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01/04/1976 | CANADA | N°[1977]_2_R.C.S._456

Canada | Banque Royale du Canada c. Concrete Column Clamps (1961) Ltd., [1977] 2 R.C.S. 456 (1 avril 1976)


Cour suprême du Canada

Banque Royale du Canada c. Concrete Column Clamps (1961) Ltd., [1977] 2 R.C.S. 456

Date: 1976-04-01

La Banque Royale du Canada (Défenderesse) Appelante;

et

Concrete Column Clamps (1961) Ltd. (Demanderesse) Intimée.

1975: le 18 juin; 1976: le 1er avril.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

Cour suprême du Canada

Banque Royale du Canada c. Concrete Column Clamps (1961) Ltd., [1977] 2 R.C.S. 456

Date: 1976-04-01

La Banque Royale du Canada (Défenderesse) Appelante;

et

Concrete Column Clamps (1961) Ltd. (Demanderesse) Intimée.

1975: le 18 juin; 1976: le 1er avril.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC


Synthèse
Référence neutre : [1977] 2 R.C.S. 456 ?
Date de la décision : 01/04/1976
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être rejeté

Analyses

Lettres de change - Faux endossement - Chèques faits à des anciens employés - «Personne fictive» - Responsabilité de la banque - Loi sur les lettres de change, S.R.C. 1970, c. B-5, art. 21(5), 49.

L’employé de l’intimée, un certain Gingras, chargé de la paie des ouvriers a, pendant plus d’un an, préparé environ 1,000 chèques faits payables à des personnes qui n’y avaient aucun droit. Il les a fait signer par un préposé autorisé de l’intimée, soit un employé de bureau qui ne connaissait pas personnellement les employés. Gingras s’est emparé de ces chèques et en a touché le montant sur des endossements faux. De la somme totale de $94,206.14, $26,736.01 provenaient de chèques faits à l’ordre de personnes dont l’identité n’a jamais été établie et $67,470.13 de chèques payables à l’ordre d’anciens employés. Le juge de première instance a considéré les chèques de la première catégorie comme faits à des personnes fictives, soit payables au porteur suivant le par. 3 de la Loi sur les lettres de change, et jugé que la banque n’en était donc pas responsable. La Cour supérieure, dont le jugement a été unanimement confirmée par la Cour d’appel du Québec, a toutefois décidé que l’appelante était responsable pour la somme de $67,470.13, même si les preneurs n’avaient pas droit aux montants inscrits sur les chèques. D’où le pourvoi devant cette Cour.

Arrêt (le juge en chef Laskin et les juges Dickson et Spence étant dissidents): Le pourvoi doit être rejeté.

Les juges Martland, Judson, Ritchie, Pigeon, Beetz et de Grandpré: Les tribunaux d’instance inférieure ont appliqué la règle énoncée par Falconbridge, Banking and Bills of Exchange, savoir que même si le tireur est amené à rédiger une lettre de change par des manœuvres frauduleuses d’une autre personne, le preneur ne sera pas considéré comme une personne fictive dans la mesure où son nom est celui d’une personne existante. Toute la jurisprudence canadienne récente est d’ailleurs

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en ce sens et il n’y a rien qui justifierait cette Cour d’aller à l’encontre. Il n’y a aucun motif d’établir une distinction parce qu’en l’espèce la personne autorisée à signer les chèques apposait sa signature mécaniquement sans connaître personnellement aucun des preneurs. Au contraire, à l’ère des chèques faits par ordinateur, il semble encore plus désirable de ne pas faciliter l’entreprise des fraudeurs. Cette Cour ne saurait être justifiée non plus de changer l’interprétation de notre Loi sur les lettres de change parce que d’autres législations ont affranchi les banques de leur responsabilité en des cas semblables.

Le juge en chef Laskin et le juge Dickson, dissidents: Il est plus équitable que l’employeur, le tireur, plutôt que la banque tirée supporte la perte à moins que la banque n’ait été négligente ou ne puisse, pour d’autres motifs, invoquer le par. (5) de l’art. 21 de la Loi sur les lettres de change. En l’espèce, la banque n’a commis aucune négligence. La preuve démontre que les chèques présentés au préposé autorisé à les signer ont été signés en paquet sans vérification, et l’assertion du juge de première instance que certains preneurs étaient connus du tireur à titre d’anciens employés à qui les paiements étaient destinés ne peut être considérée que comme une conclusion tirée post facto d’un examen des chèques fait après la mise à jour des contrefaçons. Il n’y a aucune raison de faire une distinction entre les chèques payables à des personnes fictives ou des personnes qui ne sont pas d’anciens employés et des chèques payables à des personnes qui sont d’anciens employés du tireur, aucun de ces preneurs n’ayant droit aux montants des chèques.

Le juge Spence, dissident: Tous les chèques qui ont été présentés pour paiement à la banque avaient été émis par l’intimée et signés par son préposé dûment autorisé. Il est impossible pour la banque de vérifier l’existence réelle d’un preneur désigné ou le fait que ce preneur est titulaire d’une créance. En revanche, il aurait été relativement facile à l’intimée, suivant un processus gestionnaire normal, de contrer les manœuvres frauduleuses de son employé par l’imposition de méthodes adéquates de contrôle et de vérification. Dans ces circonstances, la bonne administration de la justice exige que cette Cour en vienne à la conclusion que la perte doit être supportée par l’employeur et non par la banque qui a agi dans le cours ordinaire de ses affaires et à qui aucun reproche ne peut être adressé.

[Arrêts suivis: Harley v. Bank of Toronto, [1938] 2 D.L.R. 135; Banque de Montréal c. Barbeau, [1963] B.R. 753; Zurich Life Insurance Co. of Canada v. Royal Bank of Canada (1973), 36 D.L.R. (3d) 750; Vinden v. Hughes, [1905] 1 K.B. 795; North & South

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Wales Bank Ltd. v. Macbeth, [1908] A.C. 137; distinction faite avec l’arrêt Bank of England v. Vagliano Bros., [1891] A.C. 107.]

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Québec[1] qui a confirmé un jugement de la Cour supérieure condamnant l’appelante. Pourvoi accueilli, le juge en chef Laskin et les juges Spence et Dickson étant dissidents.

David P. O’Brien et Robert P. Charlton, pour l’appelante.

Graham Nesbitt, pour l’intimée.

Le jugement du juge en chef Laskin et du juge Dickson a été rendu par

LE JUGE EN CHEF (dissident) — Le présent pourvoi porte sur une question qui se présente pour la première fois devant cette Cour mais qui n’est certes pas nouvelle dans le droit des effets de commerce. Un commis chargé de préparer les chèques de paie des employés d’une compagnie s’est rendu coupable de fraude en insérant parmi les chèques présentés au préposé autorisé à les signer un certain nombre de chèques payables à des personnes à qui aucun salaire n’était dû, certaines d’entre elles étant d’anciens employés, d’autres fictives ou inconnues. Le commis malhonnête s’emparait de ces chèques, contrefaisait les endossements et obtenait paiement de la banque de la compagnie qui débitait le compte de cette dernière en conséquence. Est-ce la compagnie ou la banque qui doit supporter la perte?

En l’espèce, plus de 1,000 de ces chèques ont été tirés, signés, endossés et encaissés au cours d’une période d’un an et demi avant que la fraude ne soit découverte. Aucun des chèques ne dépassait $90 mais le montant total de la fraude s’est élevé à $94,206.14. Une enquête ultérieure menée par la compagnie intimée a démontré que, de cette somme, $67,470.13 avaient été obtenus au moyen de chèques payables à l’ordre d’anciens employés et $26,736.01 au moyen de chèques payables à l’ordre de preneurs qui n’y avaient pas droit. Bien que les antécédents du commis malhonnête fissent état de malhonnêtetés commises chez un autre

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employeur, la compagnie intimée ignorait ce fait, ayant obtenu une réponse satisfaisante lors d’une vérification des références de cet employé. Un avis des endossements contrefaits a été donné à la banque appelante moins d’un an après leur découverte.

Deux dispositions de la Loi sur les lettres de change, maintenant S.R.C. 1970, c. B-5, influent sur le sort du présent pourvoi. Les voici:

21…

(5) Lorsque le preneur est une personne fictive ou qui n’existe pas, la lettre de change peut être considérée comme payable au porteur.

49. (1) Sous réserve de la présente loi, lorsqu’une signature sur une lettre de change est contrefaite ou y est apposée sans l’autorisation de la personne dont elle paraît être la signature, la signature contrefaite ou non autorisée n’a aucun effet, et aucun droit de garder la lettre, d’en donner libération ou d’en exiger le paiement de qui que ce soit qui y est devenu partie, ne peut être acquis à cause ou en vertu de cette signature, sauf si celui de qui l’on veut détenir la lettre ou en exiger le paiement n’est pas admis à établir le faux ou l’absence d’autorisation.

(2) Rien dans le présent article ne porte atteinte à la ratification d’une signature non autorisée qui ne constitue pas un faux.

(3) Si un chèque payable à ordre est payé par le tiré sur un faux endossement à même les fonds du tireur ou est ainsi payé et porté à son compte, le tireur n’a, contre le tiré, aucun droit d’action en recouvrement de la somme ainsi payée ni aucune défense à une demande faite par le tiré de la somme ainsi payée, suivant le cas, à moins qu’il n’ait notifié par écrit le faux au tiré dans le cours d’une année à compter du jour où il a eu connaissance de ce faux.

(4) A défaut par le tireur de donner la notification dans ledit délai, le chèque est censé avoir été régulièrement payé à l’égard de toute autre personne qui, y étant partie ou y étant nommée, n’a pas auparavant intenté des procédures pour la protection de ses droits.

Le juge de première instance, le juge Collins, a tiré de la jurisprudence les conclusions suivantes:

(TRADUCTION] Selon ces précédents, il semble que l’intention du tireur de la lettre de change est un facteur déterminant lorsqu’il s’agit de décider si le preneur est une personne fictive ou non. Le par. (5) de l’art. 21 est important car son application supprime en droit mais non en fait l’obligation pour le preneur de cette lettre,

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chèque ou billet de l’endosser. Un tel endossement est réellement superflu et tout détenteur contre valeur ou régulier qui est porteur de la lettre de change peut la négocier, et la personne à qui cette lettre est négociée acquiert les mêmes droits qu’avait le cédant qui Ta acquise de bonne foi contre valeur.

Après mûre réflexion, la Cour conclut que dans la mesure où les preneurs des chèques en question étaient des personnes connues de la demanderesse au titre d’anciens employés et à qui cette dernière destinait ces chèques lorsqu’elle les a ainsi signés, ces preneurs ne sont pas des personnes fictives. Ils sont des personnes existantes et la demanderesse voulait que ces personnes soient ainsi payées. La défenderesse n’avait pas le droit de porter ces chèques au débit du compte de la compagnie demanderesse.

Concernant les preneurs des chèques qui n’étaient pas d’anciens employés de la demanderesse et qui étaient inconnus de celle-ci et qui n’existaient sans doute que dans l’imagination de Gingras ou dont les noms avaient peut-être été trouvés par ce dernier dans l’annuaire téléphonique ou empruntés à des personnes qu’il connaissait déjà, le fait est que ces preneurs sont des personnes qui n’existent pas pour autant que la demanderesse, le tireur en l’espèce, est concernée. Il est clair selon la jurisprudence citée précédemment que ces chèques sont devenus payables au porteur. La défenderesse a donc le droit de porter ces chèques au débit du compte de la compagnie demanderesse.

Finalement, il a tranché en faveur de la demanderesse intimée, accordant à celle-ci la somme de $67,470.13, avec intérêts et dépens. Il a rejeté les deux prétentions de la banque appelante; la première, que l’intention du commis malhonnête doit être imputée à son employeur, et puisque selon les desseins du commis les preneurs des chèques contrefaits ne devaient pas obtenir paiement, ces chèques doivent être considérés comme payables à des personnes fictives; et la seconde, que la compagnie a été négligente en embauchant le commis malhonnête.

Le jugement de première instance a été unanimement confirmé par la Cour d’appel du Québec qui a décidé qu’au regard des chèques payables à l’ordre d’anciens employés, ces derniers étant des personnes existantes et identifiables, la banque doit encourir la responsabilité, en vertu du par. (1) de l’art. 49, d’avoir payé ces chèques sur de faux

[Page 461]

endossements. Aucun appel incident n’a été interjeté au regard des autres chèques que la banque appelante avait portés au débit de la compagnie intimée; aucune question n’a également été soulevée à cet égard devant cette Cour.

Le gonflage des feuilles de paie, dont la présente cause est un bel exemple, se présente sous diverses formes. Parfois, c’est le préposé autorisé à signer les chèques qui glisse les faux chèques parmi les autres, les ayant faits payables à ordre pour ensuite en prendre livraison afin de les encaisser sur de faux endossements. Parfois le préposé autorisé à signer les chèques agit de connivence avec le commis chargé de les préparer: ce dernier rédige les chèques, son complice y appose sa signature et ils les encaissent ensuite sur de faux endossements. Ou parfois, comme en l’espèce, c’est le commis chargé de préparer les chèques qui agit seul en dupant le préposé autorisé à les signer et en exécutant la fraude à son seul avantage. Par contraste avec ce type de fraude, il y a le cas où un chèque, régulièrement fait à l’ordre d’un preneur qui y a droit et régulièrement signé, est soustrait par l’employé malhonnête ou volé par un tiers qui l’encaisse sur un faux endossement. Dans un tel cas, il n’y a aucun doute que, selon le droit canadien, le tiré doit supporter la perte.

Ce dernier type de cas n’a rien à voir avec le par. (5) de l’art. 21, mais n’est visé que par l’art. 49. Dans les cas où ces deux dispositions doivent être prises en considération, la jurisprudence canadienne, fondée comme elle était sur le droit anglais à l’époque où nos tribunaux étaient liés par les arrêts de la Chambre des lords, semble établir une distinction entre des preneurs inexistants, considérant ceci comme une question de fait à trancher objectivement, et des preneurs fictifs, considérant ceci sous deux angles différents, le premier visant des preneurs qui sont, en toute objectivité, des personnes imaginaires, et le second visant des preneurs qui sont des personnes existantes mais à qui le tireur n’a aucune intention d’accorder un droit à l’effet de commerce.

Cette interprétation du par. (3) de l’art. 7 du Bills of Exchange Act anglais, le pendant du par. (5) de l’art. 21 de la loi canadienne, représente une modification importante du principe de common

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law selon lequel le caractère fictif ou l’inexistence du preneur devait être considéré subjectivement suivant la connaissance qu’en avait le tireur. Bien que le premier arrêt de la jurisprudence anglaise sur cette question, Bank of England v. Vagliano Bros.[2], ait été considéré comme ayant exigé l’application d’un critère objectif (voir, par exemple, Falconbridge, Banking and Bills of Exchange (7e éd., 1969), à la p. 481; Abel, «The Imposter Payee» [1940] Wisc. L. Rev. 161, à la p. 165n), les causes subséquentes ont démontré que cela n’était pas invariable puisque l’on a tenu compte de la connaissance et de l’intention du tireur.

A vrai dire, l’arrêt Vagliano ne porte pas clairement sur un point précis et les faits qui s’y rapportent sont plutôt inhabituels. Il y a eu une fraude commise au moyen d’une lettre de change forgée par le commis du tiré qui a contrefait la signature du tireur, a obtenu frauduleusement la signature du tiré et l’a encaissée sur un faux endossement. En décidant que la banque du tiré pouvait légitimement porter le montant de la lettre au débit du compte du tiré (infirmant ainsi les décisions des cours d’instance inférieure), la Chambre des lords a considéré la lettre comme payable à une personne fictive donc comme payable au porteur même lorsque présentée à l’encaissement par le commis malhonnête. Cette décision a été prise sur la base que le tireur n’avait aucune intention d’accorder au preneur un droit ou un intérêt quelconque dans la lettre de change et que l’ignorance par le tiré du fait que le preneur était en ce sens une personne «fictive» ne modifiait en rien la situation.

Je dois l’avouer, j’ai beaucoup de difficultés à comprendre comment, dans l’arrêt Vagliano, on en est venu à conclure qu’il y avait lieu d’appliquer la règle du preneur fictif. Examinant l’opération dans l’ensemble il me paraît que la fin de non-recevoir opposable au tiré par suite de son acceptation de la lettre a été la considération décisive. C’est ce qui se dégage des motifs de lord Halsbury, mais dans les décisions ultérieures on s’est plutôt appuyé sur une remarque de lord Herschell (à la p. 153) à l’effet que [TRADUCTION] «quand le nom du preneur est inscrit uniquement dans le but de fausser les apparences, sans aucune intention que ce pre-

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neur reçoive paiement de la lettre, le preneur est considéré comme une personne fictive au sens de la Loi, peu importe que le nom soit celui d’une personne existante ou inexistante, et la lettre peut, dans tous les cas, être considérée par un détenteur légitime comme payable au porteur». Cette formulation me semble exiger que l’intention d’une certaine personne soit prise en considération, probablement l’intention du tireur d’un chèque ou du tiré d’une lettre de change. Dans l’affaire Vagliano, le tiré (bien que frauduleusement amené à ce faire) voulait que le preneur désigné reçoive paiement de la lettre et le tiré connaissait personnellement le preneur, pourtant ce dernier a été considéré par la Chambre des lords comme une personne fictive. Une décision contraire a été rendue dans Vinden v. Hughes[3], sur laquelle s’est fortement appuyée l’intimée en l’espèce pour étayer la décision de la Cour d’appel du Québec, et sur laquelle la banque appelante s’est également appuyée en raison des motifs exposés.

Quant aux faits, Vinden v. Hughes est en tout point semblable à la présente affaire sauf une toute petite différence; les preneurs y étaient d’anciens clients de la compagnie fraudée alors qu’en l’espèce les preneurs sont d’anciens employés. En ce qui concerne les préposés autorisés à signer, leur intention était la même dans cette affaire-là et en l’espèce, c’est-à-dire émettre des chèques à des personnes que l’on croyait être des créanciers existants. Dans Vinden v. Hughes, le juge Warrington a établi une distinction avec l’affaire Vagliano en se basant sur le fait que [TRADUCTION] «puisqu’en réalité il n’y avait aucun tireur, l’usage d’un nom comme preneur était de la simple fiction, bien que le preneur existât réellement» (à la p. 801). Selon le juge Warrington, la situation était différente car il s’agissait [TRADUCTION] «d’une affaire où le tireur de la lettre de change voulait l’émettre au nom d’un preneur déterminé, ce preneur n’étant pas une personne inexistante» (également à la p. 801). La banque appelante prétend qu’en conséquence des décisions rendues dans Vinden v. Hughes et dans des causes subséquentes, telles que North and South Wales Bank Ltd. v. Macbeth[4], il

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importe de considérer la connaissance des faits par le tireur autant que son intention, et elle invoque le passage suivant tiré de Halsbury’s Laws of England (4e éd., vol. 4, 1973), à la p. 144, comme exposé du droit actuel:

[TRADUCTION] Mais lorsqu’un effet de commerce est fait payable à une personne connue du tireur comme une personne existante et dont il veut faire le preneur, cette personne ne peut être considérée comme fictive, même si la signature du tireur a été obtenue frauduleusement.

La remarque formulée par lord Herschell dans l’affaire Vagliano ainsi que l’adoption et l’application de cette remarque dans Vinden v. Hughes sont tout au moins des indices d’un retour partiel à un critère subjectif pour déterminer si une lettre de change ou un chèque tombe sous le coup du par. (5) de l’art. 21. Cependant, ce retour n’est que partiel car lorsque le preneur est vraiment inexistant, la jurisprudence anglaise considère le chèque comme payable au porteur bien que le tireur l’ait cru fait à l’ordre d’une personne existante et ait eu l’intention de lui faire un paiement. Dans Clutton v. Attenborough[5], un commis malhonnête a amené ses employeurs, les appelants, à faire des chèques payables à l’ordre d’un certain George Brett. En fait, cette personne n’existait pas, mais le commis a endossé les chèques à ce nom et les a négociés à l’intimée qui, de bonne foi, en a payé la valeur. Ayant encaissé ces chèques à la banque des appelants, l’intimée a réussi à faire rejeter l’action en recouvrement intentée par les appelants en invoquant en défense le pendant anglais de notre par. (5) de l’art. 21.

Je remarque ici qu’au Royaume-Uni, à la différence du Canada, une banque tirée qui, de bonne foi, paie un chèque sur un faux endossement est protégée par l’art. 60 du Bills of Exchange Act qui n’a aucun pendant au Canada où, à vrai dire, le contraire est prévu à l’art. 49. Ainsi, par exemple, dans Vinden v. Hughes, la poursuite accueillie par les tribunaux n’a pas été intentée contre la banque du tireur mais bien contre la personne à qui les chèques avaient été négociés contre valeur par le commis malhonnête et les avait ensuite encaissés à la banque du tireur. De même dans North and South Wales Bank Ltd. v. Macbeth, (précité), le

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recouvrement par le tireur demandeur fraudé s’est fait au détriment de la banque de la personne qui avait frauduleusement obtenu un chèque payable à l’ordre d’un tiers et l’avait ensuite encaissé à sa banque sur un faux endossement. La cause Clutton v. Attenborough est un autre exemple de l’effet de l’art. 60 de la loi du Royaume-Uni.

Dans des cas de gonflage de feuilles de paie, si l’intention du tireur doit primer lorsqu’il s’agit de décider si le preneur a droit au chèque et, conséquemment, si celui-ci sera ou ne sera pas considéré payable au porteur, je ne vois, en principe, aucune raison de protéger la banque tirée lorsque le preneur est en fait inexistant et de la tenir néanmoins responsable d’avoir payé sur un faux endossement lorsque le preneur désigné est en fait une personne existante. Sous réserve de la pertinence de la connaissance des faits par le tireur (ou son préposé autorisé à signer) à l’époque où le chèque est émis, soit à l’époque de la perpétration de la fraude, la découverte du caractère réel ou fictif du preneur se fait post facto. Ordinairement le tireur, qui a été amené par fraude à émettre ce chèque, désire que le preneur qui y est désigné bénéficie de ce chèque. Bref, lorsque le preneur est une personne fictive ou inexistante, je ne vois aucune raison de traiter ces situations différemment au gré d’un fait objectif dont la découverte survient toujours post facto, si la question principale est de savoir, comme je crois qu’elle l’est, si le tireur ou le signataire autorisé du tireur désire (comme c’est généralement le cas) que les chèques (émis à la suite des manœuvres frauduleuses du commis malhonnête) prennent effet selon leur teneur. Compte tenu de l’art. 49 de la loi canadienne, la banque tirée aurait alors à supporter la perte.

La question importante qui découle des prétentions de l’appelante est de savoir s’il est nécessaire, après avoir établi la fraude, de démontrer, pour engager la responsabilité de la banque, que le tireur ou le signataire autorisé était au courant de l’existence du preneur. Naturellement, la banque ne pourra être tenue responsable s’il est démontré que le tireur ou le préposé autorisé à signer était au courant de la fraude lorsqu’il a émis ou signé les chèques. Mais s’il n’était pas au courant et a émis les chèques aux preneurs désignés dans l’ac-

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complissement normal de sa tâche, est-ce que le fait qu’un acte frauduleux a été commis signifie que pour engager la responsabilité de la banque qui a payé les chèques sur de faux endossements, il faut démontrer que le tireur ou préposé autorisé à signer connaissait les preneurs? Si tel est le cas, on ne peut s’attendre à ce que le tireur ou le préposé autorisé à signer connaisse personnellement les preneurs car souvent, comme en l’espèce, il s’agit de centaines d’employés. Il serait sans doute possible d’exiger cependant, qu’il ait vérifié le nom des preneurs à l’aide des feuilles de paie, bien qu’il soit également possible de contrefaire ces feuilles.

La thèse de la banque appelante constitue un plaidoyer en faveur de l’adoption d’une politique selon laquelle l’employeur serait appelé à supporter le risque de perte provenant du présent type de fraude à titre de risque inhérent aux opérations commerciales, ce risque de perte étant ordinairement couvert par l’assurance détournements dont la prime fait partie des dépenses courantes d’une entreprise. La banque appelante prétend qu’en pesant les éléments de ce type de fraude, la balance devrait pencher en faveur de la protection de la banque en traitant les chèques émis par fraude comme payables au porteur, à moins qu’il ne soit démontré que le tireur ou le préposé autorisé à signer connaissait le preneur. La banque admet sa responsabilité pour un chèque à ordre qui a été volé et qu’elle a payé sur un faux endossement; elle soutient cependant qu’il n’est pas équitable de la rendre également responsable quand un employé déloyal provoque l’émission de chèques à des preneurs, fictifs ou non, que le préposé autorisé à signer ne connaît pas et qui, selon les desseins de l’employé malhonnête, n’y ont aucun droit. En fait, la banque prétend qu’il ne devrait y avoir aucune différence entre le cas où le préposé autorisé à signer émet lui-même les chèques «fictifs» et le cas où les chèques sont faits en grand nombre par un employé qui les présente pour signature à un autre employé qui ne connaît pas l’identité des preneurs: voir Comment, «The Fictitious Payee and the UCC — The Demise of a Ghost» (1951), 18 U. of Chi. L. Rev. 281.

J’examine maintenant la jurisprudence canadienne sur le sujet à l’étude et son évolution avant

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et après l’arrêt Vagliano. Agricultural Savings and Loan Association v. Federal Bank[6] est un bon point de départ. L’arrêt a été rendu avant la promulgation de l’Acte des lettres de change, 1890 (Can.), c. 33, mais après la promulgation, au Royaume-Uni, du précurseur de l’art. 60 du Bills of Exchange Act de ce pays. Il s’agissait d’une fraude commise aux dépens de la compagnie demanderesse par un certain S qui avait formulé une demande de prêt au nom de J.T.B. et I.B., offrant en garantie un acte hypothécaire contrefait portant sur un terrain que possédaient ces deux personnes. S avait obtenu le prêt sous forme de chèques qu’il a encaissés sur de faux endossements en contrefaisant la signature des preneurs suivie de sa propre signature. La décision rendue en faveur de la demanderesse fut contestée principalement par l’allégation de négligence de la part de la demanderesse et de son représentant qui avait aidé à préparer la demande de prêt, mais n’était pas lui-même partie à la fraude. Dans l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, qui a confirmé le jugement de première instance et rejeté l’allégation de négligence, le juge Osier a examiné la prétention que les chèques devaient être considérés comme payables au porteur parce que payables à l’ordre d’une personne fictive. Il a disposé de cette question en ces termes (à la p. 201):

[TRADUCTION] Il en serait ainsi si la demanderesse avait eu l’intention d’utiliser le nom d’un preneur fictif. Mais bien au contraire, les preneurs étaient des personnes existantes avec qui la demanderesse croyait négocier et sur l’endossement de qui elle s’est fiée avant que les chèques ne soient payés.

Il y avait là essentiellement une fraude commise aux dépens d’une compagnie de prêt par un tiers qui avait utilisé les noms de propriétaires fonciers dûment enregistrés, et, par contrefaçon, s’était emparé du produit du prêt qui avait été consenti par chèques faits à l’ordre des propriétaires fonciers. Il s’agissait donc de ce genre de cas où, en l’absence des dispositions protectrices de l’art. 60 de la loi du Royaume-Uni, la banque tirée doit être tenue responsable d’avoir payé les chèques sur de faux endossements. De plus, cette décision est compatible avec la remarque formulée plus tard

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par lord Herschell dans l’affaire Vagliano car le tireur n’avait pas utilisé les noms des preneurs dans un but frauduleux mais plutôt dans le but de voir ces preneurs toucher le paiement qu’il leur destinait.

London Life Insurance Co. v. Moisons Bank[7] est un autre arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario rendu juste avant Vinden v. Hughes. Prétendant suivre l’arrêt Vagliano, elle en est arrivée à une conclusion contraire à Vinden v. Hughes. Elle a décidé que des chèques obtenus par un agent d’assurances malhonnête pour payer certaines réclamations étaient, dans les circonstances, payables à l’ordre d’une personne fictive ou inexistante, et que, par conséquent la banque tirée, qui avait payé de bonne foi mais sur de faux endossements, avait le droit de porter au débit du compte de l’assureur le montant de ces chèques. L’agent malhonnête avait transmis des demandes d’assurance fictives, payé les primes, déclaré plus tard le décès des assurés fictifs, expédié des réclamations au siège social et obtenu des chèques faits à l’ordre des réclamants. Après avoir dit que l’assureur destinait les chèques aux preneurs qui y étaient désignés, le juge Maclennan, s’exprimant au nom de la majorité de la cour, a conclu que les transactions étaient entièrement fictives comme dans Vagliano, bien que les noms utilisés par l’agent d’assurances déloyal fussent ceux de personnes existantes. Partageant cet avis, le juge Maclaren a tenu à souligner que le droit avait été modifié par l’Acte des lettres de change [TRADUCTION] «qui n’exige pas que les parties sachent que le preneur est une personne fictive ou non-existante». C’est là l’énoncé du critère objectif que l’on dit avoir été formulé dans l’arrêt Vagliano, mais il ne cadre pas mieux que dans Vagliano avec le résultat final.

Metropolitan Life Insurance Company c. Quebec Bank[8] ressemble beaucoup à l’affaire Molsons Bank. Dans cette cause-là, un employé de la compagnie d’assurances contrefaisait des réclamations et lorsque les chèques aux bénéficiaires étaient émis, il en prenait possession et les encais-

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sait sur de faux endossements. La Cour supérieure du Québec, appliquant l’arrêt Vagliano, décida que les chèques devaient être considérés comme payables au porteur bien que les noms des preneurs fussent ceux de personnes existantes. La Cour s’est également appuyée sur un point soulevé dans Molsons Bank, savoir que les preneurs désignés, n’ayant donné aucune considération, ne pouvaient honnêtement encaisser les chèques. Le point avait été mis de l’avant avec plus de conviction dans Molsons Bank et, dans la présente cause la banque prétend qu’il en est de même, que les preneurs ne pouvaient honnêtement et sans fraude endosser les chèques de paie. Elle soutient également qu’il n’a pas été démontré que le préposé autorisé à signer les chèques connaissait les preneurs. Naturellement, lorsqu’une fraude du genre est commise, un preneur ne peut jamais endosser honnêtement un chèque fait à son ordre. Partant de cela, l’avocat de la banque allègue que même si la signature du préposé autorisé à signer est obtenue frauduleusement, c’est uniquement dans le cas où ce préposé connaît le preneur et désire qu’il le soit, que la banque tirée est responsable si elle paye sur un faux endossement.

Si l’arrêt Molsons Bank est considéré comme le Vagliano ontarien, les décisions ultérieures en Ontario et ailleurs au pays se sont surtout fondées sur Vinden v. Hughes. Dans Harley v. Bank of Toronto[9], un employé des courtiers demandeurs fit croire à ses employeurs qu’il lui était possible d’avoir des relations d’affaires avec un négociant en grains bien connu et il négocia effectivement certaines transactions fructueuses, prétendûment pour le compte de ce négociant. Des chèques furent donc faits à l’ordre du négociant. L’employé, contrefit la signature de ce dernier et encaissa les chèques en les endossant. La Cour d’appel de l’Ontario confirma la distinction établie par le juge du procès entre cette cause-là et les affaires Vagliano et Molsons Bank (cette dernière en disant que les bénéficiaires des polices étaient inconnus du tireur). Elle opina également que ni l’arrêt Vagliano, ni l’arrêt Molsons Bank n’étaient applicables. Elle se fonda plutôt sur Vinden v.

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Hughes et adopta comme principe déterminant les propos tenus par lord Loreburn dans North and South Wales Bank Ltd. v. Macbeth, précitée, en approuvant la phrase suivante du juge Bray en première instance, [TRADUCTION] «quand il y a un vrai tireur qui a désigné une personne existante comme preneur et désire que cette personne soit le preneur, on ne peut pas dire que ce preneur est une personne fictive».

La Cour d’appel de l’Ontario semble avoir ainsi adopté un critère strictement objectif post facto quant à l’existence du preneur, mais le juge de première instance dans l’affaire Harley, le juge Macdonell de la Cour de comté, s’est beaucoup plus préoccupé de la question de la connaissance de l’existence du preneur. Pour établir une distinction avec l’affaire Molsons Bank où l’on avait dit que les preneurs étaient inconnus du tireur, il a affirmé qu’en l’espèce le tireur connaissait le négociant en grains, non pas personnellement (pas plus qu’il ne connaissait le Président des États-Unis) mais plutôt de réputation car tous les courtiers savaient qu’il était un négociant en grains très actif (un peu comme le Président que tous connaissent de réputation). La question ainsi soulevée par les motifs du juge de première instance et par ceux de la Cour d’appel doit être examinée à la lumière du fait que dans l’affaire Macbeth, sur laquelle on s’est fondé dans l’affaire Harley, le preneur désigné était connu du tireur (présumément au même sens que dans Harley), bien que le tireur ne l’eût jamais vu, cependant il désirait vraiment, bien que par suite de manœuvres frauduleuses, que ce preneur bénéficiât du chèque: voir les propos du lord juge Buckley à [1908] 1 K.B. 13, à la p. 22, et de lord Robertson à [1908] A.C. 137, à la p. 140.

Dans les faits, Harley v. Bank of Toronto est un cas où la banque a été tenue responsable parce que le preneur, loin d’être fictif ou inexistant, était une personne connue du tireur qui désirait que ledit preneur reçoive le montant du chèque. Si la question de l’existence du preneur désigné doit être tranchée post facto, sans tenir compte de la connaissance du tireur à l’époque de l’émission des chèques, l’intention du tireur quant au paiement ne devrait-elle pas également être déterminée post facto! Si tel était le cas, il n’y a aucun doute que le

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tireur n’aurait certes pas eu l’intention de payer une personne qui n’a pas droit à ce paiement.

La Cour d’appel du Québec a prétendu appliquer l’arrêt Harley dans l’affaire Banque de Montréal c. Barbeau[10], une cause où les faits diffèrent beaucoup de ceux de l’affaire Harley. Un agent malhonnête se fit remettre par Barbeau un chèque à titre de dépôt sur le prix d’achat d’un petit immeuble qui, selon la fausse déclaration de l’agent, était la propriété d’un nommé Léo Maher. L’agent rapporta à Barbeau une acceptation de son offre d’achat, signée du nom de Léo Maher. Ensuite, l’agent se rendit à la banque tirée en compagnie d’un nommé Léo Maheu pour y faire viser le chèque. Puis il se rendit à la Banque de Montréal, l’appelante, où il encaissa le chèque après l’avoir endossé au nom de Léo Maher. Lorsqu’on lui demanda qui était Léo Maher, il a désigné Maheu qui se tenait à distance, et le chèque fut ainsi payé à l’agent malhonnête après qu’un membre de sa famille, qui travaillait à la banque, se fût porté garant pour lui.

Je ne vois pas quel rapport l’arrêt Harley peut avoir avec l’affaire Barbeau où il était clair que sauf son nom, le preneur était inconnu du tireur. Dans l’affaire Barbeau, comme dans l’arrêt de la Cour d’appel en l’espèce, on s’est appuyé sur le sommaire de la jurisprudence sur les preneurs fictifs ou inexistants que l’on trouve dans Falconbridge, Banking and Bills of Exchange (je renvoie à la dernière édition, soit la 7e en date de 1969), aux pp. 485 et 486:

[TRADUCTION] Dans le cas d’une lettre de change dont le tireur est Adam Bede, le tiré John Alden et le preneur Martin Chuzzlewit, ce dernier est fictif ou inexistant ou ne l’est pas selon les circonstances:

(1) Si Martin Chuzzlewit n’est pas le nom d’une personne existante que Bede connaît, mais seulement le fruit de l’imagination de ce dernier, le preneur est inexistant et, vraisemblablement aussi, fictif.

(2) Si Bede, pour ses fins propres, inscrit comme preneur le nom de Martin Chuzzlewit, une personne ayant déjà existé, qu’il connaissait et sait être décédée, le preneur est inexistant mais il n’est pas fictif.

(3) Si Martin Chuzzlewit est le nom d’une personne existante que Bede connaît, mais qu’il inscrit comme

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preneur dans un but frauduleux n’ayant pas l’intention d’avantager monétairement ce preneur, le preneur est une personne fictive mais non inexistante.

(4) Si Martin Chuzzlewit est le nom d’une personne existante à qui Bede destine le paiement, le preneur n’est ni fictif, ni inexistant, quoique Bede ait été amené à rédiger la lettre de change par des manœuvres frauduleuses d’une autre personne qui a fait croire à Bede qu’il y a une transaction au regard de laquelle Chuzzlewit a droit au montant spécifié dans la lettre de change.

C’est la quatrième proposition qui vise les cas de gonflage des feuilles de paie. Bien que les deux premières tiennent compte de la connaissance et la troisième, de la connaissance et de l’intention, il est assez curieux, à mon avis, que la connaissance soit absente de la quatrième. La connaissance, pour autant qu’elle signifie le fait d’être au courant de l’existence du preneur et de son identité, était démontrée dans l’affaire Vagliano et dans l’affaire Macbeth. Dans ces causes-là, il n’y avait qu’un seul preneur et, bien que dans Vinden v. Hughes il y ait eu vingt-sept chèques payables à l’ordre de divers clients créanciers du tireur, il semble que dans les faits (selon les allégations de l’avocat du tireur) tous ces preneurs étaient des clients bien connus du tireur. Il me semble que la quatrième proposition de Falconbridge, précité, présume la connaissance de l’existence du preneur, bien que cela ne soit pas explicité.

L’arrêt Harley v. Bank of Toronto a été suivi par la Cour d’appel de l’Ontario dans Bank of Toronto v. Smith[11], un des rares cas dans notre jurisprudence où il est question de l’obtention frauduleuse d’un chèque par un imposteur qui l’a ensuite encaissé sur un faux endossement. La question de savoir si le chèque était payable à une personne fictive ou inexistante au sens du par. (5) de l’art. 21 de la Loi sur les lettres de change a été tranchée en appliquant les principes énoncés dans Vinden v. Hughes et dans Macbeth. On a jugé que l’effet de commerce n’était pas payable à une personne fictive ou inexistante parce que le tireur destinait le montant du chèque au preneur dont le nom y était inscrit (bien que le nom du preneur ait été utilisé dans un but de fraude).

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Il convient de mentionner ici trois causes relativement récentes entendues par des tribunaux canadiens, une par la Cour suprême de la Colombie-Britannique, les deux autres par des tribunaux du Québec (la Cour supérieure et la Cour d’appel respectivement). Zurich Life Insurance Co. of Canada v. Royal Bank of Canada[12] traite du cas d’un employé d’un assureur qui a frauduleusement formulé, au nom d’un assuré, une demande de retrait d’une partie d’une somme d’argent déposée pour défrayer des primes à venir. L’employé malhonnête a soustrait et encaissé sur un faux endossement, au nom du preneur et le sien, le chèque émis par l’assureur en conformité de la demande de retrait. Il était inscrit sur le chèque que l’endossement personnel du preneur était nécessaire, et la décision rendue contre la banque se fonde, entre autres, sur le fait que cette dernière a négligé de vérifier L’endossement du preneur ainsi que l’autorisation que détenait l’employé malhonnête au regard des transactions bancaires de l’assureur. Cependant, la Cour s’est aussi appuyée sur Harley v. Bank of Toronto en ce qu’elle a décidé que le chèque ne pouvait pas être considéré comme payable au porteur, contrairement aux prétentions de la banque, parce que le tireur destinait le montant du chèque au preneur désigné.

Les deux causes en provenance du Québec traitent de questions qui n’avaient jamais été examinées auparavant en jurisprudence anglaise ou canadienne, soit la responsabilité patronale et le fardeau de la preuve. La plus récente, Banque Royale du Canada c. Manufacturers Life Insurance Co. et Ménard[13], traite d’une fraude commise par un agent d’un assureur aux dépens d’un nommé Ménard qui avait remis à l’agent une forte somme en espèces et en obligations dans le but d’obtenir des polices d’assurance mixte pour ses enfants. Les premiers versements devaient avoir lieu dans vingt ans. Sur l’avis de son agent, l’assureur commença immédiatement à émettre des chèques aux enfants. Ces chèques étaient remis à l’agent qui les encaissait sur de faux endossements. Rejetant la prétention de la banque à l’effet que les chèques devraient être considérés comme payables au porteur, la Cour a refusé d’assimiler l’in-

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tention de l’agent à celle de son employeur, bien que l’employeur eût agi sur l’avis de cet agent, et elle s’est contentée de déclarer que la cause était régie par Vinden v. Hughes où, pour autant que le révèlent les motifs de jugement, la question du mandat n’a pas été examinée.

La seconde cause en provenance du Québec est Bromont Inc. c. Banque Canadienne Nationale[14], un jugement du juge Nolan. Ce jugement comporte deux aspects importants. En premier lieu, il statue que la banque tirée est protégée lorsqu’une fraude du présent type est commise par un cosignataire autorisé à signer les chèques d’une compagnie et la seconde signature requise est une simple formalité accomplie sur demande de ce dernier. Il est clair que dans certaines causes, le cosignataire malhonnête n’avait aucunement l’intention d’avantager monétairement les preneurs inscrits même si ces derniers étaient des personnes existantes. En second lieu, ce jugement est important en raison de l’énoncé suivant sur le fardeau de la preuve (à la p. 970):

[TRADUCTION] De toute façon la Cour est d’avis que lorsque le tireur d’un chèque payable à ordre cherche à recouvrer du tiré le montant que ce dernier a payé sur un faux endossement à même les fonds du tireur, il incombe à ce tireur de prouver non seulement que le chèque était payable à une personne existante mais aussi qu’il destinait au preneur inscrit sur le chèque le montant de ce chèque…

Évidemment, dans les faits de l’affaire Bromont, on ne pouvait pas se décharger d’un tel fardeau.

L’opinion du juge Nolan sur le fardeau de la preuve est formulée en des termes qui débordent les faits qui se présentaient à lui. Puisqu’il est peu probable que le tireur de nombreux chèques de paie soit au courant de l’existence des preneurs qui y sont inscrits, sauf en vérifiant auprès de la personne chargée de préparer les feuilles de paie, l’obligation de prouver que les preneurs sont des personnes existantes à qui le tireur destine le montant des chèques peut signifier qu’on attribue au tireur la connaissance qu’a de l’identité des preneurs le commis malhonnête préposé aux feuilles de paie. Qu’advient-il de l’intention? Le tireur, s’il n’est partie à aucune fraude, aurait naturellement

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l’intention de payer le montant des chèques à des personnes existantes, mais telle ne serait pas l’intention du commis malhonnête. Est-ce que l’intention de ce dernier doit également être attribuée au tireur?

Aussi étrange que cela puisse paraître, la jurisprudence anglaise et canadienne sur le sujet à l’étude ne semble aucunement toucher la question du fardeau de la preuve ou du mandat sur la possibilité d’attribuer au tireur la connaissance et l’intention du commis malhonnête préposé aux feuilles de paie. Une série de décisions américaines traitant de ce genre de chèques contrefaits veut que le droit du mandat interdise une telle attribution: voir, par exemple, Shipman v. Bank of the State of New York[15]; United States Cold Storage Co. v. Central Manufacturing District Bank[16]. Aux États-Unis, le Uniform Negotiable Instruments Law promulgué en 1896, allait au-delà des dispositions du par. (3) de l’art. 7 du Bills of Exchange Act anglais et du par. (5) de l’art. 21 de la loi canadienne en ce qu’il décrétait qu’un effet de commerce est payable au porteur [TRADUCTION] «lorsqu’il est payable à l’ordre d’une personne fictive ou inexistante et que ce fait était connu de la personne qui l’a fait ainsi payable». Les problèmes soulevés par cette formulation ont été discutés dans le Comment, mentionné précédemment, que l’on retrouve à (1951), 18 U. of Chi. L. Rev. 281. Il suffit de dire ici que le Uniform Commercial Code, 1952, dont une des parties a remplacé le Uniform Negotiable Instruments Law, traite explicitement, à son article 3 — 405, des cas de gonflage de feuilles de paie:

[TRADUCTION] Article 3 — 405. Imposteurs; signature au nom du preneur.

(1) Un endossement apposé par une personne quelconque au nom d’un preneur désigné est valide si

(a) un imposteur, par voie du courrier ou autrement, a amené le tireur d’un effet de commerce à le lui délivrer, ou à le délivrer à son complice au nom du preneur; ou

(b) la personne qui signe comme tireur ou en son nom n’a pas l’intention d’accorder au preneur un droit dans l’effet de commerce; ou

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(c) un agent ou employé du tireur a fourni à ce dernier le nom du preneur avec l’intention que ce preneur n’ait aucun droit dans l’effet de commerce…

Il s’agit donc pour cette Cour de déterminer si le droit du mandat interdit l’attribution au tireur de la connaissance et de l’intention du mandataire ou employé fraudeur qui, pour son propre avantage, commet une fraude à l’égard de son mandant à l’occasion d’une transaction impliquant des tiers et, comme en l’espèce, des banques tirées susceptibles d’essuyer une perte en conséquence de la fraude. Pour autant que le droit régissant le mandat ait pu représenter un obstacle insurmontable aux États-Unis dans une telle situation, cet obstacle a été surmonté par les dispositions du Uniform Commercial Code citées précédemment. Je ne suis pas du tout convaincu qu’une disposition législative est également nécessaire ici. De plus, l’art. 10 de notre Loi sur les lettres de change autorise une solution fondée sur la common law. En voici le texte:

10. Les règles de la common law d’Angleterre, y compris le droit commercial, sauf dans la mesure où elles sont opposées aux dispositions formelles de la présente loi, s’appliquent aux lettres de change, aux billets à ordre et aux chèques.

Cependant, je ne pense pas que la solution proposée dans l’affaire Bromont soit la bonne. Il s’agissait là d’une affaire où le tireur était en réalité partie à la fraude. Dans un cas où le tireur ou signataire des chèques n’est pas partie à la fraude, il devrait suffire pour lui de prouver que la banque tirée a payé sur un faux endossement. Il incombera ensuite à la banque de prouver que l’effet de commerce était payable au porteur. Je dis cela parce qu’il me faut inéluctablement déduire du par. (1) de l’art. 49 que la banque qui a payé sur un faux endossement, a l’obligation d’établir, selon la prépondérance des probabilités, un motif valable pour échapper à la responsabilité qui autrement lui incombe. Je ne crois pas que l’on puisse faire ici exactement le même raisonnement qu’en Angleterre puisque, comme je l’ai déjà souligné, la banque tirée n’y est pas responsable si, de bonne foi, elle paie sur un faux endossement.

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Pour s’acquitter de son obligation la banque doit donc, soit directement ou par contre-interrogatoire, produire une preuve sur laquelle il sera possible de fonder la conclusion que le tireur était au courant de l’inexistence du preneur et le tireur n’avait pas l’intention de payer le montant du chèque au preneur qui y est inscrit: voir les propos de lord Loreburn dans l’affaire Macbeth, précitée, à la p. 139. Il se peut que le juge du procès puisse tirer cette conclusion quand la preuve démontre que le tireur ne connaissait pas personnellement le ou les preneurs désignés et il y a des éléments de preuve qui permettent de déduire que le tireur savait que les preneurs étaient inexistants et n’avait aucunement l’intention de leur payer le montant des chèques faits payables à leur ordre. Cela n’est guère probable dans la plupart des cas de gonflage de feuilles de paie où le tireur n’est aucunement partie à la fraude commise à ses dépens par le commis chargé de les préparer, surtout lorsque le fraudeur utilise les noms de personnes existantes. Dans de tels cas, la banque tirée ne peut se décharger de son obligation que par l’attribution au tireur de la connaissance et de l’intention de l’employé déloyal ou par une fin de non-recevoir opposable au tireur pour l’empêcher de nier avoir fait siennes la connaissance et l’intention de l’employé déloyal.

Sur ce point, je dois distinguer trois situations que la jurisprudence et l’ouvrage qui fait autorité en ce pays, Falconbridge, Banking and Bills of Exchange, précité, ont traité sur le même pied. Dans la quatrième proposition citée précédemment et extraite de Falconbridge, celui-ci parle des manœuvres frauduleuses «d’une autre personne», c’est-à-dire une personne autre que le tireur qui, dans l’exemple donné, a provoqué l’émission de la lettre de change. Cette personne peut être un tiers comme ce fut le cas dans l’affaire Agricultural Savings and Loan Association, dans l’affaire Macbeth, dans l’affaire Bank of Toronto v. Smith ainsi que dans l’affaire Barbeau; elle peut être un employé autorisé à émettre des effets de commerce négociables comme dans l’affaire Bromont ou, encore, elle peut être un employé qui n’est pas autorisé à émettre des effets de commerce négociables mais qui, d’autre part, est chargé de préparer les feuilles de paie qui seront présentées aux per-

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sonnes autorisées à émettre les chèques au nom du tireur. Je suis convaincu qu’en l’absence de complicité, le tiers qui provoque frauduleusement l’émission d’un chèque et s’empare du produit, ne lie pas le tireur de façon à protéger la banque tirée qui paye le chèque sur un faux endossement. D’un autre côté, je suis également convaincu que le tireur est lié lorsque c’est un signataire autorisé qui a commis la fraude. Il reste à examiner la troisième situation que l’on retrouve d’ailleurs en l’espèce.

Le droit du mandat s’est depuis longtemps écarté du concept restrictif du pouvoir, surtout en ce qui a trait à la responsabilité patronale en matière délictuelle (voir, par exemple, Limpus v. London General Omnibus Co.[17].) On a semblablement écarté les notions d’avantage ou de préjudice, de sorte qu’un employeur peut être tenu responsable envers une personne blessée par la négligence de son employé même si ce dernier, agissant dans le cadre de son emploi, a accompli sa tâche d’une façon expressément interdite par l’employeur: voir, par exemple, Lockhart c. Stinson et la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique[18]; et cf. Rose v. Plenty[19].

De plus, l’employeur peut avoir à répondre de la fraude commise par son employé envers un tiers, comme ce fut le cas dans Lloyd v. Grace, Smith & Co.[20], où le commis d’un avocat a escroqué deux immeubles à une cliente alors qu’il agissait dans le cadre de son emploi et se déclarait autorisé à négocier avec les clients de l’avocat. Cette décision-là ainsi que plusieurs autres sont fondées sur un vieux principe général énoncé en Angleterre il y a près de trois siècles dans Hern v. Nichols[21] et que lord Shaw of Dunfermline a reformulé de façon plus complète dans Lloyd v. Grace, Smith & Co., précité (aux pp. 739-740):

[TRADUCTION] SOUS un rapport, cette cause nous présente la situation assez fréquente où chacune des deux parties a été trahie ou lésée par les manœuvres frauduleuses d’un tiers. Je considère comme une doctrine connue, comme une bonne règle générale, facteur

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de sécurité plutôt que d’incertitude et de risque dans les relations commerciales, le principe que la perte causée par la faute du tiers en de telles circonstances doive être supportée par celle des deux parties qui a mandaté ce tiers et l’a investi du pouvoir dont il s’est servi pour commettre la fraude…

Cette Cour a également reconnu ce principe, comme en témoigne l’arrêt La Reine c. Levy Bros. Ltd.[22], à la p. 192 où le juge Ritchie a cité approbativement le passage suivant de Story on Agency (7e ed.) par. 452:

[TRADUCTION] …dans une poursuite civile, il (le mandant) est responsable envers les tiers des fraudes, des supercheries, des réticences, des fausses déclarations, des délits, des négligences, des méfaits ou omissions de son mandataire, dans l’exercice de ses fonctions, même si le mandant n’a pas autorisé, légitimé ou couvert ces actes, même s’il ne les connaissait pas ou même s’il les avait interdits ou désapprouvés.

En général, les affaires délictuelles comportent des situations où la responsabilité patronale découle de la négligence ou de la fraude du mandataire ou employé au détriment du tiers lésé. Néanmoins, elles comportent également des situations où la supercherie de l’employé ou mandataire est commise au détriment du demandeur de bonne foi par l’intermédiaire de l’employeur ou mandant: voir S. Pearson & Son Ltd. v. Dublin Corp.[23]. Dans Anglo Scottish Beet Sugar Corp. Ltd. v. Spalding U.D.C.[24], le juge Atkinson a traité de l’arrêt Pearson en ces termes (à la p. 620):

[TRADUCTION] …il était prouvé que certains mandataires de la défenderesse avaient fait des déclarations malhonnêtes qui avaient été communiquées à la demanderesse par un mandant de bonne foi, il s’agissait ensuite de savoir si la stipulation qui, l’on était d’accord à le reconnaître, n’aurait pas protégé le mandant des conséquences de sa propre fraude, pouvait le protéger des conséquences de la fraude commise par son mandataire; il a été décidé que la fraude du mandataire devait être considérée celle du mandant et la clause n’offrait aucune protection.

Dans Egger v. Viscount Chelmsford[25], lord Denning a parlé de l’arrêt Pearson en des termes plus mitigés disant que (à la p. 262) [TRADUCTION] «il

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faut se rappeler que ces remarques [celles de lord Loreburn et de lord Halsbury dans l’affaire Pearson] ont été formulées dans une affaire où le mandataire fraudeur avait fait une fausse déclaration sachant qu’elle serait de bonne foi transmise à un tiers par le mandant». La présente cause s’accommode également de cette appréciation.

Les affaires de gonflage de feuilles de paie diffèrent passablement des affaires délictuelles, même de celles où la fraude du mandataire ou employé est commise au détriment du tiers lésé par l’intermédiaire d’un mandant de bonne foi. Évidemment, il y a une ressemblance dans la mesure où le signataire des chèques participe de bonne foi à la fraude. Cependant, le commis malhonnête préposé aux feuilles de paie n’agit pas dans le cadre de ses fonctions (c’est-à-dire préparer les feuilles de paie) lorsqu’il s’empare des chèques et les encaisse sur de faux endossements. Néanmoins, à ce stade, la question est de savoir si la banque tirée peut invoquer le par. (5) de l’art. 21 de la Loi sur les lettres de change et considérer les chèques payables au porteur. Je ne crois pas que, pour y répondre, il y ait lieu de rechercher comment l’affaire se présente après enquête complète sur l’étendue de la fraude et de la contrefaçon. La situation s’est cristallisée lorsque le commis chargé de préparer les feuilles de paie y a inséré le nom de certaines personnes, fictives ou existantes, à qui rien n’est dû et à l’ordre de qui le véritable tireur a fait des chèques.

Il existe une distinction subtile, trop subtile à mon avis, entre le cas où une fraude du présent type est commise par le préposé autorisé à signer les chèques et le cas où la fraude est perpétrée par le commis chargé de préparer les feuilles de paie sur qui le signataire autorisé doit généralement se fier lorsqu’il émet les chèques de paie. Le Restatement of Agency Second (1958) accepte cette distinction et estime que la banque tirée qui agit de bonne foi est protégée dans le premier cas et responsable de la perte dans le second cas: voir art. 173, Comment b; art. 280, Comment b. Sous l’art. 280, le rédacteur souligne, entre autres, que [TRADUCTION] «attribuer au mandant la connaissance que l’agent a des faits est une façon détournée de dire que le mandant est responsable du comporte-

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ment du mandataire, et ce détour ne doit être admis que lorsqu’il est équitable» (à la p. 482 du Restatement of Agency Second, Annexe).

La distinction établie au Restatement of Agency Second semble fondée sur une jurisprudence différente de celle qui a mené au développement du droit actuel sur la responsabilité patronale en matière délictuelle. Elle recherche jusqu’à quel point la connaissance propre au mandataire des faits relatifs à une transaction qu’il exécute pour le mandant, va être attribuée à ce dernier. La règle générale d’attribution dans un tel cas (et je l’expose carrément sans tenir compte des distinctions apportées par la jurisprudence: voir Powell, Agency (2e ed. 1961) aux pp. 236 et s.) admet une exception, le cas où pour ses fins propres, le mandataire fraude son mandat: voir, par exemple Bowstead, Agency (13e ed. 1968), aux pp. 356-57; Corporation Agencies Ltd. c. Home Bank of Canada[26], à la p. 718. J’estime inapplicable en l’espèce cette jurisprudence où l’on considère essentiellement ce qu’un tiers a communiqué au mandataire et vice versa, ou ce qu’un mandataire connaît ou devrait connaître lorsqu’il agit pour le mandant. Il me semble que les affaires délictuelles offrent une meilleure analogie en ce qu’on s’y demande quand exactement l’activité d’un employé ou mandataire dans un intérêt contraire à celui de son employeur ou mandant a pour effet de le faire sortir de l’exercice de ses fonctions.

J’ai déjà examiné les considérations de principe qui, selon moi, font qu’il est plus équitable que l’employeur, en l’espèce le tireur, plutôt que la banque tirée supporte la perte à moins que la banque n’ait été négligente ou ne puisse, pour d’autres motifs, invoquer le par. (5) de l’art. 21 de la Loi sur les lettres de change.

En l’espèce, aucune négligence n’a été commise et il n’existe aucune fin de non-recevoir contre la banque. La preuve en la présente cause démontre que les chèques présentés au préposé autorisé à les signer ont été signés en paquets sans vérification, et l’assertion du juge de première instance que certains preneurs étaient connus du tireur à titre d’anciens employés à qui les paiements étaient

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destinés ne peut être considérée que comme une conclusion tirée post facto d’un examen des chèques fait après la mise à jour des contrefaçons. On ne doit faire aucune distinction entre les chèques payables à des personnes fictives ou des personnes qui ne sont pas d’anciens employés et des chèques payables à des personnes qui sont d’anciens employés du tireur. Aucun de ces preneurs n’avait droit au montant des chèques et je ne vois aucune raison de faire une distinction au niveau de l’aspect fictif entre ces deux types de cas.

Par conséquent, j’accueillerais le pourvoi, j’infirmerais le jugement de $67,470.13 avec intérêts accordé à l’intimée et je rejetterais l’action de l’intimée. L’appelante a droit à ses dépens dans toutes les cours.

Le jugement des juges Martland, Judson, Ritchie, Pigeon, Beetz et de Grandpré a été rendu par

LE JUGE PIGEON — Ce pourvoi est à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Québec qui a confirmé le jugement de la Cour supérieure condamnant la banque appelante à payer à l’intimée la somme de $67,470.13, soit le montant total d’un grand nombre de chèques payés sur des endossements faux.

Les faits ne sont pas contestés, en voici l’essentiel. L’employé de l’intimée chargé de voir à la paie de ses nombreux ouvriers a, pendant plus d’un an, préparé des chèques faits payables à des personnes qui n’y avaient aucun droit. Tous ces chèques ont été signés par un préposé dûment autorisé en même temps que les autres chèques de paie. L’employé malhonnête s’en est emparé et en a touché le montant sur des endossements faux. Lorsque la fraude a été découverte, l’avis requis a été donné à la Banque suivant le par. 3 de l’art. 49 de la Loi sur les lettres de change (aujourd’hui S.R.C. c. B-5).

Sur un certain nombre des chèques encaissés frauduleusement, le nom du preneur n’est celui d’aucun ouvrier ayant été à l’emploi de l’intimée. Ces chèques-là ont été considérés par le premier juge comme faits payables au porteur suivant le par. 5 de l’art. 21 de la Loi sur les lettres de change qui se lit comme suit:

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5. Lorsque le preneur est une personne fictive ou qui n’existe pas, la lettre de change peut être considérée comme payable au porteur.

Les chèques pour le montant desquels la poursuite a été accueillie ont tous été faits payables à des ouvriers qui avaient été au service de l’intimée mais auxquels il n’était rien dû pour la période de paie visée. A cet égard, les parties ont lors du procès, signé la déclaration suivante:

[TRADUCTION] Les noms inscrits comme preneurs des chèques énumérés sur les listes de preneurs frauduleux classées:…

c) au dossier N° 681,012 comme P-5 totalisant $67,470.13

sont les noms d’anciens employés de la demanderesse, mais qui n’étaient pas à son emploi lorsque les chèques ont été faits.

Après une revue très complète de la jurisprudence pertinente, la Cour d’appel à l’instar de la Cour supérieure a appliqué la règle énoncée comme suit par Falconbridge, Banking and Bills of Exchange, 6e éd. à la p. 468:

[TRADUCTION] (4) Si Martin Chuzzlewit est le nom d’une personne existante à qui Bede destine le paiement, le preneur n’est ni fictif, ni inexistant, quoique Bede ait été amené à rédiger la lettre de change par des manœuvres frauduleuses d’une autre personne qui a fait croire à Bede qu’il y a une transaction au regard de laquelle Chuzzlewit a droit au montant spécifié dans la lettre de change.

Toute la jurisprudence canadienne récente est en ce sens-là: Harley v. Bank of Toronto[27] (Cour d’appel de l’Ontario); Banque de Montréal c. Barbeau[28] (Cour d’appel du Québec); Zurich Life Insurance Co. of Canada v. Royal Bank of Canada[29] (Cour suprême de la Colombie-Britannique). Cette jurisprudence s’inspire de l’arrêt de la Cour d’appel d’Angleterre dans Vinden v. Hughes[30] et de celui de la Chambre des Lords dans North & South Wales Bank Ltd. v. Macbeth[31].

[Page 484]

Rien de ce que l’avocat de l’appelante nous a dit, redit et répété, ne saurait nous justifier de considérer sérieusement, à l’encontre de cette jurisprudence si bien étudiée, quelques anciennes décisions où des juges du Québec et de l’Ontario en étaient venus à une conclusion différente en partant de l’arrêt Vagliano[32]. Comme le dit lord Robertson dans l’affaire Macbeth (à la p. 140):

[TRADUCTION] Les faits dans l’affaire Vagliano sont si différents qu’elle est sans application en l’espèce.

L’avocat de l’appelante a soutenu que dans une situation comme celle-ci, où la personne autorisée à signer les chèques apposait sa signature mécaniquement à une quantité de chèques sans connaître personnellement aucun des preneurs, il n’y avait pas lieu d’appliquer la même règle que lorsqu’il s’agissait d’un particulier auquel on faisait signer un chèque par une fausse déclaration explicite, comme c’était le cas dans la plupart des affaires qui ont donné naissance à la jurisprudence ci-dessus mentionnée. Je ne puis apercevoir aucun motif valable d’établir une telle distinction. Au contraire, à l’ère des chèques faits par ordinateur, il me semble encore plus désirable de ne pas faciliter l’entreprise des fraudeurs.

En rendant les banques responsables des chèques encaissés sur un endossement faux, notre Loi sur les lettres de change tend indubitablement à rendre l’encaissement frauduleux plus difficile. Il est notoire qu’en conséquence les administrations publiques comme les entreprises privées comptent beaucoup sur la responsabilité de ceux qui paient les chèques qu’elles émettent, pour contrecarrer toutes sortes de fraudes en même temps que pour protéger ceux auxquels les paiements sont destinés. Je ne puis accepter l’argument que l’avocat de l’appelante nous a présenté en citant d’autres législations qui affranchissent les banques de cette responsabilité. Il ne nous appartient pas d’en apprécier les résultats, mais on n’a même pas tenté de nous démontrer qu’ils étaient favorables. Si l’appelante le croit, c’est au Parlement qu’elle doit s’adresser pour demander la modification de notre Loi sur les lettres de change. Rien ne saurait nous justifier d’en changer l’interprétation parce qu’une règle différente a été législativement décrétée ailleurs.

[Page 485]

Le pourvoi doit être rejeté avec dépens.

LE JUGE SPENCE (dissident) — J’ai eu l’occasion de lire les motifs de jugement du Juge en chef et du juge Pigeon. Toutefois, j’estime que je dois exprimer ma propre opinion au regard du présent pourvoi. Afin de souligner les circonstances exceptionnelles de la présente affaire, j’estime également qu’il convient de relater brièvement les faits que l’on a qualifiés d’incontestés aux factums de l’appelante et de l’intimée.

Concrete Column Clamps (1961) Limited et deux compagnies affiliées sont la propriété d’actionnaires interdépendants et elles sont gérées par des administrateurs interdépendants. Ces compagnies ont de nombreux employés à leur service, surtout des journaliers et des menuisiers embauchés sur une base horaire. Elles emploient constamment environ 300 hommes qui travaillent à différents chantiers situés au Québec et en Ontario. L’indice du roulement de la main d’œuvre est très élevé. Les feuilles de paie des trois compagnies sont centralisées et un certain Gingras y était préposé. En cette qualité, il préparait tous les chèques de paie pour les trois compagnies, y inscrivant les montants et les noms des employés. Il soumettait ensuite ces chèques de paie au préposé autorisé à les signer.

Le signataire autorisé qui a signé la grande majorité des chèques n’était pas actionnaire, ni administrateur, mais plutôt un simple employé de bureau. Il a décrit ses tâches en ces termes: [TRADUCTION] «Je recevais simplement les chèques par paquets et j’y apposais simplement ma signature». Et lorsqu’on lui a demandé s’il connaissait les employés qui travaillaient pour la compagnie, il a répondu [TRADUCTION] «Non, à l’exception de ceux du garage qui travaillaient à notre local ici — c’est tout». Il semble n’y avoir eu aucune vérification du droit des preneurs au paiement des montants inscrits sur les chèques. En fait, Gingras s’est montré non seulement malhonnête mais aussi ingénieux. Parmi les nombreux chèques de paie validement faits à l’ordre des employés, il a inséré d’autres chèques dont les preneurs étaient des personnes à qui aucun salaire n’était dû. Une enquête ultérieure a démontré que plusieurs de ces personnes étaient des travailleurs qui, à un moment

[Page 486]

donné ou parfois à quelques occasions, avaient déjà été embauchés par la compagnie. Quant aux autres noms, Gingras les a puisés à une source inconnue, peut-être l’annulaire téléphonique ou simplement son imagination. Après s’être emparé de tous les faux chèques que le signataire autorisé avait signés en même temps que les autres, il les a encaissés sur de faux endossements.

Entre août 1963 et janvier 1965, Gingras avait préparé plus de mille de ces faux chèques avant que sa fraude ne soit découverte. Aucun de ces chèques ne dépassait un montant de $90 mais le total est de $94,206.14. Une enquête ultérieure a démontré que de ce total, la somme de $26,736.01 provenait de chèques faits à l’ordre de personnes dont l’identité n’a jamais été établie, et la somme de $67,417.13 provenait de chèques faits payables au nom d’anciens employés. Naturellement, à l’époque où ces chèques ont été émis, aucune de ces personnes n’était en droit de recevoir un chèque de paie.

Au regard du premier groupe de chèques sur lesquels Gingras avait inscrit comme preneurs les noms de personnes dont l’inexistence a été démontrée, les cours d’instance inférieure ont décidé que ces chèques avaient été émis à des personnes fictives et elles ont conclu à l’application du par. (5) de l’art. 21 de la Loi sur les lettres de change, S.R.C. 1970, c. B-5. Voici le par. (5) de l’art. 21:

Lorsque le preneur est une personne fictive ou qui n’existe pas, la lettre de change peut être considérée comme payable au porteur.

Les chèques ont donc été considérés comme payables au porteur et l’intimée a échoué dans son action visant à recouvrer de la Banque royale le total de ces chèques. Aucun pourvoi n’a été interjeté de cette décision.

Cependant, au regard des chèques du second groupe totalisant $67,417.13, les cours d’instance inférieure ont conclu à l’application de l’art. 49 de la Loi sur les lettres de change, que le Juge en chef a cité au complet dans ses motifs de jugement et qui vise le cas de faux endossements qu’il convient de distinguer du cas où les preneurs sont des

[Page 487]

personnes fictives. L’intimée a donc recouvré ce montant de l’appelante en l’espèce, la Banque Royale du Canada.

Dans ces circonstances, le Juge en chef de cette Cour conclut que les cours d’instance inférieure ont commis une erreur en ce que l’intimée n’aurait pas dû obtenir gain de cause pour ladite somme de $67,417.13. D’autre part, le juge Pigeon est d’avis de rejeter le pourvoi.

J’ai lu attentivement les motifs de jugement de mes collègues et les nombreux précédents qui y sont mentionnés, et je conclus que cette Cour n’est liée par aucun de ces précédents et que plusieurs de ceux-ci tant du Royaume-Uni que du Canada, doivent être considérés comme subordonnés aux circonstances particulières qui leur sont propres. Il faut se rappeler également qu’il existait depuis de nombreuses années au Royaume-Uni ce qui est maintenant l’art. 60 de son Bills of Exchange Act. Cet article protège la banque tirée qui paie, de bonne foi, des chèques sur de faux endossements. Je suis d’avis qu’il est illogique en l’espèce de considérer comme fictives ou inexistantes les personnes dont l’identité n’a pu être établie, alors que l’on exclut de cette catégorie les anciens employés à qui aucune dette n’était due à la date où les chèques ont été frauduleusement préparés par Gingras.

Il n’y a aucun doute que Gingras a frauduleusement émis chaque chèque. Il n’a jamais eu l’intention de destiner le montant de ces chèques aux personnes à l’ordre de qui ils étaient payables. Gingras se destinait tous les montants et il les a effectivement reçus. D’autre part, le préposé autorisé à signer les chèques y a apposé sa signature uniquement parce que Gingras lui avait affirmé que ces personnes étaient en droit de recevoir un chèque de paie. Que Gingras ait trouvé les faux noms à inscrire sur les chèques en consultant la liste des anciens employés de la compagnie ou en consultant simplement l’annuaire téléphonique, cela ne fait, à mon avis, aucune différence. Pour aucun de ces chèques, Gingras n’a eu l’intention que le preneur en reçoive le montant. Pour tous ces chèques, le signataire autorisé en destinait le montant au preneur car il agissait à partir de fausses informations selon lesquelles du salaire était dû.

[Page 488]

Dans les circonstances, je suis d’avis que la jurisprudence citée au cours des plaidoiries et traitant de fraudes commises en diverses circonstances est tout simplement inapplicable, et je suis également d’avis que cette Cour, en tant que cour de dernier ressort, se doit d’adopter le principe selon lequel le tireur du chèque doit supporter le risque de perte provenant du gonflage de feuilles de paie.

Premièrement, il faut réaliser qu’en l’espèce la banque n’est coupable d’aucune négligence. Tous les chèques qui ont été présentés pour paiement à la banque avaient été émis par l’intimée et signés par son préposé dûment autorisé. Ces chèques étaient présentés en grand nombre hebdomadairement. Il est impossible pour la banque de vérifier l’existence réelle d’un preneur désigné ou le fait que ce preneur est titulaire d’une créance. D’autre part, la compagnie intimée a choisi Gingras comme commis préposé à la préparation des feuilles de paie et lui a ensuite donné sans contrôle l’occasion d’exécuter ses manœuvres frauduleuses. La division comptable n’effectuait aucune vérification de ces chèques. Ceux-ci n’étaient pas vérifiés auprès des superviseurs qui transmettaient des feuilles de paie. Les chèques étaient tout simplement présentés au signataire autorisé qui les signait sans poser de questions et sans vérification.

Je suis d’avis qu’il aurait été relativement facile, suivant un processus gestionnaire normal, de contrer les manœuvres frauduleuses de Gingras par l’imposition de méthodes adéquates de contrôle et de vérification. D’ailleurs Gingras était un employé de confiance de la compagnie. Il est normal, au sein des grandes compagnies, d’obtenir des cautionnements au regard de ses employés de confiance et les primes relatives à ces cautionnements sont considérées, à juste titre, comme figurant au chapitre des coûts normaux d’exploitation. Par conséquent, dans ces circonstances, la bonne administration de la justice exige que cette Cour en vienne à la conclusion que la perte doit être supportée par l’employeur et non par la banque qui a agi dans le cours ordinaire de ses affaires et à qui aucun reproche ne peut être adressé.

Par conséquent, j’accueillerais le pourvoi avec dépens.

[Page 489]

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Ogilvy, Cope, Porteous, Hansard, Marier, Montgomery & Renault, Montréal.

Procureurs de l’intimée: Laing, Weldon, Courtois, Clarkson, Parsons, Gonthier & Tétrault, Montréal.

[1] Sub. nom. Royal Bank of Canada c. Fix Fast Ltd., [1974] C.A. 213.

[2] [1891] A.C. 107.

[3] [1905] 1 K.B. 795.

[4] [1908] A.C. 137.

[5] [1897] A.C. 90.

[6] (1881), 6 O.A.R. 192.

[7] (1904), 8 O.L.R. 238.

[8] (1916), 50 C.S. 214.

[9] [1938]O.R. 100.

[10] [1963] B.R. 753.

[11] [1950] O.R. 457.

[12] (1973), 36 D.L.R. (3d) 750 (C.-B.).

[13] [1974] C.A. 462.

[14] [1973] C.S. 959.

[15] (1891), 27 N.E. 371 (N.Y.).

[16] (1931), 175 N.E. 825 (111.).

[17] (1862), 1 H. & C 526, conf. 9 Jur. N.S. 333.

[18] [1941] R.C.S. 278, conf. [1942] A.C. 591.

[19] [1976] 1 All E.R. 97.

[20] [1912] A.C. 716.

[21] (1708), 1 Salk. 289, 91 E.R. 256.

[22] [1961] R.C.S. 189.

[23] [1907] A.C. 351.

[24] [1937] 2 K.B. 607.

[25] [1965] 1 Q.B. 248.

[26] [1925] R.C.S. 706, conf. [1927] A.C. 318.

[27] [1938] 2 D.L.R. 135.

[28] [1963] B.R. 753.

[29] (1973), 36 D.L.R. (3d) 750.

[30] [1905] 1 K.B. 795.

[31] [1908] A.C. 137.

[32] [1891] A.C. 107.


Parties
Demandeurs : Banque Royale du Canada
Défendeurs : Concrete Column Clamps (1961) Ltd.
Proposition de citation de la décision: Banque Royale du Canada c. Concrete Column Clamps (1961) Ltd., [1977] 2 R.C.S. 456 (1 avril 1976)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1976-04-01;.1977..2.r.c.s..456 ?
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