorce qui ne contiennent aucune déclaration expresse du droit à des allocations d’entretien mais qui comportent par ailleurs respectivement les mots «autres droits réservés» et «LA COUR RÉSERVE tous autres recours». L’intimée avait, après la signification d’une requête en divorce par l’appelant, produit une requête pour pension alimentaire. Mais cette requête, après avoir été ajournée à deux reprises, fut rayée en raison de l’absence de l’intimée qui avait dû se rendre au Japon. A cause de cette absence, le tribunal n’a pu rendre d’ordonnance sur la question d’entretien lors du prononcé des jugements de divorce, mais suite aux représentations du procureur de l’intimée, il a réservé la question. Il ne s’agit pas d’un cas où la question de l’entretien n’a pas été soulevée au moment du prononcé du jugement conditionnel, ni d’un cas où une demande aurait été rejetée parce que non fondée. Cette Cour note également la promptitude de l’intimée à

[Page 186]

présenter sa requête après le prononcé du jugement irrévocable et décide que le tribunal pouvait, compte tenu des circonstances, se prononcer sur la question de l’entretien une fois le mariage définitivement dissous. Voici comment conclut le juge Martland qui rend le jugement unanime de la Cour:

J’estime que la question de l’octroi de l’entretien, bien que secondaire et liée au prononcé d’un jugement de divorce, peut être jugée par le tribunal indépendamment de la question de l’octroi d’un tel jugement de divorce. Si le tribunal décide qu’une partie aux procédures de divorce a droit à l’entretien, ou a droit à ce que soit tranchée une telle question, son pouvoir de déterminer si ce droit existe ne l’empêche pas de dissoudre le mariage, mais une telle dissolution n’interdira pas au tribunal de traiter par la suite de l’aspect relatif aux mesures accessoires. C’est du fait qu’on dissout le mariage qu’interviennent le pouvoir et la nécessité de déterminer si l’une des parties au mariage a droit à une allocation d’entretien. Le tribunal ayant obtenu la compétence de se prononcer sur cette question lors du prononcé du jugement conditionnel, il n’est pas, en l’absence d’une disposition expresse à l’effet contraire dans la Loi, privé du pouvoir de traiter de la question dont il a été saisi parce que le jugement est rendu irrévocable, si cette question est toujours en suspens.

Enfin, dans Ouimet c. Quelles[6], un arrêt de cette Cour rendu le 21 février 1975, il s’agissait d’une requête pour pension alimentaire présentée par l’épouse un peu plus de huit mois après qu’elle eu obtenu, sans demander de mesure provisoire, un jugement conditionnel de divorce, mais avant jugement irrévocable. — Une requête pour jugemeet irrévocable avait été produite puis rayée lors, de sa présentation. — Le jugement, conditionnel réservait expressément à l’épouse ses droits éventuels à une pension. L’épouse avait été absente du pays pendant une période de cinq à six mois après le prononcé du jugement conditionnel La Cour d’appel, par un arrêt majoritaire infirmant le jugement de la Cour supérieure, accorde une pension à l’épouse. Dans une décision fort brève, rendue oralement, cette Cour rejette le pourvoi du mari: vu l’arrêt Lapointe c. Klint, la Cow supérieure avait dans ce cas le pouvoir de réserver des droits éventuels à une pension et de rendre par la suite une ordonnance disposant de la question.

[Page 187]

Dans la présente cause, il ne s’agit pas d’un cas où la demande est fondée sur des besoins survenus après la dissolution du lien matrimonial, ni d’un cas où la demande de l’épouse aurait été considérée et rejetée parce que non fondée, lors du prononcé du jugement conditionnel, ni enfin d’un cas où la question de ses besoins et de son entretien n’aurait jamais été soulevée durant l’instance; elle a effectivement été soulevée et tranchée en faveur de l’intimée, à titre provisoire, avant le jugement conditionnel. La demande de pension est fondée sur des besoins existant lors de la dissolution du mariage. L’absence d’une ordonnance appropriée rendue en faveur de l’intimée lors du prononcé du jugement conditionnel ne résulte, selon les conclusions non contestées du juge du procès, «que d’une omission de son procureur ou de celui de l’intimée ou encore d’un malentendu entre eux». Le droit de l’intimée à une pension dans les circonstances aurait normalement fait l’objet d’une adjudication lors du prononcé du jugement conditionnel et ce n’est que par suite d’une inadvertance qu’il ne l’a pas été et qu’il est resté en suspens. L’intimée a présenté sa requête deux mois après le prononcé du jugement irrévocable, un délai raisonnable, selon moi, après qu’elle eut pris connaissance d’une lacune fortuite dans la procédure de dissolution de son mariage. Sa requête a pour but de combler cette lacune. Je suis d’avis que la Cour supérieure avait juridiction pour accorder la requête et que cette juridiction, reliée au prononcé du jugement de divorce, prend sa source dans l’art. 11 de la Loi sur le divorce.

Comme dans Zacks c. Zacks, le procureur général du Canada nous invite à disposer du pourvoi sur une base beaucoup plus large, savoir, que la Constitution habilite le Parlement du Canada à prescrire que l’obligation de secours survit indéfiniment à la dissolution du lien matrimonial et que c’est ce qu’il a fait dans la Loi sur le divorce. Les circonstances de cette cause ne nous permettent pas d’exprimer une opinion sur des propositions aussi générales, pas plus qu’on ne l’a fait dans Zacks c. Zacks.

Nous n’avons pas à répondre non plus à la seconde question relative à la constitutionnalité des

[Page 188]

art. 212 et 213 C.c. La formulation d’une question constitutionnelle à un moment où la Cour n’a pas encore pu prendre connaissance d’un dossier complet, et l’intervention de procureurs généraux ne constituent pas des raisons suffisantes pour que cette Cour donne des opinions sur des questions qu’il ne s’avère finalement pas nécessaire de trancher.

Je rejetterais le pourvoi avec dépens. Néanmoins, chacun des procureurs généraux payera les frais de son intervention.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de rappelant: Champagne, Bourrassa & Ferland, Montréal.

Procureurs de l’intimée: Byers, Casgrain & Stewart, Montréal.

[1] [1973] C.A. 351.

[2] [1973] R.C.S. 205.

[3] [1973] R.C.S. 891.

[4] [1975] 2 R.C.S. 507.

[5] [1975] 2 R.C.S. 539.

[6] (1975), 7 N.R. 1.


Parties
Demandeurs : Vadeboncoeur
Défendeurs : Landry

Références :
Proposition de citation de la décision: Vadeboncoeur c. Landry, [1977] 2 R.C.S. 179 (30 janvier 1976)


Origine de la décision
Date de la décision : 30/01/1976
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1977] 2 R.C.S. 179 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1976-01-30;.1977..2.r.c.s..179 ?
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